24_INI_3 - Initiative Philippe Miauton et consorts - Pour redonner une valeur au quorum.
Séance du Grand Conseil du mardi 19 novembre 2024, point 18 de l'ordre du jour
Texte déposé
La présente initiative législative constitutionnelle fait suite au récent débat du Grand
Conseil vaudois sur une autre initiative législative (22_INI_1) visant à préciser le champ
d’application du quorum lors des élections communales et cantonales. Concrètement
cette initiative (22_INI_1), renvoyée au Conseil d’Etat, vise à ce que des
listes qui n’atteindraient pas le quorum puissent y parvenir grâce à un apparentement.
Indépendamment du sort réservé à ce texte, au sens des soussignés, il convient de
veiller à ce que les partis (sur des listes apparentées ou non apparentées) qui
accèdent au parlement bénéficient d’un soutien significatif représentatif d’un
véritable courant d’opinion au sein de la population.
Par conséquent, nous proposons d’ancrer dans la Constitution le fait qu’à l’avenir un
quorum de 7% doit être obtenu par des listes ou des groupes de listes apparentées.
Cette proposition n’a pas fait l’objet d’un amendement durant les débats, mais sur le
fond, certains élus n’ont pas décrié l’observation.
Motivations du dépôt
● Le mode de scrutin proportionnel a cette vertu qu’il permet de représenter les
différents courants de pensée politiques d’une société. Il n’empêche, un
parlement n’a pas uniquement vocation à représenter des courants de pensée,
il doit également être capable de prendre des décisions, d’avoir des majorités.
Le quorum garantit cet objectif.
● L’efficacité, la prise de décision sont des paramètres tout aussi importants que
la représentation pour un système institutionnel et le quorum a ce rôle essentiel
de lutter contre la fragmentation excessive de la représentation parlementaire.
● La proportionnelle représente certes les différents courants de pensée, mais n’a
pas vocation à les représenter de manière exhaustive. Au contraire, doivent être
présents au parlement les partis qui bénéficient d’une assise réelle dans la
société représentant une part significative des convictions des citoyens. Là
encore, un quorum solide de 7% permettrait cela.
● Selon la pratique du Tribunal fédéral, un quorum de 10% constitue la limite
maximale admissible.
● Lors du renvoi de l’initiative mentionnée en introduction, la majorité du Grand
Conseil a souhaité que le calcul du quorum soit appliqué sur les partis et les
listes apparentées. Or maintenir le quorum à 5% présente plusieurs défauts
préjudiciables aux objectifs précités.
o Deux listes voire même plusieurs qui présenteraient des résultats en-
dessous de ce quorum pourraient aisément passer la rampe quand bien
même leur représentation ne répond pas à l’esprit du système électoral.
o Ce changement et ce quorum bas ouvriraient la porte à la
démultiplication des listes à l’interne même des grands partis rendant le
quorum indolore contrairement à aujourd’hui et éclatant la lisibilité
globale de l’élection.
● Le passage à 7% permet d’atténuer les effets néfastes résiduels du système
proposé tout en maintenant cette décision qui permet selon l’initiant d’attribuer
davantage de suffrages dans les résultats et d’éviter les listes mixtes.
● Le quorum ainsi sensiblement rehaussé permet de maintenir l’esprit du
système électoral.
Conclusion
Par ce texte, nous vous proposons en lien avec la modification de l’article 93, alinéa 4
de la Constitution du canton de Vaud pour permettre la modification de l’art. 61 LEDP.
Le texte suivant de correction de la Constitution est proposé :
Art. 93 al 4 nouveau « Les listes qui ont recueilli moins de 7% du total des suffrages
valables exprimés dans leur arrondissement ne sont pas prises en compte pour
l'attribution des sièges ».
Le Conseil d'Etat est également chargé de proposer si nécessaire au Grand Conseil la
modification de la loi connexe, soit la Loi sur l’exercice des droits politiques de la
manière suivante ici suggérée.
Article 61
● alinéa 1 : « Le bureau d'arrondissement élimine d'emblée toutes les listes qui
n'ont pas recueilli 7% au moins du total des suffrages valables émis dans
l'arrondissement (quorum) » ;
Au nom des groupes du PLR
Conclusion
Prise en considération immédiate
Liste exhaustive des cosignataires
Signataire | Parti |
---|---|
Grégory Devaud | PLR |
Olivier Petermann | PLR |
Chantal Weidmann Yenny | PLR |
Nicole Rapin | PLR |
Nicolas Suter | PLR |
Laurence Cretegny | PLR |
Philippe Germain | PLR |
Guy Gaudard | PLR |
Florence Gross | PLR |
Gérard Mojon | PLR |
Bernard Nicod | PLR |
Grégory Bovay | PLR |
Carole Dubois | PLR |
Alexandre Berthoud | PLR |
Jean-Franco Paillard | PLR |
Jean-François Cachin | PLR |
Josephine Byrne Garelli | PLR |
Monique Hofstetter | PLR |
Sergei Aschwanden | PLR |
John Desmeules | PLR |
Florence Bettschart-Narbel | PLR |
Elodie Golaz Grilli | PLR |
Mathieu Balsiger | PLR |
Laurence Bassin | PLR |
Loïc Bardet | PLR |
Pierre-André Romanens | PLR |
Aurélien Clerc | PLR |
Jean-Marc Udriot | PLR |
Marc Morandi | PLR |
Documents
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourLe cadre légal actuel prévoit un quorum de 5 %, fixé à l'article 93 de la Constitution et à l'article 73 de la Loi sur l’exercice des droits politiques (LEDP). Ainsi, lors des élections cantonales et dans les communes appliquant un système proportionnel, les listes obtenant moins de 5 % des voix n’obtiennent aucun siège. De plus, leurs voix, même en cas d'apparentement éventuel, disparaissent et ne sont pas comptabilisées dans le calcul de la répartition des sièges.
