24_LEG_148 - EMPL Exposé des motifs et projet de loi modifiant la loi du 27 février 1963 concernant le droit de mutation sur les transferts immobiliers et l’impôt sur les successions et donations (LMSD) et rapport du Conseil d’État au Grand Conseil sur le postulat Julien Cuérel et consorts au nom Groupe UDC - Suppression de l’impôt sur les successions et les donations entre époux et en ligne directe descendante (23_POS_69) (2e débat).
Séance du Grand Conseil du mercredi 11 décembre 2024 (sans fin, si nécessaire), point 3 de l'ordre du jour
Documents
- Rapport de la commission - RC - 24_LEG_148_min._T. Schenker
- Texte adopté par CE - EMPD modifiant la LMSD et rapport du CE au GC sur le postulat J. Cuérel - suppression de l'impôt sur les successions et les donations entre époux et en ligne directe descendante
- Rapport de la commission - RC - 24_LEG_148_maj_F. Gross
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourDeuxième débat
Il est passé à la discussion du projet de loi, article par article, en deuxième débat.
Article premier. –
Art. 16. –
La minorité de la Commission des finances (COFIN) avait déposé un certain nombre d’amendements en premier débat. En deuxième débat, nous ne déposerons qu’un amendement à cet article 16. L’article 16 propose l’augmentation du seuil des donations en ligne directe qui sont complètement exonérées à 300’000 francs par enfant chaque année. La minorité propose donc un amendement de compromis qui a déjà été présenté en premier débat pour porter ce montant à 150’000 francs au lieu de 300’000 francs, ce qui permet quand même de donner une flexibilité supplémentaire par rapport à la situation actuelle, en limitant toutefois les montants qui échappent à l’impôt. Je vous remercie de soutenir cet amendement.
« Art. 16. – lit. cbis : sur les donations égales ou inférieures à
300’000150’000 francs par enfant dans la ligne directe descendante, cumulées dans le courant de la même année civile. Au-delà de ce montant, elles sont imposables sur l’intégralité de la prestation accordée à titre gratuit ; »
Comme l’a fait la majorité de la COFIN par 8 voix contre 7, je vous invite à refuser cet amendement. Je vous rappelle que nous sommes ici sur des augmentations de franchises, pour la ligne directe descendante, qui concernent l’imposition des donations et successions. Aujourd’hui, seuls trois cantons appliquent encore cette imposition. On ne nous propose pas de la supprimer, mais de l’assouplir : d’augmenter les seuils. Je le répète : nous parlons de la ligne directe descendante. Dès lors, je vous invite à refuser cet amendement qui ne va pas dans le sens proposé par le Conseil d’Etat. En effet, ce dernier souhaitait justement amener un peu plus de souplesse, mais également favoriser les donations du vivant.
L’amendement de la minorité de la commission est refusé par 72 voix contre 42 et 1 abstention.
Des trois amendements déposés au premier débat, je ne vais en conserver que deux. Le premier, à l’article 16, concerne un seuil de donations pour tenter de diminuer l’impact financier pour le canton. J’ai une question à poser à Mme la conseillère d’Etat ou à Mme la présidente de la COFIN : dans les 23 millions de diminution de rentrées fiscales sur les donations, l’impact sur l’impôt de la fortune a-t-il été inclus ? Savoir si cela a été le cas ou pas a tout son intérêt. En effet, avec ce régime de donations qui permet de libérer 300’000 francs par année et par enfant – ou petit enfant – nous arriverons à des sommes importantes qui toucheront obligatoirement l’impôt sur la fortune. Je ne vais pas faire des calculs – on me reproche souvent d’en faire trop – pour essayer d’expliquer ceci, mais je tiens à répondre aux arguments du premier débat. Le dépôt de l’amendement avait engendré un front de contestation de la part de Mme la présidente de la COFIN et de Mme la conseillère d’Etat à la suite de mes arguments de comparaison aux lois sur les donations en Suisse alémanique. En quelques secondes, elles avaient accusé ma proposition d’être fallacieuse. Je les incite à réécouter mes propos. A aucun moment, l’amendement que j’avais déposé ne remettait en question le montant proposé par le Conseil d’Etat ni une modification du principe d’exonération d’impôt en ligne directe. Leur fougue – utilisée pour essayer de contrer mon argumentation – n’a visiblement pas porté ses fruits. En effet, il est faux de prétendre que j’aurai dit que, dans les cantons, il y avait des limites pour les donations.
