23_MOT_14 - Motion Hadrien Buclin et consorts - Examiner de manière conséquente la compatibilité des renvois avec le respect de la Convention des droits de l’enfant (Développement et demande de renvoi à commission avec au moins 20 signatures).

Séance du Grand Conseil du mardi 13 juin 2023, point 12 de l'ordre du jour

Texte déposé

Le 2 mai 2023, la Police cantonale a procédé aux renvois de deux familles vers la Croatie en vertu du règlement Dublin :  une mère Somalienne seule avec un bébé d’une année et demie et des parents afghans et leurs trois enfants scolarisés dans le canton, dont le plus jeune n’avait que 7 ans. Le récit de ces expulsions par les médias a suscité une vive émotion en particulier parmi les proches et ami·es en Suisse des familles victimes de ces renvois. Au Grand Conseil, ces renvois ont fait l’objet de questions, interpellation et déclaration personnelle issus de divers groupes politiques.

 

Les conditions traumatisantes de ces renvois pour les enfants, la privation d’accès à l’éducation qui en résulte au moins temporairement, les difficultés scolaires qui peuvent en découler de par le brusque changement d’environnement linguistique, ainsi que la perte de lien social et affectif posent la question de leur compatibilité avec la Convention des droits de l’enfant de l’ONU (CDE ONU) que la Suisse a ratifiée en 1997. Cette convention prévoit en particulier en son article 3 que « dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale. » L’article 19 prévoit que les États parties prennent des « mesures de protection[…qui]comprendront, selon qu’il conviendra, des procédures efficaces pour l’établissement de programmes sociaux visant à fournir l’appui nécessaire à l’enfant et à ceux à qui il est confié, ainsi que pour d’autres formes de prévention. » Enfin, l’article 28 garantit le droit à l’éducation.

 

On peut douter que des renvois d’enfants en âge préscolaire ou scolarisés dans le canton, qui plus est exécutés en période scolaire, soient compatibles avec les différents droits énumérés ci-dessus. Ce doute est d’autant plus légitime s’agissant de renvois vers un pays, la Croatie, critiqué par différentes organisations non gouvernementales pour les atteintes aux droits fondamentaux des personnes migrantes qui s’y produisent ; un pays qui a de plus été condamnée à plusieurs reprises pour violation de la Convention européenne des droits de l’homme en lien avec le traitement réservé à des personnes migrantes[1].

 

La loi d’application dans le Canton de Vaud de la législation fédérale sur les étrangers donne compétence au service cantonal compétent en matière de police des étrangers et d’asile – soit le Service de la population – d’examiner préalablement à l’exécution du renvoi son caractère exécutoire. Ce caractère exécutoire est précisé à l’article 83 de la Loi fédérale sur les étrangers. Entre autres, le caractère exécutoire n’est pas de mise si le renvoi est « contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international ».

 

Dans ces conditions, il apparaît possible sur le plan légal et souhaitable d’un point de vue politique de préciser la Loi d’application dans le Canton de Vaud de la législation fédérale sur les étrangers. Cette précision viserait à ce que le Service de la population prenne mieux en compte dans son examen du caractère exécutoire sa compatibilité avec la convention des droits de l’enfant de l’ONU, qui fait partie de l’engagement de la Suisse relevant du droit international tel que mentionné à l’art. 83 de la Loi sur les étrangers. La modification légale proposée pourrait amener à décréter non exécutoire certains renvois de famille avec enfants dans le cas où il apparaît que ces renvois portent préjudice à l’intérêt supérieur de l’enfant, notamment en matière d’accès à l’éducation ou aux soins médicaux. La prise en considération de cette motion reviendrait ainsi pour le Grand Conseil à affirmer la souveraineté cantonale, conformément à l’esprit fédéraliste du système politique helvétique, afin de mieux prendre en compte la sensibilité particulière d’une partie de la population vaudoise, clairement exprimée à l’occasion des renvois du 2 mai 2023.