En décembre 2023, le Grand Conseil a accepté l'initiative de notre ancien collègue Christen, qui proposait que le quorum puisse être atteint par un apparentement de listes, et non uniquement par une liste individuelle. Les arguments avancés pour soutenir cette réforme étaient multiples : d'une part, la volonté de mieux prendre en compte la représentation des forces politiques ; d'autre part, de permettre une plus grande liberté d'organisation pour les formations politiques, en évitant qu'elles ne soient contraintes de s'allier pour constituer une liste unique, ce qui peut engendrer des problèmes organisationnels. Cette réforme visait aussi à éviter le vote utile pour les électeurs et, surtout, à mieux tenir compte des suffrages valablement exprimés. En effet, dans le système actuel, il est relativement facile d'atteindre des niveaux de suffrages non pris en compte, qui peuvent avoisiner 10 % des suffrages valablement exprimés, en raison du mécanisme d'exclusion des listes n'atteignant pas le quorum.
Suite à l'acceptation de l'initiative, le Conseil d'Etat dispose théoriquement d'un an pour la mettre en œuvre, ce qui nécessite une révision de la Constitution et de la LEDP. Il peut toutefois opposer un contre-projet. Dans ce contexte, le député Miauton a déposé deux propositions auprès de notre plénum. La première, qui demande la suppression des apparentements, sera examinée plus tard et se trouverait en opposition directe avec le texte de l'initiative Christen. La seconde, que nous traitons maintenant, propose de modifier la Constitution afin d'augmenter le quorum de 5 à 7 %.
Les arguments de l'initiant sont les suivants. Son initiative fait suite à l'acceptation du texte de Jérôme Christen et vise à rééquilibrer la situation. Etant donné que le quorum est plus facilement atteignable grâce aux apparentements, il propose de l'augmenter. Il souhaite éviter une représentation trop exhaustive des petits courants de pensée. Il souligne le risque que de petites listes, obtenant par exemple 2 %, 2 % et 1 %, puissent atteindre ensemble le quorum et obtenir un siège. Il évoque également le danger de démultiplication des listes, similaire à ce qui se passe pour les élections au Conseil national. Il n'y a pas de rapport de minorité ; c'est moi qui relaie son positionnement.
La minorité de la commission soutient l'initiative de notre collègue Miauton, pour les mêmes raisons qu'il défend. Elle souhaite surtout rétablir un équilibre suite à l'acceptation de l'initiative Christen. Selon la minorité, le texte de notre ancien collègue Christen, qui permet à trop de petites entités d'atteindre le quorum, risque de poser des problèmes de gouvernabilité dans notre canton et au sein de notre Parlement.
La majorité de la Commission des institutions et des droits politiques (CIDROPOL) refuse ce texte, et son analyse se fait en deux phases. La première consiste à envisager l'application de ce texte simultanément à l'initiative Christen. Ainsi, le quorum pourrait être atteint par un apparentement de listes, mais il serait augmenté à 7 %. Dans ce cas de figure, la nette majorité de la CIDROPOL rejette cette réforme, car elle estime qu'elle va à l'encontre d'un vote déjà adopté par le Grand Conseil. Selon cette majorité, la crainte concernant la gouvernabilité du système n'est pas fondée. Ils considèrent que ce n'est pas en ajoutant un petit groupe politique au Parlement qu'on remet en cause son fonctionnement. C'est plutôt en traitant de la LGC qu'il convient d'éviter d'éventuels problèmes, mais cela ne constitue pas une préoccupation pour la majorité de la commission.
Lorsqu’on analyse le texte de M. Miauton, il faut envisager le cas où il serait appliqué indépendamment de l’initiative de l’ancien collègue Christen. Dans ce scénario, au lieu du statu quo, chaque liste devrait atteindre 7 %, sous peine de ne pas obtenir de siège et de voir ses voix disparaître. Pour la nette majorité de la commission, cela poserait un véritable et même grave problème de représentativité politique, notamment pour les plus petits courants, dont plusieurs sont représentés ici. Ce problème se poserait tant au niveau cantonal qu'au niveau communal. Rehausser le quorum ferait disparaître des représentations dans plusieurs institutions politiques et soulèverait évidemment un problème de diversité des opinions au Parlement. En effet, un Parlement n’est pas seulement un lieu où l’on prend des décisions, c’est aussi un lieu où les débats doivent refléter les enjeux qui traversent la société.
Il est crucial qu’au sein des autorités politiques, on puisse faire émerger et débattre les enjeux, les différentes tendances et les questions qui traversent la société, afin de permettre à une institution démocratique de jouer pleinement son rôle. Cela permet de mieux appréhender des enjeux qui, autrement, risqueraient de se matérialiser de manière plus violente. C’est dans cette optique que la CIDROPOL rejette les motions de notre collègue Miauton. Par 10 voix contre 4 et 1 abstention, la commission recommande au Grand Conseil de classer cette initiative.
La discussion est ouverte.