Mon amendement est technique : c’est un copier-coller des lois cantonales alémaniques. L’idée est de dire que, pour un même donataire, cette exonération ne doit être faite qu’une fois sur cinq ans. Dans le cas contraire, cela aurait des effets énormes sur l’impôt de la fortune que le canton encaisse. Il ne faut pas prendre cet amendement comme étant un frein à la donation, mais comme une protection pour le canton qui, par cette disposition, crée un appel d’air important pour les donations de personnes qui ont déjà les moyens de pouvoir offrir ces 300’000 francs sur les donations.
« Art. 16. – lit. cter (nouvelle) : Lorsqu’une personne reçoit à plusieurs reprises des libéralités d’une même personne, l’exonération du montant de ces libéralités n’est accordée qu’une seule fois sur une période de cinq ans. Cette règle est également valable lorsque les premières libéralités reçues n’ont pas été imposées conformément aux dispositions de la présente loi. »
J’illustre cela par un exemple : une personne possède 10 millions, elle paye un impôt sur cette fortune de 10 millions. En cinq ans, elle n’a plus d’impôt sur la fortune sur ces 10 millions et les gens qui ont bénéficié de ces montants ne payeront jamais l’impôt sur la fortune que nous aurions encaissé auparavant. Avec ce qui s’est passé hier lors du premier débat sur la fiscalité, le canton va se trouver dans une situation difficile. Les gens me regardent bizarrement, mais je peux leur faire la démonstration mathématique que, dans le cas d’une personne ayant une fortune de 10 millions et qui donnerait 1’500’000 francs par année sur cinq ans, l’impôt sur la fortune des donataires ne compense pas l’impôt sur la fortune de la personne qui possédait ces 10 millions. Cela est clair et net ! En plus de l’accord passé hier, pour une gestion saine du canton, sommes-nous encore prêts à offrir une diminution d’impôt ? Je vous remercie de bien vouloir soutenir cet amendement. J’ai essayé de ne pas faire trop de calculs pour vous expliquer ce qui se passe avec cet impôt sur la fortune.
Monsieur Lohri, avec ou sans fougue, je comprends très bien votre réflexion, même sans exemple chiffré. Il est évident que les seuils vont changer, d’autant plus si cette donation se fait sur plusieurs enfants en ligne directe descendante : ces enfants auront évidemment un montant moindre que si une personne l’avait donnée. Rappelez-vous toutefois que ces montants ont déjà été fiscalisés à de multiples reprises – certainement sur le revenu et sur la fortune – et qu’ils continueront à être fiscalisés sur la fortune, certes à des seuils différents selon le montant total de la fortune. Je peux comprendre cette réflexion. Toutefois, elle ne va pas dans le sens du Conseil d’Etat qui veut justement faciliter ces donations en ligne directe.
Monsieur Lohri, je pense que nous nous sommes mal compris lors du premier débat : j’ai bien compris que votre principe venait des cantons alémaniques, mais la cible n’est pas la même. Les cantons alémaniques connaissent ce principe que vous souhaitez mettre en place dans la loi vaudoise, mais pas pour la ligne directe descendante. Je le répète : la cible n’est pas la même. Dans les cantons alémaniques dont vous parlez, la cible ligne directe descendante ne paye pas d’impôt sur la donation. Elle en est totalement exonérée. Reprendre un principe, alors que les cibles ne sont pas les mêmes, je ne pense pas qu’il s’agit de quelque chose que l’on peut inscrire dans cette loi. Je vous invite à confirmer votre vote du premier débat afin de respecter ce que souhaite le Conseil d’Etat, c’est-à-dire favoriser les donations en ligne directe descendante.
Même si je respecte beaucoup M. Lohri, à mon avis, sa proposition ne fonctionne pas. Si vous faites une donation à une seule et même personne, il y aura effectivement une exonération sur cette donation, mais cette personne aura le même montant sur sa fortune et qui sera fiscalisé. Ce sont des vases communicants. Evidemment, cela peut changer dans le cas d’une donation à plusieurs enfants et si l’on diminue les seuils, mais pour une seule personne, on peut effectivement parler de vases communicants. Je pense que la proposition de M. Lohri est une fausse bonne idée et je vous invite à ne pas la suivre.
La seule modification qu’il y aura par rapport au prélèvement de l’impôt sur la fortune, c’est le taux qui sera moindre, suivant le montant donné. Monsieur Lohri, nous avons compris votre amendement, il n’est pas nécessaire de nous l’expliquer. Vous n’avez pas besoin de nous faire un cours de mathématiques. Monsieur Lohri, aujourd’hui, ces personnes peuvent payer leur impôt sur la fortune à un taux un peu plus bas lorsqu’elles sont bénéficiaires d’une donation. Elles peuvent utiliser ce montant pour faire fonctionner l’économie, cela permet aussi d’investir dans l’immobilier pour certaines familles. Monsieur Lohri, en un mot comme en cent, je ne veux pas de votre amendement !
