23_PAR_27 - Rapport annuel de la Commission des visiteurs du Grand Conseil 2022-2023.
Séance du Grand Conseil du mardi 6 février 2024, point 33 de l'ordre du jour
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Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourAvec la nouvelle législature, la Commission des visiteurs du Grand Conseil (CVGC) se renouvelle avec 6 nouveaux membres sur 7 ! La majorité des commissaires a découvert l'univers carcéral avec beaucoup d'intérêt et de questionnements. Je saisis cette occasion pour remercier les députés et députées qui ont participé aux travaux de la CVGC entre 2017 et 2022. Leurs compétences et leur assiduité nous ont permis de reprendre les thématiques soulevées et de poursuivre leurs actions sur les conditions de détention. Comme le relève le rapport, de nombreuses recommandations se répètent d'année en année, notamment liées à la surpopulation carcérale, devenue aujourd'hui la norme. La motion Jean-Marc Nicolet et consorts au nom de la CVGC – (22_MOT_7) Mettre fin aux conditions illégales de détention dans les zones carcérales – déposée par la commission en février 2022, a été débattue par le Grand Conseil qui l’a soutenue à une grande majorité au printemps 2023. La CVGC espère que le prochain rapport fera état d'une nette amélioration des zones carcérales, tant pour les personnes détenues que pour les collaborateurs et collaboratrices.
Outre ses séances plénières, la commission a visité l'ensemble des établissements de détention vaudois, les zones carcérales, ainsi que deux établissements situés hors canton, à Gmünden et à Champ-Dollon, où des personnes sont détenues sous autorité vaudoise. La CVGC salue la qualité et la clarté des entretiens avec le Conseil d'Etat, le service pénitentiaire (SPEN) et le Service de médecine et psychiatrie pénitentiaire (SMPP). Sur le terrain, la commission a été accueillie par les directions et par les collaboratrices et collaborateurs pénitentiaires ainsi que médicaux. Elle les remercie particulièrement pour leur grande disponibilité et leur ouverture permettant des visites dans de bonnes conditions. La CVGC a eu l'occasion de rencontrer la Commission genevoise des visiteurs officiels, à Lausanne, ce qui a donné lieu à un échange fructueux sur les pratiques et les thèmes communs à soulever. Une bonne collaboration a également été instaurée avec les membres de la Commission de gestion (COGES), concernée par la thématique carcérale.
La commission a pris connaissance des déterminations du Conseil d'Etat sur les 13 recommandations émises, avec intérêt, mais également avec un certain agacement du fait des multiples renvois aux réponses données par le Conseil d'Etat après les derniers rapports. En effet, les thèmes concernant la surpopulation et la détention dans les zones carcérales, ou encore les régimes de détention, sont soulevés d'année en année par la CVGC, qui ne devrait pas avoir besoin de réitérer ses recommandations depuis tant d'années, et cela malgré les textes qu’elle a déposés et qui ont été largement approuvés par le Grand Conseil. Un échéancier clair serait donc bienvenu ! Il faut toutefois reconnaître aussi certaines réflexions, comme la possibilité de proposer des méthodes de substitution – par exemple la cigarette électronique afin de limiter la fumée passive – ou l'annonce d'un exposé des motifs et projet de décret pour une adaptation des locaux à la disposition du service médical, mais là encore, il n’y a pas d'échéancier. L'installation de Skype de manière généralisée, dorénavant, aura l'avantage de faciliter l'accès au monde extérieur ainsi que d'éventuels entretiens d'embauche, par exemple.
La recommandation n°7 met en lumière la difficulté du métier d'agent de détention. Dans certains établissements, le taux d'absentéisme va jusqu'à 15 % des effectifs, avec pour conséquence l’enfermement élargi des personnes détenues, qui ne peuvent pas travailler ou se former en vue d'une réinsertion facilitée. Du fait de cet enfermement involontaire, il est arrivé que la rémunération soit diminuée, voire supprimée, lorsque la personne détenue suivait une formation. La CVGC entend l'étonnement du Conseil d'Etat quant à ce constat. Dès lors, elle peut souligner la pertinence de son travail qui met en lumière les réalités du terrain. La prise en charge médicale reste insuffisante, à ce jour, principalement pour les personnes nécessitant des soins psychiatriques, même si le SPEN et le SMPP projettent le développement d'un large concept interdisciplinaire dans la prise en charge spécifique de la personne détenue.
