22_POS_2 - Postulat Sergei Aschwanden et consorts - Analyse des violences contre les enfants : mesures mises en place par le DFJC alors que les cas ne cessent d’augmenter !.

Séance du Grand Conseil du mardi 19 décembre 2023 (suivie du Noël du Grand Conseil), point 25 de l'ordre du jour

Texte déposé

Le DFJC[1] et la DGEJ[2] au travers du PSPS[3] ont mis en place depuis plusieurs années des cours d’éducation sexuelle pour les élèves en âge de scolarité obligatoire en collaboration avec PROFA[4] et SESAME[5]. Aujourd’hui, selon les chiffres officiels alarmants en Europe, 1 enfant sur 5 est victime de violence sexuelle, ce qui signifie 1 enfant sur 2 dans le monde. En 2020, les Nations Unies ont encouragé les communautés du monde entier à accélérer la mise en œuvre du « Programme de développement durable à l’horizon 2030 » en associant la cible 16.2 aux objectifs, à savoir « mettre un terme à la maltraitance, à l’exploitation et à la traite, et à toutes les formes de violence et de torture dont sont victimes les enfants »[6]. Selon l’Etude Optimus III[7] (mauvais traitements contre les enfants), chaque année en Suisse, entre 30’000 et 50’000 enfants sont victimes de violences directes ou indirectes et en 2020, selon la statistique policière de la criminalité vaudoise[8], 521 mineurs ont été victimes d’infractions violentes dont 23 en relation avec le sexe. Cela ne reflète que la partie émergée de l’iceberg et la réalité voit aisément ce chiffre multiplié par 10. Il est indéniable que ces enfants ont un réel besoin d’aide.

Depuis le début de la période COVID, à cause des différentes mesures sanitaires mises en place, la situation a clairement empiré et les enfants sont encore plus exposés. Le mouvement #metoo initié il y a quelque temps déjà a permis d’ouvrir la porte à la libération de la parole des personnes ayant subi des agressions sexuelles et il ne se passe pas un jour sans qu’une nouvelle annonce d’agression ne soit faite.

D’un point de vue financier l’impact sur les coûts de la santé notamment est très important. Cela se traduit très souvent concrètement pour les adultes qui ont subi des traumatismes de maltraitance durant leur enfance par des burnout, dépression, utilisation de drogues ou substance addictives, ou encore suicide. En Europe, ces violences contre les enfants coûtent 142,7 milliards d’Euro chaque année et au niveau mondial cela représente 8% du PIB mondial.

L’école, qui a un rôle majeur à jouer en matière de santé des élèves, de promotion de la santé et de prévention, notamment des violences sexuelles, est le seul endroit où cette prévention est accessible à tous les enfants. PROFA, au travers de ses cours d’éducation sexuelle, n’offre pas tous les outils nécessaires pour la prévention contre les violences à l’encontre des enfants qu’elles soient sexuelles, physiques, émotionnelles ou psychologiques et le programme SESAME n’est adapté qu’aux adultes. Le PSPS rechigne à faire appel à des associations privées expertes dans ce domaine alors que ce sont les plus à même de pouvoir agir avec efficacité et rapidité aux besoins croissants de la réalité des enfants d’aujourd’hui.

La comparaison avec d'autres cantons romands qui facilitent l’ouverture à ces démarches de prévention avec l’aide d’associations privées qui ont une expertise pratique étendue et une très bonne connaissance des problématiques sont des leçons à tirer très rapidement maintenant afin de mieux prévenir ce type d’agressions auprès des enfants en âge de scolarité obligatoire. Chaque jour qui passe, ce sont au moins 10 enfants supplémentaires qui sont touchés.

