23_REP_109 - Réponse du Conseil d'Etat au Grand Conseil à l'interpellation Yvan Pahud et consorts - Bénéfice de Romande énergie sur le dos des ménages et entreprises vaudoises ? (23_INT_63).

Séance du Grand Conseil du mardi 26 mars 2024, point 20 de l'ordre du jour

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M. Cédric Weissert (UDC) —

(Remplaçant M. Yvan Pahud, ancien député). Je me fais le porte-parole de notre ancien collègue Yvan Pahud qui remercie le Conseil d'Etat pour ses réponses et dont voici les différentes remarques. Tout d'abord, il mentionne n'être pas satisfait des réponses obtenues, sachant que le canton et les communes sont majoritaires dans le capital d'actions de la Romande Energie, mais sans réelle influence, lui semble-t-il. M. Pahud se demande quelles sont les solutions dont il est question dans le dernier paragraphe, qui auraient été évoquées entre les représentants du Conseil d'Etat et la Romande Energie. Sachant que l'exercice 2023 risque d'être largement bénéficiaire, nous nous devons d'être les garants du pouvoir d'achat des Vaudoises et des Vaudois et que notre Conseil d’Etat mette tout en œuvre pour limiter les charges d'énergie dans la mesure du possible.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Guy Gaudard (PLR) —

Je décline mes intérêts d’installateur électricien diplômé. J’estime que la réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation de mon collègue Yvan Pahud déçoit par son manque de précision. En effet, depuis un certain temps, de nombreuses voix s'élèvent pour lutter contre la diminution du pouvoir d'achat des citoyens. Au même titre que les loyers ou l'assurance-maladie, l'électricité fait partie des augmentations qui péjorent le porte-monnaie des contribuables.

Il est vrai que le marché de l'électricité est assez opaque. A cet égard, cette interpellation constituait une bonne occasion pour le Conseil d'Etat de fournir des réponses, notamment relativement à la question N°5. On y apprend que le Conseil d'Etat détient 40 % du capital-actions de la Romande Energie. On pouvait par conséquent s'attendre à des propositions, par exemple relativement au plafonnement du prix du kWh pour tous les ménages qui ne dépassent pas les 3500 kWh par année de consommation, puis de considérer une autre plage intermédiaire pour ceux qui consomment moins de 6000 kWh. Or, il n’en est rien.

On constate également qu’en 2021, la Romande Energie fait un bénéfice de 34,8 millions, en 2022, il passe à 54,1 millions et en 2023, on nous annonce une augmentation du prix du kWh d'environ 14 à 19 %, cela dépendant de la base du calcul, c’est-à-dire celui du prix de vente du kWh du Groupe E ou des Services industriels de Lausanne (SiL) ou de ceux de Genève. Ainsi, j'ai le sentiment que le Conseil d'Etat a manqué une belle occasion de dénoncer quelque peu les pratiques des gestionnaires de réseaux de distribution d'énergie (GRD). En effet, pour connaître le prix de l'énergie, il nous manque l'élément essentiel : le prix d'achat. On connaît le prix de vente qui s’articule sur plusieurs taxes : transport, sol, etc.

Enfin, à mon sens, différents éléments rendent le prix de l'électricité trop cher pour certaines classes de la population, d’où le souhait que le Conseil d'Etat fasse usage de ses 40 % d'actionnariat dans le capital de la Romande Energie pour parvenir à une solution qui satisfasse la classe dite moyenne et la classe dite modeste des contribuables.

M. Alberto Mocchi (VER) —

Je voudrais revenir sur la question du prix de rachat du courant photovoltaïque par la Romande Energie. En effet, d'un côté se trouve un canton qui mène des actions assez décidées et fortes pour développer l'énergie photovoltaïque – ce qui est vraiment réjouissant et que nous verrons avec la Loi sur l'énergie vaudoise. D'un autre côté, on observe un GRD qui, pour 2024, a baissé le prix de rachat de cette énergie photovoltaïque – d'un centime. Certes, cet élément ne va pas empêcher quelqu'un d'investir dans l'énergie photovoltaïque, mais quand même ; on peut donc s'interroger sur la politique de ce GRD qui ne semble pas véritablement enclin à la transition énergétique, mais semple plutôt s’occuper à des questions de bénéfices – ce qui est certes louable pour une entreprise privée, mais qui à mon sens ne devrait pas interférer avec des politiques publiques. Ainsi, j’exprime aussi un certain regret, qui n'est pas lié directement à la réponse à cette interpellation, mais plutôt au fait que je considère que l'Etat pourrait se montrer parfois plus incisif vis-à-vis des politiques menées par la Romande Energie.

