22_LEG_187 - EMPD Ordonnant aux gestionnaires des réseaux de distribution la transmission de données relatives aux consommateurs dont la consommation dépasse 100'000 kWh/an d’électricité ou 1'000'000 kWh/an de gaz (1er débat).

Séance du Grand Conseil du mardi 1er novembre 2022, point 12 de l'ordre du jour

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M. Nicolas Suter (PLR) — Rapporteur-trice

Ce décret est limité dans le temps. Dans la Loi vaudoise sur l’énergie actuelle, l’Etat a accès aux informations – nom, adresse, consommation – pour les grands consommateurs supérieurs à 500'000 kWh, mais pas pour ceux qui consomment entre 100'000 et 499'999. Ces consommateurs sont néanmoins ceux qui sont concernés dans le plan OSTRAL par le contingentement. Dans les premières phases d’OSTRAL, on parle de sensibilisation – on y est – puis dans la deuxième phase, de restriction – par exemple, les jacuzzis ou ascenseurs seront interdits d’utilisation. Puis viendra le contingentement avant le délestage. Dans la phase de contingentement, ce seront les grands consommateurs qui seront concernés : il leur sera imposé de restreindre leur consommation. Si le Conseil d’Etat demande aujourd’hui d’avoir accès aux données relatives à ces grands consommateurs, c’est dans le but de savoir qui sont les grands consommateurs, de connaître leur consommation, afin de pouvoir communiquer avec eux et de s’assurer qu’ils seront prêts, le cas échéant, à faire face au contingentement. Une fois l’annonce donnée par la Confédération de l’entrée en phase de contingentement, ces grands consommateurs auront trois jours pour s’exécuter ; autant dire qu’il est capital d’avoir pu se préparer bien avant.

La consultation effectuée début octobre a mis en avant deux points particuliers, les gestionnaires de réseaux de distribution (GRD) ont signifié que la gestion de l’information aux grands consommateurs se fait par eux, et la gestion d’OSTRAL par la Confédération. Certains craignent que les communications du canton viennent brouiller les informations déjà en place. Le projet de décret a donc été modifié en conséquence, en y ajoutant à l’article 2, alinéa 1, une lettre a) : que les informations délivrées aux grands consommateurs par l’Etat se feront en coordination avec les GRD.

Dans le but de préciser les intentions de l’Etat, il a été ajouté à l’article 1, alinéa 4, que le secret d’affaires est garanti, reprenant ainsi la formulation figurant dans la Loi sur l’énergie pour les grands consommateurs.

Dans ces travaux, la Commission thématique de l’environnement et de l’énergie a revu différents points de ce projet de décret, notamment la question de la relation entre l’Etat, la Confédération, les GRD et les grands consommateurs, afin d’être assurée du respect du rôle de chacun dans la gestion de la crise énergétique. La commission s’est penchée sur l’organisation de la gestion de crise par l’Etat, sur la gestion des données, sur la priorisation des besoins et sur les plans de continuité mis en place par l’Etat pour ces prestations essentielles. Finalement, la commission vous propose d’entrer en matière à l’unanimité de ses membres et d’adopter le décret par 13 voix et 2 abstentions.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

La discussion sur l’entrée en matière est ouverte.

Mme Alice Genoud (VER) —

C’est un décret urgent. Nous sommes maintenant face à cette crise énergétique que l’on a vu venir. Je salue le fait que le Conseil d’Etat a pris la mesure de cela en proposant un premier pas, qui est celui d’avoir l’information, chose qui nous manquait pour avoir une politique proactive et une réflexion en amont, afin de ne pas nous retrouver dépourvus face à la crise énergétique, ou du moins face aux problèmes d’approvisionnement.

Malgré la rapidité de ce décret, il y a eu une commission ainsi que toute une consultation préliminaire ; il est important, même en temps de crise, d’avoir des avis et des ajustements selon la réalité du terrain. Je vous invite donc à soutenir ce décret, ainsi que ceux qui viendront, parce que ce n’est que le début de plusieurs objets politiques et d’une réflexion que l’on doit avoir afin de savoir comment gérer au mieux cette crise. M. Suter l’a dit, nous sommes dans la première phase ; nous espérons que les prochaines phases n’arriveront pas, mais plus nous sommes proactifs sur ces questions, mieux nous pourrons arriver à limiter l’impact de cette crise sur notre tissu économique, sur la population et sur notre canton.