S’il y a une institution qui vous suit de la naissance jusqu’à votre décès, ce sont bien les impôts. De toute façon, il est impossible d’échapper à l’impôt. Cela a été dit, cet argent a déjà été fiscalisé une première fois par l’impôt sur le revenu. Il est refiscalisé par l’impôt sur la fortune. Enfin, les descendants qui héritent d’une donation payeront à nouveau un impôt sur la fortune. Il est donc impossible d’échapper à l’impôt. Je vous demande de refuser cet amendement.
Tout le monde parle d’une double taxation. Dans les faits, si nous passons de 50’000 à 300’000 francs – ce qui est demandé aujourd’hui – l’économie d’imposition se monte à 7395 francs. Ce n’est pas un montant lourd à porter pour une personne qui reçoit 300’000 francs, parce que cet impôt est extrêmement faible. Parler d’une double taxation me parait complètement aberrant. Une personne qui aurait quatre enfants pourrait se faire exonérer à raison de 4 millions sur une succession. Cela ne parait pas du tout accessible à la majorité des gens. Pour cette raison, je pense que la moindre des choses serait de diminuer les années sur lesquelles se déroule cette possibilité d’exonération. En ce sens, je pense que cette proposition d’amendement est vraiment adéquate et je vous invite à l’accepter.
Je remercie ma préopinante pour ses propos. Concernant les remarques sur les taxations de la naissance jusqu’à la mort, je pense que c’est le côté émotionnel qui ressort – et je peux le comprendre. Mais ici, nous parlons sérieusement de la fiscalité vaudoise et de l’intérêt du canton. Je suis navré, mais l’intérêt du canton doit être le moteur de notre réflexion. Le Conseil d’Etat n’a pas le courage de dire qu’il est contre la fiscalisation des donations en ligne directe. Ce matin, je m’attendais peut-être à entendre une modification de la position de l’Etat, un amendement qui proposerait la défiscalisation de la donation – ce que toute la droite aimerait obtenir. Je ne sais pas s’il y a eu des négociations allant dans ce sens en coulisses ces derniers temps, mais je pense qu’il faut être raisonnable. Nous avons ergoté sur 1,2 million pour les curateurs, mais nous sommes prêts à lâcher 22 millions – plus l’impôt sur la fortune. Il faut un garde-fou. Gouverner, c’est prévoir. Si, en 2027, le peuple vaudois obtient 7% de déduction d’imposition, il faut que le canton garde « une poire pour la soif ». Cela peut justement se faire en limitant cet appel d’air que Mme Cherbuin vous a démontré, calculs à l’appui. Je le répète : en cinq ans, le canton va perdre une somme astronomique d’impôt sur la fortune, parce qu’il ne s’agit pas de vases communicants. Les taux sont complètement différents entre une personne taxée sur 10 millions et une personne taxée sur 1,5 million. Vous n’arriverez jamais à compenser la perte causée par cet appel d’air si vous passez le seuil à 300’000 francs dans cet article 16. Encore une fois : c’est un garde-fou pour le canton.
Je déclare mes intérêts : je devrais être de votre côté, mesdames et messieurs de la droite, parce que je fais partie de cette tranche de personnes qui ont hérité – l’article du 24heures d’aujourd’hui le dit bien. Je comprends l’argument qui dit que ces 300’000 francs pourraient aider des jeunes à acheter une maison, mais vous n’achetez pas une maison toutes les années. C’est là que réside le problème : il faut un garde-fou. C’est justement ce que propose cet article 16, lettre cter, qui limite et qui offre au canton la possibilité de chiffrer exactement les impacts de cette donation. Je ne vais pas retirer mon amendement, parce que je pense que nous devons avoir une saine discussion à ce propos ; nous ne pouvons pas continuer à jouer au chat et la souris. C’était ma dernière intervention.
J’ai déjà eu l’occasion de le dire la semaine précédente, dans ce débat, on nage en pleine confusion entre classe moyenne et contribuables fortunés. La révision qui nous est proposée ici ne cible absolument pas la classe moyenne, les personnes qui auraient un revenu médian autour de 6000 francs brut par mois ou une fortune médiane. Qu’en est-il de la fortune médiane ? Il faut rappeler que, dans le canton de Vaud, environ un quart des ménages ne déclare quasiment aucune fortune. Un autre quart des Vaudois déclare une fortune de moins de 60’000 francs. Il y a donc plus de la moitié des contribuables qui sont dans des catégories de fortune de 60’000 francs ou moins et qui ne sont donc absolument pas concernés par cette possibilité de donner 300’000 francs par an à leur enfant. Il s’agit bien d’une petite minorité de contribuables fortunés qui est concernée par cette possibilité de faire des donations exemptées d’impôts. Il est donc très trompeur de présenter cette réforme de l’impôt sur les successions et donations comme une réforme ciblée sur la classe moyenne. Au contraire, c’est une réforme ciblée sur une petite minorité qu’on peut qualifier de fortunée ou de bourgeoise – sans jugement de valeur. En ce sens, je pense que les amendements de MM. Schenker et Lohri permettent de limiter ce caractère très ciblé sur des personnes fortunées de cette révision fiscale.
