22_RES_16 - Résolution Laurent Balsiger et consorts - Hop Suisse ! Le Mondial 2022 arrive et nous sommes fier.e.s de notre Nati, une équipe unie par sa diversité… mais que faire pour limiter la Qatarstrophe ? (Développement et mise en discussion avec au moins 20 signatures).

Séance du Grand Conseil du mardi 11 octobre 2022, point 18 de l'ordre du jour

Texte déposé

Fan de football depuis mon enfance comme nombre d’entre vous, j’attends d’habitude le Mondial avec grande impatience et réserve le maximum de temps pour le visionner. Le Mondial 2022 s'ouvre dans moins de deux mois au Qatar et devrait être une des plus grandes occasions de réjouissance et de rencontres des nations en cette année 2022. La Suisse compte une magnifique équipe cosmopolite, unie par sa diversité et dont nous sommes toutes et tous très fier.es.

 

Toutefois, suite aux révélations de plus en plus nombreuses, dont celle d'Amnesty international France, il apparaît que des dizaines de milliers de travailleurs étrangers ont ou sont encore exploités ; le chiffre de plus de 6'500 décès a même été même évoqué par certains médias1 . Cette Coupe du monde a aussi un coût écologique : 3,6 millions de tonnes de CO2 d’après les prévisions de la FIFA. Ce chiffre serait sous-évalué « de 5 fois, voire plus » selon Gilles Dufrasne de l’ONG belge Carbon Market Watch. « Les stades ne seront utilisés qu‘un mois mais ils auront une durée de vie de 60 ans. Les organisateurs estiment donc que la Coupe du monde ne sera responsable que d’une petite portion des émissions »2.

 

Dans différents pays, des voix s’élèvent pour signifier qu’un tel coût humain et écologique est plus que questionnable, et pour que des limites soient posées pour les prochaines éditions. En Suisse, sur les 246 parlementaires invités par l’Ambassade du Qatar, seuls cinq élus se sont rendus à une réception autour du mondial3 . Il semble clair que des élu.es suisses de tous les partis expriment leur malaise face à la situation. Sans culpabiliser les nombreus·ses fans de football, les élu·es ont donc, d’un côté, symboliquement la possibilité d’amener le public à se questionner sur les coûts humains et écologiques d’une telle manifestation sportive, et d’un autre côté, la possibilité concrète de communiquer leur avis aux hautes instances du football.
 
Aussi, par cette résolution, le Grand Conseil à l'honneur d'inviter le Conseil d'Etat à:

  • Se prononcer publiquement sur les problématiques sociales et écologiques du Mondial de football 2022 ;
  • Ne soutenir en aucune manière cet événement, notamment en n'envoyant aucun.e représentant.e à la Coupe du monde de football 2022 au Qatar ;
  • Écrire aux directions des instances concernées, à savoir la FIFA (Fédération internationale de football association) et l'ASF (Association suisse de football) et leur demander de mettre en place des critères sociaux et environnementaux dans le processus d’attribution des prochaines Coupe du monde de football afin d’éviter qu'une telle situation ne se reproduise.

 

1: https://information.tv5monde.com/info/mondial-de-football-2022-au-qatar-des-milliers-de-travailleurs-sont-la-merci-d-employeurs-sans#:~:text=Depuis%202010%2C%20ils%20seraient%20plus,du%20monde%202022%2C%20au%20Qatar

2: https://www.radioclassique.fr/environnement/coupe-du-monde-au-qatar-les-aberrations-ecologiques-dun-evenement-tres-critique/ 

3: https://www.rts.ch/info/suisse/13423344-loperation-seduction-du-qatar-en-suisse-boudee-par-les-parlementaires.html

 

