23_LEG_133 - Exposé des motifs EXPOSE DES MOTIFS et PROJET DE DECRET ordonnant la convocation du corps électoral aux fins de se prononcer sur l’initiative populaire SOS Communes et son contre-projet et RAPPORT DU CONSEIL D’ETAT à la motion Alexandre Berthoud et consorts – Motion COFIN en lien avec les motions Rapaz et Lohri sur la Facture sociale (18_MOT_055) et RAPPORT DU CONSEIL D'ETAT Sur le Postulat Rebecca Joly et consorts – Péréquation intercommunale vaudoise et facture sociale : quel est le degré actuel de solidarité entre les communes ? (20_POS_221) et RAPPORT DU CONSEIL D'ETAT Sur le Postulat Pierre-André Romanens et consorts – Des accords sans désaccords (21_POS_23, anciennement 19_MOT_075) et RAPPORT DU CONSEIL D'ETAT Sur le Postulat Didier Lohri et consorts – Péréquation Parlementaire 1123 (21_POS_27, anciennement 20_MOT_16) (1er débat).

Séance du Grand Conseil du mardi 30 avril 2024, point 20 de l'ordre du jour

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Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

Je vous rappelle la procédure retenue : nous allons tout d’abord mener une discussion générale sur cet objet, mais il n’y aura pas de vote d’entrée en matière, puisque le Grand Conseil est tenu de donner suite au projet de décret ordonnant la convocation des électeurs pour se prononcer sur l’initiative populaire SOS Communes. Une fois la discussion close, nous passerons directement à l’étude du contre-projet, soit à l’article 1, lettre b – la lettre a étant le texte de l’initiative donc non modifiable.

M. Pierre Dessemontet (SOC) — Rapporteur-trice de majorité

Le rapport de majorité faisant 42 pages, je vous ferai grâce de sa lecture intégrale. (Réactions dans la salle.) Je peux le faire, il n’y a aucun problème… En introduction, nous rappellerons que le projet de nouvelle péréquation intercommunale vaudoise (NPIV) est, en substance, un contre-projet global à l’initiative populaire SOS Communes déposée en juin 2021 et qui demandait que l’Etat de Vaud reprenne l’entier de la facture sociale à sa charge. Le contre-projet aborde non seulement la répartition des factures cantonales, mais aussi le système péréquatif dans son ensemble, ainsi que l’accélération et le renforcement du rééquilibrage financier en faveur des communes, instauré par l’accord de 2020 entre l’Etat et l’Union des communes vaudoises (UCV). Avalisé par les deux faitières de communes dans le cadre d’un accord signé en mars 2023, l’avant-projet de nouvelle péréquation se compose matériellement d’une nouvelle loi – le projet de Loi sur la péréquation intercommunale – de deux révisions de loi – le projet de Loi modifiant celle du 13 septembre 2011 sur l’organisation policière vaudoise et le projet de Loi modifiant celle du 24 novembre 2003 sur l’organisation et le financement de la politique sociale – ainsi que d’un projet de décret octroyant une compensation transitoire aux communes désavantagées par le nouveau système péréquatif. Le comité d’initiative SOS Communes n’a, pour l’heure, pas pris position quant à un possible retrait de son initiative. Si l’initiative était retirée, les quatre projets de loi et de décret seraient alors soumis au référendum facultatif. Si l’initiative était maintenue, une votation populaire sur l’initiative populaire SOS Communes et son contre-projet aurait lieu en septembre 2024. Les acomptes aux communes pourraient alors être notifiés pour leur budget 2025, et l’entrée en vigueur des dispositions finalement retenues aurait lieu le 1er janvier 2025.

En préambule, la commission s’est réunie à sept reprises du 8 novembre 2023 au 7 mars 2024. Elle était formée de 17 députés, mais avec le jeu des remplacements, 24 députés ont finalement participé à l’une ou l’autre de ses séances. Je relève que, dans le rapport de majorité, nous avons oublié la présence de Mme la députée Mathilde Marendaz lors de la séance du 7 mars dernier. Tous ces députés et députées ont déclaré leurs intérêts. Je vais le refaire également : je suis syndic et responsable des finances de la commune d’Yverdon-les-Bains, une commune favorablement impactée par le nouveau système.

Ont également participé à toutes les séances, Mme Christelle Luisier Brodard, présidente du Conseil d’Etat, Mme Emma Sheedy, directrice des finances communales à la Direction générale des affaires institutionnelles et des communes (DGAIC) ainsi que M. Fabio Cappelletti, adjoint de la directrice des finances communales, et Me Jean-Luc Schwaar, directeur de la DGAIC. Lors de la séance du 26 février, Mme Sylvie Bula, cheffe de la Police cantonale (Polcant) et MM. Mathieu Capcarrère, conseiller stratégique à la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) ainsi que M. Vassilis Venizelos, chef du Département de la jeunesse, de l’environnement et de la sécurité (DJES) ont également participé.

Le secrétariat était tenu par Mmes Sylvie Chassot et Sophie Métraux, secrétaires de commissions parlementaires au Secrétariat général du Grand Conseil (SGC). Lors de certaines séances, elles furent assistées de M. Florian Ducommun. Par ma voix, la commission tient à très chaleureusement remercier le secrétariat des commissions pour l’excellence de son travail, tout au long d’un travail de commission de longue haleine qui s'est révélé d’une complexité certaine sur les plans technique et légal, et dont les enjeux n’échappaient à personne.

La commission étend par ailleurs ses remerciements aux différents services de l’Etat présents lors des travaux de commission pour leur aide, et particulièrement à M. Cappelletti, pour la rapidité avec laquelle il a répondu à toutes les interrogations techniques et demandes de simulation des effets de modification des paramètres proposés par les membres de la commission.

La commission a procédé à cinq auditions – j’y reviendrai plus tard. Elle a évidemment reçu toute la documentation nécessaire, conformément à toutes ses demandes.

Je passe maintenant à la présentation du projet de décret et à la position du Conseil d’Etat. Le constat selon lequel le système de péréquation est à bout de souffle est partagé par les acteurs de tous niveaux depuis un certain nombre d’années. Suite à l’accord de 2020 entre l’UCV et le Conseil d’Etat, il est rapidement apparu qu’un nouveau système péréquatif serait difficile à mettre en œuvre sans moyens financiers supplémentaires de l’Etat.

Le dépôt de l’initiative SOS Communes a eu pour effet de préciser le tempo, en raison notamment des objectifs de votation populaire. Un changement de législature entre-deux et il était clair que le Conseil d’Etat, ne partageant pas la vision de SOS Communes, allait présenter un contre-projet global à l’initiative. Ne traitant que le volet financement canton-communes, l’initiative déposée produit des effets de bord très négatifs. Le contre-projet intègre ainsi certains principes de l’initiative, tout en revoyant l’ensemble du système péréquatif.

S’appuyant sur de solides travaux techniques élaborés entre 2015 et 2018, le contre-projet a pu assez rapidement être développé dès le moment où la volonté politique d’aller de l’avant est devenue très nette. Le 30 mars 2023 pouvait ainsi être signé l’accord institutionnel entre l’Etat, l’UCV et l’Association de communes vaudoises (AdCV). Cet accord, ratifié à 85 % par l’UCV et à 83 % par l’AdCV jetait les bases de la nouvelle péréquation intercommunale vaudoise. Il prévoyait également l’accélération et le renforcement du rééquilibrage financier en faveur des communes qui avaient été instaurés par l’accord de 2020 entre l’Etat et l’UCV, ainsi qu’une nette diminution de la participation des communes aux augmentations des dépenses sociales, dès 2026. Les négociations ont été guidées par la volonté de proposer un système global solide et cohérent, dont le résultat final du mécanisme d’ensemble satisfasse la majorité, évitant ainsi l’écueil de l’analyse de chaque mécanisme pour lui-même et par commune.

Les faitières, actrices de l’élaboration de la NPIV, ont largement soutenu l’Etat lors de la mise en consultation de l’avant-projet dans l’ensemble des régions. Les communes ont pu s’imprégner des résultats concrets pour chacune d’entre elles par la mise à disposition de tableaux permettant des simulations. Des séances d’information ont aussi été organisées pour la députation. Quelques menues retouches ont été apportées au projet à la suite de sa mise en consultation, dont la principale concerne l’article 43a de la Loi sur l’organisation policière vaudoise (LOPV) nouveau qui répond à la nécessité pour les communes d’avoir le temps d’adapter les effectifs lorsqu’elles souhaitent devenir délégatrices ou au contraire sortir de cette qualité. D’autres modifications concernent des adaptations du texte dans le but de préciser certains concepts, sans que la méthode de calcul en soit affectée. Suite aux retours positifs de la consultation, le projet dans sa forme actuelle a pu être adopté par le Conseil d’Etat, le 4 octobre 2023.

Je passe maintenant à une vue d’ensemble de la NPIV et de ses quatre piliers. Exception faite des rééquilibrages financiers, le système de péréquation se base sur quatre piliers. Chaque pilier ne vise qu’un seul but et chaque pilier vise un but différent des autres piliers. Ceci est une nouveauté par rapport au système actuel qui mixe des éléments de nature différente. L’idée était ici de développer un système de péréquation simple, transparent et sans effets de bord. Les ressources, les besoins et les charges particulières sont précisément déterminés dans chacun des trois premiers piliers.

