21_MOT_11 - Motion Muriel Cuendet Schmidt et consorts au nom Groupe socialiste - Pour limiter et rendre conforme aux normes du Conseil de l’Europe la durée des arrêts disciplinaires sous forme d’isolement au sein des établissements de détention vaudois.
Séance du Grand Conseil du mardi 21 mars 2023, point 22 de l'ordre du jour
Texte déposé
Actuellement, les durées d'arrêts disciplinaires dans les établissements de détention du canton de Vaud, sont fixées à 30 jours pour les personnes détenues majeures et à 10 jours pour les personnes détenues mineures[1]. La fixation de ces durées relève de la compétence cantonale et elles varient de 7 à 30 jours pour les cantons signataires du concordat latin sur la détention pénale des adultes. Notre canton applique les durées les plus longues de Suisse et se montre donc particulièrement sévère.
Mais en quoi consiste une sanction sous forme d’arrêts disciplinaires ? Les arrêts s'exécutent en principe dans des cellules spécialement prévues à cet effet, à l'intérieur de la section disciplinaire de l'établissement. Celles-ci sont le plus souvent agencées de manière rudimentaire avec un lit, une chaise, une surface plane et des sanitaires.[2] La personne détenue y passe 23h sur 24h, elle a droit à une heure de promenade par jour, peut parfois bénéficier de matériel pour écrire, de lecture d’ouvrages religieux, elle mange en cellule et ses contacts avec des personnes sont réduits au maximum.
Si l’existence de ce type de mesure est indispensable au maintien de l’ordre au sein des établissements pénitentiaires et au respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté, elle ne doit être ordonnée qu’en dernier recours, et les personnes détenues doivent voir leur droit à une procédure équitable respecté et sa durée doit être en adéquation avec le principe de la proportionnalité.
Or, la durée des arrêts disciplinaires dans le canton de Vaud, ne respecte pas les normes du Conseil de l’Europe fixées par le Comité́ européen pour la Prévention de la Torture (CPT) qui les fixe respectivement à 14 jours (majeurs) et 3 jours (mineurs). Je relève que selon l’Association pour la Prévention de la Torture (APT) : « La mise à l’isolement est une sanction grave, qui si elle est utilisée de manière prolongée et/ou répétée peut constituer un traitement inhumain ou dégradant, voire un acte de torture »[3], il est donc indispensable que notre Canton les ramène aux normes recommandées.
De plus, concernant les personnes détenues mineures et au regard des standards existants, cette durée semble elle aussi excessive et ne prend en compte ni les besoins spécifiques des mineurs, ni l’intérêt supérieur de l’enfant. Il convient de rappeler ici que les « Règles européennes pour les délinquants mineurs faisant l’objet de sanctions ou de mesures » insistent sur le fait que « la mise à l’isolement à titre disciplinaire ne peut être infligée que dans des cas exceptionnels, où d’autres sanctions seraient sans effet. Une telle mesure doit être ordonnée pour une durée déterminée, qui doit être aussi courte que possible »[4]. Le Comité́ européen pour la prévention de la torture (CPT) est encore plus précis en la matière :« le placement à l’isolement comme mesure disciplinaire ne devrait être imposé que pour des périodes très courtes, et en aucun cas pendant plus de trois jours »[5]. L’APT pour sa part, indique que : « Les mineurs ne doivent jamais être placés à l’isolement »[6].
Enfin, le sous-comité́ de l’ONU pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (SPT), indique dans son dernier rapport[7] : « Le SPT recommande à l’État partie d’envisager d’harmoniser la procédure de placement à l’isolement, si possible par voie législative et souhaite rappeler que la durée maximale d’isolement disciplinaire ne devrait pas excéder 14 jours, qu’il devrait être utilisé uniquement en dernier ressort dans des cas exceptionnels, pour une durée aussi brève que possible, sous contrôle indépendant et uniquement avec l’autorisation d’une autorité́ compétente. »
Au vu de ce qui précède, j’ai l’honneur de demander au Conseil d’État de modifier les lois, règlements et textes afférant à la durée des sanctions sous forme d’arrêts disciplinaires afin de respecter les normes du Conseil de l’Europe fixées par le Comité́ européen pour la Prévention de la Torture.