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Aurélien DemaurexV'L
Sébastien HumbertV'L
Sabine Glauser KrugVER
Rebecca JolyVER
Alberto CherubiniSOC
Valérie ZoncaVER
Muriel ThalmannSOC
Céline MisiegoEP
Mathieu BalsigerPLR
Alberto MocchiVER
Jerome De BenedictisV'L
Nathalie VezVER
Kilian DugganVER
Mathilde MarendazEP
Romain PilloudSOC
Cédric RotenSOC
Joëlle MinacciEP
Nathalie JaccardVER
Alexandre DémétriadèsSOC
Valérie InduniSOC
Sandra PasquierSOC
Géraldine DubuisVER
Claire Attinger DoepperSOC
Cendrine CachemailleSOC
Yannick MauryVER
Théophile SchenkerVER
Oriane SarrasinSOC
Thanh-My Tran-NhuSOC
Yves PaccaudSOC
Denis CorbozSOC
Sylvie Pittet BlanchetteSOC
Monique RyfSOC
Vincent JaquesSOC
Patricia Spack IsenrichSOC
Oscar CherbuinV'L
Blaise VionnetV'L
Julien EggenbergerSOC

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Laurent Balsiger (SOC) —

Dans moins de 38 jours, cela devrait être – pour un fan de football comme moi et de nombreux autres – le début d’un mois de réjouissances, d’abondance de matchs, de bières et de chips, de soirées entre amis, magiques et pleines d’émotion et de convivialité. Mais, cette année, il en sera un peu autrement pour nombre d’entre nous qui, trop mal à l’aise, ne pourrons regarder cet événement. Tout a commencé en 2010, avec l’attribution au Qatar par Sepp Blatter et ses amis de cet événement sportif majeur qu’est la Coupe du monde, suscitant à l’époque une vague de questions et remous.

Pourquoi attribuer cet événement à un pays qui ne vibre pas pour ce sport et qui connaît des conditions climatiques et politiques peu propices à sa pratique ? Cela m’avait questionné, indigné, mais cela semblait si loin. J’étais aussi très loin de réaliser tout ce que cela signifierait. Malheureusement, les choses se sont déroulées encore plus mal que nous l’avions imaginé, avec au compteur près de 6500 morts parmi les ouvriers qui ont œuvré à la construction des stades, dans des conditions inhumaines, et un bilan climatique et écologique catastrophique. On aurait pu imaginer que cela ferait réfléchir un certain nombre de footballeurs, et c’est probablement le cas, Dieu merci ! Mais d’autres, parmi les plus célèbres d’entre eux, comme la vedette française Kylian Mbappé ont montré encore tout récemment par leur réaction puérile le mépris pour ces questionnements, confirmant ainsi qu’ils sont déjà sur une autre planète où les abus divers et variés et les enjeux climatiques ne les concernent pas. Si je rêve encore que la planète sport tire des leçons de ce qui se passe au Qatar, l’attribution, il y a une semaine à peine, des Jeux olympiques asiatiques d’hiver à l’Arabie Saoudite – avec un projet pharaonique faisant fi des enjeux de notre société de plusieurs centaines de milliards de francs – m’a fait basculer dans un cauchemar.

Ces excès ont certainement incité de nombreuses villes à décider de boycotter cet événement et de ne pas organiser de retransmission sur leur domaine public. Ce sera aussi mon cas, car je ne peux plus regarder un match sans voir ce qui se cache derrière. Mais cette décision appartient à tout un chacun… Venons-en donc à la question de fond traitée par cette résolution. Vu que les milieux sportifs internationaux ne semblent pas vouloir se fixer de limites, à nous, politiques, de prendre nos responsabilités et de les ramener sur terre, avec ses limites, et de leur demander d’être en cohérence avec les enjeux sociétaux que nous connaissons actuellement, comme le respect des êtres humains, du climat et de l’environnement notamment. L’objet de cette résolution vise donc à demander aux instances concernées que cela ne se reproduise plus, à montrer un signal fort. Nous demandons par conséquent aux politiques de ne rien faire pour promouvoir cet événement, notamment en n’envoyant aucune délégation officielle vaudoise – je me permets de le préciser, car on m’a posé quelques questions à ce propos. Pour signaler un hors-jeu et qu’il n’y ait plus jamais de Qatar-strophe, mieux vaut siffler tard que jamais. Alors, merci de siffler avec moi pour remettre la balle en jeu et que nous puissions à nouveau, à l’avenir, sans arrière-pensée, soutenir à pleine voix notre magnifique équipe suisse unie et diversifiée sans gâcher la fête. Pour l’amour du foot, du sport, du fair-play – sur, mais aussi hors du terrain – je vous invite à soutenir cette résolution.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

La discussion est ouverte.