Une réflexion et une évaluation de la qualité et de la pertinence des mesures mises en place de préventions de toutes formes de violences sexuelles, physiques, émotionnelles ou psychologiques pour les enfants en âge de scolarité obligatoire sont indispensables dès maintenant si on veut juguler cette progression exponentielle des agressions. C’est pourquoi ce postulat demande notamment au Conseil d’Etat : 

  1. D’établir le bilan des mesures de prévention actuellement mises en place en sachant que les chiffres annoncés ci-dessus ne sont que la partie émergée de l’iceberg.
  2. D’analyser la croissance des agressions de violence sexuelle, physique, émotionnelle ou psychologique à l’encontre des enfants.
  3. De démontrer que le DFJC au travers du PSPS se base sur des études sérieuses telles que l’UNIL pour axer ses cours de prévention en parfaite adéquation avec ce qui se passe sur le terrain.
  4. D’effectuer un état des lieux des procédures actuelles et des outils de pilotage instaurés par le canton pour garantir une prévention optimale auprès des enfants en âge de scolarité obligatoire.
  5. De fournir des recommandations concernant la collaboration avec des associations de terrains qui ont une meilleure connaissance de ce que vivent les jeunes victimes et dont le travail est directement lié avec ce qui se passe dans la réalité.
  6. Des propositions de mesures découlant de ces recommandations.

 

[1] DFJC : Département de la formation, de la jeunesse et de la culture.

 https://www.vd.ch/toutes-les-autorites/departements/departement-de-la-formation-de-la-jeunesse-et-de-la-culture-dfjc/

[2] DGEJ : Unité de promotion de la santé et de prévention en milieu scolaire

https://www.vd.ch/toutes-les-autorites/departements/departement-de-la-formation-de-la-jeunesse-et-de-la-culture-dfjc/direction-generale-de-lenfance-et-de-la-jeunesse-dgej/

[3] PSPS : Unité de promotion de la santé et de prévention en milieu scolaire

https://www.vd.ch/toutes-les-autorites/departements/departement-de-la-formation-de-la-jeunesse-et-de-la-culture-dfjc/direction-generale-de-lenfance-et-de-la-jeunesse-dgej/unite-psps/

[4]Fondation PROFA : https://www.profa.ch/

[5]SESAME : Soutien aux Établissements Scolaires lors de situations de suspicions d'Abus sexuels ou de Maltraitance d'Élèves

[6]Nations unies, Programme 2030 pour les droits de l’enfant : https://violenceagainstchildren.un.org/fr/content/programme-2030-pour-les-droits-de-l%E2%80%99enfant

[7]Etude Optimus, cycle 3 : https://www.unil.ch/ome/optimus3

[8]https://www.vd.ch/fileadmin/user_upload/organisation/dse/polcant/fichiers_pdf/2021/Rapport_criminalite/Rapport_annuel_SPC_Vaud_2020.pdf

 

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Marion WahlenPLR
Catherine LabouchèrePLR
Olivier PetermannPLR
Rémy JaquierPLR
Florence GrossPLR
Daniel DeveleyPLR
Claude MatterPLR
Bernard NicodPLR
Jean-Marc GentonPLR
Didier LohriVER
Maurice Mischler
Circé FuchsV'L
Jean-Louis RadiceV'L
Josephine Byrne GarelliPLR
Gérard MojonPLR
Cloé PointetV'L
Jean-Rémy ChevalleyPLR
Blaise VionnetV'L
Anne-Laure Métraux-BotteronVER
Pierre ZwahlenVER
Marc-Olivier BuffatPLR
Hadrien BuclinEP
Léonard Studer
Jean-François ChapuisatV'L
Nicolas BolayUDC
Cédric EchenardSOC
Aliette Rey-MarionUDC
Patrick SimoninPLR
François CardinauxPLR
Cédric WeissertUDC
Séverine EvéquozVER
Julien CuérelUDC
Jean-Luc BezençonPLR
Jean-Daniel CarrardPLR
Christine ChevalleyPLR
Anne-Lise RimePLR
Alexandre BerthoudPLR
Chantal Weidmann YennyPLR
Pierre-André RomanensPLR
Guy GaudardPLR
Pierre-François MottierPLR
Carole DuboisPLR
Nicolas SuterPLR
Maurice GayPLR

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Felix Stürner (VER) — Rapporteur-trice

