24_MOT_16 - Motion Philippe Miauton et consorts - Plutôt que de la cuisine électorale, supprimons les apparentements.

Séance du Grand Conseil du mardi 19 novembre 2024, point 19 de l'ordre du jour

Texte déposé

 

Au gré des législatures et de leurs résultats, quel parti n’a pas regretté la portée des 
quorums, l’inutilité des apparentements ou telle règle qui ne lui aurait pas porté 
chance ? Les systèmes électoraux présentent tous des avantages et des cautèles. 
L’objectif premier des systèmes choisis consiste à faire émerger une représentation 
la plus large possible des différents courants de pensées politiques tout en veillant à 
offrir au parlement une capacité de prendre des décisions et de déboucher sur des 
majorités. Le tout en le prémunissant d’un éclatement de l’hémicycle préjudiciable 
pour son efficacité. Au gré des élections, les partis « déçus » proposent des 
modifications pour tenter de corriger dans leur sens les méthodes de calculs des 
résultats.  

 

Ces modifications, outre le fait qu’elles donnent une impression de cuisine électorale 
au sein du Grand Conseil, ne cessent de compliquer la compréhension du système 
pour les principaux intéressés : les citoyens. C’est particulièrement le cas concernant 
les apparentements qui conduisent à apporter des suffrages à des partis qu’ils ne 
souhaitent pas forcément, voire pas du tout, soutenir. Rappelons que le panachage 
permet, dans des proportions uniques dans notre pays, à chaque électeur de choisir 
des candidats de partis différents. L’apparentement est au demeurant l’un de seuls 
paramètres sur lequel il n’a aucune emprise. Les autres décisions stratégiques d’un 
parti ne lui sont pas imposées dans la mesure où il peut allègrement les contourner ou 
ne pas y répondre. En outre, l’apparentement n’est aucunement un élément de 
transparence que l’on pourrait souhaiter pour les électeurs. Au contraire cela peut être 
un facteur de découragement qui peut mener à l’abstention. 

 

Supprimer les apparentements éviterait de maintenir un doute ou une frustration 
auprès des électeurs, clarifierait le système électoral et surtout éviterait selon les 
résultats que les partis du Grand Conseil tente de modifier le système électoral. Dans 
l’esprit des élections, doivent être avant tout représentés les partis qui par eux-mêmes 
arrivent à un score significatif fixé par un quorum. Supprimer les apparentements 
supprimerait donc un artifice électoral. Enfin, un tel changement ne nécessiterait 
aucune votation de confirmation puisque les apparentements sont évoqués 
uniquement dans la Loi sur l’exercice des droits politiques. 

 

En ce sens, la LEDP doit être modifiée à ses art. 65, 66 et 67 dont la teneur est la 
suivante. 
  
Modifications et nouveaux articles : 
 

Art. 65

Apparentement dans les arrondissements non subdivisés

1 

Deux ou plusieurs listes peuvent être apparentées par une déclaration écrite concordante de leurs mandataires faite au greffe municipal du chef-lieu d'arrondissement au moment du dépôt des listes.

 

2 

L'apparentement doit être indiqué sur les bulletins officiels de parti reproduisant les listes ; à défaut, il n'en est pas tenu compte pour la répartition des sièges entre les listes

 

Art. 665

Apparentement dans les arrondissements subdivisés

1 

Dans les arrondissements subdivisés, l'apparentement est admis :

a.

entre les listes des deux sous-arrondissements pour former un « groupe de listes conjointes » ;

b.

entre deux ou plusieurs listes ou groupes de listes conjointes pour former un
« groupe de listes apparentées
».

2 

Les apparentements entre listes d'un même sous-arrondissement ne sont pas admis.

3 

Les déclarations d'apparentement doivent être déposées au greffe municipal
des deux chefs-lieux de sous-arrondissement en même temps que les listes.

4 

L'article 65 est applicable pour le surplus.

 

Art. 676

Publication des listes

1 

Le greffe municipal du chef-lieu d'arrondissement (ou de sous-arrondissement) fait afficher à son pilier public les listes définitives, pourvues de leur dénomination, de leur numéro d'ordre, de leur apparentement, au sens de groupe de listes conjointes.

 Il en transmet une copie au département.

2 

Le département fait afficher les informations mentionnées à l'alinéa 1 sur le site internet officiel de l'Etat de Vaud.

3 

Des bulletins de vote ne peuvent en aucun cas faire l'objet d'un affichage ou d'une publication.

