21_RAP_21 - Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur le postulat Philippe Randin et consorts - Etre accueillante en milieu familial ne doit pas relever du sacerdoce (11_POS_287).

Séance du Grand Conseil du mardi 8 février 2022, point 22 de l'ordre du jour

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M. Felix Stürner (VER) — Rapporteur-trice

Le postulat de Philippe Randin contenait deux demandes :

  • La mise en place, sous l’impulsion du canton, d’une convention collective de travail (CCT) pour ce secteur d’activité ;
  • Un état des lieux sur les accueillantes en milieu familial (AMF) – autrefois appelées « mamans de jour ».

Pour le premier point, sous l’impulsion de la conseillère d’Etat et de la cheffe de l’Office de l’accueil de jour des enfants (OAJE), les conditions du dialogue social ont été favorisées et une solution a été trouvée avec la signature d’une CCT pour le secteur de l’accueil collectif de la petite enfance. En ce qui concerne le deuxième point, beaucoup de choses ont changé depuis la création de la Fondation pour l’accueil de jour des enfants (FAJE), en 2012. C’est ainsi que la modification de la Loi sur l’accueil de jour des enfants (LAJE) a notamment permis aux AMF d’être engagées sur la base d’un contrat de travail de droit privé ou public ; d’être affiliées à une structure de coordination mise en place par une commune ou une association de communes.

Toujours dans la perspective d’un état des lieux, une étude réalisée en 2016 par la Haute Ecole de travail social et de la santé (HETSL, ex-EESP) a établi que la plupart des AMF ont un taux d’activité se chiffrant en moyenne à 80 %. Il ne s’agit donc pas d’une activité accessoire, mais bien d’un revenu principal, autrement dit il y a une tendance à la professionnalisation. Par conséquent, il est important de renforcer l’appui aux AMF, pour éviter que cette profession peu valorisée ne subisse un désintérêt. En septembre 2019, une table ronde a réuni les diverses actrices et acteurs concernés par la problématique – AMF, parents, coordinatrices et coordinateurs, etc. – et, au terme de celle-ci, plusieurs solutions ont été identifiées, notamment : revaloriser le secteur, en instaurant par exemple un salaire minimum ; mieux connaître les conditions de travail des AMF et renforcer le cadre pédagogique ainsi que la formation en valorisant leurs compétences ; harmoniser les pratiques, en particulier grâce à un cahier des charges commun des coordinatrices et coordinateurs ; et améliorer l’articulation ainsi que les synergies entre l’accueil familial et l’accueil collectif de jour.

A l’issue de travaux menés par un groupe constitué par l’OAJE, de nouvelles directives vont prochainement entrer en vigueur, comme le renforcement des missions pédagogiques des coordinatrices et des coordinateurs, l’augmentation du taux d’encadrement des AMF ou encore l’élaboration d’un concept pédagogique ainsi que la prise en considération accrue des aspects en lien avec la sécurité. Les concepts pédagogiques traiteront, entre autres, des éléments suivants :

  • Mieux développer les compétences relationnelles, éducatives et communicationnelles ;
  • Posséder des références théoriques sur les besoins des enfants, par exemple en matière de soins ou de stades du développement ;
  • Renforcer quelques repères, puisqu’il y a désormais une plus grande diversité dans les organisations familiales ;
  • Prendre soin de soi et de sa famille – mettre des limites, trouver ses propres repères.

Finalement, la FAJE a également décidé de basculer vers un système de financement de la masse salariale des AMF, et ce à hauteur de 8 % des montants assumés par les réseaux.

Lors de l’examen point par point du rapport, différents éléments ont encore été soulignés, notamment en ce qui concerne l’organisation de l’accueil familial de jour dans le canton de Vaud. Des voix ont jugé que vingt-quatre heures de formation étaient insuffisantes pour traiter toutes les problématiques relatives à l’activité d’accueil familial de jour, alors que d’autres les ont jugées suffisantes et incitatives. Il a été répondu que l’aspect formation fait actuellement l’objet d’une réflexion au sein de l’Etat dans le but de solidifier les formations de base et continues. Il a également été précisé que l’exposition aux écrans des enfants constitue une vive préoccupation, puisqu’elle se retrouve dans les directives cantonales entrées en vigueur le 1er septembre 2021. Au sujet des langues pratiquées par les AMF, il a été précisé que les directives cantonales exigent des AMF qu’elles doivent avoir la capacité de s’exprimer en français. De plus, un certain nombre de parents souhaitent que leur enfant ait la possibilité de parler une autre langue étrangère auprès d’une AMF, afin de favoriser le bilinguisme. De telles expériences sont donc possibles au gré des opportunités du terrain. En matière d’accident et/ou de mauvaise réaction, il a été spécifié que la structure de coordination assurait la défense et les frais de justice.

