23_RAP_17 - Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur le Postulat Philippe Germain et consorts - A quand une gestion efficiente et courageuse des grands prédateurs ? (21_POS_45).
Séance du Grand Conseil du mardi 19 mars 2024, point 37 de l'ordre du jour
Documents
- Texte adopté par CE - Rap-CE POS Germain 21_POS_45 - publié
- Rapport de commission - Rapport du CE au GC - Gestion grands prédateurs (avec annexes)
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourLe Conseil d'Etat rappelle à titre liminaire que la situation actuelle et transitoire est marquée par une augmentation importante du nombre de loups et de meutes sur un territoire relativement restreint. L'arrivée du loup modifie de manière conséquente l'équilibre du système construit par les éleveurs et éleveuses depuis des décennies, notamment dans la région du Jura vaudois. Un nouveau cadre fédéral entrera en vigueur au 1er décembre 2023, passant d'une gestion du loup réactive vis-à-vis du tir à un mode de régulation. Certaines mesures pour la gestion du loup ont déjà été prises, comme l'assouplissement de certaines conditions pour prendre une décision de tir. Afin de comprendre l'évolution des meutes et le comportement des loups, le monitoring a été développé et des appareils photo et vidéo ont été déployés sur le territoire. Cette compréhension est un levier important pour mettre en place une politique efficace.
Le postulant rappelle avoir déposé le présent postulat en 2021 pour donner suite aux premières attaques et aux craintes liées à l'évolution des loups dans la région du Jura vaudois. Une troisième meute s'est installée dans le canton et les mesures prises en alpage vont devoir aussi être prises en plaine. Favorable à une régulation sévère, il considère néanmoins ce rapport comme complet, tout en étant conscient qu'une cohabitation avec les loups, protégés par la loi, est inévitable. Cependant, il est nécessaire que les pâturages ne soient pas systématiquement attaqués. Le système pastoral ne doit pas disparaître, car il est également important pour la biodiversité de la région. Aussi, le postulant remarque la difficulté de mettre en place certaines mesures. La commission recommande au Grand Conseil d'accepter le rapport du Conseil d'Etat par 8 voix contre 1 et 2 abstentions.
La discussion est ouverte.
La problématique de la présence du loup dans nos alpages, et parfois au plus près de nos villages, s'invite régulièrement dans nos débats. C’est un état de fait qui ne risque pas de changer ces prochaines années. Toutefois, pour faire suite à mon postulat déposé en 2021, des solutions plus concrètes se basant sur l'expérience des dernières années et sur les études du comportement du loup nous ont été proposées dans le rapport. Toutes les mesures mises en place n'atteignent cependant pas l'objectif attendu.
Je ne peux malheureusement que souligner que le rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil date de mai 2023 et qu’il répond à une situation qui évolue tous les jours sur le terrain, non seulement par rapport à la date de sa rédaction, mais aussi par rapport à celle du dépôt du postulat, dont les questions correspondaient au début des attaques et des prédations. C'est pourquoi je ne peux qu'attendre avec impatience les réponses qui seront données aux nombreuses interpellations et interventions qui ont eu lieu entre-temps dans l'hémicycle. J'espère aussi que le Conseil d'Etat continuera à mettre en œuvre, dans la ligne de son plan d'action Loup Vaud 23, des mesures qui tendent à harmoniser les relations entre le grand prédateur, les acteurs de l'économie alpestre, les promoteurs de la biodiversité, les habitants de notre région et les promeneurs qui apprécient tant s'y trouver.
A mes yeux, le Conseil d'Etat devra appliquer la nouvelle Loi sur la chasse, car seule une régulation constante des meutes en présence pourra résoudre le problème. Je remercie le Conseil d'Etat pour son rapport que j'accepte et vous prie d'en faire de même.
Nous remercions le Conseil d'Etat pour sa réponse. Elle répond notamment à trois points relevés dans le rapport de commission :
- Apprendre à connaître les grands prédateurs, par exemple les éléments d'autorégulation, et notamment par les monitorings.
- Comprendre comment les meutes se déplacent et comment elles s'installent.
- Evaluer les réponses du grand prédateur à nos mesures de protection et évaluer comment faire évoluer ces mesures de protection de troupeaux.
Il s'agit de tenir une stratégie avec une vision à long terme. Demandé par le postulant, le plan Loup est une stratégie orientée vers le développement d'outils pertinents à long terme. Le plan Loup propose aussi une stratégie tenant compte des mesures de protection et de soutien à l'agriculture à court terme, tout en travaillant sur les mesures de régulation et de cohabitation à long terme, en s'inscrivant dans le cadre de la révision de l'ordonnance sur la chasse.