L'établissement pour mineurs des Léchaires souffre d'une sous-dotation en personnel soignant. De ce fait, il ne peut assurer une présence médicale, pourtant plus que nécessaire, durant le week-end, les jours fériés et la nuit. Constatant qu'il n'était pas aisé d'obtenir des chiffres sur les suicides et les tentatives de suicide en milieu carcéral, la CVGC a demandé un rapport documenté sur cette problématique, il y a déjà une année. La création d'une unité psychiatrique pour femmes, souhaitée depuis longtemps, est une bonne nouvelle, bien que l'ouverture initialement prévue ce début d'année soit reportée à 2025. Une stratégie de réinsertion a été présentée devant la presse, jeudi dernier. La commission en a pris connaissance et, si elle salue ces bonnes intentions, elle attend de voir la concrétisation sur le terrain. Le communiqué de presse a d'ailleurs été l'occasion de découvrir que l'ouverture des Grands Marais avait à nouveau été reportée d'une année, soit à 2031 ! La nomination d'une cheffe de service adjointe est à noter, qui sera notamment en charge de la réinsertion. Nous suivrons avec intérêt les mesures mises en place.
Durant la première année de législature, la commission a poursuivi sa mission en se préoccupant des conditions de détention des personnes, dès leur arrestation. Ainsi, plus de 100 personnes détenues ont pu s'entretenir à ce sujet avec la commission. Encore une fois nous saluons le remarquable accompagnement des collaboratrices et collaborateurs de terrain qui apportent une écoute attentive dans un contexte de travail exigeant, désamorçant nombre de situations délicates. En conclusion, la commission réitère ses remerciements à tous les intervenants et toutes les intervenantes, à tous les niveaux de la hiérarchie, qui contribuent à l'accompagnement quotidien des personnes détenues et au maintien de la sécurité. Nos remerciements vont également aux expertes et aux experts qui accompagnent la CVGC lors des visites. La commission adresse ses vifs remerciements à Mme Fanny Krug, secrétaire de commission, pour ses grandes connaissances des dossiers et qui fournit un appui précieux, apprécié des commissaires. La commission vous remercie de soutenir le rapport.
La discussion est ouverte.
Chaque année, depuis de nombreuses années, le rapport de la commission des visiteurs insiste sur la surpopulation carcérale. Et chaque année, malheureusement, la situation n'évolue guère, le problème demeurant complexe. La surpopulation carcérale touche principalement les prisons de détention avant jugement. Ainsi, les jours de visite de la commission des visiteurs, la prison du Bois-Mermet était occupée à 166 % et la prison de la Croisée était occupée à 138 %, des pourcentages qui ne varient que très peu depuis de nombreuses années ! La surpopulation en détention avant jugement entraîne de nombreuses difficultés, car elle crée des conflits et des tensions entre les détenus, mais aussi envers les agents de détention. Cela altère la santé physique et psychique des détenus, diminue les possibilités de contact avec l'extérieur – visites en prison et contacts téléphoniques – et réduit les heures de sport ou de possibilité de se cultiver. Le manque d'argent et le manque d'agents de détention par rapport au nombre de détenus rendent très difficiles les conditions de travail du personnel, qu'il soit médical ou pénitentiaire.
Le manque de places en détention avant jugement a pour conséquence directe l'engorgement des zones carcérales, dans lesquelles les dispositions légales selon lesquelles la durée de détention doit être de 48 heures au maximum sont largement dépassées. De plus, ces zones carcérales – soit à la Blécherette, soit à l'Hôtel de police de la Ville de Lausanne – ne sont pas prévues pour des rétentions aussi longues – 23 heures sur 24 en cellule sans fenêtre, avec lumière artificielle. Or, il faut savoir que la durée médiane de détention en zone carcérale est d'environ 12 jours ! Lors de nos visites, nous avons pu constater l’équilibre fragile que réalisent les agents de détention et les directions pour que la poudrière n'explose pas ! A la Commission des visiteurs, nous sommes convaincus que cette situation est dommageable pour tout le monde : pour les détenus et les agents de détention, mais aussi pour la population, car on ne sort pas des prisons vaudoises nécessairement meilleur qu'on y entre. S’il est vrai que la prison doit être un endroit de privation de liberté, elle devrait aussi être propice à la réflexion et à la projection d'une nouvelle existence pour le détenu, en lui permettant de travailler sur sa personnalité, sur son délit, et de réfléchir à une voie pour sa réinsertion.