Mme Mathilde Marendaz (EP) —

Le groupe Ensemble à Gauche et POP soutient la résolution du député Balsiger. Le décès de 6500 ouvrières et ouvriers sur les chantiers des stades, au Qatar, dénoncé par des organisations comme Amnesty International sont en réalité des chiffres moindres comparativement à d’autres sources qui révèlent aujourd’hui un fonctionnement du travail connu au Qatar et dans cette Coupe du monde qui génère d’autres atteintes encore plus graves aux droits humains. L’ouvrage de Sébastien Castelier sorti ces jours « Les esclaves de l’homme-pétrole » dénonce cet esclavage contemporain derrière la Coupe du monde 2022 au Qatar.

Sans culpabiliser les nombreuses et nombreux fans de foot ni les enfants qui se réjouissent d’échanger des cartes et des stickers de la Coupe du monde, il est urgent que le Conseil d’Etat communique sa position sur les coûts humains et environnementaux derrière cet événement. Cela fait bien longtemps que cette manifestation sportive a des coûts humains et environnementaux majeurs. Les instances de la Fédération internationale de football (FIFA) et le Comité olympique, véritables machines à profits financiers, sont taxés de véritables mafias, même par les défenseurs de ce sport populaire. Or, nous voulons pouvoir jouer, profiter et regarder le football sans que cela se fasse au prix de sang sur les mains. Pourtant, les Etats semblent prêts à tout pour arranger ces événements et surtout pour en taire les coûts humains mortels derrière cette machine à profit qui entache les valeurs humanistes et populaires derrière ce sport et le football.

L’appel au boycott n’est pas la panacée face à un événement aussi populaire, mais nous ne pouvons tolérer que les graves atteintes aux droits humains de la Coupe du monde restent passées sous silence ; le boycott par les autorités permettrait de créer un précédent dans le siège des Coupes du monde à venir. En effet, c’est l’ensemble des logiques financières des grandes fédérations, type olympique ou FIFA, qui conduit à ces atteintes graves aux droits humains. Le Conseil d’Etat doit se positionner. C’est la raison pour laquelle notre groupe soutient cette résolution et nous réitérons par ailleurs que le Conseil d’Etat doit renoncer à toute invitation d’une délégation au Qatar, comme le suggère la question orale de mon collègue Hadrien Buclin qui sera traitée cet après-midi.

M. José Durussel (UDC) —

Cinq candidats en 2010 – Australie, Japon, Corée du Sud, Etats-Unis et le Qatar – et c’est ce dernier qui sort du chapeau. Douze ans ont passé et, durant dix ans, il n’y a eu aucune réaction. J’inviterai les différentes organisations internationales, nationales ou cantonales à se préoccuper de ce genre de problèmes socioécologiques importants lors des candidatures déjà. En 2008, on savait déjà exactement que le Qatar était candidat à l’organisation de la Coupe du monde. Etant du milieu du foot, je trouve assez surprenant d’aller jouer au Qatar, mais ce pays a tout de même une équipe nationale, il ne faut pas l’oublier. L’efficacité serait vraiment plus importante si vous interveniez au départ. Par ailleurs, comble de l’ironie dans cette histoire : les deux derniers présidents de la FIFA sont des Suisses. Et ils sont aussi influents ! Je trouve qu’il est un peu tard pour s’agiter sur le choix du lieu. Personnellement, je regarderai cette compétition dès le 20 novembre, avec le match d’ouverture qui opposera le Sénégal aux Pays-Bas. Le groupe UDC, dans sa grande majorité, va probablement refuser ou s’abstenir lors du vote sur cette résolution.

