21_REP_188 - Réponse du Conseil d'Etat au Grand Conseil à l'interpellation Taraneh Aminian au nom EP - Numérisation de l’école obligatoire ou obligation de numériser l’école ? (21_INT_120).

Séance du Grand Conseil du mardi 24 mai 2022, point 38 de l'ordre du jour

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Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Taraneh Aminian (EP) —

Je remercie le Conseil d'Etat pour ses réponses détaillées. Dans ses considérations, le Conseil d'Etat nous informe que le bien-être des enfants, leur épanouissement et leur développement restent au centre de ses priorités. Cependant, le but de l’école est aussi et surtout de faire acquérir des connaissances, ce qui suppose un travail assidu de la part des élèves, qu’aucun écran ne saurait remplacer. On ne peut pas non plus ignorer l’aspect environnemental et les coûts engendrés par ce support numérique énergivore. Pour le surplus, je me permets de relever que, dans sa réponse à ma quatrième question, le Conseil d'Etat confirme que l’article 5 du Règlement sur les constructions scolaires primaires et secondaires (RCSPS) concernant les nouvelles constructions impose aux communes le respect des normes et recommandations édictées par le Département de la formation, de la jeunesse et de la culture. Par conséquent, les affichages numériques frontaux doivent être prévus, quand bien même ces communes disposeraient de la liberté d’acquérir ces équipements numériques auprès de tel ou tel fournisseur ; cette liberté est toute relative puisqu’elles n’ont de toute façon pas d’autre choix que de s’équiper.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Jérôme Christen —

La réponse du Conseil d'Etat est laconique et méprisante, puisqu’en gros il nous est répondu : « Tais-toi et paie ! » Cette attitude à l’égard des communes n’est pas nouvelle, mais constante. Après la facture sociale, les communes doivent maintenant payer la facture numérique pour permettre aux élèves de bien appréhender l’évolution numérique et d’en déjouer les pièges. Pourtant, c’est bien d’éducation numérique dont nous avons besoin et non de numérisation de l’école.

En juin 2019, notre collègue Yann Glayre a déposé un postulat mettant en garde contre les effets funestes de la technologie numérique : perte de lien social, addictions, baisse des capacités cognitives ou encore troubles du sommeil. Il est aussi question de désinformation ou de théorie du complot, à l’instar du conseiller national, socialiste, Mathias Reynard, qui demandait un état des lieux et proposait que ces questions soient abordées à l’école. Il demande que soit établi un support public dans lequel l’ensemble de ces informations soient regroupées et mises à jour de manière récurrente en fonction de l’évolution technologique et des tendances observées.

Deux ans plus tard, soit il y a un an, après un inutile passage en commission, le Parlement jugeait toutefois essentiel – notamment en regard du projet de numérisation de l’école vaudoise – en juin 2021 et à une très large majorité, de renvoyer ce texte au gouvernement. Un an plus tard, alors que le Conseil d'Etat pouvait se pencher sur la question depuis 2019, déjà, on ne voit aucune réponse à ces préoccupations, et on ne la voit toujours pas dans la réponse à cette interpellation ; l’Etat veut numériser l’école, mais il rechigne à l’éducation numérique. La question est pourtant tellement pertinente que le Parlement genevois a accepté, il y a deux mois, par 60 voix contre 21, une pétition réclamant un moratoire sur la formation à l’aide de tablettes, à l’école primaire. Dans la même séance, des députés ont renvoyé à l’exécutif son rapport sur le programme numérique à l’école afin qu’il le retravaille. En 2019, le Parlement genevois avait refusé un crédit de 22 millions pour l’enseignement numérique. Il est revenu à la charge, mais il y a un mois, la commission du Parlement a refusé un crédit de 9 millions pour équiper l’école obligatoire et le secondaire d’ordinateurs et de tablettes. A l’instar du gouvernement vaudois, le Conseil d'Etat genevois ne se rend pas compte de la gravité de la situation ; il s’agit maintenant de demander au Conseil d'Etat de prendre les choses en main pour que nous puissions avancer avec l’éducation numérique et non la numérisation de l’école.