M. Vassilis Venizelos (C-DJES) — Conseiller-ère d’Etat

Je vous remercie pour vos différentes interventions. Le Conseil d'Etat avait le sentiment que par sa réponse à cette interpellation, il avait pu clarifier certains éléments ; manifestement, ce n’est pas le cas. Nous en prenons acte et vous présenterons volontiers des explications complémentaires, si vous le souhaitez.

Une lecture attentive de cette réponse permet de comprendre qu'il faut distinguer très clairement les bénéfices qui peuvent être dégagés par la Romande Energie et la hausse des tarifs de l'électricité. Je rappelle que la Romande Energie ne produit que 38 % de l'électricité qu'elle revend à ses clients. Pour le reste, elle doit aller l'acheter sur le marché libre européen. Aussi, que s’est-il passé l'année du risque de pénurie énergétique ? Le système était tellement sous pression que l’électricité a pris l'ascenseur et par conséquent, le coût de l'énergie achetée par la Romande Energie sur le marché libre était très élevé. Le coût de l'énergie produite par le gaz, qui est une énergie extrêmement onéreuse, a été déterminant pour fixer le prix du marché, d'autant plus qu’à l'époque, les centrales nucléaires françaises ne fonctionnaient pas de façon optimale. Cela a produit un impact sur la hausse des tarifs.

J’insiste donc sur le fait qu’il faut découpler la hausse des tarifs et les bénéfices enregistrés par la Romande Energie, car ce sont deux dynamiques qui ne peuvent pas être comparées ou liées dans la temporalité. Les bénéfices sont surtout liés au revenu des participations de la Romande Energie, notamment à Alpiq via EOS. Il faut peut-être aussi rappeler que la hausse conséquente des tarifs en 2023 et en 2024 était beaucoup plus contenue du côté de la Romande Energie que dans la majorité des GRD.

Par ailleurs, l'Etat détient un certain nombre d'actions au sein de la Romande Energie, dont je rappelle à nouveau qu’elle est une société anonyme cotée en bourse. Nous devons respecter le droit des sociétés qui est fixé au niveau fédéral. A l’évidence, nous avons des échanges réguliers avec les dirigeants de la Romande Energie et MM. Petit et Mustaki. Toutefois, l'Etat ne peut intervenir ou donner un ordre de marche, comme il ne peut pas le faire non plus pour la Banque cantonale vaudoise, par exemple ; l'Etat ne peut pas jouer ce rôle. Nous devons respecter le droit des sociétés régi au niveau fédéral.

La Romande Energie est toutefois sensible à la question de la hausse des tarifs. Dans sa stratégie, sa priorité – d'ailleurs à notre sens la plus judicieuse pour une meilleure maîtrise des coûts – consiste à augmenter sa part de production. Aujourd'hui, je le répète, seuls 38 % de l’énergie redistribuée sont produits par la Romande Energie. Il paraît sensé d’augmenter ce taux de production pour s'affranchir des aléas du marché libre. Ainsi, la stratégie de la Romande Energie consiste à investir massivement dans ses outils de production. En outre, elle nourrit aussi une approche commerciale ancrée au niveau local. L’année passée, les médias ont largement relaté le cas de personnes qui avaient choisi le marché libre. Quand on opte pour le marché libre et que tout va bien, les tarifs sont bas. Toutefois, l’an passé a montré que les tarifs peuvent prendre l'ascenseur et une série d'entreprises et de communes se sont retrouvées dans des situations extrêmement difficiles. Pour chacun de ces cas, la Romande Energie a prêté une oreille attentive et fait en sorte de trouver des solutions pour éviter que les entreprises soient contraintes de mettre la clé sous le paillasson.