Attendre jusqu’en 2031 la nouvelle prison des Grands Marais demeure une réponse facile à une problématique complexe. Nous sommes tous conscients qu'il ne suffira pas de dire « on veut » et « il faut » pour résoudre la surpopulation carcérale, mais qu'il faut opérer une prise de conscience collective : prise de conscience du Parlement et du Conseil d'Etat, mais aussi de toute la chaîne pénale, afin d’admettre et de se mettre d'accord sur la nature du problème, le décrire, et ensuite se mettre en mouvement pour mener des actions communes et ainsi, peut-être, permettre une diminution du nombre de détenus dans nos prisons.
Le rapport de la présidente est très bien fait et je remercie la commission pour l'excellence de son travail. Effectivement, il faut relever que 30 % des détenus en Suisse sont hébergés dans les prisons vaudoises et genevoises, car ce n'est pas anodin et amène quelques questions. Après avoir eu la chance de visiter quelques prisons, non pas outre-Atlantique, mais dans le Saanenland et dans l'Oberland bernois, j’estime que nous avons quelques sujets de remise en cause qui interpellent, dans nos prisons. A ce jour, nous avons visité passablement de prisons, et il faut dire que même si elles sont souvent overbooked, les conditions de détention y sont plutôt bonnes. Avec ces quelques mots, je remercie les personnes qui s'en occupent, car je pense que nous avons effectivement beaucoup de chance d'avoir des gardiens et des prisons d'une qualité assez exceptionnelle. Le groupe PLR remercie la CVGC dont il soutiendra le rapport et il vous encourage à le faire également.
La réinsertion en milieu carcéral met en évidence la complexité de l'articulation entre milieu fermé et milieu ouvert. Une réinsertion réussie est bénéfique pour la société dans son ensemble et elle fait partie de la stratégie de lutte contre les récidives. Dans la recommandation n°8 de son rapport annuel, la CVGC demande qu'une stratégie de réinsertion soit mise en œuvre dans l'ensemble des structures carcérales. Les Vertes et les Verts saluent la volonté du Conseil d'Etat de mettre justement l'accent sur le renforcement du programme de réinsertion, explicité la semaine passée dans la nouvelle stratégie de réinsertion 2030. Ainsi, ils et elles retiennent particulièrement la volonté de viser une plus grande autonomie des personnes détenues, par une prise en charge globale et suivie depuis la détention avant jugement jusqu'à la sortie. Par exemple, maintenir les ressources existantes comme l'activité professionnelle, le logement ou les relations extérieures des personnes détenues avant jugement afin de leur permettre de préserver leurs acquis et de se maintenir dans les meilleures conditions possibles en vue de leur future réinsertion, sont des objectifs du projet pilote actuellement déployé sur les cantons de Berne et Zurich, dont le canton de Vaud pourrait également s'inspirer dans le futur.
Faire en sorte que la sanction pénale permette de faciliter la réinsertion est un défi de taille. Les efforts en ce sens doivent aussi s'accompagner de considérations sur l'efficacité des sanctions, ainsi que sur les modalités de prise en charge, qui mobilisent une multitude d'acteurs et déclenchent une accumulation complexe de rationalités à prendre en considération. Comme l'a souligné le SPEN, une meilleure réinsertion passe aussi par des bâtiments plus adaptés. Nous souhaitons que cette stratégie puisse encore influencer et orienter la conception des nouveaux établissements pénitentiaires attendus et gageons qu’en dépit des conditions actuelles de surpopulation, du manque de place et de ressources, cette nouvelle stratégie puisse se déployer sans délai et servir de levier vers un changement, en adéquation avec la réalité de terrain. Aussi, les Verts et les Verts acceptent le rapport de la CVGC et vous recommandent d'en faire de même.