Au sujet des liens entre accueil familial et accueil collectif de jour, il est précisé que des expériences intéressantes se mettent en place par exemple dans un réseau qui exige que chaque accueillante passe, dans le cadre de la formation de base, deux demi-journées au sein d’une structure d’accueil collectif au titre de stagiaire en vue d’observer une prise en charge collective. Au chapitre des formations continues qui sont ou seront organisées, il est indiqué qu’elles seront présentées sous l’appellation « rencontres de soutien » par la Communauté d’intérêt pour l’accueil familial de jour (CIAFJ), qui se charge également des cours d’introduction – huit soirées, de 19h à 22h, pour un total de vingt-quatre heures de formation. Au demeurant, des permanences peuvent facilement être organisées entre coordinateurs et coordinatrices dans les grandes structures, alors que l’Etat exige, dans les nouvelles directives, que les plus petites instaurent des procédures en cas d’urgence.

En matière de répercussions financières, les communes n’auront pas à délier leur bourse, puisque c’est principalement l’Etat ainsi que les employeurs qui se chargent du financement. Finalement, la possibilité pour l’OAJE d’édicter un référentiel de compétences dans les structures de coordination et pour les AMF qui souhaitent exercer à titre d’indépendantes est évoquée. Au vote et à l’unanimité des membres présents, la commission recommande au Grand Conseil d’accepter le rapport du Conseil d’Etat.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est ouverte.

Mme Claire Attinger Doepper (SOC) —

Depuis la dénomination plus populaire et connue de maman de jour qui était le seul vocabulaire reconnu par les familles pour ce type d’accueil, l’eau a coulé sous les ponts. En effet, avant 2012, le secteur des mamans de jour était organisé librement, c’est-à-dire que les parents payaient de main à main, avec des variations de salaire indéfendables. Aujourd’hui, les contrats de travail sont de la responsabilité des communes ou des réseaux, les accueillantes en font partie, le contrôle et la coordination excluent tout travail au noir. La qualité de l’accueil s’est largement améliorée, le taux d’activité répond aux besoins spécifiques des parents avec des horaires irréguliers. Le taux d’activité moyen de 80 % par accueillante est devenu une ressource principale et non plus complémentaire pour beaucoup d’entre elles.

Désormais, de nouvelles directives vont entrer en vigueur, telles que le renforcement des missions pédagogiques des coordinatrices ou encore l’élaboration d’un concept pédagogique. Cela va aussi dans le sens d’une professionnalisation de cette activité et d’une plus forte reconnaissance de la part du public et des familles concernées. Ces mesures ont un effet durable sur la qualité de la prise en charge des enfants et on peut ainsi être rassuré de voir que les conditions des AMF se sont améliorées pour le bien de nos enfants. Mon collègue Philippe Randin, l’auteur du postulat, est satisfait de la réponse donnée. Je vous remercie donc de soutenir cette réponse et je félicite le Conseil d’Etat pour s’être penché sur cette question ainsi que d’avoir favorisé la valorisation de cette profession indispensable et complémentaire aux autres institutions d’accueil de jour.

M. Jean-Rémy Chevalley (PLR) —

Le postulat de notre ex-collègue Randin a été déposé en 2012. En 2016, le Conseil d’Etat a fourni une réponse intermédiaire qui a été adoptée par le Grand Conseil au mois de janvier 2017. Nous disposons désormais du rapport final répondant aux questions posées en lien avec la problématique des mamans de jour. Cela a pris dix ans, mais il était important que l’on prenne ce temps pour établir et communiquer ce rapport au Grand Conseil. En effet, nous avons du recul et nous avons pu constater une évolution positive dans ce milieu. De plus, une étude de 2016 a permis de corriger certains points ainsi que d’apporter des solutions. Nous allons désormais dans le bon sens avec les AMF. Bien que l’on constate une légère diminution du nombre d’accueillants ou accueillantes, il y a également une augmentation du nombre de places et cela est dû à une professionnalisation qui se met gentiment en place et qui permet à un accueillant ou accueillante de prendre plus d’enfants à charge dans l’accueil en milieu familial. Pour ma part, je suis satisfait de ce rapport positif, très fouillé, qui nous donne toutes les indications et répond de manière claire et précise au postulat déposé il y a dix ans. Je vous invite à accepter ce rapport.

M. Julien Cuérel (UDC) —

J’ai bien écouté la lecture du rapport indiquant que l’on tend vers une professionnalisation et qu’il n’y aura pas d’augmentation de coût. Je pense toutefois le contraire, étant persuadé que les coûts augmenteront et que cela sera à la charge des parents, des communes et de l’Etat qui devront payer plus. Il faut souligner cet aspect. J’ai participé à la table ronde évoquée dans le rapport et je déclare mes intérêts : je suis syndic d’une petite commune et je ne fais dès lors pas partie d’une grande ville où le système et les besoins sont différents. En outre, je suis responsable du réseau d’accueil de jour de Baulmes – petit réseau, petite commune. Avec le Covid, nous avons constaté que beaucoup d’AMF souhaitaient se professionnaliser en vue d’obtenir un revenu assuré et donc une certaine stabilité. La crise du Covid a d’ailleurs démontré que, dans certaines régions, certaines AMF s’étaient retrouvées sans revenu, ce qui pose de gros problèmes et je peux donc comprendre que ces personnes réclament une stabilité financière. Dans ce sens, je comprends tout à fait le besoin de professionnalisation des AMF.

