23_MOT_29 - Motion Laurent Balsiger et consorts au nom de Sébastien Humbert, Nicolas Suter et Pierre Wahlen - Mieux connaître le sous-sol vaudois pour favoriser la transition énergétique et climatique et la sécurité d’approvisionnement.

Séance du Grand Conseil du mardi 1er octobre 2024, point 10 de l'ordre du jour

Texte déposé

En 2018, le Canton se dotait d'une loi moderne et ambitieuse permettant de mieux cadrer la recherche et I’exploitation des ressources naturelles du sous-sol. A son art. 7, la LRNSS prévoit que le département en charge de I’environnement collabore activement avec tous les milieux intéressés, notamment les milieux académiques, pour favoriser la connaissance du sous-sol.

L'article en question prévoit également que les informations géologiques obtenues lors d'investigations dans le sous-sol sont transmises en tout temps et gratuitement au département ainsi qu'au département en charge du Musée cantonal de géologie.

 

Il convient cependant de passer la vitesse supérieure. Le sous-sol, dont la responsabilité de la gestion est du ressort du Canton, est un véritable potentiel en mains collectives pour contribuer à la transition énergétique et climatique de notre canton :

 

  • Géothermie : les différentes tentatives de forage géothermiques de moyenne profondeur dans le canton (Lavey-les-Bains, Vinzel, Montagny-près-Yverdon) ont donné des résultats mitigés, que ce soit la quantité d'eau (Lavey-les-Bains et Montagny-près-Yverdon) ou de la température pour permettre une viabilité économique et une subvention fédérale (Vinzel). A noter qu'à partir d'une certaine température, il est possible de produire également de l'électricité.
  • Eaux souterraines : si la température n'était pas celle souhaitée, le forage de Vinzel a permis la découverte d'une quantité significative d'eau souterraine. Certaines nappes d'eau souterraines ne sont pas encore connues et pourraient être utilisées pour l'approvisionnement en eau de boisson ou pour l'irrigation.
  • Métaux ou gaz stratégiques : il est possible que les aquifères profonds contiennent des quantités intéressantes de lithium ou de bore. Enfin, la présence d'hydrogène blanc ou de tout autre ressource pourrait aussi être potentiellement détectée.
  • Stockage CO2 : l'atteinte du zéro émission nette passera par la captation et le stockage de CO2. Plutôt que de le transporter sur des grandes distances, il pourrait être enfoui dans le sous-sol vaudois.

 

Aujourd’hui, les connaissances du sous-sol vaudois sont limitées et après les résultats décevants des forages exploratoires de Lavey, Yverdon et Vinzel, il est notamment nécessaire de soutenir la prise de risque des entreprises disposant de permis de recherche en lien avec la LRNSS pour poursuivre les investigations. En effet, les données sont anciennes, partielles et ne couvrent que certaines parties du territoire. De plus, celles transmises par les privés se limitent aux zones pour lesquelles des concessions ont été fournies par l'Etat. Aussi, il est primordial de conduire de manière systématique, en collaboration avec les entités disposant de permis de recherche en lien avec la LRNSS, des travaux pour acquérir et mutualiser des données étendues sur tout le canton et couvrant toutes les ressources potentielles, en faisant usage de méthodes de prospections modernes.

 

Ces données permettraient de développer une réelle politique d’exploration, d’exploitation et de préservation de notre sous-sol tout en augmentant les chances de succès des projets, notamment de géothermie voire de prospection d'eau potable ou d'irrigation. Il est crucial pour le succès des initiatives privées et des partenariats publics-privés en la matière que des données de qualité et diversifiées sur le territoire puissent être produites. L'exemple de Genève porte ses fruits : la campagne de prospection cantonale menée en 2021 a apporté des découvertes géologiques majeures ayant permis de confirmer le potentiel de la géothermie profonde et conduisant à une stratégie étendue de décarbonation du chauffage par utilisation des ressources du sous-sol (chaud et froid), ainsi qu’à une planification méthodique des infrastructures nécessaires[1].

