21_REP_147 - Réponse du Conseil d'Etat au Grand Conseil à l'interpellation Florence Bettschart-Narbel et consorts au nom Groupe PLR - Orthographe rectifiée: une simplification démocratique? (21_INT_88).

Séance du Grand Conseil du mardi 15 février 2022, point 18 de l'ordre du jour

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Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Florence Bettschart-Narbel (PLR) —

Tout d’abord, je tiens à remercier le Conseil d’Etat pour sa réponse à mon interpellation. Je ne serai pas très longue, puisque j’ai aussi déposé une motion à ce sujet, motion qui sera bientôt traitée par une commission. Nous aurons donc l’occasion de revenir sur ce sujet. Néanmoins, je suis satisfaite de lire que le canton de Vaud est celui qui a émis le plus de réserves face à cette réforme et a demandé un moratoire. Je suis aussi satisfaite de lire que certains points de cette réforme ne sont pas de véritables simplifications, avis que je partage. En revanche, je regrette fortement – en tant que membre de la Commission interparlementaire de la convention scolaire romande – que notre commission, alors qu’elle siégeait le 10 mai, n’ait pas du tout été saisie d’un point à l’ordre du jour sur cette réforme qui aurait au moins permis d’obtenir certaines explications, ou en tout cas d’en discuter. Je regrette que nous ayons dû mettre ce point à l’ordre du jour de notre séance suivante, séance qui a eu lieu après l’annonce de la réforme. Je regrette cette manière de faire : je pense que la Commission interparlementaire ne doit pas simplement être une chambre d’enregistrement, elle doit aussi pouvoir être consultée en amont sur les projets de la Conférence intercantonale de l'instruction publique de la Suisse romande et du Tessin (CIIP). C’est une demande que je ferai dans le cadre de la commission qui va bientôt avoir lieu. En attendant, je remercie le Conseil d’Etat pour sa réponse et je ne déposerai pas de détermination.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Pierre Zwahlen (VER) —

Je dois dire que la lecture de la réponse du Conseil d’Etat est très édifiante : on prend la mesure du processus conduit depuis 1990. C’est déjà à la fin de l’année 1990 que l’Académie française admet les deux types d’orthographe ; elle accorde donc une légitimité académique à l’orthographe rectifiée. C’est en 1996 que la Conférence romande des directrices et directeurs de l’instruction publique prend la décision de principe de l’orthographe rectifiée. Il y a donc 26 ans de cela, si je compte bien. En 2008, la Belgique s’aligne sur cette forme orthographique. La France s’y met clairement en 2015 et, aujourd’hui, l’ensemble des correcteurs d’orthographe automatiques sur nos ordinateurs ont intégré ces formes orthographiques. Personnellement, je l’ignorais et j’en suis particulièrement heureux. J’étais aussi content d’apprendre que les principaux dictionnaires ont désormais intégré l’orthographe rectifiée. Le Dictionnaire de l’Académie française, bien sûr, le Dictionnaire d’orthographe et de difficultés du français, le Dictionnaire Hachette, le Nouveau Petit Robert, le Petit Larousse illustré et je vous passe le Dictionnaire officiel du Scrabble.

L’interpellation et la motion de Florence Bettschart-Narbel apparaissent dans ce cadre comme un combat d’arrière-garde. Je crois qu’il faut en prendre toute la mesure. L’argumentation du Conseil d’Etat est forte, et elle nous convainc davantage encore – si c’était possible – que cette décision opérationnelle désormais dans les nouveaux moyens d’enseignement sur l’orthographe rectifiée est tout à fait juste et sensée. Je rappelle qu’elle ne concerne que 4‰ des termes utilisés dans les textes et autres communications.

J’admets pourtant une chose : je trouve aussi que la communication a été abrupte et je l’ai d’autant plus ressentie à la lumière des informations pertinentes données par le gouvernement. Je trouve également que la Commission interparlementaire de contrôle aurait pu être informée, peut-être avec la qualité de l’argumentation qui nous est soumise aujourd’hui par le Conseil d’Etat. Cela nous aurait évité un joli psychodrame parlementaire sur le sujet. Cette remarque sur l’information des commissions interparlementaires ne concerne pas seulement la Commission sur la convention scolaire romande. Nous constatons que, dans ce domaine, l’information passe souvent mal, que les ministres considèrent que ces commissions doivent être informées après-coup, qu’elles peuvent poser quelques questions pour se convaincre des décisions prises. Non, mesdames et messieurs les conseillères et conseillers d’Etat qui siégez dans les conférences romandes ou de Suisse occidentale, vous avez des partenaires parmi les élus que vous pouvez davantage informer aux moments opportuns. Sur ce sujet, et cela fera certainement plaisir à notre collègue Philippe Vuillemin, je déclare mes intérêts : aux examens du certificat secondaire, j’avais commis le meilleur résultat du collège en français I, soit les examens d’orthographe et de grammaire. C’était quelques jours avant de faire la critique d’une école élitiste – à l’époque –, c’était un certain 28 mars, il y a 50 ans, en notre bonne Cathédrale de Lausanne.

