21_REP_153 - Réponse du Conseil d'Etat au Grand Conseil à l'interpellation Pierre Zwahlen et consorts au nom Groupe des Vertes et des Verts - L'Etat est-il civil? (21_INT_93).

Séance du Grand Conseil du mardi 21 décembre 2021, point 15 de l'ordre du jour

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M. Pierre Zwahlen (VER) —

Le délai de traitement des événements naturels tels que les naissances et les décès a été réduit à quelques jours à l’Etat civil et j’en remercie le Conseil d’Etat. D’autres actes officiels ne pouvant en revanche être délivrés qu’une fois les rendez-vous menés puis enregistrés dans le registre fédéral de l’Etat civil, cela prend de fait plusieurs semaines. Les mesures mises en place depuis l’été dernier portent leurs fruits, mais la réorganisation de l’Etat civil produira ses effets dès que l’ensemble des entités de l’Etat civil, dont l’activité est à ce jour segmentée sur différents sites, seront regroupées dans des locaux adéquats, proches du Centre de biométrie et bénéficiant de guichets. La réponse du Conseil d’Etat que je cite ici ne précise pas quand ce regroupement pourra avoir lieu, laissant craindre l’incertitude sur ce point.

Malgré des simplifications administratives ainsi que l’octroi de quatre postes supplémentaires d’officiers d’Etat civil en 2022, ce secteur devra faire face, d’une part à l’augmentation escomptée d’au moins 15 % des naissances au premier semestre selon les projections du CHUV et, d’autre part, à l’entrée en vigueur de deux modifications législatives fédérales majeures que sont les déclarations de changement de sexe devant un officier d’Etat civil et non plus devant les tribunaux – dès le 1er janvier – ainsi que le mariage pour toutes et tous dès le 1er juillet prochain. Quatre postes supplémentaires accordés en 2022 est en soi une bonne chose ; il faut toutefois savoir qu’une formation de six mois s’avère nécessaire en vue d’une autonomie partielle de l’officier d’Etat civil.

Face au regroupement de l’Etat civil retardé et à la durée de formation des officières et officiers, on peut redouter à nouveau de longs délais au détriment des habitantes et habitants du canton. Je dépose ainsi une détermination avec mon collègue Denis Corboz J’ajoute à ce sujet qu’un récent article paru dans La Gazette fait état de difficultés du registre informatisé de l’Etat civil qui n’est pour le moment pas adapté au nouveau type de mariage ni à la coparentalité de personnes de même sexe. Si les procédures d’enregistrement du partenariat et du mariage sont actuellement très similaires, le registre nommé Infostar n’est pour l’instant ni adapté à ces types de mariage, ni à la coparentalité de personnes ayant le même sexe.

Pour ce qui est des certificats de famille, il importera de pallier l’impossibilité technologique de réaliser ces certificats manuellement, ce qui prendra évidemment plus de temps. La nouvelle loi prévoit à chaque fois une déclaration en personne devant l’officier de l’Etat civil. Il faut donc prévoir – c’est l’article de La Gazette qui l’indique – une forte augmentation de la charge de travail des officières et officiers jusqu’à ce que tous les couples liés par un partenariat qui souhaitent s’y soumettre aient effectué leur demande de conversion. En outre, la réforme ayant trait à la présomption de la parentalité de l’épouse qui a recours à la procréation médicalement assistée nécessitera également une vérification supplémentaire. Tous ces éléments justifient d’accentuer les efforts du Conseil d’Etat pour répondre notamment à cette hausse escomptée de 15 % des naissances, aux déclarations de changement de sexe ainsi qu’au mariage pour toutes et tous. Avec mon collègue Corboz, je vous invite à approuver cette détermination.

« Afin de tenir des délais adéquats, le Grand Conseil recommande au Conseil d'Etat de mieux renforcer les entités de l'Etat civil en 2022, pour répondre notamment à une hausse escomptée de 15 % des naissances, aux déclarations de changement de sexe ainsi qu'aux mariages pour toutes et tous. »

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion sur la détermination est ouverte.