Nous nous réjouissons des séances d'information publique ; il est important que la population puisse fonder son opinion sur des informations pertinentes issues à la fois d'études scientifiques et de terrain. Les Verts vous invitent donc à accepter le rapport du Conseil d'Etat, comme le propose la commission dans sa majorité.
Je déclare mes intérêts : je suis le directeur de la faîtière agricole romande. La réponse du Conseil d'Etat répond certes à la demande du postulat Germain, qui demandait un plan de gestion du loup. En revanche, du côté du PLR, nous estimons que ce plan ne va pas assez loin, notamment sur les éléments de régulation. De plus, la discussion que nous avons aujourd'hui vient un peu comme la grêle après les vendanges, puisque nous discutons du plan Loup 2023. Nous discutons sur la base d'un plan qui a été réalisé dans le cadre de l'ancienne loi fédérale sur la chasse. Aujourd'hui, l'important est que le canton mette enfin en œuvre la nouvelle loi et la nouvelle ordonnance fédérale sur la chasse. C'est pour cela que la majorité du groupe PLR refusera ou s’abstiendra sur cet objet.
Je remercie Philippe Germain pour le dépôt de son postulat qui date de 2021. La réponse du Conseil d'Etat est en effet antérieure aux différentes révisions légales qui viennent d'être évoquées. Le plan d'action Loup est en cours de révision à l'aune du bilan effectué et des différentes mesures qui figurent dans le plan Loup, mais aussi à l'aune des révisions de la loi et des ordonnances qui ont été évoquées tout à l'heure, révisions d'ordonnances qui changent la donne en matière de régulation. Nous sommes dans un nouveau régime, nous ne sommes plus uniquement dans la régulation réactive. Nous devons justifier les demandes de tir ou de régulation lorsqu'il y a des attaques, mais la régulation préventive est possible et autorisée par l'ordonnance.
Mon département avait été critique au moment de la consultation sur l'ordonnance, parce qu'il considérait que certains éléments n'étaient pas tout à fait clairs et méritaient d'être précisés. On l'a vu dans la confusion générée par une position de l'Office fédéral de l'environnement qui indiquait que nous ne pouvions pas éradiquer une meute sur le territoire vaudois et par les déclarations du Conseil fédéral qui disaient le contraire. Aujourd'hui, nous sommes en train de clarifier ces différentes positions. Le plan d'action qui sera prochainement discuté et adopté par le Conseil d'Etat intègre ces différents éléments ; il nous permettra d'adapter la stratégie de gestion du loup dans nos espaces à l'aune de ce nouveau droit fédéral.
Certes, la régulation est un élément important et l’un des chaînons de notre stratégie. Le droit fédéral ouvre un nouveau champ en matière de régulation, avec son volet préventif. Toutefois, la stratégie du Conseil d'Etat demeure construite sur trois piliers importants : la régulation, la protection des troupeaux et l'observation des meutes par une analyse scientifique sur le terrain. Nous pourrons ainsi atteindre l'objectif défendu au niveau fédéral et par l'ensemble des cantons en Suisse : la coexistence entre le loup et les activités humaines.
Je suis désolé d'intervenir après M. le conseiller d'Etat, mais j'ai eu un petit souci de carte tout à l'heure. Dans le rapport de la commission, il y a un plan avec les localisations des attaques dans le canton de Vaud au 16 août 2023. Or, comme l'a dit M. Bardet, la situation évolue tellement vite que cette carte est désuète aujourd'hui. On constate qu'il y a eu un regroupement autour de Montricher, au sud du Lac de Joux, au pied de la région de Bière, etc., où il y a eu plusieurs attaques l'été passé. Mais depuis il y a eu d’autres attaques, notamment il y a moins d'un mois à Poliez-Pittet, et ce week-end du côté d’Arnex. Et cela continue ! Monsieur le conseiller d'Etat, il faut vraiment informer les éleveurs, presque au jour le jour, de la présence, dans une région ou une autre, de cet animal, afin qu’ils puissent prendre des mesures momentanées, par exemple en rentrant leurs animaux le week-end ou le soir. C'est un travail de longue haleine et tout le monde doit s’y atteler.