Le premier pilier – péréquation des ressources et dotations minimales – vise à réduire la disparité des ressources entre les communes sur la base du revenu fiscal standardisé (RFS). Le RFS représente le revenu qu’une commune serait capable de générer en appliquant le taux d’imposition moyen de l’ensemble des communes. Les communes au-dessous de la moyenne sont compensées à hauteur de 80 % de leur écart. Les communes au-dessus de la moyenne participent à hauteur de 80 % de leur excédent. Le prélèvement sur les impôts conjoncturels est maintenu. Résultat : à parité de taux, les communes disposent de ressources par habitant similaires.

La réduction des disparités étant fixée à 80 %, une différence subsiste entre les communes. Ce plafond provient de l’observation du système actuel, qui, de facto, redistribue déjà plus ou moins cet ordre de grandeur ; ceci apparaît avec le nouveau système de manière beaucoup plus explicite. La dotation minimale vient en complément et permet aux communes qui, malgré ce premier transfert sur la base de 80 %, n’atteindraient pas le 90 % des ressources moyennes de l’ensemble des communes, d’atteindre ce niveau par une compensation – payée par la poche de l’Etat – de cette différence.

La péréquation des ressources permet un resserrement des capacités financières des communes entre 90 % et 150 % de la moyenne, tout en garantissant que les communes qui avaient le plus de ressources au départ restent celles qui ont le plus de ressources après péréquation, ce qui n’était pas le cas dans le système actuel. Si le resserrement induit est comparable à celui du système actuel, le système est maintenant complètement linéaire, sans distorsions.

Le deuxième pilier – péréquation des besoins structurels – vise à détecter les besoins particuliers des communes selon leurs caractéristiques structurelles propres. Les caractéristiques structurelles compensées sont celles qui génèrent un coût par habitant plus élevé que la moyenne ; elles peuvent concerner la surface productive, l’altitude et la déclivité et le nombre d’élèves pondéré. La compensation se base non plus sur des dépenses effectives, qui dépendent de décisions politiques, mais sur des indicateurs objectifs et non manipulables, répondant par là même à un problème mis en exergue par la Cour des comptes. Les besoins structurels de chaque commune sont à appréhender en considérant que toutes ont la même capacité financière, cette question ayant été réglée par la péréquation des ressources, soit le premier pilier.

Le troisième pilier – charges particulières des villes – vise à compenser les charges particulières des villes, à savoir les prestations fournies qui vont aussi au bénéfice d’une population plus vaste que celle de la ville concernée. Pour ce faire, l’Etat a choisi de garder le critère de la couche de population, soit du nombre d’habitants. Les discussions à ce sujet ont été fournies dans le cadre des négociations avec les faitières. D’autres options ont été étudiées, comme celle de définir les « villes centres » du canton, ou d’y décalquer les catégories fixées dans le Plan directeur cantonal. C’est néanmoins le critère de la couche de population, avalisé par les principales concernées, qui a été retenu. Cette solution évite notamment d’avoir à s’écharper autour de la question de savoir si telle ou telle commune répond aux critères de la catégorie « ville centre ». Si les mécanismes restent grosso modo les mêmes que ceux du système actuel, le financement s’opère maintenant au franc par habitant et non plus au point d’impôt.

Pour la couche population, chaque commune recevra une compensation – puisqu’évidemment dès lors qu’elle compte un habitant, elle reçoit – mais va aussi devoir payer. L’effet net de la couche population devient positif à environ 12’000 habitants. C’est à partir de ce seuil qu’une commune reçoit effectivement plus que ce qu’elle ne paie à la couche habitants, d’où la notion de compensation des villes.

Pour ce qui est de la compensation des déficits des lignes de trafic urbain, dès lors que la commune assume une partie du déficit de ses lignes de trafic urbain, celui-ci est compensé à 60 % ; tous les montants donnés pour compenser sont payés en franc par habitant par la somme de l’ensemble des communes. Si la proportion avec le système actuel reste la même, la méthode est rendue plus transparente et compréhensible.

Le quatrième pilier – factures cantonales – règle cette question, qui est un gros point de cette réforme. C’est ce pilier qui coûte le plus cher à l’Etat pour que soit respecté le principe de base, à savoir que chaque pilier répond à un besoin spécifique.

La participation à la cohésion sociale (PCS) est, avec le nouveau système, calculée par habitant, ce qui péjore les grandes communes à faible capacité contributive. Cet élément a dû être pris en compte dans les négociations et les objectifs ont pu être atteints grâce notamment à la participation financière accrue de l’Etat pour faire face à la hausse de la PCS chaque année.

Le fait de répartir la PCS en franc par habitant, le même pour tout le monde, supprime de ce quatrième pilier la solidarité indirecte – puisque ce n’est plus le point d’impôt qui est utilisé comme base de calcul. Néanmoins, l’effet solidarité ne disparaît pas : il est simplement déplacé dans le premier pilier. Ainsi, une commune qui aujourd’hui paie peu de PCS en raison d’un faible point d’impôt va, avec le nouveau système, en payer plus, mais aussi recevoir plus d’argent par la péréquation des ressources.

Deux éléments sont à considérer pour la répartition de la facture policière. L’établissement du montant, d’une part, et la répartition de ce montant, d’autre part. Relativement à l’établissement du montant de la facture policière : un montant politique a été négocié entre les acteurs ; il est ensuite indexé de 1,5 % chaque année. Des discussions autour d’une possible réadaptation de ce montant ont eu lieu ; il ne correspond en effet pas au total des ETP police consacrés par la Polcant aux prestations en faveur des communes qui représentent, selon les estimations du groupe de travail, une centaine de millions. Considérant les difficultés que représenterait pour le système une facture à 100 millions, l’Etat a décidé de renoncer à ces 30 millions supplémentaires par rapport au système actuel. Le montant politique a ainsi été fixé à 70 millions.

En termes de répartition, dans le système actuel, 2/3 de la facture sont payés par l’ensemble des communes en fonction de la valeur du point d’impôt ; le reste par les communes délégatrices. Un montant par habitant est calculé pour chaque commune ; un plafond au point d’impôt est intégré. Ainsi, des éléments péréquatifs sont appliqués même pour la deuxième partie en francs par habitant. Dans la NPIV, la répartition est toujours organisée en deux blocs, mais les proportions changent avec un socle sécuritaire commun à 35 % de la facture, financé par l’ensemble des communes, en francs par habitant. Ceci représente grosso modo les coûts des tâches de la Polcant en faveur de l’ensemble des communes, qu’elles soient délégatrices ou non. Le solde de 65 % est pris en charge par les communes délégatrices qui génèrent le plus de coûts pour la Polcant. La répartition de ces 65 % se fait en deux blocs : la moitié selon la population et l’autre selon la population pondérée, l’idée étant de faire payer un peu plus les communes les plus peuplées qui génèrent, de fait, plus de coûts. Le système de péréquation compense par ailleurs cette charge particulière des villes par la couche population.

Le socle sécuritaire commun de 35 % de la facture a été déterminé sur la base d’une analyse des journaux d’intervention pour en déterminer une fourchette, puis négocié avec les faitières de communes. L’idée, avec ce changement, était de trouver une meilleure adaptation entre les coûts réels des prestations déléguées et ce que les communes délégatrices paient effectivement. Si ces dernières paieront plus que dans le système actuel, il est rappelé qu’elles ont payé extrêmement peu jusqu’à maintenant et que leur facture restera inférieure au coût effectif de la prestation reçue, en raison notamment des 30 millions auxquels renonce l’Etat.

Rééquilibrage financier en faveur des communes et financement cantonal lié au système : le projet prévoit un renforcement et une accélération du rééquilibrage financier prévu par l’accord de 2020, ainsi qu’une nouvelle répartition canton-communes des augmentations de la PCS dès 2026. Ceci permet d’éviter de prétériter les communes à faible capacité financière avec le passage à un système basé sur une répartition, non plus en fonction du point d’impôt, mais lissée en francs par habitant et également de tenir compte des mesures fiscales adoptées par le Grand Conseil dans le cadre du budget 2023.

Concrètement, l’accord de 2020 plafonnait le rééquilibrage financier à 150 millions par an à partir de 2028. Cette somme de rééquilibrage est maintenant fixée à 160 millions par an, dès 2025, déjà. A ceci s’ajoutent dès 2026 les montants qui seront assumés par l’Etat en lien avec la dynamique des dépenses sociales. De 33,3 % dans le système actuel, la participation des communes à l’augmentation des dépenses sociales passera à 17 %, dès 2026. L’hypothèse de travail utilisée pour l’estimation de ces montants dynamiques est une augmentation de la PCS de 75 millions par an. Si l’accord est politique, ses effets financiers sont traduits dans la loi.

Sur les 160 millions prévus en guise de rééquilibrage financier dès 2025, 105 millions sont affectés à partir de 2024 à la diminution de la participation à la cohésion sociale, respectivement à la reprise de certains régimes sociaux, selon les accords de 2020. L’Etat injectera 55 millions supplémentaires en 2025 par rapport à 2024 : 40 millions seront affectés à de la péréquation verticale, c’est-à-dire à un certain nombre d’outils péréquatifs – péréquation des besoins structurels, dotation minimale et compensation transitoire – les 15 millions restants reviendront aux communes pour la diminution de leur contribution à l’augmentation de la PCS. Ils s’ajouteront donc aux 105 millions déjà affectés dès 2024 à la diminution de la participation à la cohésion sociale. Le Conseil d’Etat ajoute que l’option SOS Communes aurait coûté à l’Etat 287 millions en 2025, contre 160 dans le projet présenté et 364 millions en 2029, contre 209 millions dans le projet présenté.