[1]https://www.vd.ch/fileadmin/user_upload/themes/securite/penitentiaire/fichiers_pdf/Concept_des_Lechaires.pdf
[2] David Millet, Les arrêts disciplinaires, in : Jusletter 23 janvier 2012
[3] Guide pratique : « Visiter un lieu de détention », p.112, APT, 2005
[4] CM/Rec. (2008)11du Comité des Ministres aux États membres sur les Règles européennes pour les délinquants mineurs faisant l’objet de sanctions ou de mesures, 95.4.
[5] Comité́ européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants 24ème rapport annuel du CPT, CPT/Inf. (2015) 1, p. 63
[6] Guide pratique : « Visiter un lieu de détention », p.112, APT, 2005
[7]https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-82583.html
Conclusion
Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures
Liste exhaustive des cosignataires
Signataire | Parti |
---|---|
Cendrine Cachemaille | SOC |
Cédric Echenard | SOC |
Isabelle Freymond | IND |
Eliane Desarzens | SOC |
Sébastien Cala | SOC |
Sébastien Pedroli | SOC |
Stéphane Montangero | SOC |
Jean-Claude Glardon | SOC |
Yves Paccaud | SOC |
Salvatore Guarna | SOC |
Anne-Sophie Betschart | SOC |
Julien Eggenberger | SOC |
Marc Vuilleumier | EP |
Valérie Induni | SOC |
Muriel Thalmann | SOC |
Delphine Probst | SOC |
Felix Stürner | VER |
Stéphane Balet | SOC |
Amélie Cherbuin | SOC |
Pierre Zwahlen | VER |
Monique Ryf | SOC |
Léonard Studer | |
Hadrien Buclin | EP |
Documents
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourLa commission des affaires juridiques a traité la motion de Mme Muriel Cuendet Schmidt et consorts pour limiter et rendre la durée des arrêts disciplinaires sous forme d'isolement au sein des établissements de détention vaudois conforme aux normes du Conseil de l'Europe. Cette motion a pour objectif de faire diminuer la durée des arrêts disciplinaires sous forme d'isolement. Ces arrêts disciplinaires sous forme d'isolement consistent à exécuter une peine dans des cellules spécialement prévues à l'intérieur de la section disciplinaire d’un établissement. Dans plusieurs d'entre eux, les cellules se trouvent au sous-sol avec un accès limité à la lumière du jour et sont souvent agencées de manière rudimentaire : un lit, une chaise, une surface plane tenant lieu de table, et des sanitaires. Dans certaines d'entre elles, les détenus n'ont pas accès directement à l'eau courante et doivent faire appel à un agent de détention pour boire. Ils y passent 23 heures sur 24, avec une promenade d'une heure par jour, disposent de matériel pour écrire et parfois pour lire, et les contacts sont réduits au maximum. Ce type de sanction est prononcé à la suite d'actes graves : agression d'un membre du personnel de l'établissement ou d’un détenu. La motionnaire précise qu'il n'était pas question de banaliser les problèmes de violence auxquels est confronté le personnel pénitentiaire, mais uniquement de remettre en cause la durée de ce type d'arrêt, ses effets collatéraux, ainsi que l'absence d'harmonisation entre les cantons signataires du concordat sur l'exécution des peines privatives de liberté et les mesures concernant les adultes et les jeunes adultes.
La motionnaire a exposé les trois problèmes principaux soulevés par sa motion, dont le premier concerne le non-respect des règles et des standards internationaux. En effet, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) et les règles Nelson Mandela fixent ces normes à 14 jours pour les personnes majeures et à 3 jours pour les personnes mineures. Or, dans le canton de Vaud, ce sont respectivement 30 et 10 jours qui peuvent être appliqués, ce qui est souvent épinglé dans le rapport du sous-comité des Nations unies pour la prévention de la torture. Le deuxième problème concerne les effets sur la santé psychique des personnes détenues et aussi sur le personnel du SPEN. En raison de leurs troubles ou déficiences, ces personnes adoptent fréquemment des attitudes incompatibles avec les règlements intérieurs des lieux de détention et subissent des sanctions sous la forme d'isolement. Or, ce type de sanction présente plus d'effets négatifs sur leur comportement et peut aggraver leur état. Dans l’un de ses rapports d'activité, la Commission nationale pour la prévention de la torture recommande aux autorités cantonales de chercher des solutions pour placer et traiter les détenus jugés dangereux en raison de leurs troubles mentaux dans des établissements psychiatriques fermés. Enfin, le troisième problème est lié à la disparité entre les cantons concernant la détention pénale et les jours d'arrêt sous forme d'isolement. Le canton de Vaud applique les peines les plus longues, tant pour les majeurs que pour les mineurs. Ce sont-là les motifs pour lesquels la motionnaire a déposé cette motion, car elle considère qu'il est indispensable de ramener les durées aux normes recommandées.