Le constat est néanmoins assez récurrent, tant dans ce canton que dans d'autres, voire à l'échelle fédérale : les demandes de changement du système électoral, qui émergent souvent juste après certaines élections, sont généralement le fruit d'une frustration que je peux comprendre, notamment de la part de partis qui réalisent que l'apparentement n’a pas suffi, que le quorum est trop élevé, ou que certains éléments du système ne leur conviennent pas. Au fond, ce qui ne leur a pas permis de franchir le cap de l'élection est perçu comme un problème qu'il faut corriger. Ces réflexions sont souvent présentées sous couvert de représentativité des forces électorales, de l'aspiration à éviter l’entre-soi, et d’autres termes similaires, dans le but de corriger ce qui est jugé trop compliqué ou trop restrictif pour favoriser une représentation plus globale.
Dans le cas précis de la discussion que nous avons eue l'année dernière, c'est exactement ce que nous avons fait. L'initiative Christen, qui s'inscrit dans la même logique que celle proposée auparavant par notre collègue Courdesse, vise essentiellement à faire en sorte que les listes apparentées soient d'abord considérées comme une liste unique avant de passer par le cut du quorum. Cependant, ce changement, qui a été renvoyé au Conseil d'Etat, comporte certains effets que je qualifierais de pervers. En effet, il pousse à l’apparentement de partis qui, par définition, ont des idées qui peuvent différer. De plus, on introduit, à l’image du système fédéral, la possibilité de multiplier des listes sous-apparentées au sein d’un même parti. Cela entraîne une démultiplication des listes, une sorte de boulimie d’apparentements visant à franchir le seuil des 5 %.
Il y a ensuite la question de la représentativité. Imaginons un cas extrême, mais que je prends volontairement pour illustrer le propos : si plusieurs petits partis, disons cinq, chacun avec 1 %, parviennent à passer le cut et obtiennent un élu, cela pourrait aboutir à une situation où un petit parti, ayant obtenu 1,2 % par rapport à ses autres listes apparentées, verrait une de ses personnes élue au Grand Conseil. En revanche, d'autres partis, ayant des pourcentages proportionnellement plus élevés et donc davantage de voix, se retrouveraient non élus en raison de ce système de « bricolage » des apparentements.
Dans cette réflexion, cet élément rend, en réalité, le quorum presque inutile. La raison d'être du quorum disparaît complètement avec la décision prise l'année dernière, car on a permis de contourner cet aspect du quorum. Ainsi, dans cette optique, le quorum devient totalement inopérant, indolore et, de fait, quelque peu superflu. Dès lors, si l’on souhaite maintenir un système avec les différentes cautèles qui ont été réfléchies, il devient nécessaire de rehausser légèrement ce quorum. Cela permettrait de préserver l'équilibre du système tout en modifiant certains éléments, afin de maintenir un système tout en changeant quelques éléments.
J’ai donc le sentiment que l’on modifie l’esprit même du système. Passer à un quorum de 7 % peut sembler élevé comparé aux 5 %, mais reste inférieur à la limite de 10 %, fixée par le Tribunal fédéral comme limite supérieure pour éviter un manque de représentativité. Dès lors, si l’on simplifie le système à l’extrême ou que l’on permet de le contourner, il devient logique d’augmenter certaines cautèles, comme le quorum, afin d’éviter un changement d’esprit du système.
Le seul point sur lequel je diverge avec le rapporteur est son affirmation selon laquelle je ne souhaiterais pas voir trop de petits partis, ce qui n’est absolument pas le cas. La question n’est pas le nombre de petits partis, mais plutôt la manière dont ces petits partis accèdent au Grand Conseil. L’idée n’est pas de dire qu’il ne faut pas de petits partis – d’ailleurs, comment définit-on un « petit parti » ? Prenons des exemples concrets : les Vert’libéraux, qui ont connu des débuts difficiles, sont aujourd’hui bien représentés. Si l’on regarde le Centre, il n’a actuellement pas d’élus, mais à l’époque, les démocrates-chrétiens étaient présents dans ce Parlement. Nous avons même eu des représentants de l’UDF, et les Libres ont également eu des élus à certains moments et pas à d’autres. Ce qui est en jeu aujourd’hui, ce n’est pas une complexification du système, mais plutôt une tentative de le contourner pour assouplir les règles sous prétexte de renforcer la représentativité.
Le législateur tient à notre système proportionnel qui favorise une pluralité de couleurs politiques, plutôt qu'à un système majoritaire où deux grands partis dominent, comme c’est le cas aux Etats-Unis. Le quorum fait partie intégrante de cette équation. Fixé à 5 %, il permet aux plus petites formations d’accéder à la députation. Augmenter le quorum à 7 % aurait pour conséquence d’éliminer ces petites formations politiques. Bien que je comprenne la démarche de M. Miauton et du PLR, actuellement le parti le plus fort du canton, il est important de rappeler que la gloire politique est éphémère. Il semble clair que certains préfèreraient un système majoritaire à un système proportionnel ou encore un quorum plus élevé afin de limiter le nombre de couleurs politiques représentées dans cet hémicycle. Je pense que nos débats tirent leur richesse des nuances des couleurs politiques, et qu’il est essentiel de rester au plus proche des choix exprimés par nos concitoyens. Il est actuellement difficile de mobiliser nos électeurs : le taux de participation aux dernières élections cantonales n’a été que de 38 %. Si nous réduisons encore l’offre politique, nos futurs élus risquent de représenter encore moins fidèlement la population, ce qui est déjà le cas avec l’abstentionnisme. Pour toutes ces raisons, je vous invite à rejeter cette motion.
