23_POS_18 - Postulat Claire Attinger Doepper et consorts - Politique de santé mentale : les troubles obsessionnels compulsifs.

Séance du Grand Conseil du mardi 26 novembre 2024, point 14 de l'ordre du jour

Texte déposé

 

Sur le plan sanitaire, notre Canton est très actif dans bon nombre de domaines. Concernant la santé mentale, cependant, quelques troubles restent méconnus et mériteraient d’être plus soutenus. Les troubles obsessionnel compulsifs – TOC – et connexes sont des troubles fréquents et souvent sévères.

La souffrance des patients est importante et les symptômes entraînent une

atteinte significative du fonctionnement psychosocial (suicides,exclusion sociale, renfermement, difficultés majeures d’intégration socio-professionnelle, …)

Les patients ne reçoivent souvent pas les traitements adéquats car ils ont honte de leurs symptômes et sont réticents à en parler à leurs thérapeutes qui connaissent souvent peu ces troubles et sont fréquemment démunis lorsqu’il s’agit de les orienter vers des structures adaptées.

 

Définition du TOC :

Présence d’obsessions ou de compulsions, mais habituellement les deux sont présents.

Une obsession est définie par une pensée, une image et/ou une impulsion qui sont récurrentes, non voulues (intrusives) et causant de la détresse.

Une compulsion consiste en un comportement ou une action mentale qui se produit de façon répétitive et que la personne se sent poussée à accomplir et qui vise souvent à réduire la tension générée par les obsessions ou à prévenir un événement redouté.

 

60 à 90 % des patients présentent une comorbidité au cours de leur vie avec des troubles anxieux, dépressifs ou un trouble de la personnalité .

 

L’âge médian de début des troubles se situe vers 19 ans mais près d’un quart des cas débutent avant l’âge de 10 ans. C’est dire s’il est important de diagnostiquer et de bien orienter les patients atteints de TOC vers la bonne prise en charge.

Si le traitement n’est pas adapté ou si la famille/ le patient ne parle pas de ses troubles, il faut craindre une réduction de la qualité de vie, comparable à celle retrouvée dans la schizophrénie ou la dépression.

 

Pour les enfants qui en souffrent, les conséquences sont marquées par de l’absentéisme scolaire, des performances scolaires en baisse, des troubles de la concentration, une interférence avec le développement cognitif, des difficultés d’intégration sociale, une entrave à la vie amoureuse et sexuelle et enfin des modifications importantes dans l’organisation familiale (jusqu’à 75 % des cas).

 

Aujourd’hui, les réponses pour répondre à ces troubles et pour diminuer leur impact sur les patient.e.s se déclinent sur 2 axes :

  1. Accueil, écoute et orientation : Favoriser et améliorer l’accès aux soins
  2. Prise en charge spécialisée : Accès aux soins

 

Depuis 2019, une association spécifique - Toc Passerelles[1]-s’est constituée et répond bénévolement aux demandes et appels à l’aide ( entre  2019 et 2022, le nombre de demandes a passé de 40 à 180 et le site Internet est consulté quotidiennement en moyenne par 38 personnes ).

En parallèle, sur le plan clinique, les soins et la connaissance de ce trouble sont établis et suivis par le Service de psychiatrie adulte nord et ouest du Département de psychiatrie du CHUV entre autres.

 

Compte tenu de l’ampleur de ce trouble, des effets négatifs et nocifs à long terme sans aides spécifiques entament l’intégration et l’adaptation des patients dans leur vie socio-professionnelle .  

Dès lors, nous avons l’honneur de demander au CE de nous indiquer les mesures et les moyens mis à disposition pour que cette maladie soit intégrée dans le plan de santé mentale du Canton avec un soutien aux associations présentes dans le domaine afin d’accompagner familles et patients confrontés à cette maladie en favorisant toutes mesures favorables à son traitement.

 

[1] https://www.tocspasserelles.ch/

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Isabelle FreymondIND
Carine CarvalhoSOC
Alice GenoudVER
Cendrine CachemailleSOC
Théophile SchenkerVER
Marc VuilleumierEP
Oriane SarrasinSOC
Céline MisiegoEP
Graziella SchallerV'L
Jean TschoppSOC
Felix StürnerVER
Julien EggenbergerSOC
Muriel ThalmannSOC
Rebecca JolyVER
Laurent BalsigerSOC
Vincent JaquesSOC
Joëlle MinacciEP
Romain PilloudSOC
Cédric RotenSOC
Yves PaccaudSOC
Alberto MocchiVER
Thanh-My Tran-NhuSOC
Claude Nicole GrinVER
Blaise VionnetV'L
Pierre FonjallazVER