Lors de la discussion générale, une confusion a d'abord été rectifiée entre la sanction disciplinaire et les mesures disciplinaires pour les mineurs. Pour la sanction disciplinaire, on prévoit un maximum de 7 jours d'arrêt, et pour les mesures disciplinaires, on prévoit 10 jours de mesures, ordonnées par le Tribunal des mineurs. Ainsi, la personne mineure qui est dans un foyer et présente un comportement problématique réitéré peut être, en dernier recours, placée par une décision du juge jusqu'à un maximum de 10 jours dans un établissement de détention pour mineurs en régime ordinaire. En revanche, la sanction disciplinaire sous la forme d'arrêt disciplinaire pour une personne détenue qui est placée à l'établissement des mineurs aux Léchaires ne peut excéder 7 jours. En ce sens, le règlement vaudois est aligné avec le règlement concordataire.
Pour les mineurs, le délai de 7 jours qui relève de la compétence de l'établissement est un délai concordataire pour toute la Suisse romande. Les arrêts disciplinaires peuvent faire l'objet d’un recours et sont prononcés avec toute la proportionnalité qui s'impose ; il s'agit de l'ultima ratio. Par exemple, l'établissement des Léchaires n'a prononcé qu'une seule fois cette sanction pour une durée supérieure à trois jours : un jeune avait pris en otage une division, l’avait détruite et tenté d'y mettre le feu. Après moult négociations, c'est finalement le Détachement d'action rapide et de dissuasion (DARD) qui avait dû intervenir pour le maîtriser. Ainsi, le délai de 3 jours a été dépassé une fois en quelques années. Il ne doit pas être utilisé à la légère.
Les personnes devant être placées en arrêt pour des durées plus longues sont très agissantes ; elles sont condamnées sous l'angle du droit pénal des mineurs, ont entre 16 et 20 ans, et sont très agissantes vis-à-vis du personnel pénitentiaire et des autres détenus. Une personne souffrant de troubles psychiques – mineure ou majeure – n'est pas placée aux arrêts sans l'avis du médecin. S'agissant de la prise en charge des personnes majeures en détention, contrairement au droit des mineurs, il n'existe pas d'harmonisation sur le plan concordataire ou suisse. Chaque canton légifère d'après son propre droit disciplinaire qui règle aussi bien la détention provisoire que l'exécution de la sanction. D’ailleurs, le volet de la détention provisoire n'a jamais été et ne sera pas harmonisé au sein d'un concordat et celle de l’exécution des peines fait l'objet d'un droit concordataire. A nouveau, dans le canton de Vaud, la sanction disciplinaire en arrêt représente l’ultima ratio.
De manière générale, l'entrée en discussion avec les personnes détenues est privilégiée ; et, à ce propos la totalité des sanctions prononcées dans le canton de Vaud est en baisse. Sur toutes les sanctions prononcées excédant 14 jours, le pourcentage oscille entre 0,8 et 1,2 % sur les trois dernières années. Elle est aussi utilisée lors de faits grave : agression sur des collaborateurs, incendies volontaires ayant mis en danger la vie d'autrui, tentative d'évasion ou agression grave sur un codétenu. S'agissant de savoir si ces sanctions ont des effets, il est vrai que ce n’est pas toujours facile à dire, mais il s'agit aussi de prononcer des arrêts qui mettent les personnes dans les lieux de détention en sécurité.
Cependant, la raison qui pousse la majorité de la commission à recommander de ne pas prendre partiellement en considération cette motion réside dans la forme de celle-ci. En effet, ce qui est proposé par la motionnaire touche des règlements qui ne relèvent pas des compétences du Grand Conseil. En commission, il a été discuté de savoir si une transformation en postulat ou une modification de la motion pouvaient être envisagées. Ne voulant pas retirer l’objet, la motionnaire a proposé de corriger son texte. Par conséquent, une prise en considération partielle a été proposée à la commission, qui l’a refusée.