J’aimerais aussi revenir sur le fond pour dire que, selon nous, l’impôt sur les successions en ligne directe est un impôt juste, dans la mesure où il impose un revenu pour lequel un contribuable n’a pas produit d’efforts, n’a pas travaillé. En ce sens, cet impôt reste beaucoup plus juste que l’impôt sur le revenu qui impose le revenu du travail qui est le fruit d’un effort. Rappelons que les personnes qui touchent une succession n’ont pas produit un travail, elles n’ont pas de mérite. De nombreux libéraux défendent cet impôt sur les successions au nom d’une philosophie du mérite. Selon cette dernière, il est juste qu’un revenu pour lequel on n’a pas travaillé soit davantage imposé que le revenu du travail. Pour toutes ces raisons, je vous invite à soutenir l’amendement de M. Lohri.
Madame la députée Cherbuin, je vous rejoins totalement : on ne peut pas parler d’une double imposition, mais d’une triple imposition. Cette somme est imposée lorsqu’elle est gagnée par l’impôt sur le revenu, puis quand elle est épargnée par l’impôt sur la fortune, puis lorsqu’elle est donnée soit par la donation ou par la succession. Je rappelle qu’augmenter nos seuils ramènera des impôts dans le canton, puisque certains Vaudois n’iront plus s’établir en Valais, comme cela a été le cas assez régulièrement ces dernières années. Nous devons suivre ce que font de nombreux autres cantons en Suisse.
Monsieur Buclin, nous n’avons effectivement pas la même définition de la classe moyenne, puisque de votre côté, à partir du moment où l’on arrive à vivre de son salaire sans faire appel au système social, on est classé parmi les personnes riches du canton. En ce sens, le groupe UDC vous propose de suivre le projet du Conseil d’Etat.
Le calcul effectué par M. Lohri me parait tout à fait correct. Je conçois aussi parfaitement ce qu’a dit M. Buclin : nous parlons d’une petite minorité de personnes. Cela dit, je pense quand même qu’il faut se poser la question d’une éventuelle baisse des revenus pour le canton. A mon avis, c’est un petit peu plus subtil que cela : il y aura probablement une baisse – vous avez raison avec vos calculs – mais les héritiers qui touchent une somme importante la réinvestissent souvent et font à leur tour marcher l’économie. Je pense qu’il faut faire un calcul plus global : l’argent reçu par les héritiers est souvent réinvesti. Ils ne vont pas le thésauriser, ce qui est souvent le cas lorsqu’il est conservé par des personnes plus âgées. En tenant compte du réinvestissement de cet argent dans le calcul, je pense que nous arrivons à une opération blanche. Je vous recommande donc de refuser la proposition de M. Lohri.
Comme vient de le dire notre collègue Vogel, ce calcul est théorique : il faut aussi tenir compte de l’espérance de vie. Une personne de plus de 80 ans va effectivement payer beaucoup d’impôts sur la fortune dans un premier temps, mais sur des années qui sont quand même relativement limitées compte tenu de son espérance de vie. Ses héritiers ou ses petits-enfants vont certes payer moins d’impôts, en cumul, sur la fortune que l’intéressée dans un premier temps, mais ils paieront cet impôt pendant tout le reste de leur vie, peut-être encore 40 ou 50 ans. On le voit, il s’agit d’un calcul extrêmement compliqué.
J’aimerais encore rappeler les chiffres donnés par Mme la conseillère d’Etat Dittli lors du premier débat : 0,7% des contribuables génèrent plus de 40% des revenus de l’impôt sur la fortune. Monsieur Buclin, ce sont les mêmes qui participent grandement, dans l’impôt sur le revenu, au revenu de l’impôt sur les personnes physiques. Donc ce sont ceux qui participent de façon prépondérante au paiement de toutes les cotisations sociales : AVS, subsides à l’assurance-maladie, j’en passe et des meilleurs. Que ces personnes aient finalement la possibilité de gérer leur héritage et leur succession parait ainsi relativement normal, étant rappelé que tout cet argent a déjà été fiscalisé une fois, deux fois, trois fois – ou encore quatre fois par la suite.