M. Philippe Leuba — Conseiller-ère d’Etat

Avant toute chose, je souhaite, au nom du Conseil d’Etat, adresser un hommage appuyé à l’ensemble des collaboratrices et collaborateurs de l’Etat civil qui ont, malgré les circonstances sanitaires, accompli un travail exceptionnel et je vais vous donner quelques chiffres de réduction des délais d’attente. Ces quelques chiffres illustrent l’effort consenti par les collaboratrices et collaborateurs de l’Etat civil. Pour l’enregistrement des décès, avant le début de la pandémie, le délai était compris entre 48 et 72 heures ; au milieu de la pandémie, il s’élevait à 21 jours d’attente ; aujourd’hui, nous sommes à nouveau à 72 heures. Alors que la pandémie n’est toujours pas terminée faut-il le rappeler – vous en avez discuté tout à l’heure – nous sommes passés de 21 jours à 72 heures. Pour ce qui est des naissances – c’est l’élément figurant dans la détermination déposée – avant le début de la pandémie, l’enregistrement des naissances variait entre 3 et 20 jours suivant la complexité des cas, notamment lorsque des documents de l’étranger sont nécessaires ; au milieu de la pandémie, ce chiffre est passé à 49 jours d’attente ; aujourd’hui, nous en sommes à 7 jours, ce qui est inférieur à la moyenne de la situation avant la pandémie. Ces deux chiffres illustrent le travail colossal mené par l’administration et vous pouvez également leur témoigner votre reconnaissance.

J’en viens désormais au texte de la résolution. On quitte l’Etat civil pour sombrer dans une absence totale de cohérence. Cela relève probablement de la psychiatrie. Il y a une semaine, vous avez voté le budget, avec un renforcement de quatre postes à l’Etat civil. Il y a une semaine, soit sept jours et sept nuits, et aujourd’hui vous déposez une détermination demandant une croissance supplémentaire des effectifs à l’Etat civil. Mesdames et Messieurs, la majesté et le prestige du Parlement, le premier pouvoir sans qui rien ne se fait dans ce bas monde, ni les grandes choses ni les choses moins grandes, vous imposent d’être schizophrènes et de refuser de défaire ce qui a été voté il y a une semaine. Si la situation avait fondamentalement changé entre la semaine dernière et aujourd’hui, je pourrais encore le comprendre. Toutefois, si elle a changé, c’est en direction d’une amélioration du traitement des demandes et de la réduction des délais d’attente qui existaient. Vous allez aujourd’hui défaire ce qui a été fait il y a une semaine, sans aucun motif. Je suis ouvert, tolérant et j’essaie de comprendre mais à l’impossible, nul n’est tenu.

Cette détermination tombe manifestement totalement à côté concernant les naissances, elle contredit ce que vous avez voté. Enfin, Infostar est un programme informatique fédéral. Vous pouvez donc doter l’Etat civil de trois cents personnes supplémentaires, cela ne changera rien puisque le programme est fédéral, l’Etat de Vaud ne le gérant pas, dans un domaine extrêmement réglementé. C’est d’ailleurs encore pire que pour les appellations viticoles. Pour ces différentes raisons, je vous appelle à faire preuve de constance, qualité fondamentale pour conduire une collectivité publique, à en rester aux mesures que vous avez validées lors du budget, il y a sept jours, et de refuser cette détermination mal ciblée – il n’y a pas de retard dans l’enregistrement des naissances, au contraire et j’ai cité les chiffres – qui a pour argument un programme fédéral qui n’a rien à voir avec les dotations de l’Etat civil et qui contredit les votes de votre Parlement datant d’il y a une semaine. La situation actuelle de la collectivité vaudoise exige que vous ne perdiez pas de temps avec une démarche qui n’a aucun sens.

M. Denis Corboz (SOC) —

Je regrette que, dans une forme de faiblesse argumentative, M. Leuba nous accuse d’être malades et nous recommande de bénéficier de soins psychiatriques. Cette remarque liminaire est extrêmement insultante. Oui, monsieur Leuba, je vois que cela vous déplait mais vous nous avez traités, à demi-mots – nous sommes en période de Noël, tout le monde est fatigué – de schizophrènes. Or, je conteste cette première affirmation. Il est vrai que le budget a été voté, mais vous connaissez comme nous les intrigues et toutes les discussions ayant eu lieu pour qu’il soit adopté. Je ne vais pas revenir sur ces aspects, car tout le monde voit très bien de quoi je parle. J’ai déposé une motion et nous aurons l’occasion de nous rencontrer au mois de janvier pour pouvoir en discuter plus en détails.

La détermination déposée par mon collègue ne demande pas grand-chose et elle n’a pas de force obligatoire, il s’agit plus d’une attention symbolique qui montre la détermination ainsi que l’inquiétude du Parlement concernant les conditions de travail à maintes fois dénoncées et révélées par les médias, que ce soit dans le journal La Côte ou bien encore sur la RTS qui, dans ses différents articles, mentionnait le manque de personnel, les difficultés de ce dernier en termes d’ambiance de travail. De plus, il semblerait que ce service ait quelques difficultés à fonctionner, notamment en raison de la charge et de la culture de travail présentes dans ce service. Je ne suis pas enquêteur de police et je ne peux donc pas mener d’enquête. Toutefois, par cette motion ou l’interpellation de M. Zwahlen, je souhaitais alerter le Grand Conseil sur les difficultés que rencontre ce service. Nous aurons donc l’occasion de nous retrouver, au mois de janvier, pour en parler plus longuement et pour pouvoir faire le point sur cette situation qui nous parait, à l’heure actuelle, toujours complexe et difficile.