M. Sébastien Cala (SOC) —

Certains, ici ou dans la rue, pensent qu’il est vain de parler de la Coupe du monde au Qatar. D’autres affirment même qu’il est hypocrite de critiquer l’événement à quelques jours de la cérémonie d’ouverture. Je ne leur donne pas totalement tort. La résolution de notre collègue Balsiger ne changera rien à la bonne marche de la Coupe du monde ni à l’impact humain, social et écologique que représente cet événement. Malgré cela, je vais soutenir cette résolution. Je ne la soutiens pas dans une position d’appel au boycott populaire : tout le monde est libre de regarder ou non ce spectacle sportif et de partager des moments d’émotion entre amis. Si je soutiens ce texte, c’est parce que cette Coupe du monde est, à l’image de la résolution de notre collègue Balsiger et toutes proportions gardées, un symbole. Depuis le début du XXIe siècle, le Qatar utilise le sport – et particulièrement le football – comme outil de sa politique étrangère. Disons-le clairement, ce n’est pas le seul Etat à le faire. Ce n’est de loin pas le premier non plus et très certainement pas le dernier. L’attribution des Jeux asiatiques d’hiver à l’Arabie Saoudite en est un nouvel exemple. L’usage d’événements sportifs à des fins politiques n’est pas nouveau. Honnêtement, le Qatar n’est pas particulièrement à blâmer pour cela. Le gouvernement qatari l’est par contre pour la manière dont il a rendu cet événement possible. L’historien Georges Vigarello a dit : « Plus que d’autres pratiques, le sport révèle nos sociétés. » Le milieu sportif n’est pas une bulle hors du temps ; il s’insère, comme ses acteurs, dans un contexte sociopolitique. Aujourd’hui, les instances du sport international doivent en avoir conscience et revoir leurs critères d’attribution de ce type d’événements. Après Sotchi, après Pékin, le CIO en a pris conscience et a réajusté ses critères d’attribution des Jeux olympiques. Il est temps que la FIFA fasse de même pour la Coupe du monde de football. A ce titre, le monde politique se doit d’être attentif et symboliquement mobilisé afin d’inciter les instances sportives à évoluer. C’est en ce sens que j’apporte mon soutien à cette résolution et vous appelle, chères et chers collègues, à en faire de même.

M. Marc Vuilleumier (EP) —

Cela a été dit, nous soutiendrons cette résolution, car elle dénonce le mode d’attribution de la Coupe du monde ; elle dénonce le mode de réalisation des stades et demande qu’aucun représentant officiel vaudois ne participe à cette manifestation. Très clairement, elle fustige – à juste titre – la FIFA qui a attribué cette Coupe du monde au Qatar, pays qui n’a aucune tradition footballistique, sans parler du scandale écologique. Elle fustige aussi le gouvernement de ce pays qui a toléré, nous le savons tous, des conditions absolument déplorables et scandaleuses pour la réalisation des stades.

Nous sommes par contre reconnaissants à l’auteur de la résolution de ne pas faire d’amalgame entre ces conditions particulièrement scandaleuses et l’immense popularité du football et de la Coupe du monde, la deuxième manifestation sportive la plus suivie après les Jeux olympiques. Le football est un jeu, un sport populaire – et Dieu sait si ce terme populaire nous tient à cœur – qui est pratiqué par des centaines de millions de personnes et qui est suivi, en ce qui concerne la Coupe du monde, par des milliards de personnes, souvent de milieux et de conditions modestes et faisant partie des classes populaires. Le foot est un sport populaire, il doit le rester. Je me réjouis que cette résolution ne culpabilise pas toutes ces personnes – elles décideront elles-mêmes si elles veulent regarder l’événement ou pas – mais concentre ses critiques sur les organisateurs et, en la matière, il y a beaucoup à dire.