Tout à l’heure, on a parlé de l’intérêt du canton. Il se trouve que je fais partie de la génération des gens qui arrivent progressivement à la retraite. On le voit bien, les gens partent dans d’autres cantons lorsqu’ils veulent régler leur succession et qu’ils ont une fortune importante. C’est être complètement « hors sol » de le nier ou de ne pas le voir. Je pense que la proposition qui nous est faite a au moins le mérite de la simplicité. L’amendement est un peu pusillanime : il consiste à dire « je suis d’accord, mais il ne faudrait pas plus de cinq ans ». Les gens qui règlent leur succession ne savent pas combien de temps ils vont vivre, s’ils seront atteints d’une maladie plus ou moins grave ou plus ou moins importante. Dès lors, cette limitation de cinq ans n’a aucun sens. A la limite, je pourrais comprendre – même si je m’y opposerai évidemment – un amendement qui consisterait à cumuler le montant des donations sur un espace de cinq ans, mais ce n’est pas ce qui nous est proposé. Vous l’aurez compris, je vous invite dès lors à rejeter cet amendement
Notre collègue Buffat a dit ce que je voulais dire sur le fond. M. Lohri parlait de l’intérêt du canton. Effectivement, son intérêt est que les gens ne quittent pas le canton. Son intérêt n’est pas de savoir si c’est simplement une version mathématique, d’essayer de les taxer au maximum. Encore une fois, comme le dirait un autre collègue député : tant mieux si cette réforme est en faveur des personnes qui contribuent au fonctionnement du canton. Cet impôt est injuste puisque cet argent a déjà été fiscalisé. Il est étonnant de voir que les autres cantons l’ont très bien compris, mais que discutons encore de cette possibilité. Je vous invite donc à rejeter ces propositions d’amendement.
Je rebondis sur les propos de mon collègue Buclin : aujourd’hui, si le canton de Vaud fonctionne bien, c’est justement en raison d’une très forte contribution de toutes les personnes qui créent cette richesse. En grande partie, ce sont des entreprises – des PME – qui créent la richesse de notre canton. Je trouve un peu insolent de dire « Il est trop facile d’hériter, de toucher de l’argent ». Je ne sais pas si vous êtes familiarisé avec la vie d’une famille qui possède une entreprise ? Bien sûr, très souvent, une fortune est transmise aux enfants, mais cela fait partie d’un tout. Très souvent, les parents sont absents, parce qu’il faut faire tourner la boutique. Ce sont les gens qui travaillent ainsi qui créent de la richesse dans notre canton. Aujourd’hui, c’est un juste retour des choses que l’argent qui a déjà été fiscalisé, quand il est transmis en ligne directe, fasse en partie l’objet d’une exonération, par souci de correction vis-à-vis de cette famille qui a vécu ce travail au quotidien.
Si vous allez dans un EMS de notre canton, vous verrez que les personnes qui ont travaillé – celles qui ont vraiment usé leur peau – doivent payer leur EMS, parce qu’elles ont des biens, alors que les personnes qui ont vécu tranquillement, sans se faire trop de soucis, parce qu’elles n’ont plus rien, sont prises en charge grâce à la richesse créée par les autres. Un petit peu de respect, s’il vous plaît !
Il y a un point sur lequel je suis assez sensible au sujet de cet impôt sur les successions et donations, cela concerne les entreprises familiales. Dans ces secteurs, il y a parfois des soucis lorsque les entreprises dépendent d’un héritage familial pour maintenir leurs structures et la culture de l’entreprise – et je ne parle pas que des cultures « agricoles ». Les héritiers d’une entreprise familiale peuvent être confrontés à des choix qui sont parfois relativement difficiles : vendre l’entreprise ou contracter des prêts pour payer l’impôt sur les successions. Je rappelle que, dans le cas de l’agriculture, il y a toujours cette taxe de 50 % sur la vente d’immeubles. En plus de cet impôt, s’il devait y avoir des successions ou des donations, les héritiers seraient prétérités par ce que mon collègue Lohri propose dans son amendement. Monsieur Lohri, même si j’ai beaucoup de respect pour vous, vous n’aurez pas ma voix. Je me réjouis d’en discuter avec vous dans un autre lieu, mais dans l’immédiat je refuserai cet amendement.
Je rappelle aussi que cela peut conduire à des liquidations complètes d’entreprises, avec les pertes d’emplois qui vont avec. Il faut être très prudent sur ce dossier. Je pense que la COFIN a pesé le pour et le contre. Il faut impérativement maintenir le texte qui nous a été présenté et travailler avec l’amendement de la majorité de la commission.