J’ai le privilège aujourd'hui de remplacer notre ancien collègue Nicolas Mattenberger, auteur du rapport de minorité dont j'étais également signataire. Vous l'aurez compris tant le développement de Mme Bettschart-Narbel était complet et relevait les points saillants pour les minoritaires, en vous demandant de soutenir cette motion, notre objectif vise à diminuer la durée des arrêts disciplinaires sous forme d'isolement dans les établissements de détention dans le canton de Vaud.
Je tiens à préciser que, pour la motionnaire ainsi que pour les minoritaires, avec le soutien à cette motion, il n'est pas du tout question de banaliser les problèmes de violence auxquels sont confrontés le personnel pénitentiaire ainsi que les autres acteurs de ce milieu. L’objectif porte uniquement sur la diminution de la durée de ce type d'arrêts et de ses effets collatéraux ainsi que l'absence d'harmonisation de cette durée parmi les signataires du concordat sur l'exécution des peines privatives de liberté et des mesures concernant les adultes et les jeunes adultes dans les cantons latins. En somme, il a pour objectif d'éviter que le canton de Vaud fasse cavalier seul avec des règlements qui contiennent des dispositions que seul lui connaît, alors que les autres cantons latins ont harmonisé les durées de détention.
La présidente de la commission l’a indiqué : le canton de Vaud connaît un problème important de respect des règles et des standards internationaux, puisqu’il ne les respecte pas. Et bien qu’on nous dise en commission que la pratique diffère des règlements, le constat est sans appel ; les règlements vaudois ne respectent pas les standards internationaux. Pour les minoritaires, cet élément suffit déjà à prendre ce texte en considération. L'autre argument essentiel concerne les effets sur la santé des personnes détenues et sur le personnel du SPEN. En effet, vous n'êtes pas sans savoir qu'une personne détenue sur deux aurait un passé psychiatrique et que les sanctions de ce type présentent plus d'effets négatifs sur le comportement, peut aggraver leur état et ainsi également aggraver les relations et la sécurité au sein des établissements pénitentiaires entre les personnes détenues et les agents qui assument la charge du maintien de la détention ; c’est un cercle vicieux qu'il faut absolument contenir.
Par conséquent, en prenant en considération cette motion, vous atteindrez également cet objectif. Comme indiqué en préambule, un élément important pour nous consiste à mettre un terme à cette particularité vaudoise, puisque le canton de Vaud – et franchement, cela ne fait l’objet d’aucune fierté – est celui qui applique les peines les plus longues, tant pour les majeurs que pour les mineurs. Je souhaite que notre canton se distingue, à bien des égards, mais pas sur ce point, car il n'y a rien de glorieux à être le canton qui sanctionne le plus longtemps, pour les majeurs comme pour les mineurs.
Les faits et les pratiques rapportés lors de la commission par le Conseil d'Etat et par l'administration n'ont pas du tout été propres à nous rassurer. Ainsi, il y a tout lieu de modifier de manière pérenne le cadre légal et réglementaire dans lequel s'inscrivent ces sanctions. Le seul moyen d'y arriver est de prendre en considération cette motion, raison pour laquelle je vous invite fermement à soutenir le rapport de minorité.
La discussion est ouverte.
Notre canton applique les durées les plus longues de Suisse en matière d'arrêts disciplinaires. Comme ce fut indiqué, la motion ne remet pas en question l'existence de ces arrêts, mais bien leur durée qui viole les normes du Conseil de l'Europe fixées par CPT. Le rapport de ce dernier, sorti en 2022, a réitéré, à propos de la Suisse, son souci que le règlement disciplinaire cantonal vaudois permette toujours la possibilité de l'isolement disciplinaire jusqu’à 20, voire 30 jours. Le CPT note que toute infraction commise par un détenu pouvant justifier l'imposition de sanctions plus sévères que l'arrêt disciplinaire recommandé de 14 jours devrait relever du système de justice pénale. Par conséquent, je me demande donc qui nous sommes aujourd'hui, en tant que députés, pour choisir nous aussi de ne pas suivre les recommandations du CPT et nous substituer au système de justice pénale.