M. Pierre Zwahlen (VER) —

Chères et chers collègues, cher Monsieur le conseiller d’Etat en charge de l’Etat civil, je me fais volontiers enfermer avec vous pour schizophrénie, dans un établissement spécialisé (rires). Il est passionnant de constater que vous avez vous-même fait signer à Mme la présidente du Conseil d’Etat et au Chancelier une réponse qui décrit précisément ce que vous ne voulez pas reconnaître. Je lis le dernier paragraphe du texte signé par Mme Nuria Gorrite et M. Adrien Buffat : « Nonobstant les mesures de simplifications administratives mises en place par la direction du Service de la population (SPOP) et de l’Etat civil depuis cet été, ainsi que l’octroi espéré (à ce moment-là, car ils n’avaient pas encore été accordés au budget) de quatre postes supplémentaires d’officiers de l’Etat civil en 2022, ce secteur devra toutefois faire face aux éléments suivants annoncés pour 2022 : augmentation escomptée d’au moins 15 % des naissances au premier semestre selon les projections du CHUV ; entrée en vigueur de deux modifications législatives fédérales majeures que sont les déclarations de changement de sexe devant un officier de l’Etat civil – non plus devant les tribunaux – dès le 1er janvier 2022, ainsi que le mariage pour toutes et tous dès le 1er juillet 2022 ».

De plus, vous affirmez qu’Infostar est un programme informatique fédéral. Il n’empêche que vos collaboratrices et collaborateurs de l’Etat civil sont particulièrement inquiets des difficultés qu’entrainera l’inadaptation de ce programme dans la réalité du terrain qu’ils ou elles vivront l’an prochain. Je ne crois pas que ces affirmations, qu’une fois de plus vous avez fait signer à l’ensemble du Conseil d’Etat, soient détonantes. Dès lors qui est schizophrène ? La question est posée. Pour ma part, je constate que ces problèmes sont réels, que vous les avez fait porter par écrit au ouvernement cantonal et que vous ne pouvez malheureusement pas les nier. Je vous invite donc à soutenir cette détermination.

M. Philippe Vuillemin (PLR) —

Je ne sais pas qui dans cette salle a soigné des schizophrènes. Pour ma part, je m’en suis occupé pendant une année et demie, à l’Hôpital de Cery et je vous propose donc d’oublier définitivement ce terme, aussi bien au Conseil d’Etat que dans le plénum, puisqu’au fond vous ne savez pas de quoi vous parlez. Je vous suggère une autre image, celle de Janus, le Dieu à deux faces. Cette image convient mieux et elle veut bien dire ce que vous avez voulu dire. Au-delà de cela, je constate qu’un effort a été fait il y a de cela une semaine et personne ne vous empêchera d’en faire de même au prochain budget, dont le déroulement est connu à l’avance, comme vous le savez.

M. Philippe Leuba — Conseiller-ère d’Etat

Je remercie le docteur Vuillemin pour ses bons conseils. Pour ma part, je renonce au séjour psychiatrique en compagnie de M. Zwahlen, car je crains que cela n’aggrave mon cas (rires). Cela étant dit, je souhaite préciser deux éléments. Premièrement, nous ne faisons pas signer une réponse à Mme la présidente du Conseil d’Etat et au chancelier. En effet, cette réponse est adoptée par le Conseil d’Etat, y compris par Mme la présidente, et ce, en toute connaissance de cause. Mme la présidente du Conseil d’Etat et le chancelier ne sont pas des porte-plumes à qui on ferait signer n’importe quoi. Deuxièmement, c’est bien le Conseil d’Etat qui a rédigé cette réponse et qui, dans le même temps, vous a soumis un projet de budget comprenant un certain nombre de dispositions renforçant l’Etat civil, et ce, en parfaite cohérence. Il n’est ni schizophrène, ni Janus. Il est simplement cohérent avec lui-même et le constat dressé afin que les moyens mis à disposition correspondent l’un à l’autre. Je vous invite dès lors, en parfaite cohérence, à rejeter cette résolution qui n’apportera strictement rien.  