Je vais peut-être reprendre certains points déjà évoqués par mon collègue, mais je tiens à me faire le porte-parole de mon groupe. Le groupe UDC s’opposera à cette motion, tout comme il l’a fait en commission. Modifier le quorum aurait un impact considérable sur la représentativité des partis dans différentes régions de notre canton. Nous savons que, par nature, les partis de gauche sont généralement mieux représentés dans les villes, et une augmentation du quorum ne ferait qu’accentuer cette tendance. A l’inverse, dans les campagnes, où la droite est historiquement plus forte, cet effet serait également amplifié. Prenons l’exemple des dernières élections cantonales : certains partis n’ont atteint le seuil de 5 % qu’à peine, et un simple changement dans les choix des électeurs pourrait les priver de représentation. Cela concerne, par exemple, des partis de droite dans des villes comme Lausanne, mais aussi des partis du centre ou de gauche dans des régions comme la Broye ou le Chablais, où ils se situent juste au-dessus de ce seuil. Le fonctionnement du Grand Conseil repose sur une mixité de partis. Lors d’un dépôt commun au sein des districts, il peut y avoir un large soutien des différents partis. Le groupe UDC ne souhaite donc pas modifier quelque chose qui fonctionne, raison pour laquelle il refusera cette motion.
Les deux objets que nous abordons aujourd’hui représentent, ni plus ni moins, une attaque contre la diversité démocratique qui constitue la richesse de notre système. Ils s'inscrivent également comme atteinte décomplexée contre les petites formations politiques. Sans surprise, le groupe Ensemble à Gauche et POP s’y opposera fermement. Monsieur Miauton, pour répondre à votre exemple concernant les Vert’libéraux, c’est justement parce que ce parti a commencé comme une petite formation qu’il a pu, au fil du temps, évoluer et devenir un groupe plus grand.
Puisque nous abordons d’abord le texte de l’initiative, permettez-moi de m’attarder sur les arguments avancés à son sujet. Le premier point semble concéder, à demi-mot, que la représentativité des pensées politiques est une vertu de notre démocratie. Cependant, tout le reste du texte s’emploie à détricoter ce principe. On peut même lire que cette proposition vise à « atténuer les effets néfastes résiduels du système », comme si les petites formations étaient perçues comme des parasites indésirables dans l’espace décisionnel des grandes. Mesdames et messieurs, la diversité n’est pas seulement un atout de notre démocratie, c’en est la clé. C’est grâce à cette pluralité que notre territoire, avec sa richesse et sa diversité locales, peut vivre ensemble, en paix, rien de moins.
Qu’est-ce qui justifie, dès lors, cette proposition ? On l’a entendu encore tout à l’heure : il s’agirait d’une question de représentativité. Vous affirmez que seules devraient siéger les formations disposant d’une assise réelle dans la société », autrement dit celles qui représentent une part significative des convictions des citoyens. Lors des dernières élections cantonales, comme l’a rappelé M. Belotti, le taux de participation n’était que de 38 %. Ce chiffre ne tient même pas compte des personnes qui vivent et contribuent à notre société, mais qui n’ont pas le droit de vote. Parlons d'assises populaires, mais si la représentativité vous tient autant à cœur, pourquoi ne pas œuvrer pour un Parlement qui reflète réellement toute la population ? Si tel est réellement votre souci, monsieur Miauton, nous serons ravis de compter sur votre soutien pour élargir les droits démocratiques, plutôt que pour restreindre encore davantage la participation.
Autre argument, le Parlement ne devrait pas seulement représenter des courants d'idées mais « être capable de prendre des décisions et d'avoir des majorités », comme si notre Parlement actuel ne le faisait pas. C'est le cas, il y a des majorités aujourd'hui, vous les connaissez. N'oublions pas que le Parlement n'est pas une chambre d'enregistrement où on vote les yeux fermés mais que c'est aussi un lieu de débat et si vous avez l'impression d'un manque d'efficacité autour du fonctionnement du Parlement, c'est plutôt vers l'adaptation de règles de gouvernance qu'il faudrait s'orienter que l'éviction de toute voix dissidente ou du milieu. Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à refuser ce texte.
Un autre argument avancé est que le Parlement ne devrait pas seulement représenter des courants d’idées, mais « être capable de prendre des décisions et d’avoir des majorités ». Comme si notre Parlement actuel n’en était pas capable. Pourtant, c’est le cas : des majorités se forment aujourd’hui, et vous les connaissez. N’oublions pas que le Parlement n’est pas une simple chambre d’enregistrement où l’on vote mécaniquement les yeux fermés. C’est aussi un lieu de débat. Si l’impression d’un manque d’efficacité se dégage de son fonctionnement, ce n’est pas en éliminant toute voix dissidente ou intermédiaire que l’on y remédiera. La solution réside plutôt dans une réflexion sur l’adaptation des règles de gouvernance. Pour toutes ces raisons, nous vous invitons fermement à rejeter ce texte.
Augmenter le quorum, c'est risquer d'appauvrir notre Grand Conseil en réduisant tendanciellement la diversité de la représentation parlementaire. L'initiant tente ici de faire coup double en réagissant à la décision du Grand Conseil de permettre l'atteinte du quorum par des groupes de listes apparentées. Il propose à la fois d'augmenter le quorum à 7 % et d'interdire les apparentements. Ce faisant, les petits groupes, qu'ils appartiennent à la gauche de la gauche, à la droite de la droite, ou à la mosaïque centriste, se verraient exclus et ne pourraient plus espérer une représentation au Grand Conseil. De plus, certains petits districts ont déjà de facto un quorum bien plus élevé en raison du faible nombre de sièges disponibles, atteignant parfois 12 % ou plus. A Genève, par exemple, il n’existe pas, comme chez nous, une dizaine de circonscriptions correspondant aux différents districts. Nous avons besoin de regards différents, d'approches diverses dans nos débats et de petits groupements apportent sans aucun doute de la couleur, parfois de la fraîcheur, à nos discussions. Ne craignons pas des débats plus vifs. Les Vertes et les Verts vous invitent à rejeter les deux initiatives de Philippe Miauton.