Le bilan global provisoire publié pour la consultation a été corrigé avec la mise à jour des données utiles aux calculs des dépenses thématiques ainsi que des données sur les surfaces. Les retours de consultation avaient aussi fait apparaître quelques petites erreurs au sujet du calcul des compensations des élèves pondérés liées au fait que la commune indiquée dans l’adresse postale de certains élèves ne correspondait pas à la commune responsable de leur scolarisation. Les effets des corrections apportées ne changent pas la proportion des communes et de la population avantagées qui restent à 75 %. Si 4 communes sont passées de la catégorie « avantagée » à celle de « désavantagée », il s’agit de communes qui se trouvaient au seuil et qui ont maintenant tout juste passé la ligne. La DGAIC rappelle en outre que les communes désavantagées recevront une compensation selon le système de compensation transitoire prévu, financé par les 55 millions supplémentaires injectés par l’Etat dans le système à partir de 2025. Ces compensations transitoires représentent un montant estimé à 10 millions par année, compensés les premières années à 100 % en 2025 et 2026, puis à 75 % en 2027, 50 % en 2028 et 25 % en 2029. Ces compensations disparaîtront dès 2030.

Par commune « désavantagée » est entendue une commune qui aurait été avantagée dans l’hypothèse où l’Etat avait injecté 160 millions supplémentaires comme le prévoit le projet actuel, mais sans changement du système péréquatif, ce qui n’était en fait pas une option. Or, leur situation est de toute façon améliorée avec la participation accrue de l’Etat. Il s’agit donc d’un désavantage virtuel.

Un tableau comparatif des années 2022-2024-2025 permettrait d’éventuellement pondérer la notion de « désavantage » pour certaines communes mais s'avérerait difficilement lisible et pourrait ajouter à la complexité. Néanmoins, lors des présentations aux communes, le mécanisme a clairement été expliqué, et il a été souligné que pour l’écrasante majorité des communes, le rééquilibrage financier était déjà un bénéfice, et qu’en 2025, quasiment toutes les communes seraient gagnantes par rapport au système actuel sans rééquilibrage. En raison de l’effet dynamique, eu égard au passage de la participation à la cohésion sociale à 17 %, bien que certaines communes soient désavantagées au moment de la bascule, elles rattraperont leur désavantage et seront gagnantes par la suite.

Voilà pour la position du Conseil d’Etat. Nous passons maintenant à l’audition des milieux intéressés. Nous avons reçu le comité d’initiative SOS Communes qui donne un avis globalement positif au contre-projet, en relevant toutefois les quelques points suivants : il était représenté par notre collègue ici présente, Mme Byrne Garelli, co-présidente. Le comité d’initiative a relevé que l’opportunité de pérenniser la compensation transitoire pour certaines communes – notamment des communes de montagne et de moyenne montagne qui seraient désavantagées – devrait être prise en compte par la commission, laquelle devrait également prendre en compte l’évaluation des risques liés à la décision du Tribunal fédéral à l’égard des communes ayant fait recours contre leur décompte péréquatif et obtenu gain de cause en raison de la violation du droit d’être entendu, et enfin la prise en considération de l’ancrage dans la loi de la répartition des recettes fiscales encaissées dans le cadre de la mise en œuvre du projet de l’imposition des grandes entreprises sur la réforme globe. Il s’agirait d’inscrire dans la loi les modalités de répartition afin d’assurer une redistribution aux communes.

Nous avons également reçu l’AdCV, représentée par M. Michel Buttin, président, et M. Loïc Hautier, secrétaire général, qui a participé activement à la mise en place du contre-projet et qui satisfait plusieurs de ses demandes historiques. En particulier, l’AdCV indique qu’elle pourrait faire preuve d’une légère souplesse sur de menues modifications apportées durant le processus parlementaire, si tant est que leur incidence soit modeste ou favorable à des communes avec une faible capacité financière et qu’elles n’impactent pas l’ensemble du système. L’AdCV se déclare également ouverte à une réévaluation du système avant 2031 si nécessaire. Cependant, l’analyse dudit système et de ses conséquences nécessite de lui laisser le temps de déployer ses effets.

La commission a aussi reçu l’UCV, représentée par Mme Chantal Weidmann Yenny, présidente, et M. Fellay, directeur. Elle a également participé activement à la mise en place de cet accord et se satisfait également du résultat. Par ailleurs, l’UCV indique qu’elle ne pourrait faire preuve que de très peu de souplesse quant à d’éventuelles modifications apportées au projet durant le processus parlementaire. Les négociations ardues ont conduit à un système satisfaisant tous les partenaires, il est équilibré et en modifier un aspect risque de le déstabiliser. Bien qu’ouverte à une réévaluation avant 2031 en cas de déséquilibre majeur, l’UCV souligne qu’il importe cependant de laisser le temps de la période transitoire et de laisser le système déployer ses effets.

La commission a ensuite reçu les représentants de la commune de Bex, représentée par M. Alberto Cherubini, syndic et ancien député et M. Pierre-Yves Rapaz, municipal et également ancien collègue. La municipalité de Bex considère que le taux de solidarité de 80 % est insuffisant pour les communes à faible capacité financière comme Bex, et devrait se situer à 90 %. A l’égard de la couche attitude et déclivité, la municipalité souhaite que les indicateurs retenus soient affinés, car ils ne correspondent pas à la réalité topologique et démographique de Bex. Elle estime en outre, toujours quant à la couche surface productive, que les critères de compensation relatifs à l’entretien des forêts et des pâturages la pénalisent. Quant à la couche nombre d’élèves pondérés, la municipalité regrette que la nouvelle péréquation n’intègre pas de solution pour soulager fiscalement les communes qui mettent à disposition dans leurs établissements scolaires des classes d’accueil pour les élèves allophones. Bex en compte 11. Davantage de solidarité serait nécessaire.

La commission a enfin reçu les représentants de la commune de Renens, représentée par M. Jean-François Clément, syndic, et Mme Karine Clerc, municipale. Selon la municipalité de Renens, la NPIV affaiblit la solidarité. Le taux de solidarité de 80 % est trop bas. La solidarité doit se faire au minimum à 90 % et idéalement à 100 %. Par ailleurs, la disparition de la couche solidarité de l’actuelle péréquation – qui permettait de tenir compte de la richesse ou de la pauvreté des habitants d’une commune – est regrettable et implique de se poser la question de la prise en compte d’une répartition inégale des citoyennes et citoyens à faible revenu dans le canton. Une manière de réintégrer la composante richesse ou pauvreté de la population pourrait être la prise en compte du taux de personnes subsidiées sur la commune, 50 % en ville de Renens.

La commission, après avoir procédé à ces auditions – dont vous retrouverez un compte-rendu plus complet dans le rapport de commission – a procédé à une discussion générale. Divers sujets ont été abordés lors de cette discussion générale, notamment :

  • Le périmètre de la NPIV ;
  • La convergence ou la divergence des taux d’imposition communaux et quel est l’impact du système à terme ;
  • L’histogramme « somme des effets de l’accord de 2020 et du nouvel accord d’ici 2024 », ce qui concerne évidemment la participation et l’augmentation de la participation de l’Etat dans le système ;
  • Les risques d’un système dysfonctionnel, risques pour les communes et l’Etat et quelles sont les mesures pour y pallier ;
  • La constitutionnalité du projet en comparaison de la part de la PCS dans les autres cantons par rapport aux répartitions canton-communes ;
  • Les risques relatifs à la procédure des communes recourantes, pendante au Tribunal fédéral – nous en avons déjà parlé ;
  • La question de l’acceptation des faitières quant aux éventuelles modifications du projet lors du processus législatif – nous en avons également déjà parlé ;
  • Le cas spécifique de communes avec des territoires en altitude et des territoires fortement forestiers ;
  • La question du transport public urbain et la question de la facture policière.

Dans les discussions et votes sur le projet de décret ordonnant la convocation du corps électoral aux fins de se prononcer sur l’initiative et son contre-projet, la commission a procédé à la lecture des articles et commentaires y relatifs en parallèle et, vu l’importance des objets soumis à examen, elle a décidé de procéder en deux lectures. Lorsqu’un article n’a pas été débattu en seconde lecture, le vote de recommandation de la première lecture est reporté dans le présent rapport. Dans le cas contraire, c’est le vote de recommandation découlant de la deuxième lecture qui est reporté. Dans ce contexte, il peut arriver que les votes rapportés pour un article et les amendements y relatifs mentionnent un nombre total de voix différent, car ils ont pu se situer ou se dérouler pendant des séances différentes.

