24_POS_48 - Postulat Romain Pilloud et consorts - Stoppons l’hémorragie postale avant le point de non-retour (Développement et demande de renvoi à commission avec au moins 20 signatures).
Séance du Grand Conseil du mardi 12 novembre 2024, point 19 de l'ordre du jour
Texte déposé
La Poste a annoncé mercredi 29 mai la fermeture de quelque 170 filiales. Une décision qui impactera la population ainsi que le personnel du géant jaune. Le mardi 29 octobre, la Poste a publié la liste des 19 filiales concernées dans le Canton de Vaud, menacées d’être fermées ou transformées en filiales en partenariat. Il est important de rappeler la liste des offices concernés :
Apples, Aubonne, Bière, Chernex, Crissier 1, Cully, Forel, Granges-près-Marnand, l’Isle, La Sarraz, Lausanne 1 Dépôt, Le Pont, Les Diablerets, Lucens, Lully, Mézières, St-Cergue, St-Prex, Thierrens.
Lieu de service public, lieu social, les offices et filiales de la Poste sont essentiels à la vie des villages et des quartiers. La Poste remplit ainsi une mission de service public essentiel. Malheureusement, ces dernières années, la Poste n’a jamais cessé de réduire les horaires des offices, supprimer des offices postaux ou les transformer en filiales en partenariat.
En outre, l’ordonnance sur la Poste indique notamment que “le réseau d’offices de poste et d’agences postales doit être conçu de telle sorte que 90 % de la population résidante permanente d’un canton puisse accéder à un office de poste ou à une agence postale, à pied ou par les transports publics, en 20 minutes. Si la Poste propose un service à domicile, l’accessibilité doit être assurée en 30 minutes pour les ménages concernés”.
Dans le contexte actuel, le plan de démantèlement de la Poste a plusieurs conséquences pour le Canton de Vaud, son économie et sa population :
- La transformation des offices postaux de« filiales en partenariat » nécessite avant tout de trouver un acteur économique d’accord de reprendre une partie de l’activité postale. Or, si certains acteurs peuvent y trouver leur compte, beaucoup critiquent les conditions de partenariat imposées par la Poste, qui sont trop contraignantes ou peu valorisées financièrement. Dans ce sens, l’intérêt pour les entreprises de reprendre une filiale en partenariat est très variable, et souvent très limitée. Le risque est donc que la Poste ne trouve pas de partenariat et qu’elle ferme un lieu de contact physique.
- La transformation en filiales en partenariat ou leur fermeture définitive est la conséquence de coupes de prestations par le passé : la Poste a parfois commencé par réduire les horaires d’ouverture des offices, ce qui a entraîné une baisse du nombre de client·es, ce qui in fine encourage la Poste à accélérer la fermeture de certains offices.
- La transformation en filiales en partenariat ne permet pas d’assurer une pérennité du service public. Si l’entreprise renonce à l’activité ou fait faillite, il y a un réel risque de voir le service postal physique disparaître à son tour.
- A certains endroits, la fin d’un office postal pourrait aussi impliquer la fin d’autres services, notamment ceux dédiés aux entreprises (case postale, guichet spécifique, gestion du courrier et des colis), qui seront des contraintes lourdes pour les TPE et les PME.
- La perte d’emplois est quasi certaine, car même si la Poste propose des solutions de remplacement pour le personnel travaillant aujourd’hui dans les filiales, il va de soi que certaines propositions ne seront pas compatibles avec chaque travailleur·euse, qui n'auront plus qu’à choisir ’entre délocalisation de leur emploi ou départ. A ce titre les conditions offertes au partenaire sont bien moins bonnes que les conditions de travail de la Poste, et la protection de leur conditions de travail, hors CTT, sont bien moins bonnes.
- Cela marque également une perte de prestations. Les filiales partenaires ne peuvent assurer pleinement les services aux entreprises, ni même l’entier du service à la clientèle du service postal. La question de la confidentialité notamment est souvent soulevée par les usager·ères des filiales partenaires.
Aujourd’hui, personne n’affirme que la Poste ne doit pas évoluer. Les dépositaires du présent postulat sont conscient·es de l’évolution du service public, de la numérisation, de la disparition progressive du courrier, et de la nécessaire modernisation de la Poste. Mais, contrairement à ce que dit le Président du Conseil d’administration de La Poste, celle-ci joue toujours et doit jouer un rôle social. Le rôle du service public est aussi le service AU public. Accompagner les gens vers la numérisation pourrait faire partie de ce rôle, aider la population dans certaines démarches liées à des QR-Facture ou d’autres prestations également. S’il y a un risque de disparition de guichets, c’est aussi une conséquence négative pour les entreprises et donc l’économie vaudoise. Tous ces éléments ne sauraient être remplacés par un service à domicile ou par des entreprises partenaires.
Dans ces conditions, sans l’intervention des communes et respectivement du Canton de Vaud, la dégradation d’un service à la population semble malheureusement actée, après plusieurs années de combat menés par de nombreux villages, de nombreuses villes et les citoyen·nes de notre Canton.
Le postulat demande donc au Conseil d’Etat d’analyser, respectivement d’envisager de mettre en place une stratégie de préservation des offices postaux et des prestations postales, si besoin en collaboration avec les acteur·trices concerné·es : communes touchées, organisations syndicales, milieux économiques, etc.