 

 

 

Conclusion

Prise en considération immédiate et renvoi au CE

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Laurence BassinPLR
Grégory DevaudPLR
Bernard NicodPLR
Guy GaudardPLR
Chantal Weidmann YennyPLR
Carole DuboisPLR
Regula ZellwegerPLR
Marc-Olivier BuffatPLR
Grégory BovayPLR
Georges ZündPLR
Jean-François CachinPLR
Marc MorandiPLR
Thierry SchneiterPLR
Michael WyssaPLR
Nicolas SuterPLR
Alexandre BerthoudPLR
Florence GrossPLR
Philippe GermainPLR
Josephine Byrne GarelliPLR
Jean-Daniel CarrardPLR
Sergei AschwandenPLR
Gérard MojonPLR
John DesmeulesPLR
Pierre-André RomanensPLR
Aurélien ClercPLR
Jean-Luc BezençonPLR
Florence Bettschart-NarbelPLR
Nicole RapinPLR
Elodie Golaz GrilliPLR
Mathieu BalsigerPLR
Loïc BardetPLR
Jean-Franco PaillardPLR
Pierre-François MottierPLR
Monique HofstetterPLR
Laurence CretegnyPLR
Olivier PetermannPLR
Jean-Marc UdriotPLR

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Alexandre Démétriadès (SOC) — Rapporteur-trice de majorité

Je l’ai dit lors du point précédent de l’ordre du jour, il s’agit d’un dépôt groupé que notre collègue Miauton a fait : d’une part, en demandant de rehausser le quorum et, d’autre part, en demandant de supprimer les apparentements. Même si un rapport de minorité existe, je peux donner en résumé les arguments qui y figurent pour montrer en creux ce que pense la majorité. Selon la minorité de la commission, il y aurait une demande populaire de supprimer les apparentements, en raison d’un manque de lisibilité du système actuel et de la dimension contraignante qu’il implique. Le système des apparentements contraindrait les partis à s’apparenter, au risque de se retrouver perdants, ce qui rend de facto le système obligatoire et conduit à l’existence de très grands blocs pour le corps électoral. Selon la minorité, cela ne serait pas démocratique. Enfin, les discussions des formations politiques pour faire des apparentements sont parfois, aux dires de la minorité, extrêmement désagréables et suscitent des critiques des électeurs – ou de la base – sur le bien-fondé des décisions prises par un parti. Selon la minorité, la suppression des apparentements amènerait de la sérénité dans les discussions entre électeurs et sympathisants de partis. 

La majorité de la commission, quant à elle, est convaincue qu’il faut refuser cette motion pour les raisons suivantes : l’apparentement est un système simple et bien ancré dans notre système politique. Il n’est aucunement démontré qu’il y a une demande de le supprimer. L’apparentement est avant tout un acte politique, celui de privilégier l’attribution d’un reste de voix des partis alliés ou proches en termes de sensibilité politique. Cet acte est facultatif et si un parti souhaite garder une ligne pure, il est parfaitement libre de le faire. Par analogie, un électeur qui se sent trahi par un apparentement de son parti peut tout à fait ne pas voter pour lui. Concrètement, si les discussions en vue d’un apparentement sont extrêmement désagréables – comme le dit la minorité – pour un parti, ou si ce même parti est critiqué pour un choix d’apparentement, ce dernier garde le choix, soit de décider de renoncer à sa parenté, soit d’assumer sa décision de s’apparenter. Comme précisé dans le rapport, cela s’appelle faire de la politique. Présenter l’apparentement comme un simple instrument de cuisine électorale qui poserait un problème n’est-il donc pas – c’est une question que je pose dans le rapport – le meilleur moyen pour un parti qui est embarrassé idéologiquement par ses alliances électorales de tenter de résoudre son cas de conscience ? 

Enfin, dernier argument de la majorité, la suppression des apparentements risquerait d’encourager des partis différents à ne former qu’une seule liste, ce qui poserait un problème en termes de visibilité et de clarté pour le corps électoral et un problème de fonctionnement pour notre Parlement, comme nous avons déjà pu le vivre par le passé. Au vu de tous ces éléments, par 9 voix contre 6 et 1 abstention, la Commission thématique des institutions et des droits politiques (CIDROPOL) recommande au Grand Conseil de classer cette motion.

Mme Josephine Byrne Garelli (PLR) — Rapporteur-trice de minorité

Le but d’un système électoral est que l’électeur s’y retrouve et le comprenne. Avec le système actuel, l’électeur n’a aucun moyen de donner son avis sur les apparentements, il les subit. Si un électeur prend une liste vierge et vote pour quatre socialistes, ses suffrages vont dans la liste socialiste. Comme il y a un apparentement potentiel – avec les Verts, par exemple – alors que l’électeur n’a indiqué aucune liste sur son vote, à la fin des calculs, ses voix peuvent aller à un autre parti. A son insu, l’électeur fait le jeu de la politique partisane des partis, quand bien même il souhaite mettre en avant des personnalités plutôt que des partis. 