Monsieur Weissert, on se trouve plutôt face à une triple exonération. Première exonération : lorsqu’un bien immobilier est acheté, on peut déduire les intérêts hypothécaires et les travaux. Seconde exonération : sur un bien immobilier, la taxation sur la fortune se fait au niveau de la valeur fiscale – qui est largement en dessous de la valeur vénale. Enfin, il y a une troisième exonération dans le cas de donation. Je pense dès lors que nous sommes loin de la triple taxation.
Monsieur Romanens, en cas de donation, ce n’est pas cette loi qui va modifier la problématique des personnes qui vont devoir payer elles-mêmes leur EMS. De toute façon, si une donation est effectuée, elle sera prise en compte par les prestations complémentaires. Elles ne prendront de toute manière pas en compte l’EMS et les enfants de ces personnes devront le financer.
Je ne suis pas sûr qu’il y ait une unité de matière entre la déduction sur les intérêts hypothécaires et les donations. Il faut aussi tenir compte de la valeur locative qui vient en augmentation des revenus. J’aimerais revenir sur l’exemple donné par M. Lohri. Comme il a déclaré qu’il n’interviendrait plus dans cette discussion, je peux me permettre de donner des chiffres qui ne seront pas contestés. (Rires.) Dans le fond, quand on parle de 1,5 million sur la fortune, le taux sur le barème est de 2,9 ‰. Pour essayer de comprendre la démarche, si l’on prend cet exemple, pour une fortune à partir de 2 millions, c’est à 3,39 ‰. La différence représente 0,43 ‰. Je vous laisse imaginer, quand on annonce des chiffres de plusieurs dizaines de millions de francs, comment nous allons pouvoir les calculer… C’est un barème qui figure sur le site du canton et qui est utilisé par l’administration fiscale.
Je ne peux pas résister à saisir la perche tendue par M. Berthoud pour reprendre la parole. Monsieur Berthoud, pour préparer cet amendement, j’avais fait exactement le même calcul que vous. Je suis très content que M. Berthoud parle de cette question des 2 millions. Messieurs Jobin et Romanens, quand vous parlez de respect, monsieur Buffat, quand vous parlez des cas, vous mélangez la succession et la donation. Je pense que vous n’avez pas très bien compris mon amendement. Il ne concerne pas la succession, mais la donation. La donation connait cette limite. Monsieur Jobin, lorsque vous dites que votre entreprise va se retrouver dans une situation difficile, j’aimerais bien savoir le nombre d’entrepreneurs agricoles ou de maçons qui possèdent suffisamment d’argent en cash – je dis bien en cash – pour pouvoir offrir à leurs 2 enfants et leurs 3 petits-enfants la libération de 1,5 million de francs par année. On le voit bien, cette disposition renforce évidemment les 3500 dossiers de fortune sur les 450’000 contribuables. Par ailleurs, c’est une mesure qui ne concerne que des personnes qui ont un avoir financier constitué de cash. C’est bien là que réside le problème : lorsque vous avez du cash, vous ne mettez pas en péril votre entreprise agricole ou de génie civil, parce que vous réinvestissez dans votre entreprise. Je comprends votre sensibilité, je la respecte. Je pense que c’est surtout pour ces millions qui proviennent d’actions ou de dividendes que nous ne devons pas passer à côté de cette donation pour les cas que j’ai cités tout à l’heure. Je vous encourage à bien réfléchir.
Mesdames et messieurs de droite qui avez des entreprises, je respecte le travail que vous faites, mais je respecte un peu moins les banques qui favorisent la recherche de cash. Il n’y a qu’à voir, dès que vous arrivez à la retraite, le nombre de contacts de votre banque pour essayer d’obtenir votre argent cash. C’est cela qui les intéresse. Je le répète, cet article ne concerne que la donation et non pas la succession. Vos entreprises ne sont pas concernées, parce qu’un entrepreneur n’a pas forcément du cash à donner à ses enfants pour faire marcher l’économie. Je comprends cette règle des 300’000 francs, parce ce qu’elle permet à la jeunesse de pouvoir acheter une maison ou un appartement, mais il faut limiter ceci dans l’intérêt général du canton.
On peut aussi faire une donation d’entreprise, il n’y a pas que des legs financiers. Je vous invite à relire l’impôt sur les donations. Je pense que vous avez à moitié raison et que j’ai raison pour l’autre. Finalement, il faut donc refuser cet amendement. (Rires.)
Comme M. Jobin, j’ai beaucoup de peine à comprendre cette idée de cash développée par M. Lohri. Il existe deux types de donations : les donations mobilières – celles dont vous parlez – c’est de l’argent et les donations immobilières. Vous pouvez donner un immeuble, une partie d’immeuble, une entreprise ou une partie d’une entreprise. Néanmoins, si vous donnez des actions, on est encore dans les donations mobilières. Je ne vois pas ce problème lié cash. Il n’est pas nécessaire de donner du cash uniquement, on peut donner tout ce que l’on a.