 

La présente motion vise à modifier l’article 3 de la Loi d’application dans le Canton de Vaud de la législation fédérale sur les étrangers de la manière suivante :

 

1 Le service cantonal compétent en matière de police des étrangers et d’asile (ci-après : le service) a, sous réserve de l’article 5, notamment les attributions suivantes :

1. à 3 ter sans changement

4 examiner préalablement à l’exécution du renvoi son caractère exécutoire (art. 83 LEtr et 46, al . 2 LAsi), en particulier sa compatibilité avec la convention des droits de l’enfant de l’ONU.

 

 

 

[1]Analyse juridique sur la Croatie : l’OSAR porte un regard critique sur la pratique actuelle de la Suisse, 10 mars 2023.

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Martine GerberVER
Sylvie PodioVER
Yannick MauryVER
Nathalie JaccardVER
Claude Nicole GrinVER
Céline MisiegoEP
Sandra PasquierSOC
Cédric RotenSOC
Yves PaccaudSOC
Felix StürnerVER
Vincent KellerEP
Julien EggenbergerSOC
Vincent BonvinVER
Sylvie Pittet BlanchetteSOC
Pierre WahlenVER
Joëlle MinacciEP
David RaedlerVER
Cendrine CachemailleSOC
Laurent BalsigerSOC
Alexandre DémétriadèsSOC
Alice GenoudVER
Nathalie VezVER
Thanh-My Tran-NhuSOC
Valérie ZoncaVER
Graziella SchallerV'L
Théophile SchenkerVER

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Hadrien Buclin (EP) —

En mai dernier, la police a procédé au renvoi de deux familles vers la Croatie, en vertu du règlement Dublin : une mère d’origine somalienne, seule avec un bébé d’un an et demi, et des parents afghans avec leurs trois enfants scolarisés dans le canton, dont le plus jeune n’avait que 7 ans. Le récit de ces expulsions a suscité une vive émotion, en particulier parmi les proches et amis, en Suisse, des familles qui ont fait l’objet de ces renvois, ainsi qu’au Grand Conseil – on le sait – avec diverses interventions des groupes de gauche, mais aussi d’une collègue vert’libérale. Les conditions traumatisantes de ces renvois, pour les enfants, interrogent quant à leur compatibilité avec la Convention sur les droits de l’enfant de l’ONU que la Suisse a ratifiée en 1997. La privation d’accès à l’éducation qui résulte au moins temporairement de ces renvois, surtout quand ils sont menés en période scolaire, et les difficultés scolaires qui peuvent découler d’un brusque changement d’environnement linguistique et de la perte des liens sociaux et affectifs sont autant d’éléments qui pèsent négativement sur le développement des enfants victimes de ces renvois. Cette question est d’autant plus sensible s’agissant d’un pays comme la Croatie, le lieu de destination des renvois, puisque ce pays a été condamné à plusieurs reprises pour violation de la Convention européenne des droits de l’homme, en lien avec le traitement réservé à des personnes migrantes.

La loi d’application dans le canton de Vaud de la législation fédérale sur les étrangers donne certaines compétences au Service de la population (SPOP), et en particulier celle d’examiner, préalablement à l’exécution du renvoi, son caractère exécutoire. Le caractère exécutoire est précisé à l’article 83 de la Loi fédérale sur les étrangers (LEtr). Il y est notamment question d’un caractère qui ne serait pas exécutoire lorsqu’il est contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international, parmi lesquels la Convention des droits de l’enfant, bien sûr. Dans ces conditions, il paraîtrait possible sur le plan légal – et souhaitable d’un point de vue politique – de préciser la loi d’application de la loi fédérale pour que le SPOP prenne mieux en compte les engagements de la Suisse liés à la Convention des droits de l’enfant ; c’est ce que propose ma motion. Je me réjouis de pouvoir débattre de cette importante problématique en commission.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

La motion, cosignée par au moins 20 membres, est renvoyée à l’examen d’une commission.

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