En tant que mathématicienne, je souhaiterais attirer votre attention sur un point : plus le quorum est élevé et éloigné du quorum naturel, moins le conseil élu reflète fidèlement le vote exprimé. A Genève, avec un quorum de 7 % , plus de 13 % des voix exprimées lors des dernières élections cantonales n'ont pas été représentées au Parlement et n'ont pas été prises en compte dans le calcul des sièges, comme si ces personnes n'avaient pas voté. Des voix exprimées, ignorées par le système politique. Nous déplorons la faible participation électorale, mais ce n'est pas en ignorant des voix exprimées que l'on va encourager les citoyens à voter. Une augmentation du quorum entraine une diminution de la représentativité du peuple au sein du conseil et augmenterait le nombre de voix ignorées. Enfin, dans un canton avec des districts de tailles variées, l'impact du quorum artificiel, qu'il soit à 5 % ou à 7 %, varie en fonction de la taille des régions, augmentant ainsi les voix exprimées qui risquent d'être perdues dans les grands districts. Par respect pour nos électeurs et leur vote, je vous encourage à refuser cette initiative.
Cette motion soulève un problème démocratique extrêmement clair. Contrairement à ce qu'a affirmé le motionnaire tout à l'heure, je suis convaincu, tout comme un certain nombre de mes collègues, qu'elle affaiblit sans aucun doute les groupes déjà minoritaires. Cela aurait pour conséquence que la population vaudoise serait moins bien représentée dans nos institutions, et que certains groupes légitimes à siéger pourraient disparaître, faute d'atteindre un quorum plus élevé. Pour illustrer cela, je reprends l'exemple évoqué précédemment par M. Zwahlen et d'autres députés concernant les élections à Genève. Bien que les Verts'libéraux obtiennent plus de 6,6 % à Genève, dans le cadre d'une circonscription unique, ils ne sont pas représentés au Parlement, alors qu'ils représentent plusieurs dizaines de milliers de citoyens. Cette situation est regrettable pour le débat démocratique.
Le principal problème de cette motion, selon moi, réside dans le fait qu'elle affaiblit le multipartisme. En effet, si l'on doute que le parti pour lequel on souhaite voter atteigne le quorum, il est probable que l'on troque son vote de cœur contre un vote de raison, sans enthousiasme, ou même que l'on choisisse de s'abstenir, sachant que le taux de participation aux élections cantonales est déjà extrêmement bas. Comme l'ont bien souligné MM. Belotti et Weissert, les voix des électeurs Vert'libéraux et de l'UDC, dans certaines régions, pourraient se reporter sur le PLR, tandis que dans d'autres districts, les voix des électeurs Verts et d'Ensemble à Gauche pourraient se reporter sur le PS. En effet, si l'on n'est pas sûr que le parti de cœur sera représenté, on reporte son vote sur un autre parti qui nous correspond un peu, mais pas totalement, afin de ne pas perdre sa voix.
J'ai un profond respect pour les grandes formations de cet hémicycle, mais je trouve dommageable, pour la représentativité démocratique, qu'un renforcement des partis déjà puissants se fasse au détriment des petites et moyennes formations, à cause des effets pervers du « vote utile », qui est poussé à l'extrême dans certains pays voisins, voire outre-Atlantique. Ce n'est pas un modèle dont nous devons nous inspirer. C'est pourquoi il est crucial de rejeter cette motion.
Le groupe socialiste estime qu'il convient de soutenir la représentativité et la diversité, car nous considérons que la pluralité est une richesse. Il est, pour ma part, agréable de voir ces jeunes femmes et jeunes hommes, ces nouvelles voix, venir apporter du sang neuf à nos débats et exposer leur motivation. Les raisons ayant déjà été suffisamment développées par le rapporteur et plusieurs de mes préopinants, le groupe socialiste vous invite donc à classer cette initiative.
Monsieur Miauton, ne sciez pas la branche sur laquelle vous êtes assis. Souvenez-vous, ce n’est pas si vieux : la droite républicaine française, votre courant politique, avait désigné Valérie Pécresse lors d'une élection récente, pensant qu'elle serait à coup sûr qualifiée pour le deuxième tour et probablement vainqueur. Le résultat fut tout autre : moins de 5 % des voix, pas de qualification pour le second tour et des frais de campagne non remboursés. Ayez un peu d'humilité, monsieur Miauton ! Les grands d'aujourd'hui, comme vous en l’occurrence, peuvent rapidement devenir les petits de demain. Un Grand Conseil sans le PLR serait une atteinte à la représentativité démocratique. Pour éviter ce cataclysme, il est nécessaire de rejeter la proposition de M. Miauton.