On a parlé d’entreprises, mais j’aimerais rappeler quelque chose qui n’a pas encore été mentionné jusqu’à maintenant. On parle de succession et donation en ligne directe. Dans nos PME, très souvent, les enfants travaillent déjà dans l’entreprise. Ainsi, ils contribuent à la valeur de l’entreprise. Certes, ils ont touché un salaire pour cela, mais ils ont contribué à la valorisation de l’entreprise. Mon collègue Romanens dirait simplement qu’ils ont créé de la richesse. Dès lors, je trouve tout à fait normal de ne pas les imposer « à plein pot » au moment où ils reçoivent une partie de ce qui est aussi le fruit de leur travail. Je refuserai tous les amendements allant dans ce sens.
J’ai parlé de cash, mais je sais qu’il n’y a que le cash qui peut faire l’objet d’une donation. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. Je n’ai pas voulu aborder le problème des donations d’entreprise, parce que je pense qu’il y a beaucoup d’outils à disposition pour ce cas de figure et que cette question de la donation d’une entreprise ne se règle pas forcément uniquement dans cette loi et cet abattement fiscal sur la donation. Dans le cadre d’une donation d’entreprise, il y a la possibilité de contourner la fiscalisation au créant de multiples artifices : société anonyme, etc. Je ne voudrais pas perdre du temps avec cela, mais ne me faites pas passer pour un bobet qui n’a pas compris qu’il n’y a pas que le cash qui peut faire l’objet d’une donation. Je crois que ce débat a assez duré et je déposerai une motion d’ordre pour passer au vote.
Je rejoins les propos de M. Mojon : on taxe l’entreprise sur les 3 dernières années fiscales. Cela comprend donc la participation des enfants dont a parlé M. Mojon. Cette situation, je l’ai vécue. S’il vous plaît, respectez les PME de ce canton et ne soutenez pas cet amendement.
Monsieur Lohri, au début du débat, vous m’avez demandé s’il était possible de calculer l’impact sur l’impôt de la fortune. Non, ce n’est pas possible de calculer cela, parce que nous ne pouvons pas prévoir les donations qui vont être faites ni les gens qui vont décéder, évidemment. De même, nous ne pouvons pas prévoir si les donations qui seront faites resteront dans le canton de Vaud ou pas.
Dans cet exposé des motifs et projet de loi, nous avons aussi répondu à l’ancien député, M. Cuérel, qui voulait abolir cet impôt. Je n’ai pas changé de position depuis la publication de ce rapport. Nous ne souhaitons pas abolir cet impôt, parce que – comparativement aux cantons de Suisse centrale – le canton de Vaud est proche des frontières et beaucoup de personnes sont imposées d’après la dépense. Si j’ose le dire ainsi, ces gens sont ravis de pouvoir payer des impôts – donations et successions – dans notre canton. A l’heure actuelle, le Conseil d’Etat estime que ce n’est pas le bon moment pour abolir complètement cet impôt.
En revanche, il faut effectivement remettre tout cela dans un contexte général : Vaud est l’un des derniers cantons à connaître encore cet impôt pour la ligne directe. Nous avons essayé de trouver un compromis, avec des seuils plus élevés qu’actuellement, pour permettre à la plupart des personnes en ligne directe de ne plus être imposées. Par contre, nous n’allons pas perdre beaucoup de substrat fiscal, parce que les très grandes successions resteront imposées. La semaine dernière, je vous ai déjà donné les chiffres : les successions en ligne directe en 2021 – ou 2022 – se montaient à 24 millions de francs. Avec cette hausse du seuil, nous estimons que nous allons perdre environ 6 millions de francs. Encore une fois, dans les grandes successions, la plupart de l’impôt reste.
Vous avez parlé de l’intérêt de notre canton et c’est précisément de cela qu’il s’agit : nous sommes l’un des derniers cantons qui imposent dans la ligne directe les donations et successions. Je pense que, pour les donations, le seuil doit être relevé à 300’000 francs, parce que le gouvernement a aussi intérêt à donner à une génération plus jeune l’opportunité d’investir de nouveau cet argent dans l’économie et de générer ainsi à nouveau de l’impôt sur le revenu, la fortune, etc. C’est la raison pour laquelle le gouvernement a fait cette proposition. Pour le bien de notre canton, je vous recommande d’en rester au texte proposé et de refuser cet amendement.
L’amendement Didier Lohri est refusé par 80 voix contre 48 et 7 abstentions.