J'aimerais partager avec vous deux réflexions, dont la première concerne les personnes qui exécutent une mesure sous article 59. Cette mesure s’adresse à des personnes qui ont des problèmes « psy » plus ou moins graves, voire graves, qui peuvent avoir un comportement potentiellement violent, voire très violent, ou des déviances sexuelles plus ou moins fortes, et que l'on « condamne à se soigner. » Dans les faits, il s'agit d'une mesure thérapeutique afin de se soigner en milieu fermé et de protéger la société. Or, il existe très peu d'endroits qui acceptent ce type de personnes en Suisse romande. S’il en existe un peu plus en Suisse allemande, ce n'est pas forcément qu’on y a construit des bâtiments supplémentaires, mais qu’on a eu l'intelligence d'utiliser les bâtiments existants, notamment des hôpitaux psychiatriques, et d'en dédier une partie à des milieux fermés. Or, nous avons un problème, car nous n’avons que peu ou pas du tout de place pour accueillir ces personnes alors que l’établissement Curabilis déborde depuis très longtemps. Par conséquent, ces personnes sont internées en prison. En réalité, alors qu'ils sont condamnés à suivre des soins, on condamne des gens à de la prison. Or, les prisons ne sont pas des lieux de soins. Evidemment, on y trouve un milieu hospitalier, ou plutôt infirmier, mais les infirmiers ne sont pas présents 24 heures sur 24. On y trouve un ou une psychiatre, mais pas forcément tous les jours, ni même toutes les semaines et c’est la même chose pour les médecins. Les personnes concernées n'ont rien à faire en prison, mais devraient être dans des milieux hospitalisés, fermés, pour suivre les mesures thérapeutiques nécessaires. L’emprisonnement va même à l'encontre du bon sens parce qu'on s'aperçoit qu'il entraîne plutôt, une dégradation psychique comme physique. Et je vous rends attentif au fait que tout cela coûte une véritable fortune ! J’estime donc qu’il faudrait vraiment empoigner ce problème, car il ne sera pas résolu uniquement par la construction des Grands Marais en 2030 ou 2031.
La deuxième réflexion que je tenais à partager avec vous, c’est que des gens sont emprisonnés, soit parce qu'ils ne respectent pas la loi et commettent des infractions assez fortes, soit alors parce qu’ils sont des multirécidivistes. Or, en termes de conditions de détention, nous ne respectons pas la loi – tous mes préopinants l’ont dit. Et de surcroît, puisque la situation est dénoncée presque chaque année par votre commission, comme aussi par la Commission européenne pour la prévention de la torture : nous sommes récidivistes. Nous pouvons donc songer au fait que nous avons une certaine ressemblance avec les personnes qui sont enfermées en prison : nous sommes hors la loi et récidivistes ! Au-delà de la boutade, cela devrait nous inciter à vraiment lire les 13 recommandations de la commission, et à tout mettre en œuvre pour trouver une solution rapide et concrète afin de répondre à ces recommandations.
Je déclare mes intérêts en tant que membre de la CVGC. Suite à l’excellent rapport de notre présidente, j’aimerais confirmer la qualité et le professionnalisme des agents de détention, des collaboratrices et collaborateurs de tous les centres de détention visités par notre commission. J’aimerais dire quelques mots sur certains centres de détention. Aux Léchaires à Palézieux, centre de détention pour mineurs et jeunes adultes qui est l’établissement le plus récent, j’ai notamment relevé, dans les divers ateliers, l'excellence de la prise en charge par les éducatrices et éducateurs et j’estime que c'est une chance pour les jeunes délinquants de notre canton. Pour l'établissement du Simplon, situé sous la gare de Lausanne, il s'agit de semi-détention et de travail externe (TEX). Une extension de ce style d'établissement serait une piste aussi à moyen terme afin de diminuer, en tant que soit peu, la surpopulation carcérale. La prison du Bois-Mermet suscite évidemment de nombreuses discussions et commentaires, dans notre rapport, puisque c’est le principal lieu de surcharge carcérale de notre canton. Mais lors de nos visites et par des remarques des détenus lors des auditions, nous avons aussi pu constater que ce lieu de détention est très pratique pour les visites des familles, ou des enfants seuls, vu la géographie de cet endroit très proche de la ville où il est facile de se rendre par transports publics et mobilité facilitée. Ce fait me semble important à relever et à méditer pour les futures constructions, rénovations ou transformations de nos pénitenciers du canton. Et malgré la surcharge carcérale chronique, je rejoins facilement les propos de M. le conseiller d'Etat Venizelos rapportés dans le quotidien 24 heures de la semaine passée : « On ne va pas bâtir des prisons à l'infini. » Oui, je vous rejoins, monsieur Venizelos, mais je compléterai en disant qu’à l’avenir, pour améliorer cette situation, il faudra peut-être aussi appliquer à certains détenus l'idée de faire purger les peines de prison dans leur pays d'origine, en proposant une participation financière. Ce serait aussi une piste afin de maîtriser la surcharge carcérale.