M. Patrick Simonin (PLR) —

Je déclare mes intérêts : j’ai pratiqué le FOTE pendant 40 ans ; je fréquente chaque semaine des matchs populaires opposant petits ou grands ; j’ai organisé de nombreux tournois de juniors et j’ai été supporteur de notre Nati lors de quatre Euro et une Coupe du monde en Europe. Oui, cette Coupe du monde au Qatar n’a rien de reluisant et chacun, à sa manière, s’en distancie. Les billets de l’Association suisse de football (ASF) ne s’écoulent pas bien, car de nombreux supporters ont décidé de ne pas soutenir notre équipe nationale sur place. Cet événement n’a rien de populaire et n’a rien de commun avec l’esprit du FOTE lors de rassemblements d’équipes nationales. Les enfants ne font pas leur album de vignettes, recalées par les cartes Pokémon. Des cités interdisent la tenue de fan zones sur le domaine public. En même temps, ne pas faire une fan zone sur le territoire public à la fin du mois de novembre ou au début du mois de décembre, cela arrange beaucoup de monde…

Et que font les porteurs de cette résolution pour marquer concrètement leur désapprobation ? Ont-ils dénoncé leur redevance radio-tv, redevance qui permet de mettre largement en lumière cet événement planétaire ? Pourquoi se focaliser maintenant sur cette Coupe du monde ? Elle a été attribuée le 2 décembre 2010. Les éliminatoires ont commencé le 6 juin 2019, avec des centaines et des centaines de matchs. Dans 68 jours, hormis le pays vainqueur, plus personne ne se souviendra de ce tournoi. Il ne s’agit pas de la sélection vaudoise et, comme nous tous, chacun à sa manière, le Conseil d’Etat fera ce que bon lui semble pour marquer son avis. Cette agitation juste avant les événements ponctuels ne mène à rien. D’autres catastrophes écologiques et sociétales se jouent depuis longtemps sur terre sans autant de protestation, par exemple pour les ouvriers agricoles qui cultivent les produits bio non durables que nous importons. Je vous remercie d’avance de ne pas soutenir cette résolution, comme la grande majorité du groupe PLR le fera. Hopp Schwiiiz !

M. Pierre-Alain Favrod (UDC) —

On peut être profondément attristé par les chiffres négatifs que cette Coupe du monde au Qatar produit, mais à un mois de cette fête du football, venir s’offusquer du coût écologique et social de cette manifestation ne sert absolument à rien. Vouloir maintenant culpabiliser les personnes qui veulent y participer, c’est franchement petit ! Il y a une seule chose de positif à retenir dans cette résolution, c’est que pour les prochaines attributions de la Coupe du monde, la FIFA réfléchisse un peu plus sur l’endroit et le coût que cet événement amène. Encore une fois, s’offusquer aujourd’hui, c’est du pur populisme ! Personnellement, ayant quatre fils fans de football et joueurs, je vous recommande de refuser cette résolution.

M. Yannick Maury (VER) —

Mme Marendaz et MM. Cala et Vuilleumier ont utilisé le mot « populaire », j’aimerais que l’on s’attarde quelques minutes sur ce que pense majoritairement et vraisemblablement notre population de cet événement. Il n’y a pas un jour qui passe sans que l’on entende – dans la presse, à la télévision sur les réseaux sociaux – des postures extrêmement critiques vis-à-vis de cette Coupe du monde de la part de la population de notre canton et plus largement de notre pays. A cet égard, relevons – comme cela a été relevé par Le Matin, par exemple – que le contingent de billets de la Coupe du monde prévu pour la Suisse peine à trouver preneur auprès de notre population. Il est donc à supposer que la plupart des Vaudoises et des Vaudois ne soutiennent pas l’attribution de cette Coupe du monde au Qatar pour des raisons évidentes de non-respect des droits humains et de la dignité humaine de la part de l’émirat et également pour des raisons écologiques.

En tant que représentants de la population vaudoise, nous devons entendre cette doléance et nous devons lui donner corps. En tant que Parlement, nous sommes le relais des préoccupations des habitants et des habitants de notre canton et nous devons les entendre, porter plus haut leur volonté. En droite cohérence avec la demande de boycott diplomatique que les Verts vaudois avaient adressée au Conseil d’Etat pour les derniers Jeux olympiques à Pékin, par respect pour la dignité humaine et afin de matérialiser l’attente de la population vaudoise, je vous invite à soutenir cette résolution qui ne culpabilise pas les personnes voulant assister à la manifestation, mais pointe assez intelligemment du doigt les vrais responsables, à savoir les instances dirigeantes du sport professionnel et international.