M. Hadrien Buclin (EP) —

Je souhaite réagir aux propos de M. le conseiller d’Etat et vous appeler à soutenir cette détermination, pour les raisons suivantes. Je conteste le caractère contradictoire de cette dernière avec le vote du budget de la semaine passée. Je pense en effet qu’on peut la comprendre comme une incitation à recourir si nécessaire, en cours d’année, à des crédits supplémentaires pour renforcer l’Etat civil, comme le permet la Loi sur les finances. En ce sens, cela n’est pas contradictoire avec la procédure budgétaire, puisqu’il se pourrait qu’il y ait des naissances supplémentaires et c’est un événement naturel imprévu qui justifie le recours à des crédits supplémentaires. C’est quelque chose de relativement ordinaire. Il se pourrait également qu’il y ait un surcroît de décès lié à la cinquième vague de COVID, dont la virulence et la violence n’avaient malheureusement pas été anticipées au moment de l’élaboration du budget 2022. Il s’agit d’éléments qui plaident en faveur de cette résolution.

En outre, former un officier d’Etat civil prend du temps, la personne devant être assermentée. Toutefois, j’imagine qu’il existe au sein des offices d’Etat civil du personnel administratif pouvant soutenir les officières et officiers et leur permettre de se consacrer aux tâches pour lesquelles ils ou elles ont été assermentés, tout en accélérant leur travail et en les déchargeant de toutes les autres tâches administratives. Dans ce sens, des renforts administratifs pourraient être mobilisés plus rapidement en comparaison de l’engagement de nouvelles et nouveaux officières et officiers d’Etat civil. J’espère que ces quelques arguments vous convaincront de soutenir cette détermination.  

Mme Graziella Schaller (V'L) —

Je soutiendrai cette détermination. Je trouve toutefois quelque peu dommage qu’on la réduise à l’augmentation des naissances, aux déclarations de changement de sexe et au mariage pour tous. En effet, les retards de l’Etat civil sont liés à des éléments beaucoup plus larges que ceux-ci. Si on en croit la presse, encore au mois de novembre, des retards et des départs de personnel étaient encore relevés. Comme l’a indiqué tout à l’heure le conseiller d’Etat, cette pandémie a des répercussions dans beaucoup de domaines et l’Etat civil en est largement impacté. Tous ces retards touchent également les reconnaissances de paternité, les mariages, soit des domaines bien plus vastes que ceux décrits ici. Un réel problème dure depuis longtemps et donc demander, en cette période de pandémie, que l’Etat civil dispose de plus de ressources est tout à fait juste. Il y a un réel problème lorsque des familles doivent attendre des semaines pour obtenir un document tout simple, alors que dans certaines communes cela prend trois jours. Je vous invite à soutenir cette détermination afin de renforcer les moyens donnés à l’Etat civil pour qu’il remplisse ses charges et soit utile aux familles.

M. Philippe Leuba — Conseiller-ère d’Etat

Madame Graziella Schaller, vous parlez de délai dans les communes ; or, cela n’a strictement rien à voir. En outre, vous ne pouvez pas vous contenter de vous appuyer sur des témoignages de la presse, lorsque le Conseil d’Etat vous donne des chiffres, qu’il déploie un plan d’action, que le regroupement sur un seul et unique site sera effectif en 2022 et qu’un renforcement a eu lieu. Je ne sais pas quoi vous dire de plus. Le plan élaboré par le Conseil d’Etat est cohérent et vous avez validé les dotations effectives au niveau du budget. Il nous faut donc une forme de constance. Nous ne pouvons pas voter le budget et ensuite faire complètement autre chose tout le reste de l’année ; cela ne va pas ! Je respecte la liberté de la presse, car elle est indispensable, mais on ne peut pas conduire une collectivité sur la base d’articles de presse. Ce n’est pas comme ainsi que cela marche et ce n’est pas sérieux.

Je vous invite à faire confiance à votre Conseil d’Etat, dont la majorité de gauche a été rappelée tout à l’heure, et à celui qui vous parle – qui n’en fait pas partie. Le Conseil d’Etat est conscient des défis sociaux qui se présentent, il a mis en place une stratégie cohérente, qui vous a été soumise et qui sera rappelée dans le cadre de la réponse de la motion dont nous avons parlé tout à l’heure. Il est important de ne pas défaire ce que vous avez voté il y a une semaine. On ne peut pas conduire de cette manière ni une collectivité, ni une administration. Je vous invite à en rester à la sagesse et à refuser cette détermination.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est close.

La détermination Pierre Zwahlen est refusée par 66 voix contre 54 et 5 abstentions.

Ce point de l’ordre du jour est traité.

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