M. Sylvain Freymond (UDC) —

J’étais membre de la Commission thématique de l’environnement et de l’énergie. Dans sa grande majorité, le groupe UDC soutiendra l’entrée en matière de ce projet de décret urgent. Toutefois, notre groupe tient à préciser que ces données ne devront pas être utilisées pour surveiller les activités des grands consommateurs, mais plutôt pour favoriser le dialogue, les informer des risques à venir et pour trouver des solutions en commun. Il est également primordial que ces données restent confidentielles à l’avenir.

M. Grégory Bovay (PLR) —

En tant que membre de la commission et au nom du groupe PLR, nous soutenons ce décret et son entrée en matière. En effet, l’importance du dispositif qui serait mis en place répond à une situation de crise et d’urgence. Le caractère limité dans le temps du décret ainsi que la garantie du secret d’affaires des grands consommateurs nous poussent à soutenir ce texte. Face au risque de pénurie et des mesures de contrainte envisagées, les inquiétudes de grands consommateurs, notamment de PME et d’exploitants agricoles, existent ; ils sont dans l’attente de réponses de nos autorités, notamment du canton. Pour éviter toute confusion d’informations de la part des grands consommateurs, il est très important que la coordination prévue à l’article 2, alinéa 1, lettre a), entre l’Etat et les gestionnaires de réseaux soit optimale, soit que tout contact avec les consommateurs se fasse en étroite collaboration avec les GRD. Cela étant, ne perdons pas de vue l’objectif principal qui est de permettre autant que possible à nos entreprises de se préparer à l’incertitude des prochains mois et de toute mettre en œuvre pour éviter le pire, tout particulièrement le délestage, qui entraînerait des conséquences terribles pour notre économie et pour le canton. C’est pour ces raisons, et face à cette situation exceptionnelle que nous acceptons de manière limitée dans le temps que le canton puisse se voir transmettre par les GRD des données relatives aux grands consommateurs.

M. Laurent Balsiger (SOC) —

Je déclare mes intérêts : je suis directeur d’un distributeur d’énergie et président de Multidis, l’association romande des distributeurs multifluides. Je suis également membre de la Commission thématique de l’environnement et de l’énergie. Comme je l’ai mentionné en séance de commission, je comprends et soutiens le fait que l’Etat puisse disposer des informations sur les grands consommateurs. C’est légitime pour qu’il puisse effectuer son travail de prévision, planification et suivi de la politique énergétique. Je suis même favorable à ce qu’une telle disposition soit inscrite sur la future Loi sur l’énergie. En revanche, ce qui me gêne dans ce décret, c’est la motivation de la faire maintenant, dans cette étape délicate de préparation de gestion de pénurie. En effet, je rappelle – et c’est bien résumé dans le rapport de la commission – que c’est bien la Confédération, soit le Département de l’économie, de la formation et de la recherche de M. Parmelin qui gère les pénuries, par le biais du plan OSTRAL, pour l’électricité et l’OIC pour le gaz. On peut regretter que la Confédération mette autant de temps à sortir certaines ordonnances et précisions ; on espère qu’elle le fera le plus rapidement possible et j’incite le canton à poursuivre ses efforts dans ce sens. Toutefois, la Confédération privilégie la communication aux grands consommateurs à travers les distributeurs GRD. Beaucoup d’éléments ont déjà été mis en place et tous les clients concernés ont reçu de multiples courriers par le biais des distributeurs. Ces mêmes distributeurs, pour la grande majorité, ont mis en place des séances d’information pour leurs clients. Etant donné que la Confédération a la charge du plan OSTRAL et qu’elle passe par les GRD, il me semble délicat que les cantons agissent en contactant directement ces mêmes clients. C’est pour cette raison qu’une grande partie des GRD consultés se sont opposés à ce décret urgent – cela a été mentionné et des corrections ont été faites.