En préambule, je tiens à remercier M. Vuilleumier de nous éviter un cataclysme insupportable. Pour revenir aux propos du président de la commission, cette initiative ne peut pas être considérée indépendamment de celle de M. Christen. Dans l'initiative Christen qui a été acceptée, le quorum peut désormais être atteint par un apparentement de listes, ce qui n'existait pas auparavant. L'objectif de cette initiative n'est pas de faire disparaître les petits groupes, puisque grâce à l'initiative Christen renvoyée au Conseil d'Etat, les petites formations politiques pourront s'allier pour atteindre le quorum. Le but de l'initiative est de consolider ces alliances entre partis pour leur donner une légitimité plus forte et surtout pour rendre le système plus lisible aux yeux des électeurs, afin d'éviter une fragmentation trop complexe du Parlement vaudois.
Dans d'autres cantons, le quorum est plus élevé. Certains diront qu'on ne peut pas comparer des pommes et des poires, et qu'un pourcentage en Valais ne représente pas le même nombre d'électeurs que dans le canton de Vaud. Mais il est indéniable que le Valais, avec sa grande diversité, ses trois régions et son multilinguisme, a un quorum à 8 %. Le groupe PLR ne voit donc pas pourquoi la proposition de l'initiant serait considérée comme méprisante. De nouveau, l'objectif de l'initiant n'est pas d’opposer les petits et grands partis, mais bien de garantir une juste représentation tout en maintenant une gouvernabilité agile. Le consensus est la base de notre système démocratique, et il est de plus en plus difficile à atteindre. La fragmentation des représentations ne contribuera pas à l'optimiser.
Avec le changement introduit par l'initiative Christen, il pourrait y avoir de très petites formations qui obtiendront un siège et qui, bien qu'elles représentent des électeurs, risquent de ne représenter qu'à peine 1 % de l'électorat. Le multipartisme, bien sûr, et les nuances, assurément, mais ces nuances doivent rester perceptibles. Je ne suis pas contre la diversification politique, mais il faut aussi prendre en compte la représentativité de l'électorat vaudois. Je doute que la multiplication des listes et ce manque de clarté incitent réellement les électeurs à se rendre aux urnes. Pour toutes ces raisons, au nom du groupe PLR, je vous recommande, chers collègues, de soutenir cette initiative et de la renvoyer au Conseil d'Etat.
Je vais tenter de garder une certaine humilité face au vote de Mme Pécresse, dont je me sens un peu éloigné, vous en comprendrez la raison. Concernant les propos de mon collègue de l'UDC, je me permets de souligner que lorsqu'on parle d'un système, ce qui importe, c'est d'en observer les effets, en faisant une comparaison avec ce qui a été fait en 2022 lors de nos élections du Grand Conseil. Je constate ainsi que les petits partis vont gagner des sièges, puisqu'ils vont s'apparenter, et que le PLR, je me permets de le dire, en perdra quelques-uns. Cela ne doit cependant pas nous empêcher de réfléchir au système. Je garde donc une certaine humilité et je n'essaie pas de faire de la politique politicienne pour avantager mon parti et de me livrer à ce que j'appelle de la tambouille électorale.
Ensuite – vous pouvez jouer du violon, monsieur le rapporteur du jour, musicien émérite – comme je vous l'ai indiqué précédemment, en introduisant cet élément, vous rendez les apparentements obligatoires. Ces apparentements resteront donc obligatoires, qu’ils soient à 5 ou à 7 %. On peut même se livrer à un peu de politique fiction : les petits partis, qui aujourd'hui ont besoin de s'apparenter pour parvenir au Grand Conseil avec le système voté, pourraient, dans deux législatures, ne plus avoir besoin d'apparentement pour atteindre le seuil des 5 ou 7 %. Ils abandonneraient alors les petits partis et leur diraient « vous nous avez bien aidés, maintenant on va regarder cela autrement ». Cette vision des apparentements, et surtout du quorum qui, tel qu’il a été décidé, ne sert plus à rien. Puisque vous avez introduit cette idée d'apparentement obligatoire, ce qui va rendre la situation une véritable foire à la saucisse des apparentements pour franchir le quorum, qu'il soit de 5 ou 7 %. Vous ne modifiez pas réellement le système, vous l'adaptez simplement pour en satisfaire quelques-uns sous prétexte de diversité. Nous sommes en train de réfléchir à une simplification du système, plutôt qu'à une réflexion de qualité sur le système tel qu'il avait été initialement pensé.
Enfin, il a beaucoup été question de participation. Nous vivons dans un pays où le système est le plus simple pour l’électeur, offrant toutes les options possibles et imaginables, contrairement aux pays ou même aux régions qui nous entourent. Pourtant, vous venez nous dire que la participation est plus faible, parce que le système ne serait pas suffisamment bon. Croyez-vous vraiment que les gens réfléchissent au système électoral lorsqu’ils votent ? Peut-être qu’ils se concentrent sur les nombreux objets que nous traitons ici, et qu’ils réalisent que nous ne nous attaquons pas toujours aux préoccupations qui sont les leurs.
Beaucoup de choses ont déjà été dites. Je rejoins les propos de ma collègue Dubois. Nous avons beaucoup discuté et nous nous sommes attardés sur la question de la représentativité. Il est important d’être clair : nous sommes 150 députées et députés, et à ce titre, nous représentons nos districts et le canton. Si l'on veut pousser cette logique jusqu’au bout, mettons un quorum à 1 % et construisons un nouveau bâtiment. Nous pourrions alors nous retrouver chaque jour au Swiss Convention Center et organiser un Grand Conseil de 350 membres pour être plus représentatifs. Il y a donc clairement un équilibre à trouver entre la nécessité de mener des débats constructifs et celle d'assurer une représentativité totale.