M. Philippe Vuillemin (PLR) —

Comme j’avais émis quelques propos un peu aigres lors du développement de cette motion, j’ai eu du plaisir à lire la réponse du Conseil d’Etat, surtout dans son préambule qui, comme le souligne mon collègue Zwahlen, dans le sens d’une meilleure communication, est tout à fait exemplaire. Je relève une phrase qui m’a intéressé : « De même, il est surprenant de suggérer que la nouvelle orthographe conduira au retrait des textes de Corneille des programmes scolaires pour cause de trop grande complexité. La vérité est qu’on ne lit plus depuis longtemps Corneille dans son texte d’origine du 17e siècle. L’orthographe classique utilisée dans les éditions (…) ». Evidemment, il faut accepter que les choses changent. L’un des meilleurs exemples se trouve dans la Bible dite de Genève de 1559 qui a dû complètement être revue complètement par Ostervald en 1742, parce que, à cette époque, on n’arrivait pas à lire la Bible de 1559. Il en va ainsi de la langue française. Ce qui compte, c’est que les nouvelles générations soient élevées dans ce que l’on considère, à son époque, comme étant souhaitable, mais que l’on ne renie pas ce qui a été écrit avant, surtout dans sa forme. Cela pose tout le problème, pour les quelques élèves intéressés, de leur faire lire l’ancien français, parce qu’il faut reconnaître que cela peut être particulièrement savoureux de lire certains textes en ancien français. Dès lors, il faut savoir leur faire connaître l’orthographe d’autrefois pour apprécier des textes de François Villon ou de Mme Labé. C’est une longue route qui attend ma petite fille pour apprendre le français autrement que son grand-père. Quant à moi, je vais bénéficier de ce que j’ai appris et qui me permet de lire les textes à travers le siècle.

Mme Cesla Amarelle — Conseiller-ère d’Etat

Sur le fond, je tiens à rappeler que l’on parle de modifications qui ne représentent que 0,4 % des mots utilisés par la langue française. Comme vous le savez, la Suisse était plutôt en retard sur ce sujet, comparativement à d’autres pays comme la Belgique ou la France qui avaient adopté ces principes il y a déjà plusieurs années. Il s’agit donc d’un effort d’harmonisation qui va dans le sens, non pas d’appauvrir, mais de simplifier quelques règles orthographiques.

Sur la forme, j’ai bien pris note des propos de Mme Bettschart-Narbel. Je tiens tout de même à rappeler que, dans la réponse à son interpellation, au cinquième paragraphe de la page 3, il est bien indiqué que la Convention scolaire romande octroie à l’assemblée plénière de la CIIP – l’organe suprême de la Conférence intercantonale – toute la compétence de mener une telle réforme. Dès lors que l’on respecte les compétences des uns et des autres dans la convention, je ne comprends pas comment la commission parlementaire pourrait se considérer comme une chambre d’enregistrement par rapport à des compétences qui ont été respectées d’un côté comme de l’autre. Madame la députée, je concède que la CIIP devra peut-être faire un certain effort en ce sens, chaque fois qu’il y aura une réforme de ce type. Néanmoins, pour des moyens d’enseignement du français, il a été considéré – et tous les juristes vous le diront – que cela relève de la pleine et entière responsabilité et compétence de l’assemblée plénière de la CIIP de pouvoir opérer ce processus de réforme. Dans le cadre de la commission qui aura lieu, je pense avoir une discussion sur la manière dont les uns et les autres interprètent leurs compétences. Du point de vue juridique, c’est tout à fait clair. C’est la raison pour laquelle je vous invite à ne pas considérer que la commission parlementaire est une chambre d’enregistrement, puisque l’assemblée plénière de la CIIP n’a fait qu’agir dans le périmètre de ses compétences propres. C’est à la fois la Convention scolaire romande qui le consacre, l’article 5 des statuts de la CIIP, et ce que l’on peut entendre et interpréter de l’accord intercantonal sur l’harmonisation de la scolarité obligatoire.

Voilà ce que je voulais dire dans l’immédiat. Je voulais aussi vous informer que le Parlement jurassien a classé – en décembre dernier et une fois les éclaircissements similaires reçus – une motion qui portait sur ce sujet.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est close.

Ce point de l’ordre du jour est traité.

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