Ainsi, la Confédération ayant la charge de la crise énergétique, et bien que la situation soit imparfaite, le canton doit concentrer ses efforts sur la gestion des conséquences de cette crise potentielle, à savoir les états-majors de crise au niveau des communes et les conséquences économiques en matière d’emplois en ce qui concerne les entreprises.

Pour que l’Etat ne disperse pas ses forces, je ne m’opposerai pas à ce décret dans sa globalité, mais je m’abstiendrai lors du vote concernant l’article 2, à savoir l’utilisation de ces données pour la gestion de la pénurie. Dans tous les cas, j’insiste pour une étroite collaboration entre la Confédération, OSTRAL et les distributeurs.

M. Vassilis Venizelos (C-DJES) — Conseiller-ère d’Etat

Le risque de pénurie, de gaz ou d’électricité est toujours bien réel. Nous avons vécu deux semaines d’octobre relativement douces, un véritable été indien qui a probablement permis à plusieurs d’entre vous de profiter des terrasses, des espaces publics et des espaces verts. L’été a également été doux, même sec, ce qui a un impact sur notre capacité à remplir les différents barrages ; c’est un facteur qui doit être pris en compte. Les réserves d’énergie pour répondre à cette potentielle pénurie d’énergie sont importantes. Ce risque de pénurie est donc toujours réel. Il y a différentes annonces qui ont été faites, notamment sur la capacité d’EDF à relancer ses centrales nucléaires ; ses récentes annonces sont plutôt rassurantes. Toutefois, nous attendons encore d’en voir la couleur, nous ne sommes pas à l’abri d’événements météorologiques que nous ne maîtrisons pas, nous ne sommes pas à l’abri d’un hiver particulièrement rigoureux, ce qui nécessiterait un afflux d’énergie important pour chauffer les bâtiments et les différents foyers. Ce risque de pénurie est donc toujours bien réel.

Les deux décrets dont nous allons débattre visent précisément à répondre à ce risque de pénurie. Nous avons déjà eu l’occasion d’en débattre ; le Conseil d’Etat est en action depuis plusieurs mois pour répondre à ce risque de pénurie. Il y a eu différentes actions qui ont été prises pour mettre en avant l’exemplarité de l’Etat. Il est important pour le Conseil d’Etat que l’administration soit exemplaire. Différentes mesures ont donc été prises dans les bâtiments qui sont occupés par l’administration publique. Les communes ont aussi fait un certain nombre d’efforts, au sein de l’administration communale ou en matière d’éclairages publics – la commune d’Orbe communiquait encore hier sur un média régional, avec différentes mesures qui ont été prises pour limiter son éclairage public. Les différentes collectivités publiques sont exemplaires et ont activé les leviers utiles et nécessaires pour réduire ce risque de pénurie. On ne sait pas si l’hiver sera froid, si les centrales nucléaires vont repartir, si les réserves dans les barrages seront suffisantes pour répondre à une potentielle pénurie ; en revanche, on sait qu’il va potentiellement nous manquer de l’énergie. La meilleure recette pour répondre à ce défi est donc d’économiser cette énergie. Ces deux décrets visent précisément à garantir une forme d’économie d’énergie, surtout le deuxième décret. Le premier décret vient surtout compléter un dispositif que nous avons déjà à disposition, puisque la Loi sur l’énergie nous autorise à avoir accès aux très gros consommateurs qui consomment 500'000 kWh par année. En revanche, en deçà, nous n’avons pas cette possibilité. Or, comme l’a rappelé le président de commission, différentes décisions qui relèvent de la Confédération pourraient être prises, en fonction de l’aggravation de la situation : des mesures de restriction, voire des mesures de contingentement ou, pire, de délestage ; cela impacterait les grands consommateurs, or, selon la Confédération, cela définit tout consommateur qui consomme plus de 100'000 kWh par année. Nous n’avons donc pas la possibilité d’avoir accès à certaines informations qui concernent ces grands consommateurs entre 100'001 et 499'999 kWh par année. C’est pour cette raison que nous vous proposons ce décret urgent. Je tiens ici à saluer l’agilité des institutions, l’efficacité de la commission parlementaire et de son président qui ont été capables, en un mois, de se saisir de ce dossier urgent. Les débats ont été extrêmement constructifs, le rapport a été établi en des temps records. En un mois, les institutions vont être capables de prendre des décisions importantes pour affronter ce risque de pénurie. Je salue donc encore une fois la qualité des travaux de la commission.

