RAP_632618 - Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur le Postulat Philippe Grobéty et consorts - Enfin réaliser un palier hydroélectrique sur la partie vaudoise du Rhône (167).

Séance du Grand Conseil du mardi 17 novembre 2020, point 9 de l'ordre du jour

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M. Maurice Treboux (UDC) — Rapporteur-trice

Le postulat de notre ancien collègue Philippe Grobéty a été déposé début 2017, soit juste après la présentation du projet de la troisième correction du Rhône et la demande de concession. En commission, les représentants de la Direction générale de l’environnement (DGE) nous ont rappelé — si cela était encore nécessaire — que l’hydraulique est un pilier en matière d’énergie renouvelable dans notre canton. En 2012, la production s’élevait à 810 GWh, et on estimait que ce potentiel pouvait être encore développé d’environ 20 %. La production a effectivement évolué, et il existe encore matière à quelque progression, par exemple en utilisant des réseaux d’eaux claires et d’eaux usées.

Pour résumer les réponses du Conseil d’Etat aux trois questions du postulant, il est rappelé qu’en matière d’énergie hydraulique dans le canton, la centrale-barrage Massongex-Bex-Rhône (MBR) constitue un projet phare avec un potentiel supérieur à 10 % de la production cantonale actuelle, mentionnée comme un point clé dans la Conception cantonale de l’énergie (CoCEN) adoptée par le Conseil d’Etat en juin 2019. Il s’agit du dernier grand ouvrage qui peut être développé dans notre canton. En commission, la discussion s’est essentiellement articulée autour de la réalisation de cet important projet et, plus précisément, sur son impact environnemental.

Pour conclure, la commission recommande au Grand Conseil d’accepter le rapport du Conseil d’Etat par 6 voix et 1 abstention. Toutefois, avant d’actualiser quelque peu ce rapport, est-ce que Mme la conseillère d’Etat peut nous donner des renseignements sur l’avancement du projet MBR ?

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Nicolas Croci Torti (PLR) —

Je me permets d’appuyer les conclusions de ce rapport. On ne peut pas dire que ce projet soit un long fleuve tranquille, puisque les premières études datent de la fin des années 80… Mon intervention va dans le sens du rapporteur. L’un des derniers rebondissements concernant ce projet réside dans le fait qu’au mois de septembre deux associations écologiques se sont opposées à la concession et que, selon ce que les médias ont rapporté, et heureusement, le dialogue n’a pas été rompu entre les porteurs du projet et ces associations écologiques. Nous avions bon espoir qu’une concession puisse être délivrée au printemps 2021, et je voulais connaître la position du Conseil d’Etat sur l’état de ce projet, qu’il puisse nous assurer qu’il a toujours son plein et entier soutien. En effet, il s’agit d’un projet extrêmement important, puisqu’il permettra de fournir près de 20'000 ménages en électricité.

 

M. Jean-Luc Chollet (UDC) —

« Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? » Non… Nous devrions être ici occupés à parler de la date du couper de ruban de cette installation… mais nous nous traînons désespérément, nous nous vautrons, nous n’avançons pas !

Rappelez-vous qu’il y a près de 20 ans, une petite dizaine d’installations étaient prévues au fil du Rhône pour une production d’électricité propre, ne faisant aucun déchet, contrairement à l’électricité d’origine nucléaire, par rapport aux centrales à charbon et par rapport à l’énergie éolienne, qui n’agresse pas le paysage et qui n’a pas besoin du vent — il n’y en a pas tous les jours. Cette centrale s’imposait comme la dernière rescapée de ce qu’il nous fallait impérativement.

Le Rhône coule et, malgré tout ce qu’on entend dire, il coulera encore longtemps. Toute cette eau, cette énergie part et s’en va, nous n’en profitons pas. C’est désespérant, d’autant plus que le projet Lavey + — qui injectait 200 millions dans l’économie locale, dont une partie non négligeable auprès d’entreprises valaisannes — a été tué par la conjugaison de deux phénomènes : d’abord un prix du courant importé désespérément bas, qui rendait impossible et utopique la création de n’importe quelle installation, et puis des rapports un peu conflictuels — je ne veux pas m’en prendre comme Vaudois vertement à nos amis valaisans même si je pense que là « ils n’ont pas fait fort ! ». Massongex s’impose, nous n’avons que trop perdu de temps, retroussons nos manches et en avant !

M. Olivier Epars —

J’étais le commissaire qui s’est abstenu. En effet, 72 GWh, ce n’est pas anodin, puisque cela représente 20’000 ménages environ, à peu près l’augmentation annuelle de la population en Suisse. Il faut en effet en tenir compte, car il s’agit d’un enjeu important pour se diriger vers la transition énergétique évidemment en relation avec le réchauffement climatique pour utiliser moins d’énergie fossile.