Cette situation va s'aggraver ; nous sommes presque au mois d'avril, avec un printemps précoce. Dès lors, beaucoup d'animaux ont déjà commencé à pâturer et vont très prochainement occuper le pied du Jura et le Jura. Les éleveurs qui sont touchés, et qui m'appellent, ont l’impression que la situation est incontrôlable. Elle est devenue incontrôlable parce qu’un jour le loup attaque à Poliez-Pittet, un autre jour il attaque à Arnex, et demain ce sera peut-être à Vugelles-la-Mothe. C'est pénible pour les éleveurs ; il faudrait donc réactualiser le plan Loup tous les trois mois, environ, pour qu'il soit à la hauteur des événements. Cela inquiète les gens et pèse sur leur moral, car quand vos bêtes sont dans les champs la nuit, vous n'êtes pas rassuré et vous devez vous relever pour aller voir ce qui se passe. Cette situation n’est pas tolérable à moyen et long terme. Dès lors, ce plan Loup n'est pas satisfaisant et mon groupe le refusera.
Je tiens à apporter une petite précision par rapport au plan évoqué par M. Durussel. Ce plan a été distribué en commission le 22 août 2023. Evidemment, la situation a évolué en une année. Toutefois, le Conseil d'Etat et les deux chefs des départements en charge de cette thématique n'attendent pas la révision du plan Loup pour se préoccuper de la problématique. Vous citez l'exemple des attaques de Poliez-Pittet ; or, une décision de tir a été prise sur le loup qui est à l'origine de ces différentes attaques. L'Etat continue donc à se préoccuper de cette thématique. Nous utilisons toutes les marges de manœuvre qui nous sont offertes par le droit, afin d’assurer le bon équilibre entre les activités humaines et la présence du loup. Lorsqu'il y a des attaques, lorsque les seuils sont atteints, les décisions de tir sont prises – c'était le cas à Poliez-Pittet.
Si vous voulez refuser ce plan d'action Loup, libre à vous. Le futur plan d'action intégrera le bilan de la politique de ces dernières années, mais aussi les récentes révisions au niveau du droit fédéral et des ordonnances en la matière. Les deux départements en charge du dossier – c'est-à-dire le département de Mme Dittli et le mien – continuent à travailler, à aller au contact du terrain et des éleveurs, afin de faire en sorte que la présence du loup dans les alpages soit en phase avec les activités humaines qui sont évidemment centrales et indispensables.
Monsieur Durussel, vous considérez que le plan Loup est mal adapté, mais ce n’est pas au plan Loup que vous devriez vous en prendre, c'est à la convention de Berne qui déclare le loup animal protégé ! Je crois que cela date d’environ 1970. Il a été protégé lorsqu’il était espèce en voie d'extinction ; or, maintenant, c'est une espèce qui prolifère. C'est un peu la même chose que le corbeau freux. On décide de le protéger parce qu'il est en petit nombre et ensuite on est bloqué par une convention de protection pour un animal qui n'est plus en voie de disparition. Il faudrait avoir le courage de mettre le doigt là où cela fait mal, c'est-à-dire remettre en cause ces conventions internationales de protection d'animaux qui, à un moment donné, prolifèrent et ne devraient plus être protégés de la même manière. A ma connaissance, il n'y a pas de convention internationale pour la protection du sanglier. On pourrait dès lors bientôt traiter le loup de la même manière.
Je suis obligée de réagir à ce que je viens d'entendre ; les bras m'en tombent ! Monsieur Haury, est-ce que je dois comprendre qu'il faut, pour qu'une espèce soit protégée, qu'elle soit en voie d'extinction et que la seule tolérance acceptable est de tenir à la limite de la limite une espèce en voie d'extinction ? Je ne peux pas entendre des choses pareilles ; je ne comprends pas ce que je viens d'entendre. (Rires.) C'est absurde ! Je vous invite à suivre la commission et à accepter ce rapport.
On doit apprendre à vivre avec le loup. On ne peut pas dire qu'une espèce ne doit être protégée que si elle est en voie d'extinction et que, lorsqu’elle n’est plus en voie d'extinction, on doit de nouveau l'exterminer jusqu'à ce qu'elle soit de nouveau en voie d'extinction. Je ne comprends pas ce que je viens d'entendre, je suis désolée.
Vous m'avez bien compris, madame Joly. Je considère que les mesures que l'on doit prendre pour une espèce qui prolifère ne sont simplement pas les mêmes que celles que l'on doit prendre pour une espèce en voie d'extinction.
Retour à l'ordre du jourLa discussion est close.
Le rapport du Conseil d’Etat est approuvé par 69 voix contre 57 et 4 abstentions.