22_INT_169 - Interpellation Joëlle Minacci et consorts au nom Ensemble à gauche & POP - Sortir la protection de l’enfance de la gestion de l’urgence (Développement).

Séance du Grand Conseil du mercredi 14 décembre 2022, point 17 de l'ordre du jour

Texte déposé

Dans un article daté du 24 octobre 2022 (1), la RTS met en lumière différentes problématiques rencontrées dans le domaine de la protection de l’enfance. Les conditions d’accueil et d’accompagnement d’enfants vivant des situations familiales difficiles dans le Canton sont inquiétantes et méritent que le Conseil d’Etat y accorde une attention particulière.

 

En effet, les structures d’accueil sont saturées. Il manque des places dans tous les cantons romands, dans les foyers d’accueil à moyen-long terme, les foyers d’urgence et les familles d’accueil. Des mineurs se retrouvent ainsi sur des listes d’attente, parfois pendant plusieurs mois, dans un contexte familial dégradé et qui nécessiterait que ces enfants soient placés. Toujours selon la RTS, la pandémie du COVID-19 a provoqué une augmentation des situations familiales délicates et des états de détresse psychologique chez les mineurs. Même situation d’engorgement pour les familles d’accueil, ce qui avait conduit Vaud, Genève, Valais et Neuchâtel à mener une campagne de recrutement de nouvelles familles en 2021 (2).

 

En parallèle, les conditions de travail du personnel éducatif se sont, selon la RTS, détériorées, à tel point que les structures ont des difficultés à recruter des éducatrices et des éducateurs formés: pénibilités des horaires de travail, sous-effectifs, augmentation du nombre de burn-out, salaires vaudois en deçà de ceux proposés dans la plupart des autres cantons. Les syndicats sont inquiets, soulignant que les éducatrices et éducateurs se retrouvent à gérer des problèmes d’urgence qui les empêchent d’entrer dans un réel accompagnement des familles. L’augmentation des exigences de qualité des prestations ne s’accompagne pas des moyens nécessaires pour y répondre. À défaut d’améliorer le suivi et la protection des enfants menacés dans leur développement, ces nouvelles exigences augmentent encore la pression déjà accrue sur le personnel de la DGEJ et sur les structures d’hébergement. Confrontés à l’impossibilité de mener leur mission à bien, à l’absence de ressources, de places disponibles, de temps pour suivre chaque situation, ces professionnels subissent les pressions de leur hiérarchie, de la justice, du réseau et des familles avec la crainte de l’erreur, de l’omission grave, dont ils porteront seuls la responsabilité.

 

Dans le canton de Vaud, rappelons que la protection de l’enfance a été ébranlée par l’affaire dite “Rouiller”. Le rapport issu de cette affaire mettait en avant des carences dans les moyens à disposition de la DGEJ et dans les outils de suivis et les prestations. Cette situation et l’échec du SPJ (devenu la DGEJ) à protéger des enfants pourtant suivis a choqué la population. Mais malgré les engagements politiques annoncés et les réorganisations qui ont suivi, il apparaît aujourd’hui que les moyens donnés pour l’accompagnement des situations de protection de l’enfance sont toujours insuffisants. En 2021, le personnel de la DGEJ avait dénoncé une situation de crise par la voix du syndicat SSP et alerté sur la nécessité que les moyens octroyés à la protection de l’enfance soient alignés sur les exigences de qualité et les engagements pris à la suite du Rapport Rouiller. Le personnel dénonçait des recommandations pour la plupart non mises en œuvre ou dotées insuffisamment en termes de moyens et leur crainte de voir de nouveaux drames survenir.

 

Actuellement, les moyens en personnel mais aussi en termes de prestations ne permettent pas d’intervenir en amont des situations d’urgence, d’éviter la dégradation des situations familiales, d’offrir un accompagnement adapté aux familles dès la détection des situations à risque ou encore d’offrir au corps professionnel des conditions de travail qui leur permette de tenir dans ce métier sur la durée. Souvent, l’absence de places disponibles ou simplement de temps à disposition pour entendre et suivre les familles conduisent à des dégradations des situations au détriment des enfants et vont parfois pousser les professionnels à prendre plus tard des mesures plus contraignantes, délétères pour les familles et clairement plus coûteuses.

 

En regard de ces différents constats, je me permets de formuler au Conseil d’Etat les questions suivantes: 


 

1. En moyenne, et sur une année, combien de mineurs sont en attente de mesures (hébergement ou ambulatoires, Espaces contacts, AEMO) sur le Canton et quelle est la durée des délais?

 

2. Outre le nombre de places existantes, y a-t-il d’autres facteurs qui expliquent ces attentes (par exemple, des situations complexes/dégradées qui mettent en difficulté les foyers, une augmentation des troubles psychologiques et des problématiques combinées pour une même situation familiale, etc.) ?

 

3. Qui porte la responsabilité des conséquences sur l’enfant, son développement, sa santé et sur sa famille lorsqu’une mesure n’est pas mise en œuvre ou tardivement faute de moyens, de la priorisation à faire en fonction des demandes et selon quels critères ?

 

4. Quels sont les effets de ces temps d’attente pour qu’une famille ait accès à des prestations de soutien, et des mineurs une place en foyer, sur les situations familiales et sur la manière dont le corps professionnel peut répondre à ces situations (par exemple, renoncement à demander un droit de garde à la Justice sachant le manque évident de places et donc de faisabilité du projet) et quelles en sont les conséquences (sur le développement des enfants, sur le coût économique à cet engorgement des prestations, par exemple, en termes d’hospitalisations sociales faute de place en foyer)?

 

5. Comment se chiffre actuellement la pénurie de personnel éducatif dans les institutions (arrêts maladies, départs, places non repourvues, pourcentage de personnel formé et non formé, équipes incomplètes, utilisation de remplaçant.e.s, d’intérimaires, etc. )? 