Les institutions, dans la phase de consultation, ont démontré leur intelligence collective, car le projet de décret a fait l’objet d’une consultation rapide. M. Balsiger a raison de relever les différentes inquiétudes partagées par plusieurs personnes dans le cadre des débats. Il est clair que les informations qui seraient récoltées par le Conseil d’Etat à travers ce premier décret ne devraient pas impacter le secret d’affaires des différentes entreprises. Il est important de rappeler ici que l’objectif de ce premier décret est d’identifier les grands consommateurs pour s’assurer que tout a été mis en œuvre pour supporter une potentielle décision qui viendrait de la Confédération et qui impacterait gravement l’activité et la capacité de ces entreprises grandes consommatrices à continuer leur rythme de production et leurs activités. Il n’y a aucune intention du Conseil d’Etat de venir fouiner dans les affaires de ces grands consommateurs ni de volonté de court-circuiter les gestionnaires de réseaux. C’est là que l’intelligence collective a produit tous ses effets : le décret a été amendé après la consultation, pour rappeler que les contacts avec les grands consommateurs seraient menés en étroite coordination avec les GRD. Evidemment, si ces grands consommateurs venaient à être impactés par une phase de contingentement ou une phase de délestage, ils ne se tourneraient pas vers la Confédération, mais bien vers le canton. D’ailleurs, le Conseil d’Etat est quotidiennement sollicité et interpellé par certaines entreprises qui s’inquiètent de potentielles décisions qui pourraient être prises par la Confédération en matière de contingentement ou de délestage. Ces entreprises ne se tournent pas vers la Confédération, mais vers le canton. Il paraît donc important pour le Conseil d’Etat de garder la main sur ces différents éléments, sans court-circuiter les processus et les canaux de communication qui existent déjà et qui fonctionnent entre la Confédération et ces grands consommateurs. Il est important pour le Conseil d’Etat de se donner la possibilité d’entrer en contact avec ces grands consommateurs, pour s’assurer que les différentes décisions qui pourraient être prises par la Confédération permettent aux différentes entreprises de se retourner et de réagir utilement.

Tel est le sens de ce premier décret. J’insiste encore une fois sur cette intention et sur cet état d’esprit. C’est un décret avec une durée limitée. Nous aurons l’occasion, dans le cadre de la révision de la Loi sur l’énergie, de débattre de l’opportunité de prévoir dans la loi des mesures pérennes qui permettraient à l’Etat d’avoir un accès direct à certaines informations. D’autres cantons le prévoient déjà dans leur législation. Mais ici, l’objectif du décret est clairement de répondre à ce risque de pénurie. La possibilité pour l’Etat d’avoir accès à ces données sur une plus longue durée devrait faire l’objet d’un débat démocratique à travers une révision de la Loi sur l’énergie. Pour conclure, je tiens encore à remercier la commission pour la qualité de son travail et pour sa célérité. Je vous invite à soutenir ce décret, afin de donner les outils au Conseil d’Etat qui lui permettront de réduire ce risque de pénurie et les impacts que cette potentielle pénurie pourrait avoir sur les activités de ce canton.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

La discussion est close.

L’entrée en matière est admise par 128 voix et 3 abstentions.

Le projet de décret est adopté en premier débat avec 1 abstention.

M. Nicolas Suter (PLR) — Rapporteur-trice

Etant donné le bon résultat, la durée limitée de ce décret et l’urgence, je demande le deuxième débat immédiat.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

Le deuxième débat immédiat est admis à la majorité des trois quarts (118 voix contre 2 et 3 abstentions).

Deuxième débat

Le projet de décret est adopté en deuxième débat et définitivement par 125 voix et 3 abstentions.

 

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