Notre représentante à la commission, Mme Marendaz, étant excusée pour cette séance, je vous présente quelques éléments qu’elle nous a transmis. En lien avec ce rapport et avec les prises de parole respectives des membres de la CVGC, je rappelle que, cette année, notre collègue Marendaz a déposé quelques interventions ciblant la santé psychique des détenus, qui font écho aux revendications présentées dans le rapport au titre du suivi des tentatives de suicide. Il y a de cela un an, le journal 24 heures révélait l’augmentation de grande ampleur des troubles psychiques et des pathologies somatiques chez les détenus et détenues vaudoises. Ce constat de dégradation de la santé psychique des détenus est un aveu d'échec du rôle des établissements de détention pour faire diminuer la criminalité à long terme. Une étude de l'Université de Genève, à cette même période, nous alertait : parmi les causes principales de l'augmentation des suicides et de la dégradation psychique sont la surpopulation carcérale, l'absence de liens avec les proches et l'isolement. « Là où l'enfermement brutal détruit, d'autres processus réparent » énonçait la plateforme d'information mondiale Prison Insider, en 2016. Ces mots sonnent terriblement juste, aujourd'hui, dans la situation vaudoise, qu'il s'agisse du Bois-Mermet surpeuplé, ou des zones carcérales où les conditions de détention dépassent toute décence et sont même illégales pour l’enfermement de personnes n'ayant pas encore été jugées.
Comme le disait M. le conseiller d'Etat récemment dans la presse : « On ne peut pas construire des prisons à l'infini ». C’est vrai, et il faudra trouver d'autres moyens, mais nous ne soutiendrons évidemment pas l’idée de faire purger des peines de prison dans les pays d'origine des détenus en leur demandant des participations financières. Je prends un autre exemple : en Finlande, la réduction de certaines peines d'enfermement pour des délits mineurs, l’encouragement de peines alternatives à l'enfermement, telles que les travaux d'intérêt général et favoriser le recours à la libération conditionnelle, en investissant des moyens financiers dans la réinsertion, sont toutes des mesures qui ont eu des conséquences majeures sur la criminalité. Les taux de récidive y sont parmi les plus bas avec des prisons différentes, axées sur la réhabilitation et le soin, cela fonctionne. Toutefois, les déclarations ne suffisent pas ; ce constat appelle des moyens et une coordination de tous les acteurs de la chaîne pénale. Nous pourrions prendre cette tangente qui serait au bénéfice de la sécurité de toutes et tous : c'est une question de volonté.
Devant le problème récurrent de surpopulation carcérale, le rapport nous apprend que le canton de Vaud est plus restrictif que les autres cantons en matière de libération conditionnelle. J’ai donc une question pour le Conseil d'Etat : ne pourrait-on imaginer alléger un peu certaines situations pour libérer davantage de gens, en libération conditionnelle ? Cela ne permettrait-il pas de résoudre une part de la surpopulation ? Ensuite, j'aimerais rebondir sur les propos de mon collègue Chapuisat tout à l'heure par rapport aux mesures thérapeutiques. Il n'est pas normal que des détenus à qui l’on impose une mesure thérapeutique soient en prison ! J’ai visité le nouvel hôpital de Cery qui compte une division fermée pour les jeunes et les mineurs. Je m'étonne qu’au moment où l’on a conçu ce nouvel hôpital, on n'ait pas prévu de division qui permette à ces détenus d'être pris en charge et de recevoir des soins thérapeutiques meilleurs qu'en prison.
J'aimerais tout d’abord remercier Mme la présidente de son rapport. Je dois dire être étonné que nous ayons refait, cet après-midi, une séance de la commission des visiteurs. En effet, tous les membres ou presque de la commission se sont exprimés pour ajouter encore quelque chose. Certes, ce rapport est là et nous devons en tenir compte, mais il faut aussi être clair : aujourd’hui, une criminalité existe et elle se trouve à l'intérieur. Et personnellement, principalement à la COGES, je m'occupe du bien-être des surveillants et des personnes qui se trouvent de l'autre côté de la barrière. Certes, il faut s'occuper des détenus, et l'essentiel pour nous est d’être présents, mais nous devons laisser l'Etat faire son travail. Les gens qui sont derrière les barreaux ne s’y trouvent pas à tort, mais bien pour des raisons précises.