 

Dès lors, les signataires de cette motion demandent au Conseil d'Etat de présenter au Grand Conseil un projet de décret afin de mener sans délai, en collaboration avec les entités ayant des permis de recherche liés à la LRNSS et notamment en soutenant la prise de risque de ces dernières, les travaux de prospection complémentaires nécessaires au renforcement la connaissance du sous-sol vaudois. Le potentiel multiple de ce dernier est crucial pour réussir la transition énergétique et climatique et par là-même améliorer la sécurité d’approvisionnement de notre Canton et de ses habitants et entreprises.

 

[1] Cf. https://www.geothermies.ch/actualites/resultats-de-la-campagne-3d:-le-potentiel-geothermique-de-geneve-est-confirme/66.

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Yannick MauryVER
Circé FuchsV'L
Jean-Louis RadiceV'L
Aurélien DemaurexV'L
Muriel ThalmannSOC
Sébastien HumbertV'L
Nicolas SuterPLR
Cédric RotenSOC
Cloé PointetV'L
Monique RyfSOC
David VogelV'L
Eliane DesarzensSOC
Cendrine CachemailleSOC
Alice GenoudVER
Nathalie VezVER
Grégory BovayPLR
Carole SchelkerPLR
Sandra PasquierSOC
Laure JatonSOC
Martine GerberVER
Valérie ZoncaVER
Jean-François ChapuisatV'L
Yolanda Müller ChablozVER
Denis CorbozSOC
Carole DuboisPLR
Pierre WahlenVER
Sylvie Pittet BlanchetteSOC
Jacques-André HauryV'L
Sergei AschwandenPLR
Isabelle FreymondIND
Jerome De BenedictisV'L
Sébastien CalaSOC
Yves PaccaudSOC
Géraldine DubuisVER
Blaise VionnetV'L
Théophile SchenkerVER
Regula ZellwegerPLR
Michael WyssaPLR
Oriane SarrasinSOC
Patricia Spack IsenrichSOC
Claude Nicole GrinVER

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Nicolas Suter (PLR) — Rapporteur-trice

Je remercie Cédric Aeschlimann, le secrétaire de la commission, pour son excellent travail. Selon les prévisions de la Direction générale de l’environnement (DGE), pour répondre aux besoins à long terme, la géothermie devrait être la chaleur principale des villes et des chauffages à distance. Elle pourrait couvrir 50 % des besoins de chaleur du canton, dont 10 % au moyen de la géothermie profonde. Le canton aurait donc tout intérêt à accélérer la connaissance de son sous-sol, qui présente de grands enjeux avec de multiples utilisations possibles : la recherche d’autres matériaux nécessaires à la transition – l’hydrogène dont nous avons déjà parlé, le lithium et d’autres sels – ainsi que la capacité de pouvoir éventuellement stocker du CO2. Le sous-sol peut être valorisé de différentes manières et il est donc important d’explorer ces pistes. Ainsi, cette motion ne se limite pas à la géothermie, mais elle cherche à voir comment valoriser le potentiel du sous-sol vaudois de manière globale. Ainsi, la motion demande au Conseil d’Etat de présenter au Grand Conseil un projet permettant de mener les travaux de prospection complémentaires nécessaires au renforcement de la connaissance du sous-sol vaudois, cela sans délai et en collaboration avec les entités ayant des permis de recherche liés à la Loi sur les ressources naturelles du sous-sol (LRNSS), notamment en soutenant leurs prises de risques. 

Les travaux de commission ont porté sur la notion de risque et il a été entendu que le canton ne se substituerait pas aux détenteurs de concessions ni ne réaliserait lui-même les forages. En revanche, la collecte d’informations et le développement d’une cartographie du sous-sol vaudois permettront la réduction des risques et aléas encourus par les porteurs de projets. L’autre sujet débattu est la compatibilité de la motion avec l’article 4 de la LRNSS, et tant pour les motionnaires que pour le département, il est clair que la motion s’inscrit dans le respect de cet article. En effet, il existe deux types de recherche. Premièrement, c’est la recherche ciblée à l’échelle locale, afin de déterminer où forer ; elle est de la responsabilité des acteurs privés qui bénéficient jusqu’à 60 % de subventions fédérales pour atteindre certains risques. Deuxièmement, il y a la recherche dans un contexte plus large, au niveau cantonal, dont certaines données sont déjà disponibles – des cartes, le musée cantonal de géologie, etc. – qui donnerait au canton de Vaud un « coup d’avance ». Les moyens de recherche d’aujourd’hui permettent d’avoir des informations plus précises et beaucoup plus détaillées. La présente motion exprime la volonté de donner au canton des moyens de mieux connaître son sous-sol, à une échelle plus large. La majorité de la commission s’y rallie par 12 voix et 3 abstentions.