Les apparentements ont été supprimés dans plusieurs cantons et la question est même débattue au niveau fédéral. La cuisine politique des apparentements semble aller à l’encontre de l’idée première d’un parti, à savoir se différencier des partis concurrents et défendre des valeurs qui sont certes parfois proches, mais différentes. Supprimer tout bonnement les apparentements apportera plus de clarté pour les électeurs. Il ne reste alors plus que le quorum de 5 % à franchir. 

C’est une solution qui a été appliquée dans de nombreux cantons sans qu’il n’y ait eu de grandes levées de boucliers ou de manifestations. Tout simplement parce que ce n’est pas cela qui anime l’électeur au moment du vote, au cours duquel il ne prend probablement pas totalement conscience des apparentements. Avec plus de clarté, de simplicité et des résultats bon an mal an semblables – cela se joue à un siège par ici, un siège par là – selon la minorité, une demande populaire de supprimer les apparentements existe. Les électeurs trouvent que cela manque de lisibilité et que c’est un point sur lequel ils ne peuvent pas faire de choix. Du point de vue de la clarté, il serait plus simple de ne plus en avoir.

Actuellement, les apparentements sont plus ou moins obligatoires, avec d’énormes blocs pour les électeurs. Le système sera plus démocratique sans ces apparentements. De plus, les discussions entre formations pour faire des apparentements peuvent parfois être extrêmement désagréables, avec des critiques sur les choix d’apparentements à faire ou non selon les résultats de chaque parti. A chaque élection, cela polarise le débat sur les places du marché, où des électeurs critiquent ce mode de faire. La suppression des apparentements serait une clarification majeure de la situation et amènerait de la sérénité dans les discussions entre électeurs et sympathisants de partis pour qui ces apparentements sont un certain type de poison. Enfin, l’abstention vient en partie de personnes qui estiment que tout cela n’est que de la « tambouille électorale », ce qui n’est pas très glorieux. Les électeurs souhaiteraient un système lisible et le plus simple possible. La minorité de la commission est convaincue que les apparentements doivent disparaître afin de clarifier les enjeux pour les électeurs et de respecter leur volonté de ne pas apporter des voix à des partis qu’ils ne soutiennent pas. Dès lors, au nom de la minorité de la commission, je vous invite à prendre en considération cette motion et à la renvoyer au Conseil d’Etat.

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

La discussion est ouverte.

Mme Elodie Lopez (EP) —

L’apparentement est un principe qui permet de ne pas perdre de voix. Sans l’apparentement, comme la motion le propose, on perdrait des voix et imaginez quel message cela donnerait à la population qui vote. Qui n’a jamais entendu, en campagne ou sur les stands sur les marchés : « je ne vote pas, ça ne sert à rien » ? Perdre des voix, cela reviendrait à dire à celles et ceux qui votent : « Merci d’avoir participé, mais, en fait, cela ne sert à rien ». Je crois que ce n’est vraiment pas idéal pour encourager la participation, surtout quand celle-ci est déjà faible. Tout à l’heure, on parlait de respect des votes et des citoyens. Nous ne pensons pas qu’abandonner l’apparentement serait faire preuve de respect vis-à-vis des personnes qui votent et qui verraient du coup leur voix perdue. 

On parle de petite cuisine et de manque de clarté pour justifier cette proposition. Il nous semble qu’au moment d’apparenter des listes, on discute des points sur lesquels on est d’accord – ou pas d’accord – avec les listes avec lesquelles on s’apparente, puisque le but c’est bien de rassembler celles et ceux qui partagent assez d’idées pour se soutenir mutuellement, sans pour autant figurer sur une même liste – parce que certaines idées divergent – et sans vraiment trahir les électeurs et les électrices. Faire ce processus d’apparentement, c’est aussi décider qu’il vaut mieux envoyer des voix vers des listes cousines plutôt qu’elles ne se perdent dans le néant d’un gouffre électoral, ce qui serait très dommageable. C’est un travail à faire. 

Quant à la transparence, notre groupe pense que les efforts de communication sont cruciaux pour expliquer la stratégie d’un parti, comment le système fonctionne, même si cela est complexe. Dans certains groupes qui utilisent beaucoup l’apparentement, on se rend compte que les électeurs et les électrices sont au clair au fil du temps. L’enjeu est donc un effort de communication dans le matériel de vote ou dans le matériel de campagne qui pourrait être renforcé, mais pas le principe même. Par rapport à l’argument évoqué par la rapportrice de minorité, je crois que quoi qu’on fasse, surtout quand on fait de la politique, on s’expose à la critique. L’enjeu n’est pas tant d’être critiqué pour les choix que l’on fait, mais de pouvoir justifier nos choix lorsque l’on est critiqué. 