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Sylvie Podio (VER) — Rapporteur-trice

La commission s'est réunie le 1er septembre 2023 pour traiter de cet objet. Elle remercie M. Ischy, secrétaire de commission, pour la rédaction des notes de séance. Selon la postulante, les troubles obsessionnels compulsifs (TOC) relèvent dans le sens commun d'une réalité banale, anodine, voire comique à observer. En réalité, lorsque ces troubles se montrent envahissants, ils entraînent de l'exclusion sociale, des difficultés majeures d'intégration socio-professionnelle et d'autres profonds dysfonctionnements. Ils peuvent même conduire au suicide. L'absence ou le retard d'accompagnement amplifie les risques de péjoration de la situation et de comorbidité, avec comme conséquence une baisse, voire une perte de la qualité de vie, ce qui génère tant des coûts humains que financiers. 

Compte tenu de l'ampleur de ce trouble et de ses conséquences en cas de non-traitement, la postulante considère que la problématique des TOC est une vraie question de santé publique dont la place doit être mieux connue. En conséquence, il lui paraît légitime de questionner le Conseil d'Etat sur sa compréhension du problème, sa vision, sur la place que la lutte contre les TOC doit prendre au sein du plan cantonal de santé mentale et sur l'opportunité de développer des moyens complémentaires. La cheffe du Département de la santé et de l’action sociale (DSAS) précise que la question de la promotion de la santé psychique et de la prévention des risques se trouve au cœur des préoccupations de la Direction générale de la santé (DGS), et de la Direction de santé communautaire (DSC). Dans le Programme de législature du Conseil d'Etat, un point spécifique est consacré à la santé mentale et à la prévention des troubles psychiques. 

Le Conseil d'Etat répond d'ores et déjà favorablement à la demande du postulat que la thématique des TOC fasse partie intégrante de la stratégie cantonale de santé mentale à venir. S'agissant d'un soutien accru aux associations actives en la matière, il existe à l'échelle du canton l'association TOC Passerelle. Cette association a pris contact avec le département, en vue de l'obtention d'un soutien financier. L'évaluation de cette demande est prévue. Les membres de la commission s'accordent sur l'importance de la thématique des TOC et la gravité des souffrances que ces troubles peuvent occasionner chez les personnes atteintes et leur entourage. 

Un certain scepticisme se fait cependant jour concernant le postulat, notamment pour les raisons suivantes. D'autres pathologies mentales, comme la schizophrénie ou les troubles maniaco-dépressifs, méritent eux aussi une attention particulière. Toute maladie, physique ou psychique, engendre notamment des processus de stigmatisation qu'il convient de combattre. En se focalisant sur une pathologie spécifique, le postulat se montre restreint. La porte d’entrée dans le système de soins, représentée par le médecin généraliste, devrait effectivement permettre de détecter des problèmes de nature psychiatrique chez tous les groupes d’âge, qu’il s’agisse d’enfants, d’adultes ou de personnes âgées. Un juste équilibre doit être trouvé et le soutien financier de l'Etat ne doit pas nécessairement être réservé à une association en particulier. 

Sauf à tomber dans la cogestion, il n'appartient pas au Grand Conseil de dicter avec autant de précision le Plan cantonal de santé mentale. Les commissaires en faveur du postulat estiment que, vu la prévalence, la complexité, la diversité et les impacts sociaux des TOC, ces derniers ont leur place dans le futur Plan cantonal de santé mentale, au même titre que d'autres troubles psychiques, bien évidemment. En plus, la souffrance occasionnée par les TOC proprement dit aux personnes atteintes et à leurs proches s'ajoute à la honte liée à la maladie mentale. Cette honte peut en soi priver de vie sociale. Le tabou doit tomber, la parole doit être libérée. Le postulat participe à ce mouvement. 

Classer le postulat enverrait un signal négatif en direction des personnes concernées. Un message politique doit être lancé en vue de l'accroissement des moyens dévolus à la prise en charge psychiatrique ou psychothérapeutique, ainsi qu'à la sensibilisation à cette thématique. Dans un esprit de compromis, la cheffe du DSAS suggère que la conclusion du postulat soit modifiée dans les termes suivants : « Dès lors, nous avons l'honneur de demander au Conseil d'Etat de nous indiquer les mesures et les moyens mis à disposition pour que cette maladie soit intégrée dans le Plan de santé mentale du canton, cas échéant avec un soutien aux associations présentes dans le domaine afin d'accompagner familles et patients confrontés à cette maladie, en favorisant toutes mesures favorables à son traitement .». Cette formulation permet de ne pas préjuger du résultat d'évaluation des services de l'Etat de la demande de soutien adressée par TOC Passerelle. 