Pour rebondir sur une partie des propos de M. Chollet : non, le Rhône ne coulera pas indéfiniment de cette manière, malheureusement. Lorsque les glaciers auront disparu — dans pas très longtemps — il y aura un peu moins d’eau dans le Rhône. On ne peut par conséquent pas dire non à ce projet.

En revanche, je me suis abstenu, parce que le projet nécessite encore de grandes améliorations, raisons pour lesquelles Pro Natura et le WWF se sont opposés d’abord en amenant des propositions aux porteurs de projets. Or, ces dernières n’ont pratiquement pas été prises en considération, voire pas du tout. C’est pourquoi il a été nécessaire de déposer un recours, cet automne. Le gros problème de ce projet réside dans le fait qu’il va modifier très fortement en amont — par le phénomène de barrage — et en aval le charriage des alluvions. Il sera nécessaire pour avoir un projet suffisamment rentable de creuser au pied du barrage pour augmenter la chute d’eau, la pente étant déjà tellement faible entre le barrage et l’embouchure du lac — à peu près 4 ‰ de moyenne. Si vous creusez encore un peu au pied du barrage, cette pente s’en verra d’autant diminuée, en tous les cas sur un certain secteur de 2 kilomètres — si mes souvenirs sont bons. Cela va entraîner une sédimentation, des alluvions qui ne pourront pas aller plus loin, augmenter le fond du lit et aller à l’encontre de la correction R3 à but sécuritaire pour éviter les inondations. De plus, il est prévu de draguer, d’enlever les alluvions à l’embouchure de cours d’eau à l’aval, tel que l’Avançon.

Toutes ces modifications sont très importantes et vont clairement à l’encontre de la Loi fédérale sur la protection des eaux (LEaux). Ainsi, les associations ne s’opposent pas au projet, mais simplement pas comme cela. M. Chollet évoquait le fait que nous nous « vautrions » avec ce projet ; en l’occurrence si le projet se faisait de cette manière, effectivement l’eau du Rhône ne ferait que de se vautrer, n’aurait plus assez de force. Par conséquent, nous demandons au canton d’amener ce projet à s’améliorer sur la problématique du charriage, de mieux le coordonner avec R3. Pour terminer, la chute du prix de l’électricité est due à la libéralisation du marché.

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

Voilà un débat et un thème qui – en tout cas pour ce qui me concerne — ne me rajeunissent pas, puisqu’il s’agissait d’un thème que j’avais abordé en 2006 lors de la campagne au Conseil national avec Olivier Français. Si j’ose dire, il a coulé beaucoup d’eau sous le pont ou dans le barrage qui n’existe toujours pas et nous n’avons pas avancé d’un iota… Il est important que nous puissions mener ce débat pour que les gens qui nous disent que nous nous trouvons dans l’urgence climatique — et c’est la réalité —et qu’il s’agit de prendre des mesures dare-dare sachent que ce projet est en rade depuis 14 ans, ses prémisses datant même du milieu des années huitante, soit du siècle passé. Or, nous en sommes encore à de sempiternelles études. Ce n’était quand même pas faute, pour les politiques, d’apporter des projets et des solutions d’énergie propre et renouvelable à une époque où l’urgence climatique se faisait moins sentir qu’aujourd’hui ! Que d’années perdues !

Finalement, je ne peux m’empêcher de tirer un parallèle avec l’éolien. Là encore, que de temps, que de discussions, que d’études… S’agissant du parc éolien du Jura, après d’innombrables expertises sur le vol des oiseaux ou le saut du crapaud à ventre jaune, nous voici maintenant aux prises avec la jurisprudence qui fait le yo-yo entre le Tribunal fédéral et la Cour de droit administratif et public à faire des expertises telluriques ! En Autriche, ce sont approximativement 1300 éoliennes, en Suisse entre 40 et 50. Pourtant l’Autriche, pays voisin, de montagnes, de vallées et de lacs a à priori les mêmes caractéristiques que nous, mais s’en sort beaucoup mieux. Ainsi, c’est une chose de discourir sur la nécessité d’une énergie moins polluante, renouvelable, et une autre de passer à l’acte : ce débat le démontre amplement.