J'entends la volonté du Parlement ; il faut donner les moyens au Conseil d'Etat de racheter les actions de la Romande Energie, ou pour la collectiviser et pour cela, il faudra effectivement posséder une majorité d’actions. Enfin, l'Etat a le privilège d'avoir un contact direct et régulier avec les dirigeants de la Romande Energie et son écoute attentive ; pour réussir la transition énergétique, la collaboration est excellente. La mission principale de la Romande Energie est d'augmenter sa part de production.

M. Fabrice Moscheni (UDC) —

Veuillez m’excuser d'intervenir après le Conseil d'Etat, mais j'ai été pris par la vitesse de la discussion. Je voudrais relever deux points. Le premier – il est assez intéressant qu'il n'ait pas été mentionné – porte sur le fait que la plus grande partie des bénéfices des GRD sont faits sur le Weighted average cost of capital (WACC), c'est-à-dire sur la taxe imputable aux coûts théoriques du réseau qui, comme vous ne le savez peut-être pas, sont calculés d’une façon différente de ce qui figure dans les comptes. C'est-à-dire qu'il existe une forme de comptabilité double dans laquelle les GRD vont estimer leurs coûts de réseau et ils établissent une taxe sur ces réseaux, soit un cost of capital qui, en 2024, équivaut à 4,13 %. Ainsi, il existe une taxe cachée dans les GRD, dont nous tous nous acquittons par rapport à une valeur fixée par la Commission fédérale de l’électricité (ELCom), qui est en fait un impôt caché. Il est donc très intéressant d’observer que la réponse n'en parle pas, alors que la plus grosse partie du revenu, c’est-à-dire du bénéfice de tous les GRD et de la Romande Energie en particulier, réside dans ce WACC, et non pas dans les 75 francs par ménage.

Mon deuxième point va dans le sens du texte déposé par M. Pahud. Il consiste à vous rendre attentifs au fait qu'en 2022, M. Stefan Meierhans, le Surveillant des prix – qu'on ne peut pas accuser d'être UDC – a traité au total 2’368 réclamations émanant du public, dont 30 % en lien avec les coûts de l'énergie. En résumé, M. Stefan Meierhans a été très clair et a appelé les institutions publiques à réduire les taxes sur l'électricité.

Nous nous trouvons dans une situation qui veut défendre une certaine imposition indirecte, c’est-à-dire des taxes imposées à la population vaudoise, mais qui ne se justifient pas dans la crise inflationniste dans laquelle nous nous trouvons. Il est indéniable que l'énergie contribue à une augmentation générale de l'inflation, puisqu’il ne s’agit pas simplement de l’énergie que vous consommez, mais aussi du coût répercuté sur le petit pain produit par l'artisan local qui utilise l'électricité, ou encore sur le chou-fleur conservé au frais dans un frigo. Au niveau de l'inflation, les coûts de l'énergie s’avèrent instrumentaux. Aussi, il est difficilement admissible que l'Etat ne comprenne pas qu'il faut faire attention à ces prix imposés, à ces taxes indues par rapport au prix de l’électricité qui affecte toutes les couches de la population, et en particulier les couches moyennes et à faible revenu. Comme vous le savez tous, l'inflation est un impôt régressif. Par conséquent, il faudrait vraiment que l'Etat prenne la mesure des politiques en matière d'approvisionnement énergétique, électrique en particulier. Cette réponse montre que ce n'est peut-être pas encore tout à fait le cas.

M. Guy Gaudard (PLR) —

En complément aux propos de mon collègue Moscheni, il faut se rappeler que – et il ne s’agit pas d’un reproche, mais d’un constat – 36 francs de dividendes, par action, sont distribués annuellement. Suivant le nombre d'actions, cela fait un joli montant ! Ensuite, une chose serait essentielle : que le prix d'achat du kWh figure sur la facture de l’abonné, pour que ce dernier puisse se rendre compte du delta ou du gap qu'il y a entre le prix d'achat et le prix qui lui est facturé. Ainsi, effectivement, on se rendrait compte que la liste des taxes est interminable. Le Conseil d'Etat pourrait suspendre ces dernières provisoirement ou les plafonner, au même titre que ce que je disais en introduction de ma première intervention, c'est-à-dire que pour les ménages de condition modeste qui consomment à peu près 3500 kWh annuels, un prix plafond du kWh pourrait être fixé, qui ne serait pas de 28 ou de 32 centimes, mais inférieur.