Au demeurant, la cheffe du DSAS invite les députées et les députés à ne pas déposer des postulats ou des motions pour demander des subventions pour des associations qui, par ailleurs, se sont d'ores et déjà manifestées auprès de l'Etat. La postulante se rallie à la modification de la conclusion de son postulat dans la mesure où cette modification participe à l'adhésion du postulat. Ce dernier cherche avant tout à mieux faire connaître du public les TOC. En conclusion, par 7 voix contre 0 et 8 abstentions, la commission recommande au Grand Conseil de prendre partiellement en considération ce postulat et de le renvoyer au Conseil d'Etat.

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

La discussion est ouverte.

Mme Claire Attinger Doepper (SOC) —

Les TOC ne sont pas anodins et ont des effets importants sur les personnes concernées. Les formes les plus sévères envahissent la vie de la personne avec des obsessions dont elle ne parvient pas à se débarrasser seule. Les TOC ne sont pas de simples petites manies ou un excès de nervosité qui passe avec le temps. Ils peuvent freiner les apprentissages scolaires et professionnels, exclure du monde du travail et avoir un impact grave sur l'estime de soi. Il est important de souligner que l’âge médian d’apparition des TOC se situe autour de 19 ans, mais près d’un quart des cas débutent avant l’âge de 10 ans. Cela montre l'importance cruciale d’un diagnostic et d’une orientation adaptée. Sans un traitement approprié, les TOC peuvent réduire la qualité de vie de manière comparable à ce que l’on observe dans des pathologies graves comme la schizophrénie ou la dépression. Compte tenu de l’ampleur de ce trouble et de ses effets négatifs et nocifs à long terme, l'intégration et l'adaptation des patients dans la vie socioprofessionnelle sont diminuées sans aide spécifique.

Ce postulat interroge le Conseil d'Etat sur la place que la lutte contre les TOC devrait occuper dans le Plan cantonal de santé mentale, ainsi que sur l'opportunité de développer des moyens complémentaires pour mieux y répondre. Mon texte mentionnait initialement une association particulièrement active auprès de cette population, qui ne reçoit actuellement aucune subvention. Toutefois, cela a été considéré, à juste titre, comme contre-productif. C’est pourquoi ce postulat ne demande pas une aide spécifique pour une association, mais bien d’examiner si la compréhension de ces troubles est prise dans son ensemble et d’évaluer si les mesures en place doivent être adaptées. Je vous invite à soutenir ce postulat et à le renvoyer au Conseil d'Etat pour un rapport.

M. Blaise Vionnet (V'L) —

En tant que médecin généraliste, j'accompagne régulièrement des patients souffrant de TOC, et je souhaite apporter quelques remarques. On a souvent tendance à considérer les TOC comme une entité bien définie, alors qu'en réalité, ils recouvrent un éventail très large de situations. Cela va de patients présentant des TOC relativement bien maîtrisés, à d'autres qui souffrent d’un dysfonctionnement majeur, qui les empêchent d'avoir une vie sociale, relationnelle ou professionnelle normale. Parler des TOC est essentiel, car ce trouble est souvent associé à un sentiment de honte. Ce postulat a le mérite de parler de cette maladie complexe. 

Comme le mentionne le texte du postulat, les comorbidités psychiatriques sont fréquentes et rendent la prise en charge plus complexe. Dans certains cas, le traitement doit prioriser d'autres troubles psychiatriques plutôt que les TOC. Parler des TOC est important, et c'est pour cette raison que je soutiendrai le renvoi de ce postulat modifié au Conseil d'Etat. Cependant, une question me vient : les troubles psychiatriques sont classifiés dans deux grandes nomenclatures, la CIM-11 de l'OMS et le DSM-5 de l'Association Américaine de Psychiatrie. Cela représente des centaines de diagnostics psychiatriques, dont les TOC ne couvrent que deux ou trois. Je pense qu'à l'avenir, il serait pertinent de trouver des formulations qui abordent des problématiques plus larges. En effet, si nous devions déposer un postulat pour chaque diagnostic psychiatrique, nous ne nous en sortirions pas. Cela explique probablement les nombreuses abstentions en commission pour une prise en considération partielle du postulat. 