L’article 16 est accepté tel qu’admis en premier débat par 83 voix contre 47 et 4 abstentions.
Les articles 29a, 29b, 30, 31 et premier sont acceptés tels qu’admis en premier débat.
Art. 2. –
Afin de faire preuve de cohérence et de tenter de sauver ce qui peut encore l’être du Plan pouvoir d’achat présenté par le Conseil d’Etat, nous vous proposons un amendement qui tendrait à conditionner la mise en vigueur de ces modifications au refus de l’initiative des 12% en votation populaire.
« Art. 2. – al. 1 : La présente loi entre en vigueur le 1er juillet 2025 pour autant que l’initiative « Baisse d’impôts pour tous : redonner du pouvoir d’achat à la classe moyenne » ne soit pas acceptée en votation populaire. Les modifications sont applicables pour toutes les successions ou les donations intervenues à partir du 1er janvier 2025. »
Un mot pour vous inviter à soutenir cet amendement. Il parait clair qu’en cas d’acceptation de l’initiative populaire, nous aurions un trou dans les caisses de l’Etat de quelque 550 millions de francs et qu’il faudrait trouver d’urgence de nouvelles recettes fiscales pour atténuer ce choc. Conditionner cette baisse fiscale à un rejet de l’initiative 12% me parait être d’une prudence élémentaire. Nous vous invitons à soutenir cette proposition qui permettrait de limiter les dégâts du point de vue des finances publiques en cas d’acceptation de cette dangereuse initiative 12%.
L’amendement de notre collègue Duggan est dans la même ligne que l’amendement déposé par le groupe socialiste sur le bouclier fiscal en premier débat – et qui sera également déposé en deuxième débat. Dans ce sens, nous comprenons tout à fait la logique de cet amendement et le soutiendrons.
L’amendement Kilian Duggan est refusé par 79 voix contre 53 et 3 abstentions.
L’article 2 est accepté tel qu’admis en premier débat par 84 voix contre 50.
L’article 3, formule d’exécution, est accepté tel qu’admis en premier débat.
Le projet de loi est adopté en deuxième débat.
La discussion finale est ouverte.
La majorité de la COFIN vous recommande d’accepter ce projet de loi par 9 voix contre 5 et 1 abstention.
La minorité vous propose de refuser ce projet de loi, principalement parce qu’il bénéficie aux contribuables les plus aisés, par rapport aux 89 % des contribuables.
Au nom du groupe Ensemble à Gauche et POP, j’aimerais vous inviter à refuser cette modification de loi en vote final. Aujourd’hui, je pense que nous pouvons être fiers d’être un des derniers cantons suisses – malheureusement un des derniers – à maintenir un impôt sur les successions et donations en ligne directe. Comme je l’ai dit lors du débat d’entrée en matière, il s’agit d’un impôt de solidarité qui permet d’éviter la concentration des patrimoines dans les mains de quelques familles très fortunées. Un impôt qui permet un minimum – je dis bien un minimum, étant donné que les taux sont faibles – de redistribution des richesses, un minimum de solidarité au sein du canton. Nous voyons donc d’un mauvais œil les tentatives d’affaiblir cet impôt.
Je me suis un peu renseigné pour comprendre pourquoi le canton de Vaud était un des derniers à maintenir cet impôt en ligne directe. Fait intéressant, l’histoire remonte au début des années 2000 : une initiative populaire du Parti libéral demandait à l’époque de supprimer tout impôt sur les successions en ligne directe. A l’époque, cette initiative avait été combattue non seulement par la gauche, mais aussi par le Parti radical qui estimait alors que cet impôt avait pour rôle de garantir un minimum de redistribution. A l’époque – et ce n’est pas si vieux, une vingtaine d’années – des radicaux s’étaient engagés pour maintenir cet impôt. C’est aussi un des éléments qui expliquent pourquoi nous sommes l’un des derniers cantons à le maintenir. Je pense qu’il faut continuer dans cette ligne pour limiter le creusement des inégalités. Pour cette raison, je vous invite à refuser ce projet de loi en vote final.
La discussion est close.
Le projet de loi est adopté définitivement par 82 voix contre 44 et 3 abstentions.
Rapport du Conseil d’Etat au Grand Conseil sur le postulat Julien Cuérel et consorts au nom Groupe UDC - Suppression de l’impôt sur les successions et les donations entre époux et en ligne directe descendante (23_POS_69)
Décision du Grand Conseil après rapport de la commission
La COFIN, par 9 voix contre 1 et 5 abstentions, vous recommande d’accepter ce rapport du Conseil d’Etat.
Retour à l'ordre du jourLa discussion n’est pas utilisée.
Le rapport du Conseil d’Etat est approuvé avec quelques abstentions.