M. Vassilis Venizelos (C-DJES) — Conseiller-ère d’Etat

Pour répondre à M. Moscheni, il n’existe pas de taxes cachées. Si vous vous référez au WACC, il ne s’agit pas d’une taxe. Le droit fédéral autorise une marge sur tous les investissements effectués pour la maintenance du réseau : 4,13 %. Je le répète : il n'y a rien de caché. Nous aurions pu produire une réponse de 50 pages, car la problématique est extrêmement technique. Je vous invite à consulter le lien qui figure dans la réponse à l'interpellation, qui explique comment les tarifs sont fixés et comment le coût de l'électricité est calculé, encore une fois imposé par le droit fédéral. Même si votre serviteur ou respectivement ce Parlement souhaitaient plafonner les tarifs, nous ne le pourrions pas, car nous sommes tenus par le droit fédéral, comme par les accords passés avec l'Union européenne.

A nouveau, le meilleur service que nous puissions rendre aux consommateurs de ce canton consiste à augmenter nos capacités de production, mais aussi à économiser l'énergie en investissant dans l'assainissement énergétique des bâtiments. Par ces deux leviers, nous pourrons nous affranchir de cette dépendance. En effet, 84 % de l'énergie que nous consommons est importée. Par conséquent, nous devons à tout prix nous affranchir de la dépendance et de la fragilité que nous avons constatée avec le risque de pénurie énergétique. Notre système est extrêmement fragile. Nous ne sommes pas passés loin de la pénurie ni des délestages. Nous devons augmenter notre rythme de production, raison pour laquelle nous soutenons des projets éoliens, solaires. En 2023, le photovoltaïque s'est développé de 30 % supplémentaires par rapport à 2022. Nous devons accélérer l'assainissement énergétique des bâtiments, puisqu’ils sont souvent – pour un quart des cas pour le patrimoine vaudois – des passoires énergétiques.

J’insiste : j'entends vos préoccupations. La solution est liée au fait de fixer un cadre réglementaire avec des moyens financiers pour inciter les propriétaires à assainir leurs bâtiments, et aussi de proposer un cadre réglementaire qui permettra d'assouplir cette procédure administrative, de faciliter la pose de panneaux solaires, et de développer l'éolien.

M. Fabrice Moscheni (UDC) —

Je me permets de reprendre la parole après le conseiller d'Etat et m’en excuse. Tout d’abord, le lien indiqué dans la réponse ne fonctionne pas. Ensuite, il s'agit bel et bien de taxes cachées, car si le taux de 4,13 % est clair et défini par l'ELCom, en revanche, le capital sur lequel est appliqué ce 4,13 n'est pas donné par la Romande Energie et ne figure pas dans sa comptabilité officielle publiée. Cette comptabilité est différente et une autre règle d'amortissement est utilisée. J’ignore comment obtenir cette valeur ; peut-être que vous y avez accès, mais pas le public.

M. Vassilis Venizelos (C-DJES) — Conseiller-ère d’Etat

Je me permets de rappeler un passage de la réponse à l'interpellation : « Tant les tarifs d'utilisation du réseau et ceux de la vente d'électricité sont réglementés par la loi fédérale sur l'approvisionnement en électricité et contrôlés par la Commission fédérale de l'électricité, qui procède régulièrement à des contrôles des tarifs des sociétés électriques, et peut prendre des mesures rétroactives en cas de tarifs inadéquats. » Le système est par conséquent régulé par le droit fédéral, d'une part, et contrôlé par une Commission fédérale qui vérifie que les différents tarifs et la répartition des différents frais évoqués tout à l'heure correspondent aux critères fixés par ce même droit fédéral.

M. Fabrice Moscheni (UDC) —

Vous avez raison. Je ne dis pas que c'est illégal, mais caché : ce n'est pas la même chose. Votre serviteur a appelé l'ELCom. Il lui fut répondu que ces informations ne pouvaient lui être fournies n’étant pas un représentant de l'Etat. Par conséquent, ces informations sont inaccessibles, obscures et opaques ; personne ne les détient, sauf les GRD ou peut-être vous. Effectivement, ce n'est pas illégal, mais ce n’est tout simplement pas transparent.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion est close.

Ce point de l’ordre du jour est traité.

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