Le rapport de la commission des visiteurs de cette année est particulièrement pertinent et vraiment excellent, dans la forme et dans le fond. Et en tant que présidente de la COGES, je ne peux qu'apprécier le travail qui a été fait. Je rappelle qu’à mon arrivée au Grand Conseil, le premier rapport COGES que j'ai pu lire – sur l'année 2017 – débutait par un Rapport spécifique. Or, cette année-là, il portait exactement sur le travail du SPEN et sur la problématique de la surpopulation des prisons. Puis, en 2018, le 10 décembre – je m'en rappelle bien puisque c'est la date de mon anniversaire – nous avons eu des Assises de la chaîne pénale, cinq ans après les premières Assises de la chaîne pénale qui avaient eu lieu en 2013. Or, il semble que le résultat de 2013, comme celui de 2018, n’a finalement abouti à rien ! Personne ne s'est remis en question. On nous annonce simplement que l’on va construire un nouveau bâtiment : les Grands Marais. C'était alors la première étape et ce bâtiment devait ouvrir en 2026, puis la décision a été prise de faire plus qu'un seul bâtiment, mais maintenant l'ouverture des portes est repoussée à 2030...
Pour le reste, je suis d'accord qu’il ne faut pas mélanger les pouvoirs. On peut malgré tout se demander quelles réflexions ont été faites par le pouvoir judiciaire, suite aux Assises de la chaîne pénale, puisque l'on sait que le taux de condamnation est particulièrement élevé dans le canton de Vaud. Je pense donc qu’à un certain moment, nous devrons nous mettre tous autour d’une table pour vraiment trouver des solutions, et pas simplement dire : ce n'est pas possible, c'est à l'autre de le faire, on n'a pas le temps, on n'a pas les moyens... Ainsi, je vous demande vraiment de suivre les recommandations du rapport de la Commission des visiteurs.
Tout d'abord, je rappelle mes intérêts, à supposer qu'ils y soient directement liés : je suis avocat à Lausanne. J’étais intervenu, en 2012, pour demander des Assises sur la chaîne pénale, car la problématique de surpopulation carcérale existait déjà. Entre 2013 et 2014, nous étions intervenus dans ce Grand Conseil pour dénoncer la situation qui voyait des détenus être relâchés, faute de place dans les prisons. Comme vient de le dire notre collègue Monique Ryff, nous étions encore intervenus le 6 février 2018 – en tout cas en ce qui me concerne – pour souligner l'urgence de la surpopulation carcérale, mais je dois vous rappeler que ce postulat a été classé, en décembre 2018, parce qu'on estimait finalement qu’il s’agissait d'alarmisme mal à propos et que « tout allait bien dans le meilleur des mondes possibles », comme aurait dit le Dr Pangloss.
Vous connaissez le discours « c'est urgent, il faut absolument faire quelque chose » que l’on entend aussi par rapport aux coûts de l'assurance-maladie : cela fait 10 ans qu'on dit qu'il faut agir, 10 ans que l'on dit que c'est urgent et cela fait 10 ans que l'on nous dit « on va faire quelque chose ». Les recommandations de la Commission des visiteurs de prison me semblent tout à fait pertinentes et bien sûr qu’il faut les suivre! Je fais les mêmes constats que Mme notre collègue Monique Ryff tout à l'heure, et dans les déclarations de M. le conseiller d'Etat Venizelos dans le communiqué du Conseil d'Etat et tel que rendues dans la presse, j'ai personnellement accueilli avec beaucoup de satisfaction une solution qui avait déjà été évoquée, il y a une dizaine d'années, de constructions mobiles plus faciles à construire. Il est vrai que nous avons longtemps espéré que la construction des Grands Marais puisse démarrer plus rapidement, mais ce n'a pas été le cas ; nous connaissons tous les difficultés des procédures en matière de police des constructions et vous imaginez bien à quel point c'est délicat quand il s’agit d’une prison. Je ne peux donc que vivement conjoindre le Conseil d'Etat à suivre la piste des constructions modulaires évoquée par M. Venizelos. En effet, le problème ne va pas se résorber tout seul et comme déjà dit, cela fait 10 ans qu'on en parle, 10 ans que l'on évoque des détenus qui ne sont pas emprisonnés faute de places, soit que l'on déclare « il faudrait réformer la chaîne pénale », ou alors « il faudrait peut-être faire plus de conditionnelle ». Mais ce n'est pas au Grand Conseil de faire de la politique carcérale, et encore moins de la politique pénale ! Il suffirait qu'il y ait une fois un problème de récidive et vous pouvez vous imaginer la problématique ! Par conséquent, aujourd'hui, il faut absolument prendre des mesures.