Mme Graziella Schaller (V'L) —

Je précise tout d’abord que je respecte les goûts et les intérêts de tout le monde. Je dois déclarer mes intérêts : je ne m’intéresse pas du tout au football et, à ce titre, je suis désolée de prendre la parole. Tout à l’heure, la présidente du Grand Conseil nous a incités à être efficaces dans notre travail, je trouve un peu regrettable que l’on passe des heures à discuter de ce sujet. Peut-être que, lors d’une prochaine séance, nous aurons une résolution concernant les Jeux asiatiques d’hiver et nous en parlerons pendant trois heures… Je vous propose donc de passer au vote après vous avoir précisé que dans sa grande majorité, notre groupe va soutenir cette résolution.

M. Alberto Mocchi (VER) —

Je pense qu’il faut revenir à ce que demande cette résolution : elle ne demande pas que la Police cantonale aille patrouiller dans les rues pour voir si quelqu’un est en train de regarder le match en buvant une bière. Ce qui est demandé, c’est que le Conseil d’Etat prenne publiquement position sur un certain nombre de problèmes liés à une partie du sport international et à certaines manifestations internationales. On a évoqué tout à l’heure les Jeux asiatiques d’hiver qui auront lieu en Arabie Saoudite, au milieu d’un désert. Aujourd’hui, je pense qu’il est important dans un canton comme le nôtre – un canton qui a une spécificité certaine en raison de la présence importante de fédérations internationales sportives – que nos autorités puissent aussi faire entendre leur voix et s’insurger contre certaines importantes dérives qui ont coûté la vie à des milliers de personnes lors de la construction des stades, ce qui constitue aujourd’hui un véritable scandale social et écologique. Cela ne veut pas dire que l’on ne doit pas soutenir l’équipe de Suisse, que l’on ne doit pas aimer le sport populaire ou même s’y opposer. Néanmoins, on peut faire entendre notre voix pour dire que ce type de sport, cette évolution des grandes manifestations sportives internationales, ne convient pas aux autorités vaudoises. On aime beaucoup répéter qu’on a la chance d’avoir ces fédérations sportives internationales dans notre canton, que ces fédérations tendent l’oreille à ce que peuvent susurrer les autorités vaudoises, alors profitons-en ! C’est la raison pour laquelle, comme la grande majorité du groupe des Verts, je soutiendrai cette résolution.

M. Hadrien Buclin (EP) —

J’aimerais contester l’idée défendue par plusieurs orateurs à droite et selon laquelle cette résolution n’aurait qu’une utilité symbolique. En fait, le régime au pouvoir au Qatar est un régime autoritaire qui utilise la Coupe du monde pour redorer son image et faire diversion par rapport aux atteintes très graves aux droits fondamentaux dans ce pays. Pour un tel régime, si des délégations comme celle issue du Conseil d’Etat vaudois ou d’autres délégations de pays démocratiques font le déplacement au Qatar, c’est du pain béni pour légitimer le régime, pour couvrir ses aspects peu reluisants. Or, il se trouve que le Conseil d’Etat a l’habitude d’envoyer une délégation lors de ces événements sportifs internationaux. Je rappelle que M. Leuba, en 2018, a fait le déplacement en Russie à l’occasion de la Coupe du monde, ce qui avait d’ailleurs suscité beaucoup de critiques à l’époque déjà, en raison du caractère de plus en plus autoritaire et menaçant pris par le régime de Poutine qui avait déjà fomenté une guerre à l’est de l’Ukraine – ce qui prend aujourd’hui une résonance particulière au vu des événements dramatiques de ces derniers mois.