Dans l’ensemble, la majorité de la commission a décidé d’accepter la structure et le dimensionnement du projet du Conseil d’Etat, le considérant comme une amélioration par rapport au système actuel. Le nouveau système est en effet plus lisible et plus transparent que celui auquel il compte succéder. Il est également plus stable et moins sujet aux effets pervers et autres effets exponentiels contrôlés vaille que vaille par de multiples plafonds et planchers aux effets délétères. Pour autant, le projet, comme toute entreprise humaine, ne saurait être parfait et, dès lors, des propositions d’amélioration ont été faites en commission. Au total, 33 propositions d’amendement ont été soumises en commission. Je ne reprendrai ci-dessous que celles qui ont été acceptées en commission. Je me réserve par ailleurs le droit de donner le résultat des votes en commission, si l’un ou l’autre de ces amendements sont repris au niveau du plénum.

Concernant le projet de Loi sur la péréquation intercommunale du 4 octobre 2023, la première modification acceptée par la commission concerne l’article 2, alinéa 1, lettre a, point 5 « Base de calcul du revenu fiscal standardisé ». L’amendement reprend la formulation suivante :

« Art 2. – al. 1, lit. a, point 5 : de la compensation financière prévue à l’article 16des compensations financières prévues à l’article 16 de la présente loi, standardisée au coefficient d’imposition moyen pondéré. »

C’est un amendement de terminologie qui a été accepté unanimement par la commission. Par ailleurs, à l’article 2, alinéa 1, lettre b « Définition du coefficient d’imposition moyen pondéré », un amendement n’a pas été accepté par la commission – mais nous aurons l’occasion d’y revenir. En revanche, au point b, « Coefficient d’imposition moyen pondéré », un amendement de plume propose de remplacer le verbe « produire » par le verbe « percevoir ».

« Art 2. – al. 2, lit. b : coefficient d’imposition moyen pondéré : coefficient d’imposition théorique qui, appliqué à l’ensemble des communes, leur permettrait de générer collectivement les recettes fiscales totales qu’elles produisentperçoivent durant un exercice comptable donné en appliquant leurs propres taux ; »

Cet amendement de plume a été accepté à l’unanimité. Toujours à l’article 2, alinéa 1, lettre e nouvelle « Définition de la population résidente permanente par altitude », cela concerne une modification de fond qui se trouve à l’article 12 de la LPIV, mais qui nécessite la mise en place d’une définition de la personne résidant en altitude :

« Art 2. – al. 2, lit. e (nouvelle) : Personne résidant en altitude : personne domiciliée dans la commune et dont le lieu de résidence principal est sis à une altitude de 730 mètres ou plus. »

A l’article 10 « Besoins spécifiques considérés », on constate que la lettre d est une redondance de la lettre c, qui considère l’ensemble des élèves, mais surpondère ceux qui se trouvent à plus de 2,5 km. La lettre d est donc retirée du projet de loi :

« Art. 10. – al. 1, lit d : le nombre d’élèves par commune ; »

A l’article 12 « Altitude et déclivité », il s’agit de la modification principale apportée par la commission. La commission a remplacé le système proposé par le Conseil d’Etat qui consistait à rattacher la population à l’altitude du centroïde de sa commune, ensuite de la compenser à hauteur de 550 francs si ce centroïde de la commune se situait au-dessus de 700 mètres, avec un plafond à 5000 habitants, et qui proposait également des compensations partielles pour les communes dont les centroïdes étaient situées entre 650 et 700 mètres. Ce système est remplacé par la formulation suivante :

« Art. 12. – al. 1 : Les communes perçoivent, par personne résidant en altitude, un montant de CHF 550.- multiplié par le pourcentage du territoire de la commune dont la déclivité est égale ou supérieure à 35%. »

Je rappelle qu’à l’article 2, alinéa 1, nouveau, la personne résidant en altitude a été définie par : « toute personne résidant à plus de 730 mètres ». Il s’agit ici d’un amendement altérant la substance du système, mais qui a été conçu pour avoir exactement la même surface financière que celui qui était présenté par le Conseil d’Etat.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

Monsieur le rapporteur de majorité, puis-je vous suggérer d’aborder les différents amendements et la position de la majorité de la commission lors du traitement des articles ?

M. Pierre Dessemontet (SOC) — Rapporteur-trice de majorité

Cela me convient parfaitement. Je termine rapidement : aux articles 13 et 15, des amendements de plume ont été acceptés par la commission. Un amendement relativement important à l’article 16, qui reprend les dispositions du précédent article et s’applique également aux recettes issues de l’impôt fédéral complémentaire prévu par l’article 129a – la fameuse compensation GloBE. En commission, cet amendement a été accepté par 10 voix contre 7. En ce qui concerne l’évaluation du système – article 28 – une proposition d’amendement a été retirée au profit d’un vœu de la commission qu’il me parait important de signaler à cette étape :

« La commission souhaite que l’ensemble des parties prenantes à la Nouvelle Péréquation Intercommunale Vaudoise (NPIV), à savoir notamment l’Etat et les associations de communes, et toute autre partie à la cause, soient en discussion permanente quant à l’amélioration éventuelle du système, et ce dès son entrée en vigueur. »

Pour la commission, cet engagement du Conseil d’Etat à rester ouvert à des ajustements avant 2031 est extrêmement important. Finalement, par 15 voix contre 1 et 1 abstention, la commission vous recommande d’accepter ce projet de loi sur la péréquation intercommunale tel qu’amendé par la commission.

Je passe rapidement aux deux autres projets de loi. En commission, la révision de la Loi sur l’organisation et le financement de la politique sociale du 4 octobre 2023 (LOF) a été acceptée en vote final par 15 voix et 2 abstentions. La commission a accepté le projet de Loi modifiant celle du 13 septembre 2011 sur l’organisation policière vaudoise (LOPV) tel que présenté par le Conseil d’Etat par 14 voix et 3 abstentions. Le projet de décret octroyant une compensation transitoire a fait l’objet d’un amendement technique : à partir du moment où l’on a changé la manière de calculer la compensation d’altitude, cela a évidemment changé le tableau. Cet amendement technique a été accepté par 16 voix contre 1 en commission. Le projet de décret a été adopté en vote final par 16 voix et 1 abstention. Le projet de décret ordonnant la convocation du corps électoral tel qu’amendé a été adopté par 15 voix contre 1 et 1 abstention. Etant donné qu’il n’y a pas de vote d’entrée en matière, je ne vous communiquerai pas le résultat du vote sur cette question.

Finalement, la commission vous recommande à l’unanimité d’accepter les réponses du Conseil d’Etat aux quatre objets parlementaires qui lui ont été soumis : la motion Alexandre Berthoud, le postulat Rebecca Joly, le postulat Pierre-André Romanens et le postulat Didier Lohri.

 

M. Vincent Keller (EP) — Rapporteur-trice de minorité 1

En l’état, et telle que sortie des travaux de la commission, la proposition de NPIV n’est pas solidaire ; elle mérite des ajustements qui amènent une véritable solidarité entre les communes. C’est ce que la minorité de la commission vous propose. Il peut être intéressant de rappeler que la péréquation actuelle est le résultat d’un contre-projet du Conseil d’Etat datant de 2001 à l’initiative populaire du POP dite « Pour un taux unique », qui arguait que la cohésion cantonale – c’est-à-dire la solidarité entre communes à fort revenu d’impôts par habitant et celles à faible capacité financière – ne pouvait commencer que par une égalité de toutes les habitantes et tous les habitants de ce canton face à l’impôt.

Les initiants de l’époque avaient prédit que cette péréquation ne permettrait pas de réduire les disparités entre les taux d’impôt communaux. Ils ont eu raison, puisque seul l’échange de tâches entre le canton et les communes – intervenu en 2004 et en 2011 – a entraîné une bascule de points d’impôt et donc un léger resserrement des taux d’imposition communaux. Nous continuons à appeler de nos vœux que le lieu d’habitation de chaque citoyenne et citoyen de ce canton ne doive pas fonder un critère face à l’impôt. Contrairement aux initiants de SOS Communes, nous considérons la communauté vaudoise comme une et indivisible, ce parce que nous nous battons pour des principes plutôt que pour une commune ou des communes en particulier. Ainsi, la minorité de la commission propose trois modifications permettant de s’approcher d’une vraie solidarité cantonale.

La première concerne la convergence des taux d’imposition communaux. Le coefficient d’impôt moyen pondéré doit représenter un minimum, mais libre à chaque commune d’être temporairement ou non en fonction des besoins de sa population au-dessus. La NPIV suit la même logique que la péréquation actuelle en matière d’autonomie fiscale des communes. Nous considérons que le revenu fiscal standardisé (RFS) – l’équivalent conceptuel du point d’impôt péréquatif actuel – ne permettra le resserrement des taux d’impôt autour du coefficient d’impôt pondéré de 67,43 qu’à condition qu’il existe un taux plancher en dessous duquel les communes ne pourraient descendre.

Mon second point est relatif à une vraie solidarité intercommunale. En effet, chaque commune héberge des contribuables de l’ensemble du canton. Ainsi, la solidarité intercommunale relève d’un principe de responsabilité. Or, la nouvelle péréquation propose une compensation à 80 % des différentes ressources entre les communes. Pour la minorité de la commission – et avec elle, la commune de Bex – l’insuffisance d’une telle compensation paraît évidente, notamment pour des communes à faible capacité financière et donc à forts besoins de ses habitants et habitantes. Pour la minorité de la commission, une compensation à 100 % permettrait de gommer cette insuffisance.