Evidemment, si l’on s’apparente parce qu’on se sent forcé de s’apparenter, si on n’effectue pas ce travail qui permet d’identifier les idées avec lesquelles on est d’accord ou pas d’accord, si on n’effectue pas le travail qui permet d’être transparent, je peux concéder que cela pourrait ressembler à de la petite cuisine. Néanmoins, dans ce cas, ce n’est pas vraiment l’outil qui est en cause, mais la manière dont on l’utilise. Du coup, ce sont les partis ou les groupes qui en font cet usage qui sont responsables. Je suis d’ailleurs ravie d’avoir entendu M. Miauton revenir sur la multiplication des listes proposées pendant les campagnes par son parti, parce que je crois qu’il y a aussi une analyse à faire sur la manière dont nous fonctionnons. Proposer de changer la loi, parce que certains font un mauvais usage de l’apparentement, serait un peu comme proposer d’interdire le chasselas parce que certains en font un usage irraisonné. Je ne suis pas sûre que vous seriez prêts à accepter une telle mesure. Pour cette raison, je vous propose, au nom du groupe Ensemble à Gauche et POP, de refuser cette motion.

M. Yannick Maury (VER) —

Je vais peut-être surprendre M. Miauton, mais je comprends que l’on puisse trouver que les apparentements ont l’air complexes. En réalité, c’est un mécanisme assez simple : il s’agit de mutualiser les voix résiduelles – les voix qui n’ont pas permis d’obtenir un siège – des partis qui sont apparentées ou alliés. Une fois cela posé, ce n’est finalement pas si complexe. La question des apparentements sera de toute façon expliquée une bonne fois pour toutes à la population vaudoise lors de la campagne autour de l’initiative Christen, de façon que le calcul des apparentements soit clair. Pour le dire simplement, l’apparentement permet de reporter les voix obtenues – mais qui n’ont pas permis d’obtenir un siège – sur une liste alliée, dans l’intérêt des électeurs et des électrices. Ce n’est pas fait pour les perturber, mais au contraire dans leur intérêt. Il est clair que l’écrasante majorité des gens qui votent pour l’UDC préfèrent que leur vote soit reporté sur le PLR plutôt que sur un autre parti. De la même manière, je suppose fortement que l’électorat vert préférerait à défaut que les voix restantes aillent plutôt au parti socialiste. 

Finalement, l’apparentement c’est uniquement cela. Quand on a expliqué cela, je crois que n’importe qui peut comprendre le système. Dans un système comme le nôtre, qui fait la part belle au multipartisme, l’apparentement permet tout simplement de signifier à l’électorat avec quel parti on désire le plus travailler et collaborer. Je crois que cela est parfaitement sain pour la démocratie et dans un système de collégialité que l’on doit préserver coûte que coûte. Pour toutes ces raisons, le groupe des Verts vous invite à refuser cette motion.

M. Cédric Weissert (UDC) —

Le groupe UDC, dans sa majorité, refusera cette motion pour les raisons évoquées dans le rapport de majorité. A l’instar de la précédente motion et sans revenir sur les éléments évoqués par le rapport de majorité, le système actuel fonctionne et un changement ne semble pas opportun. Je crois, sans trop me tromper, que tous les partis représentés dans cet hémicycle en ont profité à un moment ou à un autre, ou tout du moins en ont constitué lors des dernières élections. 

Je rappelle également que notre ancien collègue Dylan Karlen avait déposé, lors de la précédente législature, un objet visant une modification du système électoral, objet qui avait finalement été refusé en plénum. Parmi les personnes qui s’étaient exprimées à l’époque, des voix s’élevaient pour dire qu’il n’y avait pas de raison de changer un système qui fonctionne. Dès lors, si le Grand Conseil estime que des changements doivent avoir lieu, je propose que l’on ouvre le sujet dans son ensemble et pas seulement sur certains éléments, d’autant plus si la Constitution venait à être touchée. A ce moment, nous chargerons la CIDROPOL – ou toute autre commission instituée – de traiter ce sujet de fond en comble. En ce sens, je vous propose donc de refuser cette motion et de suivre le rapport de majorité, notre parti restant ouvert à une discussion complète des révisions du système électoral, incluant également nos propres demandes.