 

6. Quel est le salaire moyen des différents corps professionnels au sein de ces institutions (éducatrices et éducateurs sociaux, intendant.e.s, cuisinier.ère.s, personnel administratif, etc.) et quel est le salaire moyen dans les cantons limitrophes? 

 

7. Quelles pistes et solutions le Conseil d’Etat envisage-t-il pour améliorer les conditions d’accueil et d’accompagnement des mineurs et des familles, ainsi que les conditions de travail du corps professionnel afin d'améliorer l’attractivité de ces postes dans l’hébergement des mineurs et attirer un personnel qualifié et compétent ?

 

 

(1) https://www.rts.ch/info/regions/13487521-la-suisse-romande-manque-de-places-daccueil-pour-les-jeunes.html

 

(2) https://www.rts.ch/info/suisse/12494029-une-campagne-pour-recruter-des-familles-daccueil-en-suisse-romande.html

Conclusion

Souhaite développer

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Pierre FonjallazVER
Sylvie Pittet BlanchetteSOC
Vincent BonvinVER
Kilian DugganVER
Hadrien BuclinEP
Sylvie PodioVER
Claude Nicole GrinVER
Géraldine DubuisVER
Thanh-My Tran-NhuSOC
Sandra PasquierSOC
Nathalie JaccardVER
Didier LohriVER
Elodie LopezEP
Nicola Di GiulioUDC
Céline MisiegoEP
Théophile SchenkerVER
Monique RyfSOC
Yannick MauryVER
Nicolas BolayUDC
Muriel ThalmannSOC
Cendrine CachemailleSOC
Julien EggenbergerSOC
Alexandre DémétriadèsSOC
Sébastien PedroliSOC

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Joëlle Minacci (EP) —

Je déclare mes intérêts passés et récents : j’ai été pendant onze ans éducatrice sociale et responsable d’unité dans une institution vaudoise financée par l’Etat de Vaud accueillant des enfants placés par la Direction générale de l'enfance et de la jeunesse (DGEJ) et le Service des curatelles et des tutelles professionnelles (SCTP), poste que j’ai quitté il y a quelques mois. Je me permets de déposer cette interpellation à la suite de la parution d’un article de la RTS le 24 octobre qui met en lumière différentes problématiques rencontrées dans le domaine de la protection de l’enfance et qui vient aussi apporter des éléments complémentaires à mon amendement déposé hier sur la politique socio-éducative.

En effet, les structures d’accueil sont saturées. Il manque des places dans tous les cantons romands, dans les foyers d’accueil à moyen et long terme, les foyers d’urgence et les familles d’accueil. Des mineurs sont ainsi sur des listes d’attente parfois pendant plusieurs mois dans un contexte familial dégradé qui nécessiterait leur placement. La pandémie du COVID-19 a provoqué l’augmentation des situations familiales délicates et des états de détresse psychologique chez les mineurs. En parallèle, les conditions de travail du personnel éducatif se sont détériorées à tel point que les structures ont de la difficulté à recruter des éducatrices et éducateurs formés en raison de la pénibilité des horaires de travail, des sous-effectifs, de l’augmentation du nombre de surmenages et des salaires vaudois en deçà de ceux proposés dans les autres cantons. Cela a été rappelé hier par M. le conseiller d’Etat Venizelos.

Par ailleurs, les éducatrices et éducateurs se retrouvent à gérer les problèmes d’urgence qui les empêchent d’entrer dans un réel accompagnement des familles. Dans le canton de Vaud, la protection de l’enfance a été ébranlée par l’affaire dite Rouiller. Le rapport de ce juge mettait en avant des carences dans les moyens à disposition de la DGEJ et dans les outils de suivis et les prestations. Cette situation et l’échec du Service de la protection de la jeunesse (SPJ) devenu la DGEJ à protéger des enfants pourtant suivis a choqué la population. Malgré les engagements politiques annoncés et les réorganisations qui ont suivi, il apparaît aujourd’hui que les moyens alloués pour l’accompagnement des situations de protection de l’enfance restent insuffisants. En 2021, le personnel de la DGEJ avait dénoncé une situation de crise par la voie du Syndicat des services publics (SSP) et alerté quant à la nécessité que les moyens octroyés à la protection de l’enfance soient alignés sur les exigences de qualité et les engagements pris à la suite du rapport Rouiller. En effet, l’augmentation des exigences de qualité de prestations ne s’accompagne pas des moyens nécessaires pour y répondre. A défaut d’améliorer le suivi des enfants menacés dans leur développement, ces nouvelles exigences augmentent encore la pression déjà accrue sur le personnel de la DGEJ et les structures d’hébergement. Confrontés à l’impossibilité de mener leur mission à bien, à l’absence de ressources, de places disponibles et de temps pour suivre chaque situation, les professionnels subissent les pressions de leur hiérarchie, de la Justice, du réseau et des familles, avec la crainte de l’erreur et de l’omission grave dont ils porteront seuls la responsabilité.

Finalement, l’absence de places disponibles ou simplement de temps à disposition pour entendre et suivre les familles conduit à la dégradation des situations, au détriment des enfants, ce qui va parfois pousser les professionnels à prendre plus tard des mesures plus contraignantes, délétères pour les familles et plus coûteuses. C’est la raison pour laquelle je me permets de formuler quelques questions au Conseil d’Etat par le biais de cette interpellation pour que nous puissions bénéficier d’informations précises sur les conditions d’accompagnement et de travail des professionnels. Je remercie d’avance le Conseil d’Etat pour ses réponses.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

L’interpellation est renvoyée au Conseil d’Etat qui y répondra dans un délai de trois mois.

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