En préambule, le postulant note que cet objet parlementaire est né de la sollicitation de plusieurs associations dans le but de réduire les abus touchant de nombreux enfants. Malgré les mesures de prévention déjà mises en place par le canton, il semblerait que les effets ne soient pas assez efficaces. De plus, il rappelle que l’Université de Lausanne a réalisé une étude intitulée « Optimus », qui visait à créer une base de données représentative des mauvais traitements en Suisse. Dès lors, le postulant demande au Conseil d’Etat, entre autres, de fournir des recommandations concernant la collaboration avec des associations de terrain qui auraient une meilleure connaissance de ce que vivent les jeunes victimes et dont le travail est directement lié avec ce qui se passe dans la réalité ; d’effectuer un état des lieux des procédures et des outils de pilotage instaurés par le canton ; ou encore d’analyser la croissance des agressions de violences sexuelles, physiques, émotionnelles ou psychologiques à l’encontre des enfants. L’ancienne conseillère d’Etat, alors en charge du Département de la formation, de la jeunesse et de la culture, a proposé de faire un point de situation sur la stratégie choisie par le département en matière de lutte contre les violences faites aux enfants.

Ce postulat souhaite en particulier aborder les violences commises par des adultes et non uniquement entre pairs. C’est pourquoi il convient d’élargir le propos à la problématique des violences faites aux enfants. La prévention ne doit pas se limiter à des actions ponctuelles, mais bien s’inscrire dans trois dimensions, à savoir universelles, sélectives et indiquées, en soutenant les adultes autour des enfants pour qu’ils intègrent une même attitude face aux violences au quotidien. Cette approche tridimensionnelle est absolument capitale, selon les dires de l’ancienne conseillère d’Etat. Aussi, même un enfant averti n’arrivera pas à se défendre ou à s’opposer à une violence venant d’une ou d’un adulte déterminé, qui plus est, si celui-ci ou celle-ci est proche ou a un lien étroit avec sa victime. Tous les cas d’abus sexuels attestent de cette problématique, de cette incapacité à s’opposer, et c’est d’ailleurs la stratégie de l’agresseur qui vise à empêcher l’enfant d’objecter. Il ne faut pas se contenter d’apprendre à l’enfant à dire non, puisque ce type de prévention risque de le culpabiliser et il pensera que c’est sa faute s’il n’a pas pu éviter les violences, ce qui pourrait ensuite l’empêcher d’alerter les adultes et l’enfoncer dans un sentiment de honte et de culpabilité. L’intervention ponctuelle, qui n’associe pas les adultes de l’école gérant la problématique de manière frontale, n’est pas indiquée par le département.

Pour sortir de cette approche ponctuelle, la prévention universelle vise les facteurs de protection ainsi que l’augmentation des compétences individuelles, une prévention qui est renforcée lorsqu’elle est portée au quotidien par des personnes significatives pour les enfants et les jeunes. Elle repose notamment sur les équipes de l’unité de promotion de la santé et de prévention au milieu scolaire, les fameuses unités PSPS. Cette prévention universelle se prolonge par des cours d’éducation sexuelle qui sont donnés à tous les élèves de la scolarité obligatoire à divers moments de leur cursus. Leur approche repose sur la définition de la santé sexuelle fondée sur le respect et la protection des droits sexuels et qui aborde de manière très claire la question des abus. En outre, les interventions liées à l’éducation sexuelle sont évolutives puisqu’elles sont revues et contrôlées pour assurer la pertinence, mais également complémentaires à d’autres disciplines et coopératives avec les parents ainsi qu’avec la communauté environnante.

En lien avec une intervention parlementaire, le département considère que le nombre d’heures de cours d’éducation sexuelle n’est pas suffisant et vise ainsi une stratégie d’augmentation de ces heures. La prévention des maltraitances – et plus spécifiquement des violences sexuelles – fait partie intégrante des interventions de ces cours. Les interventions sont travaillées avec des moyens pédagogiques et adaptées à l’âge des enfants ainsi que des jeunes et sont basées sur le cadre de référence. En outre, le dispositif Soutien aux établissements scolaires pour les situations de suspicion d’abus et de maltraitance d’élèves (SESAME) s’inscrit dans la prévention sélective. Ce dispositif permet une meilleure analyse des situations grâce à un langage et des outils communs à l’ensemble des professionnels de l’école et le traitement des cas de suspicion est porté par le groupe SESAME, en articulation avec tout professionnel concerné dans le domaine.