Mme Muriel Thalmann (SOC) —

Ce n’est pas parce que certains partis se sentent obligés de faire des apparentements pour obtenir une majorité qu’il faut interdire les apparentements. Les apparentements ne sont pas obligatoires, certains sont judicieux, d’autres non. En effet, il faut avoir le courage de ses choix. Il faut avoir le courage de ne pas faire d’apparentement lorsqu’il devient difficile d’expliquer cette décision aux électrices et aux électeurs. La solution ne réside donc pas dans l’interdiction, mais dans le courage politique. Les apparentements font sens lorsqu’ils ne sont pas opportunistes, raison pour laquelle le groupe socialiste recommande au Grand Conseil de classer cette motion.

M. Loïc Bardet (PLR) —

Sur le papier, le système des apparentements est relativement simple à comprendre et à mettre en place. Toutefois, on voit qu’il a des effets de bord – les élections au Conseil national l’ont très bien montré avec plus de 380 candidats pour 19 sièges. M. Maury nous parlait tout à l’heure des retours du terrain. Durant la campagne, beaucoup de personnes nous disaient qu’elles avaient de la peine à comprendre pour qui voter à cause de la multiplication des listes. En tant que membres du législatif, c’est quelque chose que nous devons aussi entendre. La motion de notre collègue Miauton est intéressante et, personnellement, je vais la soutenir. 

Par ailleurs, autant on pouvait accuser le PLR de faire du calcul électoraliste avec le quorum à 7 %, autant la suppression des apparentements ne lui profite pas. Un article du 24heures d’août 2023 expliquait bien la chose et montrait que le système des apparentements profitait principalement aux grands partis. Selon les discussions que nous avons eues jusqu’à maintenant, le PLR est donc censé profiter également des apparentements. On ne peut donc pas nous accuser d’électoralisme lorsque l’on demande de rendre un peu de transparence au système. Je pense qu’il faut soutenir cette proposition et pas seulement faire des calculs pour notre propre parti. 

Pour la boutade, je me permets de dire à M. Belotti que j’espère que la gloire éphémère ne concerne pas le grand parti de Suisse, mais que cela va aussi continuer pour eux, tout comme pour le premier parti vaudois.

M. Philippe Miauton (PLR) —

aVous noterez quand même que je fais preuve de cohérence, car au vu du résultat précédent, je n’ai pas fait d’apparentement par rapport à mon sujet – et cela justifie peut-être ce résultat. 

Monsieur Cala, je vous rassure : ce n’est pas par frustration que je dépose ces textes, même si, en tant que PLR lausannois, la frustration peut évidemment poindre. Si cela m’atteignait, je n’aurais pas fait de politique dans cette commune. La problématique des systèmes électoraux est un vrai débat qu’il faut envisager du point de vue de la pureté du système, de la manière dont il a été réfléchi et des raisons pour lesquelles certaines règles ont été appliquées. Je vous le disais lors de ma précédente intervention, dans le système suisse, l’électeur peut doubler des noms, panacher des listes, en tracer, ou prendre un bulletin sans dénomination. Tout cela est proposé dans un système respectant la proportionnalité, avec un quorum pour éviter une démultiplication lors des résultats qui, selon le législateur et ceux qui ont fait le système, gênerait le vote et les bonnes décisions au sein des différents parlements. Par la suite, cet élément de l’apparentement a été introduit. Cette réflexion sur l’apparentement n’est pas née dans mon esprit, il y a énormément de cantons qui fonctionnent d’ores et déjà sans apparentement ou qui réfléchissent aujourd’hui à cette question. Il y a même une réflexion qui est menée au niveau fédéral, tant il est vrai que la démultiplication des candidats et des listes par rapport au nombre de sièges devient franchement disproportionnée. Je ne crois pas qu’il s’agisse juste d’un petit débat, mais d’une réflexion sincère sur un système politique et sur sa lisibilité. 

Aujourd’hui, et contrairement à ce qui a pu être dit auparavant, on peut se demander si les apparentements servent à ne pas perdre des voix qui se seraient exprimées parce qu’elles ne passeraient pas le cut du quorum ? J’ai plutôt l’impression que ces apparentements servent à gagner purement et simplement un siège par rapport à un certain nombre de petits partis. On en ainsi revient à la discussion précédente : dans le fond, crée-t-on un système pour favoriser la présence de sièges ou pour ne pas perdre des voix ? Je dois avouer que, dans notre discussion, tous ces éléments se mélangent. Si je peux entendre la dispersion des voix – ou la perte d’un certain nombre de voix –dans les faits, ces apparentements servent beaucoup plus à gagner des sièges. On voit bien la limite du système : au niveau fédéral, le nombre de listes se démultiplie, ce qui devient gênant. 