J'aimerais encore vous dire une dernière chose : lorsque l'on parle de statistiques, on nous dit que le canton de Vaud incarcère beaucoup plus que les autres cantons, mais si vous regardez les graphiques, vous voyez que Vaud est à la même aune que Zurich, par exemple, et que Genève. En réalité, cela tient à la population elle-même. En effet, une des conditions pour la détention préventive est liée au risque de fuite. Par conséquent, et suivant la typologie des détenus, si les ressortissants étrangers sont plus nombreux, dans certains cantons ou même à l'étranger, vous réalisez d’emblée pour quelle raison ils demeurent généralement en détention jusqu'au jugement, ce qui est évidemment beaucoup moins le cas à Schwytz, Nidwald ou Obwald, pour citer quelques exemples. Ainsi, je pense qu’il faut faire très attention quand on utilise les statistiques pour montrer que Vaud incarcèrerait plus. On voit qu’à Zurich, les statistiques sont encore plus importantes et à Genève également. Finalement, Vaud est dans une moyenne conforme à la typologie des détenus qui se trouvent dans le canton.
En résumé, je vous invite à suivre l’excellent rapport des commissaires visiteurs de prison. Et monsieur le conseiller d'Etat, je ne peux que vous inviter à mettre en pratique votre excellente idée de pistes de construction plus rapides et modulaires, pour aller de l'avant parce qu'effectivement, tout cela n'a que trop duré. J'avais déposé une intervention « Usque tandem… » – jusqu’à quand ? Aujourd'hui, la coupe est pleine. Même si j’ai renoncé à déposer des interventions dans ce sens, il n’empêche que je persiste à considérer que la situation est dramatique et que nous ne pouvons pas nous satisfaire de la situation actuelle.
Tout d'abord, je remercie la CVGC pour la qualité de son travail et pour son rapport, et vous tous pour cet échange. Dans ce domaine, les solutions ne sont ni simples ni uniques et il faut mobiliser l'ensemble des acteurs concernés, c’est-à-dire tous les acteurs de la chaîne pénale. Il est vrai qu’à terme, le projet des Grands Marais nous permettra de répondre à une grande partie des difficultés et problèmes liés à la surpopulation carcérale, mais il est aussi vrai – nous avons déjà eu l'occasion d'en débattre – que nous ne pouvons pas attendre 2030 et la mise à disposition des Grands Marais pour proposer des mesures de lutte contre la surpopulation carcérale. Cette année, je reviendrai vers vous avec différents crédits d'études et crédits d'ouvrage, notamment pour aller de l'avant avec la prison des Grands Marais. L'enquête publique sur le plan d'affectation est sur le point de toucher à sa fin. Nous nous attendons à toute une série d'oppositions qu'il faudra évidemment traiter, mais la volonté du Conseil d'Etat est d'aller de l'avant avec le projet, raison pour laquelle nous vous présenterons des demandes de crédits d'études et crédits d'ouvrage.
Nous reviendrons aussi vous présenter différentes demandes de crédits d'études et d'ouvrage pour les autres établissements de la politique pénitentiaire vaudoise. Je pense au Bois-Mermet, à Bochuz et au pôle alimentaire, à la Colonie ouverte aussi avec la création d'un pôle médical, et également avec le renforcement du pôle médical et la création d'une cellule psy du côté de la Tuilière. Bref, le Conseil d'Etat est évidemment conscient de la nécessité d'investir dans ces infrastructures et ces établissements, et d'aller le plus rapidement possible dans le projet des Grands Marais, tout en travaillant, en parallèle, sur la formation des agents de détention. En effet, à l’évidence, créer 410 places à l'horizon 2030 va nécessiter des agents de détention. Nous anticipons la formation de ces agents de détention puisqu'une gestion prévisionnelle des effectifs a été effectuée qui nous permettra d'avoir des agents de détention formés à cette échéance. M. le député Buffat l'a rappelé : en matière d'infrastructures, nous ne pouvons pas attendre 2030. Nous devons analyser l'ensemble des pistes possibles, sans tabou, raison pour laquelle la possibilité de créer des espaces modulaires est très concrètement étudiée par les services d'administration. Evidemment, il y a la question du site, de l'acceptabilité d'un tel établissement sur la commune qui devrait l’accueillir, ainsi que des questions liées aux possibilités de construction et à l'aménagement du territoire, et les services de l'administration sont en train de travailler sur toutes ces pistes. Il ne s’agira pas d’espaces mobiles, ils resteront fixes, évidemment, mais nous travaillons sur des espaces modulaires.