Pour répondre à la demande du postulant, il est précisé que les évaluations et les processus mis en place par l’unité PSPS se fondent sur les documents de référence publiés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), de même que par les institutions suisses spécialisées dans le domaine telle la Fondation de protection de l’enfant suisse ou sur les cadres de référence édictés par la Faîtière santé sexuelle (SSCH). Les responsables de chaque domaine au sein de l’unité PSPS ont des formations universitaires dans les domaines concernés, ce qui leur permet de rester en contact avec les progrès de la recherche, puis, cas échéant, d’adapter les dispositifs. Cette approche documentée scientifiquement s’accompagne aussi d’un travail au plus près du terrain grâce au dispositif SESAME, lequel couvre désormais tous les établissements de l’école obligatoire et en cours de déploiement dans les filières du postobligatoire.

Au vu de la tournure parfois homérique de la discussion générale qui a touché des aspects nombreux et divers de la problématique initialement posée, je n’en retiendrai ici que quelques points principaux, en renvoyant au rapport de commission pour les détails, notamment pour les éléments relatifs à une association en particulier. En fin de discussion, la cheffe de département constate qu’une majorité des membres de la commission souhaite que le périmètre du postulat soit large, mais émet toutefois une réserve sur le fait que cet état des lieux portera sur toutes les formes de violence. Quant au postulant, il propose aux membres de la commission de retirer le point 3 et de maintenir les points 1, 2, 4, 5, et 6. Au point 2, le libellé consistera désormais à « analyser l’évolution » au lieu de « la croissance des agressions de violence sexuelle, physique, émotionnelle ou psychologique à l’encontre des enfants ».

Dans la foulée des deux votes et à l’unanimité des membres présents, la commission décide de supprimer le terme « croissance » et de le remplacer par « évolution » au point 2 du postulat, tout comme elle accepte de supprimer le point 3. La commission a pris ce postulat partiellement en considération, par 11 voix et 2 abstentions.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Sergei Aschwanden (PLR) —

Le président a parfaitement résumé, voire expliqué dans le détail, les discussions que nous avons eues en commission, étant fervent partisan de l’efficience des interventions du Parlement. Je serai très bref, constatant que le plénum est un petit peu dissipé, tout le monde étant pressé d’arriver à l’apéritif de fin d’année. Je remercie les membres de la commission pour les échanges constructifs. Au vu de la thématique qui semble extrêmement importante et de la sensibilité d’un grand nombre de députés au sein de ce plénum, il me semble important de soutenir massivement cette prise en considération partielle du postulat.

M. Vassilis Venizelos (C-DJES) — Conseiller-ère d’Etat

Je souhaiterais remercier le député Aschwanden ainsi que la commission pour le travail effectué. Je vous remercie surtout de vous être penchés sur la question des violences sexuelles. Nous avons effectivement un gros travail à faire sur ce sujet en Suisse et dans le Canton de Vaud. Le Comité des droits de l’enfant de l’ONU le rappelle dans ses différents rapports et appelle aussi les Etats et notamment les cantons, bien évidemment, à mieux renseigner ces différents cas, à mettre en place un monitoring plus efficace ainsi qu’un observatoire plus serré et fin. Ce postulat sera l’occasion de rappeler l’importance de la prévention menée dans le milieu scolaire. Je rappelle la décision récente des trois départements concernés – c’est-à-dire le département de M. Borloz, celui de Mme Ruiz et le mien – de créer une gouvernance commune pour la prévention de l’enfance et de la jeunesse, afin de favoriser une certaine cohérence dans les actions menées dans le milieu scolaire, mais aussi dans le milieu extrascolaire.

La réponse à ce postulat sera évidemment l’occasion de rappeler les conséquences de cette décision, mais aussi d’évoquer les premiers éléments du plan stratégique qui va être établi ces prochains mois et qui permettra d’offrir une feuille de route au Canton de Vaud en matière de prévention pour l’enfance et la jeunesse au sens large. Ce sera aussi l’occasion de rappeler que le travail de la PSPS s’appuie évidemment sur des études scientifiques, mais aussi sur des travaux et des analyses de terrain menées par des professionnels extrêmement bien formés. Quoi qu’il en soit, je vous remercie pour l’intérêt porté à cette question de la prévention de l’enfance et de la jeunesse, qui est une politique publique très importante.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil prend le postulat en considération partiellement avec quelques abstentions.

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