Il y a aussi des effets pervers : dans le fond, le citoyen a une multitude d’options lorsqu’il remplit son bulletin, mais à défaut d’avoir lu tous les fascicules – tous les électeurs ne sont pas encartés et ne réfléchissent pas comme les partis sur les résultats d’une élection – il n’a aucune connaissance des apparentements et encore moins de la manière dont le calcul se fait – ce qui me paraît parfaitement logique. Néanmoins, il y a un effet pervers lorsqu’un électeur choisit de prendre un bulletin en élisant trois personnes qu’il connaît d’un même parti, mais qu’il prend le bulletin sans dénomination, parce qu’il n’a pas envie d’apporter de voix supplémentaires à ce parti. Certes, ces trois voix vont apporter des suffrages à ces personnes, mais par effet domino, potentiellement trois suffrages pour le parti apparenté. Selon moi, ce système manque de clarté et de transparence. Je le répète, l’apparentement est l’unique élément sur lequel l’électeur n’a pas de prise, s’il ne s’est pas renseigné jusqu’au bout. 

Par ailleurs, on nous dit que chaque parti est libre de s’apparenter ou non. C’est totalement vrai, mais dans un système qui a été créé et qui a poussé les partis à s’apparenter, cela devient presque un élément de concurrence déloyale entre certains bords, dans la mesure où ce calcul est fait pour passer le cut et obtenir un siège dans ces élections. 

Encore une fois, la suppression des apparentements est une réflexion qui a déjà été menée et acceptée dans certains cantons et qui est en cours dans d’autres, voire à l’échelle fédérale. Cela amène définitivement une transparence dans le système. On sait que ce manque de transparence est parfois un facteur de découragement. Je n’ai pas fait de sondage sur la question, mais c’est un élément qui revient très souvent. On nous demande souvent pourquoi faire ces apparentements, pourquoi avec tel groupe et pas avec d’autres. Cela amène à devoir se justifier sur la politique d’un autre parti plutôt que de se justifier sur sa propre politique. Cet élément me paraît être une clarification du système électoral – ou la suppression d’un artifice électoral. Le système serait plus démocratique sans ces apparentements. Je vous encourage à accepter cette clarification.

M. Jerome De Benedictis (V'L) —

J’ai entendu Mme la rapportrice de minorité dire que les gens ne votaient pas à cause de la « tambouille électorale » que pouvaient représenter les apparentements. Je crois qu’elle peint le diable sur la muraille. L’apparentement, comme l’a dit le député Maury, ne concerne que les voix résiduelles, ce n’est donc pas une raison pour que la population refuse d’aller voter. Je peux d’ailleurs rejoindre l’UDC sur l’idée de revoir potentiellement l’entier de notre système et, lors de cette éventuelle révision, d’y intégrer la notion de « double Pukelsheim » qui est garante de la représentativité des idées au sein d’un parlement. 

Finalement, j’aimerais relever le summum, le Giovannini de la tambouille : vous parlez de confusion au sein de la population, mais je crois que la pire chose que notre Parlement pourrait faire aujourd’hui serait de valider une motion prévoyant de supprimer les apparentements, alors même que le Conseil d’Etat doit soumettre à la population une initiative traitant des apparentements. La sécurité du droit – si tant est que l’on puisse considérer cette initiative comme du droit, dès lors qu’elle n’est pas encore en vigueur – mais surtout la crédibilité de notre institution face à cette dualité et cette mixité des procédures tomberaient au plus bas en cas d’acceptation de la présente motion. En mon nom propre, mais aussi au nom des Vert’libéraux, je vous encourage à classer cette motion et à soutenir le rapport de majorité.

M. Romain Pilloud (SOC) —

Je ne suis pas sûr d’avoir compris un élément : il me semble qu’aux dernières élections fédérales, le premier parti du canton était le parti socialiste. Mais peut-être ai-je mal entendu un propos tenu auparavant.

Je me permets juste de revenir sur un élément : vous voulez lutter contre la tambouille électorale et vous nous proposez un système dans lequel il n’y aura plus d’apparentement au niveau cantonal et communal, mais il y en aura toujours au niveau fédéral… Il me semble que c’est le meilleur moyen de perdre le citoyen ou la citoyenne et que cela ne permet pas de clarifier le système. Jusqu’à preuve du contraire, au niveau fédéral, les apparentements ne sont pas enterrés. Nous aurions donc un système qui serait entièrement fragmenté en la matière. Je ne pense pas non plus que cela amènerait plus de clarté : il ne serait plus possible de le faire au niveau cantonal et au niveau communal, mais ce jeu des sous-apparentements continuerait au niveau fédéral, ce qui permettrait notamment au PLR de faire une liste « nucléaire », une liste « libérale », une liste « radicale », une liste « conservatrice », une liste pour concurrencer l’UDC et une liste pour concurrencer les Vert’libéraux. C’est un peu ce que l’on a l’habitude de voir lors des élections fédérales. Aujourd’hui, il faut remettre l’église au milieu du village. La confusion vient notamment de la multiplicité de vos listes au niveau fédéral, mais il ne me semble pas qu’il y ait d’abus significatifs en matière de gestion des apparentements dans le canton de Vaud.