Selon moi, il est donc très important – et je pèse mes mots – que le Parlement de ce canton se prononce contre l’envoi d’une délégation officielle au Qatar. Cela n’a rien d’un aspect purement symbolique ou d’une agitation sans fondement, mais il s’agit d’un message très clair envoyé au Conseil d’Etat pour dire que ce Parlement ne veut pas d’une attitude complaisante à l’égard des autorités qataries. Nous ne voulons pas faire le jeu de ce régime ; nous ne voulons pas contribuer à son opération visant à redorer son image. Il est temps de dire que les atteintes aux droits fondamentaux scandaleuses qui ont été constatées dans le cadre de la préparation de cette Coupe du monde ne sont pas acceptées et ne doivent pas être cautionnées à travers l’envoi d’une délégation vaudoise. Je vous remercie donc de soutenir cette résolution.

M. Jean Tschopp (SOC) —

Monsieur Durussel, à vous entendre, on a le sentiment que ce Grand Conseil – ou la population dans son ensemble – aurait été associé à la décision d’attribution de cette Coupe du monde au Qatar. Ce qui n’est bien évidemment pas le cas. En vous écoutant, on a aussi le sentiment que tout le monde se serait tu au moment où on a appris que le Qatar organiserait cette Coupe du monde. C’est totalement faux ! A cette époque déjà, il y a eu des critiques très virulentes – à juste titre – parce qu’il s’agit d’un non-sens absolu d’organiser cette Coupe du monde à cet endroit de la planète, qui par ailleurs n’a aucune culture ou tradition footballistique. La construction de ces stades, qui a occasionné plusieurs morts, est un désastre écologique en plein milieu d’un désert.

On pense toujours que les réactions que peuvent avoir telles ou telles autorités n’ont aucun impact, mais je pense que c’est faux. Notre histoire est remplie d’exemples qui montrent que, quand la population réagit, quand les autorités réagissent – je pense par exemple aux Jeux olympiques de 2014 à Sotchi, une compromission à tous points de vue – quand les Etats décident de ne pas envoyer de représentants, cela peut avoir un effet. On espère que cela fera réagir les décideurs autrement et qu’ils commenceront à se poser les bonnes questions. Bien évidemment, en aucun cas, cette résolution ne remet en cause un sport populaire pour les femmes et les hommes de ce canton, de ce pays et du monde entier. Le football doit rester un sport populaire, il ne s’agit pas de culpabiliser qui que ce soit, mais simplement de dire que nous nous trouvons face à quelque chose d’intolérable pour la planète en termes de facteurs humains et de coûts sociaux par rapport à l’attribution de cette Coupe du monde au Qatar.

M. François Cardinaux (PLR) —

Pour moi, cette résolution est une résolution pour les autruches : on se met la tête dans le sable et on laisse passer. Au contraire, allons avec une délégation sur place, allons discuter, rendons compte de ce qui se passe et faisons en sorte que nous ayons réellement un pouvoir. En protestant ici, cela n’avance à rien. Allons là-bas, regardons et prenons ensuite des décisions – et si possible pas à 20 jours de l’arrivée.

Mme Graziella Schaller (V'L) —

J’ai oublié, à la fin de ma déclaration précédente, de demander formellement une motion d’ordre pour passer directement au vote.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

La motion d’ordre est appuyée par au moins 20 membres.

La discussion sur la motion d’ordre est ouverte.

M. Yvan Pahud (UDC) —

Je rappelle à notre collègue Balsiger qu’une minute au Parlement coûte 220 francs… (Réactions dans la salle.) Je soutiendrai cette motion d’ordre pour faire des économies et pour que l’on se préoccupe de Vaudoises et de Vaudois et non de politique internationale.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

La discussion est close.

La motion d’ordre Graziella Schaller est acceptée par 111 voix contre 14 et 5 abstentions.

La résolution est adoptée par 69 voix contre 61 et 2 abstentions,

M. François Cardinaux (PLR) —

Je demande un vote nominal.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

Cette demande est appuyée par au moins 20 membres.

Celles et ceux qui acceptent la résolution votent oui ; celles et ceux qui la refusent votent non. Les abstentions sont possibles.

Au vote nominal, la résolution est adoptée par 70 voix contre 61 et 2 abstentions.

* Introduire vote nominal.

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