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Laurent Balsiger (SOC) —

Je commence par rappeler une nouvelle fois mes intérêts : je suis directeur de la Société électrique des forces de l’Aubonne, vice-président d’EnergieÔ et également membre du comité des Gaziers romands. Nous sommes quatre députés impliqués dans le domaine énergétique à porter cette motion que nous avons construite ensemble : Nicolas Suter, Sébastien Humbert et Pierre Wahlen, que je remercie pour leur efficace et persévérante collaboration sur des thématiques complexes, ainsi que nous venons de le voir. 

Les principaux enjeux de la motion peuvent être résumés en trois points principaux. Il s’agit premièrement de la géothermie profonde, qui doit être la chaleur principale des villes au travers des chauffages à distance, et ainsi répondre à long terme à 50 % des besoins en chaleur de notre canton. A nouveau, il s’agit principalement des grands centres urbains, mais pas uniquement. L’énergie générée par la chaleur en profondeur se situe en bas du tableau des objectifs de l’actuelle Conception cantonale de l’énergie (CoCEn), mais son potentiel est important. Ce potentiel à confirmer pourra être trouvé par le biais des investigations dont il est question dans cette motion. 

Deuxièmement, il est vrai que les trois premiers forages vaudois n’ont pas donné les résultats escomptés, tant à Lavey et Vinzel qu’à Yverdon. Les entreprises qui ont mené ces forages ont investi plusieurs dizaines de millions, avec le soutien de la Confédération, mais il est important d’améliorer encore la connaissance de notre sous-sol pour augmenter la probabilité de succès. Ainsi, si ces forages ont contribué à augmenter les connaissances, il y a encore du travail à faire alors que les difficultés découragent certains partenaires. Je rappelle qu’en novembre dernier, Groupe E a annoncé mettre en pause ses projets de géothermie en raison de la priorisation des investissements et des risques financiers de ces projets. 

Troisièmement, l’accélération de la connaissance du sous-sol de notre canton présente de grands enjeux au vu des multiples utilisations possibles. Pour le canton et pour la géothermie, mais pas seulement, il est important que le canton puisse connaître les ressources dont il pourrait disposer. Ainsi, pour toutes ces raisons, et au nom du groupe socialiste, je vous remercie par avance de soutenir la motion et de la renvoyer au Conseil d’Etat.

M. Vassilis Venizelos (C-DJES) — Conseiller-ère d’Etat

« L’ignorant qui ignore qu’il ignore est plus ignorant que l’ignorant qui n’ignore pas qu’il ignore. » Or, la commission était consciente que nous ne connaissons malheureusement pas suffisamment notre sous-sol. C’est la raison pour laquelle il a été décidé de proposer ce texte « œcuménique » et je me réjouis que ce sujet réunisse les différentes sensibilités politiques présentes au sein de la Commission de l’environnement. Cette motion va dans la direction souhaitée par le Conseil d’Etat, ainsi que j’ai déjà eu l’occasion de le dire lors du débat précédent à l’ordre du jour. Nous connaissons mal notre sous-sol et nous devons nous donner les moyens de mieux le connaître. En effet, nous savons qu’il regorge de ressources, notamment en matière de géothermie, un potentiel qui mérite d’être utilisé et exploité. C’est une ressource locale et renouvelable qui nous permettra de nous affranchir des énergies fossiles et d’être autonomes en matière d’énergie thermique. Je vous invite donc à soutenir cette motion qui s’insère parfaitement dans le sillon tracé par le Conseil d’Etat.

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil prend la motion en considération avec quelques abstentions.

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