Mme Josephine Byrne Garelli (PLR) — Rapporteur-trice de minorité

J’aimerais répondre à Mme Lopez qui dit que les apparentements sont prévus pour ne pas perdre de voix. Certes, mais à la fin, certains électeurs ne savent pas pour qui ils ont voté. Ils ne savent pas à qui a profité leur vote et c’est ce que je trouve problématique dans le système. On parle aujourd’hui des apparentements, la thématique semble nous concerner au niveau cantonal, mais n’oublions pas que les apparentements concernent également les communes. Dans ce cadre, je vous assure qu’après le premier tour pour la municipalité, pour obtenir le soutien d’autres partis pour le deuxième tour, les discussions vous laissent avec l’impression de perdre une part de votre âme – sans parler des exigences pour les prochaines échéances électorales. Pour l’avoir vécue, c’est une expérience horrible et je suis convaincue que les apparentements doivent être abolis, parce que c’est un véritable poison à gérer pour les partis politiques au niveau communal.

Mme Circé Fuchs (V'L) —

Beaucoup de choses ont été dites, la voix avec laquelle je suis le plus en adéquation sur ce sujet est celle de notre collègue Elodie Lopez. En effet, un apparentement permet, avant le dépôt des listes, de voir avec quel parti on est le plus proche et pourquoi travailler ensemble serait une bonne chose. L’apparentement permet donc de voir avec qui un parti peut s’entendre. C’est un exercice en amont, de consensus, et cela oblige le parti à expliquer pourquoi il travaille avec tel parti pour espérer avoir un ou des sièges et avec qui il voudrait par la suite travailler en groupe politique si ce parti n’a pas recueilli assez de voix pour former un groupe à part entière. De plus, les apparentements permettent de voir avec qui certains partis ou élus peuvent s’allier. Cela ne dénature pas l’élection, mais l’enrichit et permet aux politiciens qui sont sur des listes apparentées d’expliquer, premièrement, pourquoi ils sont de ce parti et, deuxièmement, pourquoi ils s’apparentent à un autre parti. Finalement, un apparentement est un « je t’aime, moi non plus ». 

Effectivement, peut-être que nous pouvons améliorer notre communication, mieux expliquer pourquoi nous nous apparentons ou pas avec un parti. Enfin, arrêtons avec ces termes de « petit parti », car nous sommes tous le petit de quelqu’un et nous pouvons tous être le grand ou le petit en politique. Par exemple, je suis la seule indépendante au Grand Conseil – et je tiens à préciser que je n’ai pas été élue par apparentement – mais au conseil communal, les indépendants représentent le premier parti. Laissons la liberté à chaque parti de choisir comment il décide de faire sa campagne et avec qui. Je vous propose de classer cette motion et de suivre ainsi la majorité de la commission.

M. Philippe Miauton (PLR) —

Monsieur Pilloud, c’est bien la première fois que l’on doit attendre que Berne fasse quelque chose. Sur ce coup, je vous encourage à être progressiste et à changer le système pour montrer la voie au niveau fédéral.

Mme Elodie Lopez (EP) —

J’entends bien la remarque qui m’a été adressée. C’est pour cela que je pense qu’il est important de clarifier la chose sur le matériel de campagne ou lorsque l’on discute avec des électeurs qui pointent ce problème. C’est un effort de communication que doivent faire les groupes et les partis lorsqu’ils font ce choix. Pour les électeurs ou les électrices qui craindraient que leur voix se perde, il y a aussi la possibilité de construire leur propre liste en sélectionnant un bulletin qui ne porte pas de nom de liste. 

M. Alexandre Démétriadès (SOC) — Rapporteur-trice de majorité

Les arguments de la majorité et de la minorité avaient été largement présentés dans le cadre de mon rapport ; ils ont été répétés dans ce plénum. J’ai l’impression que les termes du débat sont clairs. Pour revenir sur ce qu’a dit M. de Benedictis, nous avons eu, en décembre 2023, un texte déposé par notre collègue Christen. Il a suscité deux dépôts de la part de notre collègue Miauton. Même si cela peut paraître contradictoire, il en a parfaitement le droit. Il aurait été plus délicat de faire un dépôt immédiat après un vote du peuple, mais il avait le droit de faire ces dépôts. Ces dépôts ont été traités en commission. 