A propos des mineurs, le règlement vaudois pour mineurs prévoit des arrêts jusqu'à 7 jours, alors que le CPT fixe la norme à 3. Le rapport de majorité présenté par Mme Bettschart-Narbel affirme que les Léchaires n’y auraient eu recours que dans des cas extrêmes. Or, la lecture du rapport du CPT de 2022 explicite que le placement en isolement est appliqué de manière excessive chez les mineurs et les jeunes adultes, dans les prisons vaudoises, par exemple pour le motif de lancer de boules de neige ! Une information que vous trouverez à la page 59 dudit rapport. Je considère que les propos relatés par le CPT viennent nuancer les propos du rapport de majorité selon lequel il ne s'agirait que de cas extrêmes. Le CPT souligne la nécessité de soutenir la motion pour respecter les normes internationales.
En conclusion, pour le respect de du droit international en matière de droits fondamentaux et pour celui des normes du comité de prévention contre la torture, et pour faire un pas visant à mettre fin à la violation des droits fondamentaux dans les contextes carcéraux vaudois, notre groupe politique soutiendra cette motion, en respect de nos engagements constitutionnels pour les droits fondamentaux.
Cette motion ne distingue pas la thématique des personnes mineures de celle des personnes majeures qui ne sont pas similaires dans les bases légales respectives. Pour la prise en charge des personnes mineures en détention, le règlement vaudois est aligné avec le règlement concordataire. Pour les mineurs, le délai de 7 jours qui relève de la compétence de l'établissement est un délai concordataire pour toute la Suisse romande, soit une harmonisation complète des pratiques des deux établissements concordataires, Pramont en Valais et les Léchaires dans le canton de Vaud. Les arrêts disciplinaires sont prononcés avec toute la proportionnalité qui s'impose et 7 jours correspondent à un délai maximum. L’établissement des Léchaires n'a d'ailleurs prononcé qu'une seule fois cette sanction pour une durée supérieure à 3 jours, pour un cas particulièrement grave.
Pour la prise en charge des personnes majeures en détention, contrairement au droit des mineurs, il n'existe pas d'harmonisation concordataire ou sur le plan Suisse. Chaque canton légifère d'après son propre droit disciplinaire, qui règle aussi bien la détention provisoire que l'exécution de la sanction. Tous les Etats ont toutefois connaissances de la cible de 14 jours, respectivement 15 jours, selon la source mise en avant, comme la limite maximale à avoir à l'esprit pour des arrêts disciplinaires Dans le canton de Vaud, le pourcentage de sanctions prononcées excédant 14 jours oscille entre 0,8 et 1,2 % sur les trois dernières années. Comme pour les personnes mineures, elles font référence à des faits graves : agression sur des collaborateurs, incendie volontaire ayant mis en danger la vie d'autrui, tentative d'évasion ou agression grave sur un codétenu.
Sur la forme de la motion, l'ancienne cheffe de département a exprimé un souci quant à sa prise en considération. En effet, une motion demande à modifier des lois ou à présenter un projet de décret, alors que les règlements relèvent de la compétence du Conseil d'Etat. Or, au niveau vaudois, toutes les dispositions en matière de sanctions disciplinaires se trouvent dans les règlements. La forme de la motion n'est donc pas adéquate, car aucune loi n'est concernée par cette demande. Les discussions ont évoqué la possibilité de modifier les conclusions de la motion, mais cela pose problème. En effet, dans le cas du droit de mineurs, il existe une compétence concordataire que le canton peut modifier, mais cela doit passer par tous les parlements cantonaux. Dans tous les cas, un texte modifié, voire transformé en postulat, présente tout de même le risque de ne pas être recevable. Et enfin, la motionnaire propose une modification des conclusions de sa motion.
En conclusion, au vu des aléas évoqués quant à la recevabilité de cette motion partiellement modifiée et surtout au vu du petit nombre de cas mentionnés pour lesquels les standards internationaux sont dépassés en cellule de réflexion, et cela dans des cas de faits graves, le groupe PLR vous invite à ne pas soutenir cette motion.