Enfin, il s’agit de se pencher sur les critères prenant en compte le profil socio-économique des habitants. A cet égard, la NPIV propose des critères de compensation des charges spécifiques des communes. Les critères retenus se devaient d’être simples, stables et non manipulables. Ces derniers sont relatifs à l’altitude, la déclivité de la commune, la surface productive et les transports scolaires. La minorité de la commission ne remet pas en question ces critères. Elle estime toutefois que certains critères socio-économiques fondamentaux à la compréhension des besoins de la population vaudoise font défaut. Il s’agit d’ailleurs de l’un des points d’achoppement avec l’initiative SOS Communes : la participation à la cohésion sociale (PCS). La définition de tels critères correspondant à cette exigence aurait dû être proposée par les artisans de ce projet.

Par conséquent, la minorité de la commission propose deux critères basés sur des données objectives, simples, stables et non manipulables, à savoir le nombre de subsidiés à l’assurance-maladie. J’anticipe les critiques relatives à ce sujet : il s’agit d’une métrique qui objective la capacité financière de la population. Quant au deuxième critère que nous proposons, il s’agit du nombre de places en crèche. Sous l’impulsion de la Fondation pour l’accueil de jour des enfants (FAJE), l’organe d’application de la Loi sur l’accueil de jour, nous savons que les communes devront créer des milliers de places de crèche à l’horizon 2030 – un fait vérifiable. Ainsi, ne pas considérer cet aspect dans la péréquation revient à dire que chaque commune a le choix de se soumettre ou non à ces exigences ; ce qui est faux.

En conclusion, je remercie d’avance le Grand Conseil de soutenir ces propositions en phase avec la réalité des besoins des communes.

M. Didier Lohri (VER) — Rapporteur-trice de minorité 2

Permettez-moi de formuler directement les objectifs de ce rapport de minorité 2. Mes préopinants se sont exprimés sur les méthodes de travail et leurs propositions. Il est nécessaire de rappeler que le consensus trouvé par les communes et le Conseil d’Etat doit être accepté, mais aussi amélioré. En effet, le Grand Conseil a le devoir d’être attentif à l’ensemble de la situation des Vaudoises et des Vaudois. Force est d’observer que les versions proposées tant par le Conseil d’Etat que par la majorité de la commission génèrent en réalité une diminution de la solidarité entre les citoyens vaudois qui se voient obligés de financer des tâches gérées, commandées et contrôlées par le canton, sans possibilité d’obtenir les détails des éléments facturés aux communes. Nous passons d’un système comptabilisant environ 35 communes à forte capacité financière et faible taux d’imposition communal – opposé à l’ancien système solidaire – à un nombre de 75 communes à faible capacité financière et à fort taux d’imposition communal, mises au bénéfice d’une aide spécifique limitée dans le temps qui s’avérera dangereuse et trompeuse dès la troisième année de l’introduction de la NPIV.

Je m’emploierai à développer ces points ultérieurement, mais il est d’ores et déjà important de connaître quelques informations intéressantes : le projet du Conseil d’Etat désavantage 215’081 habitants, soit 25,9 % de la population – un Vaudois sur 4 – malgré une injection cantonale de 160 millions. Sur cette partie de la population, dans la version proposée par l’Etat, cela pénalise 160’051 Vaudoises et Vaudois soumis à un taux d’imposition supérieur à la moyenne cantonale. Les travaux de la commission font croire que le seul amendement de définition du critère « population résidante » améliore la situation des communes par rapport au projet du Conseil d’Etat : que nenni, mauvaise analyse ! Car il s’agit de prendre en compte l’ensemble des communes.

En réalité, l’amendement de la commission majoritaire améliore uniquement la situation de près de 30’000 habitants dont le taux d’imposition communal est inférieur à la moyenne. La version amendée proposée par la commission pénalise 19,6 %, soit environ 1 Vaudois sur 5, raison pour laquelle je présenterai un amendement, car il est erroné de penser que la NPIV n’admet pas d’effets de bord.

Sur le reste, je prendrai à nouveau la parole lors du traitement des articles.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion sur l'entrée en matière est ouverte.

M. Alexandre Berthoud (PLR) —

Dans sa très grande majorité, le groupe PLR va suivre la recommandation de la commission proposant de rejeter l’initiative SOS Communes. Le contre-projet proposant une révision totale du système de péréquation intercommunale – ainsi que la PCS et à la facture policière – a été approuvé lors de la séance de commission du 7 mars 2024 par 15 voix et 1 abstention. Quelques amendements seront néanmoins soumis au Parlement, dont le principal concerne la définition de la compensation accordée aux communes dites de montagne en raison de leur altitude et de leur déclivité. Toutefois, ces ajustements ne modifient en rien les équilibres financiers généraux du projet qui sera accepté à une très large majorité par le groupe PLR. L’autre amendement significatif vise à clarifier la compensation financière liée à la mise en œuvre de la réforme fiscale fédérale en permettant de clarifier le règlement des recettes issues de l’impôt fédéral complémentaire. Là aussi, le groupe PLR acceptera à une très large majorité cet amendement.

Par ailleurs, notre groupe soutiendra le vœu que soient suivis et au besoin adaptés les effets du nouveau système de péréquation avant l’évaluation formelle du dispositif prévu en 2031 par le Conseil d’Etat. Les projets proposés ce jour permettront de mettre un terme à la péréquation actuelle qui a fait l’objet de nombreux textes, de remises en question et d’interventions parlementaires depuis trop longtemps. En effet, le groupe PLR considère que la nouvelle péréquation répond à de nombreux enjeux, dont un rééquilibrage financier entre les communes et une nouvelle péréquation. Il permet aussi de régler la facture policière.

Il est important de rappeler que l’effort du canton de Vaud sera de l’ordre de 260 millions, ceci dès 2025. 55 millions représentent la péréquation verticale et 105 millions la déduction à la PCS en faveur des communes. Pour le groupe PLR, le système proposé est plus juste, transparent, clair et non manipulable. Ce projet a également permis de trouver un accord entre les associations de communes, le Conseil d’Etat et aujourd’hui, sans doute, le Parlement.

Enfin, je saisis encore l’occasion pour remercier l’ensemble des actrices et des acteurs qui n’ont pas ménagé leurs efforts et leurs heures, en particulier les comités de l’UCV et de l’ADCV ainsi que la conseillère d’Etat en charge de cet épineux dossier : Mme Christelle Luisier Brodard.

M. Julien Eggenberger (SOC) —

Le système actuel de péréquation a atteint ses limites et génère des effets négatifs importants, parmi lesquels une forte tension institutionnelle entre canton et communes. La complexité du système actuel contient aussi de nombreux biais difficiles à résoudre. Si ce dernier a permis de grandement faire converger les taux d’impôt entre les différentes communes et donc de réduire les inégalités, il est maintenant nécessaire de le réformer. Ajoutons encore au tableau l’initiative SOS Communes qui vise à mettre à mal la cohésion sociale et la solidarité entre les communes : notre groupe y est toujours catégoriquement opposé.

De manière générale, le groupe socialiste salue le fait que les communes continuent de financer la PCS. Ces dépenses sont nécessaires pour que tout un chacun puisse vivre dignement dans notre canton. Le modèle proposé permettra par ailleurs de continuer à offrir – ou à renforcer dans certaines communes – des prestations cantonales ou communales indispensables aux Vaudoises et aux Vaudois. Une péréquation intercommunale vise à garantir une meilleure égalité de traitement entre les Vaudoises et les Vaudois par une compensation des communes à fort rendement fiscal envers celles à faible capacité fiscale.

Nous serons attentifs à ce que cette réforme ne conduise pas à nouveau à un accroissement de l’écart des taux d’impôt communaux. Elle vise aussi à compenser certaines charges élevées liées à la topographie ou à la population. De manière générale, le groupe socialiste soutient le dispositif proposé par la commission et ne remettra pas en cause les grands équilibres négociés avec les associations de communes. Néanmoins, nous estimons aussi que ce projet pourrait mieux considérer certaines communes qui s’avèrent moins bien traitées que nous l’aurions voulu. Elles ont souvent pour caractéristique de ne pas pouvoir compter sur d’importantes recettes fiscales et d’abriter une population nombreuse, nécessitant la fourniture de nombreuses prestations. Elles développent des politiques publiques communales en faveur de la cohésion sociale. Par exemple, la question de la commune de Renens a été abordée en commission.

La correction de 80 % des disparités fiscales est une bonne chose, bien que le groupe socialiste eût souhaité une redistribution plus forte. Dans ce sens, nous soutiendrons un meilleur calcul des taux moyens d’imposition, ainsi que plusieurs amendements ciblés sur cette catégorie de communes, sans toutefois dénaturer le projet dans sa globalité. Ces amendements concernent trois thématiques :

  • une meilleure prise en compte des dépenses des transports publics ;
  • une affectation différente de la part de l’impôt sur les frontaliers ;
  • une meilleure reconnaissance des communes avec corps de police.

Sur ce dernier point, le groupe socialiste salue un système plus stable. Toutefois, nous considérons toujours que les communes délégatrices contribuent trop peu en comparaison de ce qu’elles devraient, même si ce montant est en progression. Dans le prolongement, les communes qui ont leur propre corps de police contribuent toujours trop à la facture policière cantonale ; nous proposerons de corriger cet aspect.