Concernant le respect des électeurs, j'ai entendu la gauche de l'hémicycle affirmer que cela constituerait un non-respect des électeurs. J'espère que vous vous en souviendrez lorsque nous aborderons la motion tout à l'heure. En ce qui concerne la multiplication des listes, comme nous l’avons constaté lors des élections nationales au Conseil national, avec plus d’une vingtaine de listes différentes, peut-on vraiment dire que l’on respecte l’électeur, sachant que la liste pour laquelle il vote a finalement peu de chances d’obtenir un représentant ? Concernant le vote utile, monsieur Maury, il me semble que ce dernier existe dans un système majoritaire, mais pas dans une élection proportionnelle. Dans ce dernier cas, chacun vote pour sa propre liste. Au contraire, multiplier les listes risque de créer davantage de problèmes. Je vous encourage donc à voter en faveur de cette initiative, et je soutiendrai également la motion qui suivra.
Monsieur Miauton, lors de votre première intervention, vous avez indiqué vouloir combattre les réactions émotionnelles et frustrées post-électorales. Si je ne m'abuse, et vous l'avez vous-même mentionné dans votre texte, celui-ci porte un certain parfum de frustration d’un débat perdu sur l’initiative Christen. Il en va de même pour le texte qui suit. Pour le bien de notre démocratie, il me semble essentiel de conserver une perspective large et non partisane sur cette question, afin d’identifier ce qui est le plus cohérent pour nos institutions.
Dans cette perspective, quels avantages, monsieur Miauton, aurions-nous à limiter la représentation des plus petits partis politiques de ce canton ? Quels avantages, monsieur Miauton, si ce n’est garantir la position des grands partis, et en premier lieu le vôtre, le PLR, premier parti de cette assemblée ? Les plus petits partis de cet hémicycle ont toute leur légitimité. Leur alliance, telle que vous l’avez mentionné, se fait par le biais de la Loi sur le Grand Conseil, qui impose un minimum de cinq membres pour former un groupe politique. On le voit très bien aujourd’hui avec les Libres, les Vert’libéraux, ou encore Ensemble à Gauche et le POP, qui représentent quatre partis, si je ne m'abuse.
Monsieur Miauton, vous avez évoqué la qualité de nos institutions. Pour ma part, je considère que la qualité de nos échanges est renforcée par la présence des plus petits partis et des plus petits groupes, qui apportent leur point de vue et leurs arguments, et qui, de fait, représentent une part de leur électorat dans cet hémicycle. Vous l'aurez compris, je vous encourage donc à suivre la majorité de la commission et à rejeter cette initiative.
Tout d’abord, permettez-moi d’exprimer ma satisfaction : voilà dix ans que nous affirmons que le parti des Vert’libéraux est un grand parti, et j’entends désormais cette reconnaissance de part et d’autre de l’hémicycle. Je tiens à rappeler que l’initiative Christen a été acceptée par ce Parlement, ce qui nous satisfait pleinement. Cependant, elle doit encore être ratifiée par la population vaudoise. Il me semble aujourd’hui très difficile de prendre une décision basée sur une initiative qui n’a pas encore été soumise à nos concitoyens. La crainte de voir une multitude de petits partis investir ce parlement avec les règles électorales actuelles n’est pas fondée. Certes, dans certains districts, de petites formations pourraient obtenir un siège, mais, à mon avis, cet effet resterait tout à fait marginal. Actuellement, le quorum est fixé à 5 %. Si vous appliquez ces 5 % au nombre de sièges à repourvoir, il peut arriver qu’à Lausanne, par exemple, ces 5 % représentent plus qu’un député élu, sans que ce dernier puisse siéger au Grand Conseil. Si vous portez le quorum à 7 %, le nombre de districts où une telle situation pourrait se produire passerait à cinq sur dix. Autrement dit, dans la moitié des districts de notre canton, une formation politique pourrait obtenir suffisamment de voix pour décrocher un siège mais ne pas le voir attribué à cause du quorum. Cette situation me paraît insoutenable, et c’est aussi pour cette raison que je vous invite à rejeter cette initiative.
Il est vrai que nous aurons l’occasion de revenir sur la question des apparentements un peu plus tard. Toutefois, après avoir entendu l’intervention de M. Suter, je tiens à souligner un point particulier : critiquer le nombre de listes apparentées peut sembler ironique, surtout lorsque l’on sait que, lors des élections fédérales, l’un des partis qui présente le plus de listes affiliées, apparentées ou sous-apparentées est précisément le PLR. Peut-être qu’il serait pertinent pour ce parti de s’interroger sur ses propres pratiques et d’envisager une autre manière de procéder.
Pour revenir au débat, je reconnais qu’il existe un lien avec l’initiative Christen. Cependant, ce que vous proposez ici, avec un quorum fixé à 7 %, revient à une logique de « apparente-toi ou meurs ». Dans ma commune, nous avons plusieurs petits partis qui, bien que modestes en taille, ne sont pas pour autant insignifiants. Parmi eux figurent l’UDC, Montreux Libre et Décroissance alternatives, tous trois évoluant dans des scores proches des 7 % proposés par le PLR. Avec un tel seuil, ces partis risquent de disparaître.