J’ai demandé la parole, mais en réalité je vais vous lire un message que m'a transmis notre ancienne collègue députée Muriel Cuendet Schmidt. Elle aimerait rappeler au Grand Conseil que la rédaction de la motion s’est basée sur ses observations faites lorsqu'elle était membre de la Commission des visiteurs et suite aux échanges avec les différents directeurs de prisons vaudoises. Elle aimerait rappeler également que le but de cette motion est de ramener la durée aux règles existantes et non de supprimer ce type d’arrêts. Les conditions de détention et des arrêts disciplinaires sont largement décrites dans les deux rapports ; la motionnaire n’y revient donc pas. Elle souhaite mettre en lumière non seulement l'absence de statistiques ou d'études démontrant l'efficacité de l'allongement de la durée des arrêts sous forme d'isolement, mais encore que la récidive des personnes détenues après un passage par des arrêts disciplinaires constitue un fait, lui, clairement établi. De plus, des études démontrent l'impact d’un arrêt sous forme d’isolement sur le psychisme de la personne. Nous nous retrouvons par conséquent face, d'une part, à l'absence de preuves de l'efficacité de l'allongement de la durée de ces arrêts et, d'autre part, à des études prouvant les effets délétères de ce type d'isolement sur la santé psychique. Il nous a été pourtant indiqué pendant la séance de commission que la sanction disciplinaire en arrêt représente l'ultima ratio et que sur toutes les sanctions prononcées excédant 14 jours, le pourcentage oscille entre 0,8 1,2 % sur les trois dernières années. Au vu de ce qui précède et de différents entretiens qui ont eu lieu lors des visites de la commission des visiteurs avec les directeurs et directrices adjoints, ramener la durée des arrêts serait donc tout à fait surmontable et ne représenterait pas une difficulté supplémentaire. Vaud s’alignerait simplement sur la pratique de la majorité des cantons suisses, sachant qu'il existe même des pays dans lesquels ce type de sanction a été abandonné, l’Irlande, par exemple.
Adopter la motion permettrait ainsi :
- de limiter les effets négatifs sur la santé des personnes détenues et sur les conditions de travail du personnel du SPEN ;
- de garantir une cohérence de notre politique de sanction ;
- de respecter les règles des standards internationaux.
Pour rappel, je suis membre de la Commission des visiteurs. L’usage mesuré des arrêts disciplinaires sous forme d'isolement reste incontournable, notamment pour le maintien de l'ordre au sein des établissements pénitentiaires et en respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté. Ordonnée en dernier recours, elle n’en demeure pas moins une mesure grave qui pèse très lourd dans la vie d'une personne détenue. Même s'il est important que son usage puisse être en adéquation avec les nécessités du milieu et les appréciations des professionnels responsables, il n'en reste pas moins que son cadre d'utilisation n'est pas conforme aux recommandations du CPT. Il convient donc de mettre en conformité la durée de ce type d'arrêts disciplinaires dans le canton de Vaud et de les fixer respectivement à 14 jours pour les majeurs et à 3 jours pour les mineurs, ainsi que de soutenir le rapport de minorité. Au vu de ce qui précède, le groupe des Vertes et des Verts recommande au Grand Conseil de prendre en considération cette motion et de la renvoyer au Conseil d'Etat.
Je rappelle mes intérêts de présidente de la Commission des visiteurs. Toutefois, je prends position en mon nom. Les arrêts disciplinaires sous forme d'isolement sont nécessaires au maintien de l'ordre au sein des établissements pénitentiaires. Ils sont pour la plupart ordonnés en dernier recours et constituent une réponse proportionnée à des situations difficiles. Durant nos visites des lieux de détention vaudois, il est apparu que les arrêts de plus de 14 jours représentent un taux maximum de 1,2 % des sanctions prononcées ces trois dernières années ; ils sont donc extrêmement rares et toujours en réponse à un comportement inadapté ou dangereux pour l'entourage ou pour les agents de détention. Les arrêts disciplinaires sont toujours prononcés de manière proportionnelle dans une logique de maintien du calme avant tout. Laissons cette marge de manœuvre au directeur de prison. Merci de soutenir le rapport de majorité et de classer cette motion.
La foi, la croyance incroyable que nous nourrissons dans ce canton dans les mesures d'enfermement et d'isolement s’avèrent très étranges. Du point de vue international, Vaud est maintenant épinglé par différentes instances des Nations Unies ou du Conseil de l'Europe. Mais, nous continuons ; nous considérons qu’enfermer et isoler règle les problèmes. Ne faudrait-il pas inverser la logique ?