Personnellement, je déplore la multiplicité des expertises, ces études requises souvent dans des cas de procédure devant les tribunaux, alors que, souvent, ce sont à peu près les mêmes milieux qui nous disent l’urgence à agir, une urgence climatique qui justifierait des occupations de locaux, de la peinture rouge sur les bâtiments, alors que, finalement, lorsqu’on en vient aux actes — et je suis persuadé que si nous votions, le Grand Conseil soutiendrait ce projet à la quasi-unanimité — nous nous heurtons à d’innombrables difficultés. Aujourd’hui, cela doit être dénoncé. En effet, l’urgence ne consiste pas seulement à occuper des locaux, mais aussi à faire avancer les projets forts d’une certaine détermination politique. Bien entendu, des difficultés techniques surviendront tout comme du point de vue de la préservation de certains objectifs de protection des espèces, cela reste délicat. Mais nous n’arriverons jamais à nous en sortir si chaque projet d’une certaine ampleur rencontre des oppositions pendant 10, 15 ou 20 ans. Ce double langage, en particulier du point de vue des associations proches des Verts et des milieux de l’écologie, devient totalement insupportable.

Soutenons massivement ce projet si, véritablement, nous avons la volonté politique de nous opposer à l’urgence climatique, d’avancer vers des solutions cohérentes, connues et déjà largement éprouvées par le passé. Nous avons de l’or dans ce pays : nos rivières et nos cours d’eau. Ils produisent depuis des dizaines d’années une énergie propre et renouvelable.

Pour terminer, j’en profite pour poser une question au Conseil d’Etat : j’avais déposé une interpellation depuis un certain temps sur la pollution numérique et l’énergie dépensée dans le stockage des données en particulier dans l’administration vaudoise, j’aurais souhaité une réponse rapide.

M. Pierre-Alain Favrod (UDC) —

Monsieur Epars, si vous estimez qu’à court terme il n’y aura quasi plus d’eau dans le Rhône, pourquoi accepter cette troisième correction et y créer un delta, vu que le Léman sera bientôt à sec ? Quand l’autoroute a été créée, certains écologistes de l’époque prédisaient la mort des arbres ; ils sont toujours là. L’eau coulera toujours, la pluie tombera aussi. Chaque fois qu’un projet tend à produire de l’électricité de manière écologique, les Verts s’opposent. C’est agaçant à la longue. Je vous demande d’accepter ce projet. 

Mme Béatrice Métraux — Conseiller-ère d'État

Mes réponses rassureront sûrement une partie de cet hémicycle. Oui, le Conseil d’Etat défend ce projet ; il fait tout ce qui est en son pouvoir pour le mener à bout, car comme l’ensemble de ce plénum, il estime que l’énergie renouvelable est bonne. Monsieur Chollet, vous devez être rassuré à ce sujet et non désespéré.

Pour répondre à la question de MM. Treboux et Favrod, qui se demandaient où en était la procédure, je tiens à vous rappeler que cette dernière a commencé en 2016, le 14 novembre, avec le dépôt de demandes de concession en parallèle sur Vaud et Valais. Nous y travaillons avec nos collègues valaisans. Je vous passe les détails de la procédure s’étendant jusqu’en 2018. En 2019, un certain nombre d’oppositions de la part d’ONG ont été traitées. Finalement, le 19 février 2020, le Conseil d’Etat valaisan a approuvé la décision finale et la concession. Ensuite, au mois de mars 2020, a eu lieu la présentation en Commission d’énergie du Grand Conseil valaisan. En juin 2020, une séance s’est encore tenue avec les ONG et la Direction générale de l’environnement, qui suit le projet de très près, et, bien évidemment, MBR. Mon département a approuvé la décision finale et la concession le 4 septembre 2020, raison pour laquelle je vous disais qu’il fallait quand même se montrer un brin plus nuancé dans vos propos. Le 4 septembre 2020 a vu la fin de la procédure administrative par la publication dans les Feuilles des avis officiels vaudoises et valaisannes des décisions finales d’octroi des concessions respectives. Le 7 octobre, les ONG ont fait recours et un délai a été donné au 9 décembre au canton pour déposer sa détermination. Nous serons dans les temps et nous ne demanderons pas de report de délai. Entre temps, de nombreux contacts ont eu lieu entre MBR et les ONG, et les questions du charriage et des mesures de compensation font débat. Les ONG et MBR sont en cours d’échange pour trouver une solution de manière à ce que ce projet se réalise.

Enfin, sur l’aspect du charriage, je voudrais indiquer que les questions évoquées par M. Epars ont longuement été étudiées, ont fait l’objet de trois rapports complémentaires de la part du bureau d’études spécialisées en hydraulique. Les résultats ont été analysés en détails, les services vaudois et valaisans, les services de la Confédération confirment l’acceptabilité du projet étant donné que toute extraction éventuelle ne sera acceptée qu’après des crues rares ; les autorités cantonales concernées ainsi que MBR acceptent la question du charriage. Nous rendrons notre détermination le 9 décembre. Cette dernière apportera son soutien à cet important projet. Nous espérons pouvoir parvenir rapidement au bout des procédures administratives. 

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est close.

Le rapport du Conseil d’Etat est approuvé à l’unanimité.

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