A côté des infrastructures, le département a aussi communiqué sur sa stratégie de réinsertion, ce qui nécessite une amélioration des espaces. C'est donc aussi dans ce but que nous viendrons vous présenter différents crédits d'ouvrage et d'études, pour améliorer la capacité des différents établissements à faire de la réinsertion, qui consiste à faire de la sécurité et à lutter contre la récidive. C'est un axe sur lequel nous souhaitons renforcer les mesures déployées au quotidien par les agents de détention et les différents métiers qui travaillent dans les établissements pénitentiaires. En matière de mesures alternatives, le canton de Vaud continue à être champion suisse, puisque 30 % des mesures alternatives de Suisse sont déployées sur le canton de Vaud ! En 2022, 404 mesures ont été déployées – bracelets électroniques et travaux d'intérêt général. Nous avons évidemment encore une marge de manœuvre, mais le canton de Vaud est déjà très actif sur cet axe, indispensable pour lutter contre la surpopulation carcérale. Et sur les différentes pistes, comme annoncé, le département tient toujours à travailler avec l'ensemble des partenaires. En réponse à une intervention parlementaire, un rapport sera rendu qui permettra de présenter l'ensemble des mesures identifiées et les différentes marges de manœuvre qui nous permettront d'aller de l'avant et de répondre à la surpopulation carcérale.
Je reviens sur quelques questions soulevées, et notamment l'article 59. Dans l'idéal, pour ce type de cas, il est vrai que des établissements spécifiques sont plus adéquats, mieux adaptés – on pense à Curabilis, typiquement. Evidemment, les places y sont limitées, et donc un certain nombre de personnes détenues sous le coup d'un article 59 se trouvent dans des établissements traditionnels. A plusieurs reprises, le Tribunal fédéral a eu l'occasion de rappeler que les mesures thérapeutiques et le personnel qualifié mis à disposition, au niveau des établissements, nous permettaient d'être conformes au Code pénal, et donc de respecter le droit fédéral. Evidemment, nous travaillons aussi sur des alternatives, en parallèle avec le département de la santé. Les Grands Marais nous offriront aussi une réponse, à terme – soit en 2030. Dans l’intervalle, nous allons trouver des alternatives et plus précisément dans l'établissement des Tuilières, il y aura un espace dédié, spécifique pour les femmes. Sur la question de la libération conditionnelle, il ne me revient pas de commenter des décisions de justice, mais je me permets tout de même de corriger un élément figurant dans le rapport : en effet, depuis 2016, le canton de Vaud se situe dans la moyenne suisse, et 2/3 des demandes de libération conditionnelle octroyées sont délivrées dans le canton de Vaud. Enfin, concernant la possibilité d'exécuter des peines à l'étranger, il y a évidemment un problème de base légale. De telles décisions peuvent être prises par l'Office fédéral de la justice, à deux conditions. Premièrement, il faut que le délit soit reconnu dans le pays où la peine pourrait être purgée. Deuxièmement – cette condition est probablement la plus contraignante : il faut que le détenu soit d'accord de purger sa peine à l'étranger. Le canton n'a donc aucune marge de manœuvre pour effectuer ce qu'on appelle le transfèrement, sur le territoire vaudois. Je vous remercie pour ce débat, et me réjouis de revenir vous présenter différents projets, demandes de crédit d'études et d'ouvrage, pour renforcer la capacité du canton à répondre à la problématique de la surpopulation carcérale. Il y a évidemment les infrastructures et nous allons monter en puissance sur les mesures alternatives et sur la réinsertion qui va déployer tous ses effets ces prochaines années. Cela passe aussi par la création de postes pour permettre aux différents collaborateurs qui travaillent sur le terrain de le faire dans de bonnes conditions afin de créer de la réinsertion de qualité. Nous aurons l’occasion de débattre de ces différents aspects au travers des crédits d’ouvrage et d’étude, mais aussi au travers du budget, et je me réjouis de ces futurs débats.
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Le rapport annuel 2022-2023 de la Commission des visiteurs du Grand Conseil est accepté à l’unanimité.