Toutefois, il est actuellement impossible d’avoir des AMF ainsi que des dépannages dans toutes les régions du canton et il ne faut pas l’oublier. Dans les régions excentrées et les petits villages, il ne faut pas oublier que, dans le cadre de la mise en place de structures pour la garde d’enfants, les parents n’ont d’autre choix que de faire garder leur enfant par un voisin ou encore un ami. Or, cela est impossible, car on le leur interdit et ils ont l’obligation de passer par un réseau d’accueil de maman de jour, par une coordinatrice s’il s’agit d’une AMF, et c’est à la société de trouver une solution. Nous avons pu constater qu’il existe, dans nos régions, des personnes qui n’ont pas besoin de devenir des AMF ou encore d’avoir une stabilité financière et des revenus professionnels, mais qui gardent des enfants pour aider et pour dépanner des voisins ou une famille du village. On ne doit pas oublier ces personnes et il faut trouver un système permettant aux AMF de dépanner les familles ainsi que les réseaux de jour lorsqu’ils sont pleins ou en cas d’urgence. Ces personnes ne doivent pas forcément être des professionnelles, car elles n’ont pas besoin d’une stabilité financière. Il ne s’agit pas pour elles d’en faire leur métier, mais bien de dépanner leurs voisins ou des amis. Il faut penser à ces personnes, car, si les villes n’en ont pas la nécessité, les villages en ont par besoin, en revanche ; il ne faut pas l’oublier.

Mme Nuria Gorrite (C-DCIRH) — Président-e du Conseil d’Etat

Je remercie les députés pour leur déclaration quant à ce rapport important de la situation des AMF, dont on s’aperçoit que leur activité est en réalité loin d’être un passe-temps. Ces personnes ont en effet décidé d’exercer d’un vrai métier. C’est un métier difficile que celui d’accueillir des enfants de tiers à domicile, dans un collectif d’enfants, dans des situations qui ne sont pas tous les jours faciles et qui nécessitent une plus grande professionnalisation. Cette professionnalisation constitue d’ailleurs une aspiration et demande légitime de la part des AMF, dont les questions financières ont été au cœur des débats. Vous aurez d’ailleurs constaté que la FAJE a décidé d’augmenter la subvention au réseau, ce dont nous nous réjouissons, pour faire évoluer ces situations vers une plus grande professionnalisation et reconnaissance de ces métiers.

Concernant la question – ou les affirmations, car il y en a eu beaucoup – de M. Cuérel au sujet des petites communes, il y a certes de petites, moyennes et grandes communes dans ce canton, mais la situation des enfants reste la même, qu’ils soient domiciliés à Lausanne ou à Baulmes, et celle-ci nécessite la même prise en charge, raison pour laquelle les réseaux d’accueil sont organisés et répondent aux principes fixés par une ordonnance fédérale. L’ensemble des communes de ce pays doivent se conformer à cette ordonnance, car cela permet de garantir que les enfants confiés à des tiers le sont en toute sécurité.

Quant à la différence qui existe entre confier son enfant ponctuellement à un voisin qui rendrait service et exercer le métier d’AMF, on se rend bien compte que cela n’est pas du tout la même chose. En effet, les différences se portent sur la régularité de la prise en charge ainsi que sur le financement. L’ordonnance fédérale est extrêmement claire sur ce point : vous pouvez continuer à confier vos enfants à des voisins ou aux grands-parents parce que ceux-ci ne sont pas rémunérés de manière régulière et permanente, cet accueil n’est ainsi pas régi par l’ordonnance fédérale. La grande différence vient du fait que, lorsqu’un contrat est conclu pour garder un enfant contre rémunération, il devient obligatoire de respecter les conditions fixées par l’ordonnance fédérale, et ce pour garantir que les parents puissent confier en toute sécurité et tranquillité leurs enfants à des tiers. Je rappelle que, dans le Canton de Vaud, plus de 75 % des mères travaillent, que ce soit à temps plein ou à temps partiel. Dans ce contexte, l’accueil familial de jour joue un rôle déterminant et essentiel pour, d’une part, les nombreuses familles qui ont notamment des horaires de travail irréguliers et qui ne peuvent de fait pas confier leurs enfants à des structures d’accueil ayant des horaires fixes et, d’autre part, les familles qui ont fait le choix de confier leurs enfants à des structures plus familiales. L’accueil de jour des enfants est ainsi enrichi par l’apport de ces professionnels.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est close.

Le rapport du Conseil d’Etat est approuvé à l’unanimité.

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