Mme Josephine Byrne Garelli (PLR) —

Le postulat demande au Conseil d'Etat de préciser les mesures et moyens mis en place pour intégrer les TOC dans le plan cantonal de santé mentale, tout en soutenant les associations actives dans ce domaine, afin d'accompagner les familles et patients confrontés à cette maladie. La cheffe du DSAS a souligné que la promotion de la santé psychique et la prévention des troubles mentaux sont au cœur des priorités de la Direction générale de la santé (DGS) et de sa Direction de santé communautaire. Elle a rappelé que le Programme de législature du Conseil d'Etat consacre un volet spécifique à la santé mentale et à la prévention des troubles psychiques. Un travail est d'ailleurs déjà en cours au sein de la DGS pour répondre à des interventions parlementaires, telles que le « Postulat Léonore Porchet et consorts – Santé mentale, on t’aime à la folie », et pour élaborer une stratégie dans ce domaine. Le Conseil d'Etat a proposé que la problématique des TOC soit intégrée dans cette stratégie. Du côté du PLR, le parti estime que le postulat en se concentrant sur une pathologie spécifique est trop restreint. Le PLR considère que le médecin généraliste devrait être en mesure de repérer les troubles psychiatriques, qu’ils concernent les enfants ou les adultes. Il s’oppose à ce postulat pour deux raisons : d'une part, il juge que le travail demandé est déjà en cours au sein du département, et d'autre part, il adhère à la position du Conseil d'Etat selon laquelle il n'est pas du rôle des députés de demander par voie de postulat le subventionnement d'une association.

Mme Claire Attinger Doepper (SOC) —

Permettez-moi de répondre à ce qui a été exprimé précédemment, en expliquant pourquoi les TOC méritent une attention particulière. Tout d'abord, il y a la prévalence et la sévérité du trouble : les TOC affectent environ 2 à 3 % de la population générale, et leurs conséquences sont souvent invalidantes. On l'a vu, on l'a dit, et c'est reconnu. La prévalence des TOC est comparable à celle d'autres troubles psychiatriques majeurs, ce qui justifie une action ciblée. Ensuite, les besoins spécifiques des personnes atteintes de TOC doivent être pris en compte. Contrairement à d'autres pathologies, les TOC requièrent souvent des approches thérapeutiques précises et pluridisciplinaires. Une attention particulière portée aux TOC ne vise en aucun cas à diminuer l’importance des autres troubles psychiatriques, ni à les sous-estimer, mais plutôt à répondre à un besoin spécifique qui, jusqu'à présent, a été sous-représenté dans les politiques de santé mentale.

En ce qui concerne la gouvernance, il est impératif de respecter les prérogatives du Conseil d'Etat, bien entendu. Cependant, l'expertise du terrain reste tout aussi importante. Elle peut enrichir l’élaboration du Plan cantonal de santé mentale, dans un esprit de complémentarité et de partenariat. Le PLR a d'ailleurs souligné ce point précédemment en appelant à renforcer la collaboration entre les différentes instances partenaires, pour un autre sujet. Mais ce raisonnement peut s'appliquer ici aussi, car il s'inscrit dans le même processus. D’ailleurs, le Conseil d'État lui-même adopte cette approche en développant ses politiques publiques.

Concernant l'intégration des TOC dans le Plan cantonal de santé mentale, le Conseil d'Etat s'est montré volontaire, et je l’en remercie. Le déploiement d'actions, en particulier des campagnes de sensibilisation et un soutien direct aux familles, permettrait de répondre aux besoins actuels. Bien que ce texte ait déjà été en partie compris, pris en compte et réfléchi par le Conseil d'Etat, il est pertinent d'examiner de quelle manière et à quelle échelle ces mesures pourraient se développer. Cela concernerait non seulement les malades, les familles, les amis et les proches de ceux qui souffrent de cette maladie, mais également l'ensemble de la population, car il s'agit là d'un enjeu de santé publique. Je vous remercie de soutenir le renvoi de ce postulat au Conseil d'Etat.

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

La discussion est close. 

Le Grand Conseil prend le postulat en considération partiellement par 58 voix contre 57 et 8 abstentions.

Mme Florence Bettschart-Narbel (PLR) —

Je demande un vote nominal. 

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

Cette demande est appuyée par au moins 20 membres.

Celles et ceux qui souhaitent une prise en considération partielle du postulat votent oui ; celles et ceux qui s’y opposent votent non. Les abstentions sont possibles.

Au vote nominal, le Grand Conseil refuse la prise en considération partielle du postulat par 65 voix contre 64 et 1 abstention.

* insérer vote nominal

Retour à l'ordre du jour

Partager la page

Partager sur :