Dernier point d’amélioration possible, nous soutiendrons l’amendement de la commission visant à modifier le critère de latitude qui permet une compensation effective. Il corrige un défaut important du projet du Conseil d’Etat, qui partait de la fixation arbitraire d’une altitude pour le centre de la commune et prenait en compte l’entier de la population. Cet amendement ne prend en compte que la population effectivement localisée au-dessus d’un seuil, pour un effet financier globalement neutre.

D’un point de vue plus technique, nous saluons le fait que les multiples effets de bord exponentiels, les nombreux plafonnements du système actuel se verront supprimés avec la nouvelle péréquation. De même, les manipulations possibles de couches thématiques ne seront plus permises avec la logique proposée. Ainsi, ce nouveau modèle apporte plus de stabilité et de lisibilité que l’actuel. Il est cependant important de relever qu’une intervention financière très conséquente du canton a été nécessaire pour qu’un tel nouveau système suscite l’adhésion des deux faîtières de communes. Cette intervention qui ménage les communes les plus riches du canton – il faut le dire – doit être mise en regard de la volonté de la majorité de ce Grand Conseil vaudois et des faîtières patronales de diminuer sensiblement les recettes fiscales via des mécanismes profitant très majoritairement aux ménages les plus aisés.

Par conséquent, dans ce contexte, le groupe socialiste exprime une certaine inquiétude. Les communes qui voient leur situation améliorée devront utiliser les nouvelles marges à leur disposition pour améliorer leur situation financière – si celle-ci est problématique – ou pour financer de nouvelles prestations pour leur population. Le groupe socialiste se réserve le droit de déposer des interventions parlementaires ou dans les organes délibérants communaux à ce sujet. Nous sommes en droit d’attendre que les communes qui vont recevoir des dotations supplémentaires offrent des contreparties. Cela pourrait par exemple consister en une amélioration de la couverture des besoins dans l’accueil de l’enfance. Enfin, nous espérons que ce dossier relatif à la péréquation restera un point d’attention et que des ajustements pourraient être possibles si la pratique en démontrait la nécessité. Dans ce sens, nous saluons le vœu de la commission de tirer un bilan assez rapide.

M. Kilian Duggan (VER) —

Enfin, nous y sommes ! Après un long travail de négociation, la menace d’une initiative, l’ouverture de la bourse cantonale, une fronde judiciaire de certaines communes, nous sommes sur le point d’entamer les débats sur la relation financière des communes entre elles et sur celle du canton avec ces dernières. De manière générale, le groupe des Verts se réjouit de ce projet. En effet, il améliore sensiblement la transparence des flux financiers entre le canton et les communes, ainsi qu’entre ces dernières. L’utilisation de critères objectivés – dont le choix sera ou devra parfois être questionné – concourt également à cette transparence. La claire imperméabilité entre la péréquation des ressources et des besoins doit être saluée. Il est cependant nécessaire de souligner que l’acceptation de ce nouveau modèle par la majorité des communes repose principalement sur une injection financière conséquente de la part du canton s’élevant dès l’année prochaine à 55 millions de francs et jusqu’à 104 millions dès 2029. Par conséquent, je vous invite à garder en mémoire ces chiffres, lorsque nous aborderons les discussions sur les comptes 2024. En effet, si nous acceptons ce projet, la répartition des ressources financières et le soutien du canton aux communes deviennent une décision politique qui aura un impact pérenne sur nos charges de fonctionnement.

Enfin, notre groupe regrette le manque de prise en considération de critères concernant la transition énergétique et la protection de la biodiversité, notamment les efforts consentis par les communes premières actrices en la matière. En effet, il semble pertinent de soutenir les communes qui s’engagent plus que la moyenne pour accompagner les inévitables changements à venir. A ce titre, les Verts proposeront des mesures qui permettront de mieux prendre en compte cette réalité.

En conclusion, notre groupe entrera en matière sur ce projet de loi qui permet de ramener une certaine sérénité institutionnelle dans notre beau canton. Il soutiendra et proposera des mesures qui amélioreraient le projet en le rendant plus équitable, transparent et efficient.

M. Pierre-André Pernoud (UDC) —

Il faut constater que l’initiative SOS Communes a servi d’aiguillon pour l’équilibre canton-communes dans la répartition des charges de la péréquation. Celle-ci a boosté le Conseil d’Etat et les associations faîtières représentantes des communes vaudoises à s’asseoir à une table ronde afin d’élaborer un contre-projet équilibré qui, avec quelques modifications, a obtenu l’aval de la majorité de la commission. Cette nouvelle péréquation engendrera forcément des perdants et des gagnants. Les communes impactées négativement auront quelques années pour adapter leur politique financière communale. Un premier bilan a été promis afin d’évaluer les conséquences de cette nouvelle péréquation dans quelques années. Le groupe UDC soutiendra le rapport de majorité.

M. Jerome De Benedictis (V'L) —

Permettez-moi de vous rappeler une nouvelle fois mes fonctions de syndic de la commune d’Echandens, commune recourante sur les décomptes 19 à 22 et membre du comité SOS Communes. Au nom du groupe vert’libéral, je voudrais commencer mon intervention par deux mots : enfin et bravo. D’une part, enfin, car nous avons une nouvelle péréquation solide, fruit d’un accord, et de l’autre, un bravo à adresser au Conseil d’Etat, aux associations, aux faîtières de communes, à toutes celles et ceux qui ont contribué à ce que ce résultat aboutisse aujourd’hui dans des délais qui ont pu parfois paraître inespérés.

Notre groupe est satisfait du projet présenté et des négociations menées avec les faîtières. Dans ce sens, il soutiendra le rapport de la majorité. Les simplifications du système constituent aujourd’hui un énorme progrès tant au niveau de la facture policière que de la péréquation horizontale : elles sont nombreuses et bienvenues. Finalement, distinguer la facture sociale – ou participation à la cohésion sociale – de la péréquation, des valeurs de points d’impôt, de la rendre en francs par habitant s’avère plus facile à appréhender.

Enfin, nous relevons l’extrême importance de cet accord pour la stabilité de nos institutions. Finalement, nous allons répéter notre soutien aux amendements présentés dans le cadre de la commission ainsi que le vœu qui en émane. Je le répète en conclusion : enfin et bravo ; et plein soutien à la NPIV.

M. Hadrien Buclin (EP) —

Le groupe Ensemble à Gauche et POP s’opposera aussi bien à l’initiative populaire qu’au contre-projet dans sa forme actuelle. Nous appuierons avec conviction les amendements défendus par notre collègue Vincent Keller dans son rapport de minorité, qui visent à renforcer la solidarité fiscale entre les communes. Tant l’initiative que le contre-projet constituent un coup de barre à droite en matière de fiscalité, ce dans le sens où la solidarité entre communes habitées par une forte proportion de contribuables à hauts revenus et, inversement, celles habitées par des contribuables à faibles revenus est affaiblie. En supprimant le critère de capacité financière des habitants pour déterminer la PCS, la nouvelle péréquation présentée sous forme de contre-projet revient bel et bien à affaiblir la solidarité fiscale entre les habitants du canton.

A l’heure où les inégalités de revenus et de fortune se creusent de manière inquiétante en Suisse et dans le canton de Vaud, nous voyons d’un mauvais œil cet affaiblissement de la solidarité fiscale. Qu’on me permette de donner un chiffre afin d’illustrer l’évolution des inégalités. Selon l’Administration fédérale des contributions (AFC), en 2005, le 1 % des contribuables les plus fortunés en Suisse détenait 38 % de la fortune nette. En 2020, ce 1 % des plus fortunés détient 45 % de la fortune nette. En d’autres termes, ce 1 % des plus riches détient presque la moitié des richesses totales du pays ; une évolution qui n’est pas soutenable. Face à cela, la fiscalité doit jouer un rôle correcteur, de redistribution à tous les niveaux : communal, cantonal ou fédéral. La solidarité fiscale entre forte capacité et faibles ressources est essentielle. Or, une péréquation horizontale entre communes – qui n’intègre désormais plus le critère de la capacité financière des habitants de chaque commune – amoindrit le rôle de redistribution du système fiscal entre habitants et entre régions et entraîne un risque croissant de ségrégation géographique entre régions à très forte proportion de contribuables aisés et le reste du canton.

Sur le plan géographique, cette évolution nous inquiète également. Avec le système proposé, les communes à forte proportion de contribuables très aisés, à l’instar notamment de Jouxtens-Mézery, Coppet, Genolier, Saint-Sulpice ou Lutry, pourront continuer à maintenir des taux d’imposition beaucoup plus faibles que la moyenne. Ainsi, je ne partage pas le constat optimiste de notre collègue Julien Eggenberger qui a parlé d’un resserrement de taux entre communes. Certes, un léger resserrement a pu être observé ces dernières années, mais les écarts restent aujourd’hui très élevés, puisqu’ils s’élèvent à environ 50 % pour les taux les plus faibles et à 80 % pour les plus élevés. 50 à 80 : l’équité fiscale est quand même encore lointaine.