Mme Sabine Glauser Krug (VER) —

Je me joins à mes préopinants concernant l’impact de l’éducation numérique, suffisamment prouvé depuis longtemps. Notre Parlement a voté en faveur de l’éducation numérique, et il a fallu la mettre en place. Soit. Aujourd'hui, nous sommes conscients de notre dépendance à l'électricité et mesurons enfin le risque de pénurie. Nous savons également que, par ailleurs, il n'existe pas de production d'électricité de réseau qui ne soit pas problématique, que ce soit par exploitation d'énergie fossile émettrice de CO2, du nucléaire nécessitant de l'uranium importé et produisant des déchets fort problématiques, ou des énergies dites propres qui impliquent néanmoins des infrastructures obsolescentes et des ressources plus ou moins rares. Nous devons aujourd'hui nous demander quels domaines de notre société doivent être prioritaires, en cas de pénurie, et évidemment d’éviter à tout prix de créer de nouvelles dépendances. Il serait donc pour le moins pragmatique de renoncer à pérenniser les dépenses liées à l'équipement des classes pour l'éducation numérique et de renoncer à imposer un renouvellement des infrastructures numériques par les communes, lorsque celles-ci seront obsolètes. J'espère que les communes auront eu la sagesse de garder leurs vieux tableaux noirs dans leurs caves, car il serait dramatique que l'école publique soit affectée dans sa mission pour des raisons d'insuffisance d'approvisionnement énergétique.

Mme Cesla Amarelle — Conseiller-ère d’Etat

Je ne me suis pas exprimée tout à l’heure quant à la formation professionnelle, car il s’agissait uniquement de délais et que je ne voulais pas entrer en contradiction sur un certain nombre d’inepties proférées. Sur le fond du chantier de l’éducation numérique, je me montrerai très brève : je suis très étonnée que vous ne soyez pas conscients que le canton de Vaud est le premier canton de Suisse à pouvoir disposer de moyens d’enseignement spécifiques ad hoc du premier au troisième cycle, puisque c’est l’EPFL, la HEP et l’Université de Lausanne travaillent d’arrache-pied pour offrir des moyens d’enseignement en premier, deuxième et troisième cycle pour tous les élèves vaudois. C’est un élément unique en Suisse et certains – en dehors du canton – le considèrent comme étant excellent. Je m’étonne que vous n’en soyez pas informés.

Vous serez saisi d’ici peu, je l’espère, d’un crédit d’inventaire et d’un projet de décret qui concerne la deuxième phase de l’éducation numérique. Aujourd’hui, plus de 20'000 élèves bénéficient déjà de l’éducation numérique. Nous espérons que les 93'000 élèves qui commenceront en 2025 pourront être saisis, dans l’ensemble des trois cycles de formation, des moyens d’enseignement qui comprennent des éléments initiés par le professeur Dominique Bouiller, connu comme l’un des meilleurs spécialistes de la sociologie du numérique. La formation intègre tous les éléments évoqués, relatifs à la question des risques liés notamment à l’utilisation des écrans, au niveau des questions en lien avec les effets pathogènes des réseaux sociaux, etc. Soyez rassurés, nous ne nous livrons pas à une numérisation de l’école, mais bel et bien à l’éducation numérique par le biais de moyens d’enseignement qui concernent les trois cycles de formation. En août 2022, l’éducation numérique commencera également dans les écoles de formation professionnelle et dans les gymnases. Bien entendu, les élèves seront formés sur les trois composantes qui intègrent la sociologie du numérique.

M. Jérôme Christen —

J’ai participé à une séance d’information en laboratoire HEP ; nous n’ignorons par conséquent pas ce dont la conseillère d’Etat rend compte, puisque nous avons assisté à des démonstrations d’utilisation d’écrans numériques. Leur intérêt est évident pour certaines matières comme la géographie ou l’histoire. Néanmoins, il ne faudrait équiper que certaines classes. Or, on exige des communes qu’elles équipent toutes les classes. Par conséquent, si c’est de cela qu’il s’agit, nous nous retrouvons en plein dans la numérisation de l’éducation et sa généralisation, pas seulement pour certaines branches. Je m’inscris donc en faux contre ce qui a été dit ; ce n’est pas la direction que nous prenons, ce qui est profondément regrettable parce que ce n’est pas ce qui nous a été vendu.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est close.

Ce point de l’ordre du jour est traité.

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