Nous ne nous faisons pas d'illusions sur les comportements violents de certaines personnes détenues – nous ne sommes pas des « bisounours ». La question consiste plutôt à savoir si nous ne créons pas un cercle vicieux. Bien entendu, des personnes détenues souffrent de problèmes psychiques et elles sont même assez nombreuses, puisque selon le rapport, il s’agit de près de la moitié d'entre elles et d'entre eux. Ainsi, en enfermant et en isolant dans les conditions décrites dans les deux rapports que nous avons entendus, on crée d'autant plus de difficultés en augmentant la pression psychique sur ces personnes. Elles se comportent certainement d'autant plus violemment par la suite et, corollaire, la pression augmente sur le personnel pénitentiaire. Est-ce vraiment cela que nous voulons dans le canton ? Devons-nous tout faire autrement que les autres ? Non, nous ne sommes pas meilleurs. Nous avons plus de suicides en prison et nous avons beaucoup plus de difficultés à gérer les difficultés pénitentiaires : il faut changer la donne. Dans ce sens, la motion que nous propose notre collègue est la bonne et il s'agit bien, comme le conclut le rapport de majorité, de demander au Conseil d'Etat de modifier la Loi sur l'exécution des condamnations pénales ou toute autre loi, afin d'y intégrer les règles relatives aux sanctions sous forme d'arrêts disciplinaires afin de leur faire respecter les normes du Conseil de l'Europe fixées par le CPT.
Compte tenu de l’heure, je me limiterai à rappeler quelques éléments. D’abord, le droit international est respecté, contrairement à ce qui fut dit, et les règles pénitentiaires européennes ne préconisent pas de durée maximale, mais renvoient aux droits internes. Par conséquent, il est faux de dire que le canton de Vaud bafoue le droit international. En revanche, il est vrai que la CPT recommande une durée d'isolement maximale de 14 jours alors que les règlements vaudois autorisent une durée plus longue.
Pour ces 5 dernières années, je tiens à rappeler qu’en moyenne, 9 agressions graves d'agents de détention ont eu lieu par année et toutes ont été suivies d'arrêts maladie pour les agents concernés. Il me paraît essentiel que cet élément soit pris en compte dans notre évaluation de la situation. Pour reprendre l'expression utilisée par la présidente de la commission, ces mesures d’arrêts disciplinaires constituent vraiment l’ultima ratio. En effet, sur 1800 sanctions disciplinaires rendues par année, moins de 1 % sont des sanctions disciplinaires de plus de 14 jours, et encore moins au-delà de 20 jours. En outre, toutes ces décisions sont systématiquement soumises au Service de médecine et de psychiatrie pénitentiaires. Ainsi, il n’existe pas de personnes qui souffrent de troubles psychiques qui se voient contraintes par ces mesures disciplinaires.
J'entends bien entendu les préoccupations d'une partie du Parlement sur la nécessité de s'aligner sur les recommandations de la CPT. Vous vous en doutez, tout comme le SPEN et l’ensemble des agents de détention, je suis sensible à la nécessité de nous orienter vers ces délais, ces maxima posés par les recommandations de la CPT. Toutefois, un tel exercice doit être entrepris avec les agents de détention eux-mêmes. Comme je l’ai rappelé, ces derniers font malheureusement l'objet d'agressions, encore dans nos prisons vaudoises. La durée de cette mesure doit être discutée avec les gens du terrain, avec les personnes qui accompagnent les différents détenus au quotidien.
La minorité de la commission a opté pour le maintien du texte sous forme de motion. Or, il s’agit des bases réglementaires qui devraient être modifiées. Quel que soit le vote du Parlement sur la motion ou éventuellement la motion transformée en postulat ou encore la motion partiellement prise en compte, je m'engage devant vous – la réflexion est d’ores et déjà amorcée – à faire en sorte que les recommandations de la CPT soient prises en compte dans les pratiques à venir. Toutefois, une telle démarche ne peut pas se faire du jour au lendemain sur une simple décision, mais doit s’entreprendre de concert avec les agents de détention qui sont confrontés au quotidien à des détenus parfois dangereux et violents ; et certaines mesures disciplinaires doivent être maintenues dans ces établissements pénitentiaires.
M. le conseiller d'Etat et Mme la présidente de la Commission des visiteurs ont mentionné le pourcentage de dépassement du nombre d'arrêts prononcés dépassant les 14 jours, en matière d’adultes. Je souhaite que vous puissiez nous informer du nombre d'arrêts prononcés en pratique pour des mineurs qui dépassent les normes de 3 jours, afin de connaître le pourcentage précis les concernant, une information à laquelle il me paraît important d’accéder dans ce débat.
La réponse est brève : un cas.
Retour à l'ordre du jourLa discussion est close.
Le Grand Conseil refuse la prise en considération de la motion par 78 voix contre 55.