Malgré les taux faibles – 50 à 55 % – les habitants des communes aisées n’en continueront pas moins à profiter des infrastructures, notamment de l’offre culturelle et de loisirs mise sur pied par d’autres communes voisines dont les taux sont nettement plus élevés, précisément parce qu’elles financent ces diverses offres. Les habitants de ces communes privilégiées pourront aussi continuer de vivre dans un entre-soi assez confortable, sachant que les dispositifs sociaux qui soutiennent les habitants les plus modestes du canton sont rarement situés sur leur sol. En effet, je n’ai pas connaissance d’un espace de consommation sécurisé pour personnes qui souffrent de toxicodépendance ou d’un hébergement d’urgence pour personnes précarisées situés à Chavannes-de-Bogis ou à Crans-près-Céligny.

J’ai d’ailleurs aussi été particulièrement heurté de découvrir récemment combien certaines communes aisées, notamment de la Côte, accueillaient une très faible proportion de requérantes et requérants d’asile par rapport à des communes qui comptent une proportion beaucoup moins importante de contribuables aisés comme Sainte-Croix, Vallorbe ou Bex, mais qui assument aujourd’hui un accueil beaucoup plus important, qui s’engagent bien davantage dans la solidarité au sein du canton.

Enfin, lorsque je constate que les communes les plus aisées refusent aujourd’hui de payer les acomptes dus, cela me heurte du point de vue de la solidarité fiscale. J’espère au minimum que l’Etat facturera à ces communes qui refusent aujourd’hui de payer des acomptes un intérêt moratoire comme cela se pratique pour un contribuable qui ne s’acquitte pas de ses acomptes et accumule du retard dans sa facture fiscale.

Le projet qui nous est soumis revient en arrière sur les acquis du Projet pour la répartition des tâches et des charges entre l’Etat et les communes (ETACOM), acquis qui furent permis grâce à la pression exercée à l’époque par une initiative populaire de la gauche radicale en faveur d’un taux unique. Certes, afin d’atténuer l’impact sur les communes à faibles ressources financières de l’affaiblissement de la solidarité entre communes, l’Etat cantonal injecte des montants importants dans le système. Pourtant, dans sa forme actuelle, cette solution ne nous convient pas. Certes, nous ne sommes pas opposés à ce que l’Etat joue un plus grand rôle dans le financement des politiques sociales, mais une telle intervention ne doit pas avoir pour objectif de permettre à certaines communes de maintenir des taux d’imposition beaucoup plus faibles que la moyenne.

Dans sa forme actuelle, l’injection d’argent dans le système par le canton revient pour partie à subventionner la sous-enchère fiscale pratiquée par une minorité de communes très privilégiées. A l’heure où la marge financière de l’Etat se restreint en raison d’allègements fiscaux à répétition décidés ces dernières années, cette subvention aux communes les plus riches est pour nous inopportune.

Enfin, pour notre part, nous gardons le cap d’une convergence des taux d’impôt communaux et d’une plus forte solidarité fiscale entre les communes aisées du canton et les autres. Nous sommes convaincus que les amendements déposés en commission par notre collègue Vincent Keller permettraient d’aller dans ce sens. Sans ces amendements, nous refuserons sans hésiter ce contre-projet.

Mme Chantal Weidmann Yenny (PLR) —

En préambule, je me permets de déclarer mes intérêts comme présidente de l’UCV. Je fais partie de la délégation politique de cette dernière dans le cadre de la plateforme canton-communes traitant de la NPIV. Accompagnée de mes collègues Philippe Jobin, Grégoire Junod, Yvan Luccarini et Frédéric Mani, nous représentions une diversité, une densité, une capacité contributive et une régionalité de l’ensemble des communes vaudoises. Vu le nombre important des séances, en cas de suppléance, Jean-Marc Udriot et Christine Chevalley nous ont également rejoints. Je souligne que, tout au long des négociations, aucun des représentants de notre délégation et membre du comité exécutif de l’UCV n’a eu accès aux projections des effets de la nouvelle architecture de la NPIV sur leur propre commune, afin de ne pas être tentés d’influencer les résultats en leur faveur. Je me permets également de remercier l’important travail fourni par l’ensemble des commissaires qui ont analysé ce projet de décret, débat relayé de manière détaillée et factuelle dans l’excellent rapport de majorité.

L’objectif de l’UCV a toujours résidé en un rééquilibrage des charges canton-communes plus ambitieux et en une construction d’une nouvelle péréquation qui considère l’ensemble des péréquations actuelles sans se limiter à la PCS. Telle que présentée, la NPIV permet d’y répondre. La délégation politique de l’UCV, à l’heure de la plateforme canton-communes, a abordé les négociations avec une architecture très précise de ce qu’elle souhaitait comme nouvelle péréquation. Elle a agi avec fermeté, persuasion et réalisme, en bonne intelligence avec l’ADCV pour défendre l’intérêt de l’ensemble des communes vaudoises. Afin de consolider cette architecture et de donner une réponse aux limites du système actuel, la délégation de l’UCV a donc porté et défendu, tout au long des pourparlers, les cinq objectifs principaux suivants :

  • une diminution de la part des communes aux augmentations de la PCS ;
  • des ressources suffisantes aux communes à faible capacité contributive ;
  • un allègement de la pression du système péréquatif global sur les communes à forte capacité contributive ;
  • une révision des mécanismes de définition et de financement des couches thématiques ;
  • une meilleure compensation des charges des villes-centres.

Les deux points forts de la NPIV portent sur un rééquilibrage financier ambitieux ainsi qu’une solidarité pérenne entre les communes. L’accord de 2020 s’était conclu sur un montant de 150 millions pérennes à l’horizon 2028 en faveur des communes. Il s’agissait d’un premier pas important, mais l’UCV a également toujours affirmé que ce montant était insuffisant pour réformer le système dans son ensemble. Le Conseil d’Etat a entendu et compris cette demande et présente aujourd’hui un rééquilibrage de 160 millions, dès 2025. De plus, le montant du rééquilibrage s’accélère à la hausse avec la diminution de la part des communes aux augmentations de la PCS. Cela signifie qu’à l’avenir, un peu moins de 1 franc sur 5 d’augmentation de la PCS sera pris en charge par les communes. Pour rappel, la proportion du financement de l’augmentation de la PCS était respectivement à charge des communes et du canton jusqu’en 2016 à hauteur de 50/50 et de 2016 à aujourd’hui, de 33,3 % et 66,6 %. Demain, elle sera de 17 % et 83 % pour l’Etat de Vaud, cela sans recourir à une bascule de points d’impôt en faveur du canton.

Il est ainsi possible de maintenir une PCS supportable sur le long terme tout en maintenant une solidarité entre les communes. Le relâchement de la pression sur les communes à forte capacité contributive ne se fait en effet pas au détriment des communes au potentiel plus modeste. Dans la NPIV proposée, le maintien de la solidarité entre les communes s’illustre également par un taux de solidarité généré par la péréquation des ressources à 80 %. Un seuil minimal à 90 % de la capacité fiscale, moyenne normalisée, est aussi institué.

La NPIV propose une péréquation qui se veut claire et équilibrée pour tous les types de communes. Légitimement, chaque commune s’est demandé où elle se situait dans ces nouveaux mécanismes. Lors de la consultation, de nombreuses séances explicatives – de chaque fois deux heures – ont été organisées, leur permettant de mieux appréhender ces nouveaux mécanismes, afin qu’elles puissent se positionner en vue des assemblées extraordinaires de l’UCV et de l’ADCV. Lors de ces assemblées, celles qui le souhaitaient ont pu librement s’exprimer. Les votes finaux d’adhésion à la NPIV ont été très clairs : 85 % pour les communes membres de l’UCV et 83 % pour les communes de l’ADCV.

Lors des débats à venir sur les amendements proposés, mon positionnement sera également très clair : mis à part les amendements de correction de plume et l’amendement accepté par les commissaires au chapitre de la compensation financière liée à la mise en œuvre de la Réforme fiscale et financement de l’AVS (RFFA), je relaierai la voix d’une très large majorité des communes en ne modifiant pas le projet proposé.

Pour terminer, je me permets de compléter la citation de Paul Valéry mentionnée par un rapporteur de la minorité. Ce dernier a dit, je cite : « Le projet n’a pas voulu ouvrir les yeux ». Il s’est contenté d’oublier la citation de Paul Valéry qui rend attentif au fait que : « Ce qui est simple est toujours faux ». Or, cette citation est incomplète. En effet, elle se poursuit ainsi : « ce qui ne l’est pas est toujours inutilisable ». Dans son entier, cette citation résume la difficulté d’une tâche : si l’on fait les choses au plus simple, on oublie probablement des cas particuliers, mais si l’on essaie de prévoir tous les cas, le résultat devient tellement complexe que plus personne ne peut comprendre comment cela fonctionne.

Ainsi, du point de vue des communes majoritaires de l’UCV, la NPIV a les yeux parfaitement ouverts. Elle n’a certes pas répondu à tous les cas particuliers, mais elle clarifie grandement le système péréquatif actuel et, surtout, elle est prévisible et utilisable. De plus, comme l’a mentionné la conseillère d’Etat dans le cadre des travaux de la commission, l’obligation inscrite dans le projet de loi d’une évaluation extérieure tous les cinq ans n’exclut pas un suivi continu des effets de la nouvelle péréquation, à la fois par l’Etat et par les faîtières des communes.