Cette stratégie permettrait d’avoir une vue d’ensemble précise sur les conséquences et les risques de la transformation d’offices en « filiales en partenariat » :
- pour les communes
- pour les TPE, les PME et les grandes entreprises
- pour la qualité du service public
- sur le risque de fermetures définitives
- sur l’emploi
…et d’identifier des solutions afin d’empêcher une dégradation de la situation pour tous les publics concernés. Cette stratégie permettrait également de défendre un certain point de vue sur le service public postal face à la stratégie de démantèlement de la Poste, qui ne fait que s’accélérer mais dont les conséquences sont vécues depuis de nombreuses années. Si des communes envisagent de reprendre une partie de l’activité postale via leur administration communale, la stratégie peut inclure une réflexion sur le soutien du Canton aux communes. Enfin, alors que le Canton vient de communiquer le 30.10.24 sur le lancement du projet pilote de guichet de proximité et l’importance de renforcer la proximité entre l’administration et les administré·es, il serait intéressant de savoir si des synergies peuvent être trouvées avec les offices postaux pour y proposer des prestations publiques.
Conclusion
Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures
Liste exhaustive des cosignataires
Signataire | Parti |
---|---|
Sandra Pasquier | SOC |
Felix Stürner | VER |
Yves Paccaud | SOC |
Cédric Echenard | SOC |
Patricia Spack Isenrich | SOC |
Carine Carvalho | SOC |
Laurent Balsiger | SOC |
Denis Corboz | SOC |
Alice Genoud | VER |
Vincent Jaques | SOC |
Hadrien Buclin | EP |
Thanh-My Tran-Nhu | SOC |
Monique Ryf | SOC |
Vincent Keller | EP |
Oleg Gafner | VER |
Martine Gerber | VER |
Cendrine Cachemaille | SOC |
Jean-Claude Favre | V'L |
Sébastien Kessler | SOC |
Yannick Maury | VER |
Marc Vuilleumier | EP |
Sébastien Cala | SOC |
Oriane Sarrasin | SOC |
Julien Eggenberger | SOC |
Elodie Lopez | EP |
Géraldine Dubuis | VER |
Laure Jaton | SOC |
Pierre Dessemontet | SOC |
Sylvie Podio | VER |
Eliane Desarzens | SOC |
Laurence Cretegny | PLR |
Alberto Mocchi | VER |
Olivier Gfeller | SOC |
Sylvie Pittet Blanchette | SOC |
Nathalie Jaccard | VER |
Théophile Schenker | VER |
Nathalie Vez | VER |
Cédric Roten | SOC |
Valérie Zonca | VER |
Muriel Thalmann | SOC |
Joëlle Minacci | EP |
Alexandre Rydlo | SOC |
Amélie Cherbuin | SOC |
Oscar Cherbuin | V'L |
Documents
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourLa semaine passée, vous avez accepté une résolution donnant symboliquement le ton : ce canton n’est pas prêt à se coucher face à la dégradation des différentes prestations postales et particulièrement de la présence des offices postaux. Cette déclaration symbolique donne le ton et engage le Conseil d’Etat sur cette voie, mais ces dernières années, les communes se sont déjà beaucoup battues. Presque toutes les communes qui ont vécu ou à qui on a promis des fermetures, ou presque, se sont battues, mais malheureusement trop souvent sans succès. Parfois elles l’ont fait avec succès, comme à Lausanne et près de chez moi, à Chernex, et ce ne sont pas les seules. Pourtant, ces succès laissent un goût amer et on finit par se demander : jusqu’à quand va-t-on tenir ? Je ne parle pas uniquement des habitants des villages et des quartiers, mais aussi des PME qui utilisent les services de la Poste et les cases postales, des avocats qui vont chercher leurs recommandés dans les services postaux et des personnes qui travaillent dans les offices postaux et qui, aujourd’hui, n’ont plus de garanties de pouvoir garder leur emploi. Toutes ces groupes de personnes sont aujourd’hui concernés par la situation.
Les communes vont continuer à se battre, mais elles restent démunies. C’est la raison pour laquelle ce postulat me paraît faire sens, puisqu’il prévoit que le canton mette en place une stratégie – c’est un grand mot pour préserver les offices postaux et les prestations postales, mais il y a matière à réflexion. Que se passe-t-il si un office ne peut pas être remplacé par une filiale avec partenariat ? La commune pourrait-elle reprendre les services postaux ? L’Etat aurait-il la possibilité et un intérêt à travailler sur l’aspect de la proximité de l’administration publique avec la population, en essayant de voir si des collaborations avec les offices postaux sont possibles pour proposer certaines prestations ? Enfin, il existe de nombreuses et diverses discussions et j’imagine que Mme la conseillère d’Etat en charge les tient déjà aujourd’hui avec la Poste, mais il faudrait les renforcer pour expliquer que les offices postaux ne sont pas uniquement des espaces de rencontre, mais beaucoup plus que cela. Evidemment, la numérisation existe et nous ne restons pas bloqués sur d’anciens systèmes, juste pour le principe ; nous admettons que les pratiques évoluent. Néanmoins, je crois qu’il y a matière à réflexion pour mieux accompagner la population vers la numérisation, plutôt que l’abandonner à la fracture numérique.
Tels sont certains des points de réflexion de ce postulat pour lequel je remercie les signataires des différents partis politiques. Ils permettront de réfléchir, en commission, à la dégradation d’un service au public que toutes et tous apprécient.
Retour à l'ordre du jourLe postulat, cosigné par au moins 20 membres, est renvoyé à l’examen d’une commission.