Ai-je les mêmes affinités politiques avec ces partis ? Non. Cependant, je considère qu’ils ont toute légitimité. Le fait qu’un parti ait la possibilité de s’apparenter ne signifie pas pour autant qu’il le souhaite. Dans ma commune, qui peut affirmer que l’UDC voudra s’allier avec le PLR lors des prochaines élections ? Ou que Montreux Libre acceptera de s’apparenter à des grands partis, eux qui aspirent souvent à s’en affranchir ? Qui dit que Décroissance alternative envisagera une alliance avec les socialistes, ces « sociotraîtres » qu’ils critiquent ? Bonne question, et la vérité, c’est que nous n’en savons rien. Mais il est essentiel que ces partis politiques conservent la liberté de se poser ces questions eux-mêmes. Cette liberté passe par le maintien du quorum tel qu’il est aujourd’hui, combiné à l’initiative Christen. C’est pour cela que je vous invite à rejeter ces propositions.
Je souhaite revenir sur plusieurs points soulevés au cours de ce débat. Nos collègues de gauche insistent souvent sur l’importance de la transparence, et je pense que c’est exactement ce que nous cherchons aujourd’hui. Nous aurons l’occasion d’en reparler lors de la discussion sur les apparentements, mais il me semble que notre population attend justement que les choses soient claires. Ce qui m’interpelle fréquemment lors des périodes électorales, c’est de constater à quel point les citoyens non politisés – et ils sont nombreux – peinent à comprendre notre système électoral. Nous, en tant que politiciens, savons comment cela se passe mais pour beaucoup, les apparentements et le partage des listes soulèvent des critiques. Fixer un quorum relativement élevé contribue à légitimer les partis qui siègent dans un parlement.
Concernant les propos de M. Pilloud sur Montreux, je me suis penchée sur les résultats des élections de 2021. Tous les partis que vous avez mentionnés dépassent déjà les 7 %. Ainsi, un quorum à 7 % ne représenterait pas un obstacle pour eux. En revanche, avec un quorum à 5 %, il est possible pour trois partis de s’apparenter – par exemple, deux partis à 1,5 % chacun et un troisième à 2 % – pour obtenir des sièges. Mais dans ce cas, quelle est la légitimité d’un tel groupe ? Quel est leur socle commun, leur vision partagée ? On perd des électeurs ainsi qu’une certaine cohésion. Il est dommage que certains refusent de remettre en question nos pratiques, d’admettre qu’un quorum à 7 est le seuil que les petits partis parviennent à atteindre dans certaines petites communes et c’est pourquoi il me paraît être le juste prix à fixer pour nos élections.
Je suis désolé de reprendre la parole, mais je souhaitais initialement répondre à M. Suter, qui m’a interpellé. Etant donné qu’il n’est pas présent, je me contenterai de souligner ceci : lorsqu’on dépose un objet parlementaire, c’est normalement pour répondre à un besoin exprimé par la population. Or, dans mes discussions avec des amis, qui ne sont pas nécessairement politisés, je n’ai jamais entendu quelqu’un me dire : « Si je ne vote pas, c’est à cause du quorum à 5 %, mais avec un quorum à 7 %, je voterai, c’est formidable, vous avez résolu un grand problème démocratique. ». De la même manière, personne ne m’a jamais affirmé : « Les sous-apparentements sont trop compliqués, donc je ne voterai pas. »Tout au plus, j’ai entendu des gens me demander : « Pourquoi tel parti est apparenté à tel autre en bas de la liste ? »Cela ouvre la possibilité d’expliquer le fonctionnement démocratique, certes, mais si l’objectif est véritablement d’améliorer la participation démocratique avec cette initiative, alors je me réjouis d’une participation aux élections cantonales dépassant les 40 %, voire les 50 %. Blague à part, je répondrai à l’argument absurde de M. Suter, selon lequel un quorum à 1 % satisferait tout le monde : cela n’apporterait rien de concret. Cette initiative ne répond à aucune demande populaire réelle. Certes, notre système n’est pas parfait, mais il a des qualités, et le maintien d’un quorum à 5 % en est une, car il garantit la représentativité. C’est pourquoi je vous invite à refuser cette initiative.
On nous dit « apparente-toi ou meurs », mais en réalité, avec le système qui a été choisi, c’est simplement devenu « apparente-toi ». L’idée de « ou meurs » disparaît, car comme je l’ai expliqué, le quorum perd toute sa pertinence. Certes, un mot a été retiré, mais les effets de cette décision restent les mêmes. Concernant la critique de la foire aux listes lors des élections fédérales, je partage le constat que la multiplication des listes est problématique. Cette prolifération est peut-être excessive, et cela mérite réflexion. Si l’on examine ce qui se passe dans d’autres cantons, on constate également que ce phénomène peut entraîner des effets indésirables, notamment en matière d’apparentements, où les partis se sentent poussés à les conclure.
Jusqu’à présent, les partis qui souhaitaient s’apparenter pouvaient déjà le faire, mais il leur était demandé que chaque liste ait une raison électorale propre et atteigne le quorum de 5 % avant de bénéficier de cet apparentement. Désormais, on leur dit simplement : « Apparentez-vous, même si c’est purement opportuniste, peu importe si vous êtes réellement en accord sur le fond. C’est juste pour franchir le cut du quorum. » Cela reflète davantage une réflexion sur le système lui-même qu’un réel besoin démocratique ou une question d’opportunisme politique. Enfin, puisque les élections en France ont été mentionnées, on peut en tirer des enseignements. L’exemple de la Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale (NUPES) illustre bien ce que ce type de dynamique peut produire. À mon avis, le résultat observé à l’Assemblée nationale française n’est pas un exemple à suivre.
Retour à l'ordre du jourLa discussion est close.
Le Grand Conseil refuse la prise en considération de l'initiative par 83 voix contre 41 et 3 abstentions.