Mme Josephine Byrne Garelli (PLR) —

D’abord, je déclare mes intérêts comme coprésidente du comité d’initiative de SOS Communes. C’est peu dire que je me suis préparée à vivre de grands moments de solitude pendant les débats sur le contre-projet du Conseil d’Etat à l’initiative SOS Communes. Cependant, je me sens encore portée par les 13’430 signatures récoltées – en pleine pandémie de COVID-19, je le rappelle – et déposées au mois de juin 2021.

Je voudrais vigoureusement réfuter l’affirmation de M. Eggenberger relative à la volonté de l’initiative de mettre à mal la cohésion sociale, puisque tel n’a jamais été l’objectif. Sa volonté consistait plutôt à amener le niveau institutionnel – le Conseil d’Etat – à assumer la charge de sa politique de cohésion sociale. Je me permets de rappeler les quatre objectifs de l’initiative, tels qu’exprimés à l’époque :

  • rendre aux communes l’argent qui leur appartenait et ainsi leur donner une maîtrise financière ;
  • défendre les principes de la démocratie et de la Constitution en appliquant le principe de « qui commande paye » ;
  • soutenir l’autonomie communale et la politique de proximité en évitant qu’une partie importante des recettes communales se volatilise directement pour financer des dépenses décidées au niveau cantonal ;
  • renforcer l’équité et la solidarité entre les citoyens, en proposant que ces dépenses cantonales soient financées uniquement par l’impôt cantonal, qui est le même pour tous les citoyens.

Quant au rapport de la commission, il est intéressant d’observer qu’il commence par l’explication de la NPIV plutôt que de l’initiative SOS Communes à l’origine de son travail. Si ce n’est la prise de position du comité d’initiative figurant en annexe du rapport, la commission n’a semble-t-il procédé à aucune analyse ou évaluation du texte de SOS Communes. Dans la présentation de sa position, le Conseil d’Etat affirme à la page 3, au deuxième paragraphe que l’initiative SOS Communes : « ne traitant que le volet financement canton-communes, l’initiative déposée produit des efforts de bord très négatifs. » Or, ceci n’est vrai que si l’ancien modèle de péréquation intercommunale était maintenu. Il n’est donc pas tout à fait honnête de présenter les choses ainsi. Il aurait tout à fait été possible de modéliser la reprise de la facture sociale par le canton, et la bascule du point d’impôt communal y relatif, et ensuite de construire une nouvelle péréquation intercommunale avec les 287 millions qui auraient été replacés dans le porte-monnaie commun de l’ensemble des communes vaudoises. Pour les initiants, cela représentait deux avantages : la reprise totale du financement de la politique de cohésion sociale moyennant une bascule de points d’impôt communaux pour aider le canton ainsi que la construction d’une nouvelle péréquation intercommunale visant à clarifier la répartition des ressources financières entre les communes.

Concernant le contre-projet, l’un des principes retenus vise à réduire la disparité des ressources entre les communes sur la base du Revenu fiscal standardisé (RFS). Le RFS représente le revenu qu’une commune serait capable de générer en impliquant le taux d’imposition moyen de l’ensemble des communes. L’effet pervers réside dans le fait que n’importe quelle commune qui se situe au-dessus du taux moyen pondéré communal, comme Lausanne, pourra être incitée à augmenter encore son taux d’impôt, car elle sera doublement gagnante, c’est-à-dire une fois sur ses recettes fiscales directes – un point de plus – et une deuxième fois sur les recettes de la NPIV. Si Lausanne augmente de 1 point son taux, son gain effectif serait l’équivalent de 1,016 point grâce à la péréquation. Autre aberration maintenue dans la NPIV : en raison du taux de solidarité de 80 % du taux moyen, une commune, dont le taux serait trop éloigné de cette limite non contraignante de 54 points, devrait payer plus qu’un franc à la péréquation par franc supplémentaire reçu. Six communes sont touchées par cette mesure, et nous aurions pu espérer qu’après le cas de Mies, en 2027, des mesures soient prises pour éviter une telle possibilité.

Par rapport aux informations fournies par la commission dans son rapport, je regrette le manque de vue d’ensemble sur l’évolution de la NPIV dans le temps, ce qui m’aurait paru un élément minimal pour rassurer l’ensemble des communes quant à un système qui va impacter les finances communales pour les 10 années à venir, au minimum. Le rapport indique qu’un tel tableau serait difficilement lisible et ajouterait à la complexité. Pardonnez-moi, mais je considère que la complexité d’un document qui sera à même de rassurer les communes n’est pas à craindre.

Avant la fin des débats et afin que le Grand Conseil vote en toute connaissance de cause, il serait nécessaire que les députés soient pourvus d’une vue dynamique de l’évolution de la NPIV dans le temps. Il convient également de mentionner la question des compensations transitoires au sujet desquelles le Conseil d’Etat affirme que les communes désavantagées lors de la bascule seront gagnantes par la suite. Or, le rapport n’indique pas la date à partir de laquelle cela serait le cas.

D’autres points importants sont néanmoins à saluer. En effet, le taux de compensation et de répartition de 80 % me paraît opportun ; il s’agissait d’une des propositions du professeur Jeanrenaud lors de sa présentation lors du forum sur la péréquation intercommunale en 2018. Le fait que les communes qui avaient le plus de ressources au départ restent celles qui ont le plus de ressources après péréquation est également à saluer, tout comme le fait que les compensations de communes sont dorénavant financées en francs par habitant et non plus en points d’impôt. Quant à la participation à la facture policière, elle n’était pas comprise dans SOS Communes, je m’abstiens donc de tout commentaire. L’application des critères objectifs en lieu et place des dépenses thématiques conduisant trop souvent à une optimisation péréquative constitue également une mesure pertinente. En outre, ancrer la répartition des recettes issues de l’impôt fédéral complémentaire dans la loi est une bonne chose.

Ainsi se pose la question suivante : le contre-projet du Conseil d’Etat répond-il aux principes de l’initiative SOS Communes ? La réponse est clairement négative. Sur le volet du financement de la politique de cohésion sociale qui, je le rappelle, est décidé par le canton seul, le contre-projet ne répond pas du tout à ce que demandait SOS Communes ni en termes de rééquilibrage financier ni en termes de principes. Dans le cadre du contre-projet, le montant de rééquilibrage en faveur des communes s’élève à 160 millions en 2025. Ce montant augmentera progressivement à 234 millions de francs en 2031 et atteindra peut-être – je l’ignore – le montant de 287 millions demandés par SOS Communes en 2035, c’est-à-dire dans 11 ans. Le montant demandé est lointain tout comme le calendrier.

Enfin, en ce qui concerne le principe central de l’initiative SOS Communes, le contre-projet ne le respecte pas, car un financement de la politique sociale par les communes est maintenu.

Mme Nathalie Jaccard (VER) —

J’annonce d’abord mes intérêts comme municipale à Renens, en charge notamment des affaires scolaires et de la jeunesse. J’aimerais partager avec vous plusieurs préoccupations concernant le processus et les implications de la NPIV… (Brouhaha dans la salle.) J’imagine que le sort de certaines communes intéresse peu la majorité de celles qui sont satisfaites, mais il serait toutefois agréable d’avoir un tout petit peu d’attention, s’il vous plaît ! Les aspects substantiels de la NPIV présentent des défauts. Premièrement, elle affaiblit la solidarité entre les communes en ne réduisant pas suffisamment les écarts des taux d’imposition. La prétendue compensation à 80 % des disparités par la péréquation des ressources est insatisfaisante ; elle devrait être à minima à 90 %. Elle laisse de nombreuses questions sans réponse quant aux critères sous-jacents à cette décision politique. Le passage des contributions au point d’impôt à des contributions par habitant dans le cadre de la péréquation des ressources constitue une perte majeure, notamment pour les communes hébergeant des contribuables à faible revenu. Les bénéficiaires principaux de la NPIV, tels que l’ADVC et les communes aisées, sont clairement favorisés, poussant les communes à très faible capacité financière dans une situation encore plus précaire qu’avec l’ancien système.

En outre, la disparition des couches thématiques au profit de critères de péréquation des besoins semble arbitraire et ne tient pas compte des réalités locales. Des critères plus pertinents, comme la densité de la population ou les politiques sociales, devraient être envisagés pour garantir une répartition équitable des ressources. Il est également crucial de prendre en compte les besoins de la population dans leur ensemble. La NPIV proposée ne tient pas suffisamment compte des efforts des communes en matière de cohésion sociale, écartant des critères importants tels que le nombre de personnes subsidiées hébergées par commune, le nombre de places en crèche et le nombre d’élèves par commune. Est-il juste, par exemple, de tenir compte de la déclivité et l’altitude des communes, mais de ne pas tenir compte de la petite superficie d’une ville et de sa très grande densité, et/ou de prendre en compte la distance que doivent effectuer les élèves et non les besoins en prestations et infrastructures ?

Par la présente, je vous appelle à reconnaître ces lacunes et, dès lors, à prendre des mesures pour corriger ces injustices en soutenant le rapport de minorité présenté par notre collègue Vincent Keller, pour que le nouveau système de péréquation soit équitable, transparent et tienne réellement compte des besoins de l’ensemble de la population vaudoise. Je remercie toutes les personnes qui m’auront accordé un peu d’attention !

M. Pierre-André Romanens (PLR) —

Compte tenu de l’heure avancée, je reporte mon intervention à la prochaine séance.

M. Laurent Miéville (V'L) —

Le débat est interrompu.

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