Le premier a déjà fait l’objet d’un refus. Il nous a permis de débattre à nouveau de ce qui avait été débattu en décembre 2023. Le deuxième, selon mon intuition, risque probablement d’être aussi refusé. Nous aurons donc eu une clarification de la position du Parlement, qui aura eu l’occasion de se prononcer une fois sur l’initiative Christen – qui a été acceptée – et sur les deux objets de notre collègue Miauton – qui seront probablement refusés. La balle sera ensuite dans les mains du Conseil d’Etat. 

Je vous rappelle qu’il a une année pour faire un projet d’application de l’initiative Christen qui a été acceptée. En termes de délai, cela permettrait que la nouvelle disposition puisse s’appliquer pour les communales de 2026. La CIDROPOL, lorsqu’elle a dû traiter de la Loi sur l’exercice des droits politiques (LEDP), a fait diligence pour respecter des délais qui permettraient d’avoir un droit référendaire. Elle a travaillé à une vitesse très rapide pour traiter d’une révision totale – environ 130 articles. En tant que président de la CIDROPOL, j’attends que, dès lors que le Parlement a voté un objet et qu’il y a eu ensuite une clarification sur les positions, le Conseil d’Etat fasse également diligence et nous présente un projet lors du prochain semestre – ce n’est pas un projet complexe à présenter – pour que notre plénum puisse se prononcer et ensuite convoquer le corps électoral qui devra être maître de ce choix. S’il accepte de changer le système électoral tel que notre collègue Christen l’a demandé, ce nouveau système pourrait entrer en vigueur pour les élections communales de 2026 et évidemment pour les élections cantonales de 2027.

Mme Christelle Luisier Brodard (C-DITS) — Président-e du Conseil d’Etat

Je pense que le débat est fait et bien fait. Nous avons entendu beaucoup de choses en plénum et en commission. Dans les arguments qui sont évoqués, on ne peut effectivement pas faire abstraction de la politique partisane. Il serait très naïf de penser, d’un côté comme de l’autre, que ces arguments ne sont pas pris en considération. D’ailleurs, dans le cadre des dernières élections, des simulations ont été faites pour voir ce que la suppression des apparentements donnerait pour les différents partis politiques. Cela aurait profité à l’UDC et aux Vert’libéraux, aurait eu peu d’impact pour le PLR et le PS, alors que les Verts auraient perdu des sièges. Evidemment, toute chose étant égale par ailleurs, il y aurait d’autres façons de travailler si les apparentements étaient supprimés. 

Evidemment, ces questions de politique partisane sont au cœur des débats. Cette question des apparentements – du point de vue institutionnel et démocratique – est une question qui est débattue depuis très longtemps. Plusieurs cantons ne permettent plus les apparentements, mais plusieurs autres les autorisent. La question de la suppression des apparentements est aussi souvent à l’ordre du jour au niveau fédéral – tout dernièrement encore, à la suite d’une motion – avec des arguments qui vont effectivement dans les deux sens : d’une part, encourager la participation et faire en sorte que chaque voix compte et, d’autre part, le fait de ne pas perdre la lisibilité et la transparence du vote des personnes qui pensent voter pour une liste, mais dont les votes vont à une autre liste. En termes de démocratie directe, ce ne sont pas des éléments anodins qui peuvent être tranchés d’un côté ou de l’autre. La question des apparentements a une intensité particulière en lien avec le vote sur l’initiative de M. Christen. 

J’ai entendu MM. De Benedictis et Weissert dire qu’il fallait avoir une approche globale et essayer de proposer quelque chose de cohérent. Je pense que cette approche globale est extrêmement importante et, quelle que soit l’issue du vote, il sera aussi important que le Conseil d’Etat puisse mener une réflexion globale. Il conviendra d’analyser ces textes de la manière la plus scientifique possible, évidemment en lien avec l’exercice des droits politiques.

M. Alexandre Démétriadès (SOC) — Rapporteur-trice de majorité

J’écoutais très attentivement les propos de la conseillère d’Etat et, malgré certaines interventions qui ont eu lieu aujourd’hui, l’initiative de notre collègue Christen est claire : elle demande de changer la loi et de convoquer le corps électoral. Elle ne demande pas une réflexion globale sur ces questions. Le Conseil d’Etat doit répondre à cette initiative dans les délais qui sont fixés par la Loi sur le Grand Conseil.

Mme Christelle Luisier Brodard (C-DITS) — Président-e du Conseil d’Etat

J’apprécie beaucoup les leçons données par M. Démétriadès, mais je crois que le Conseil d’Etat a toujours à cœur de respecter la loi. (Réactions dans la salle.)

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil refuse la prise en considération de la motion par 84 voix contre 51 et 2 abstentions.

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