24_LEG_58 - Exposé des motifs sur l'Initiative populaire "Sauvons le Mormont" et son contre-projet : Préavis du Conseil d'Etat et EMPD et Projet de modification de la LPrPNP et Projet de décret modification PDCar (1er débat).
Séance du Grand Conseil du mardi 4 février 2025, point 16 de l'ordre du jour
Documents
- TM1 (24_leg_58) Contre-projet ini Mormont_amdts CENEN
- Rapport de minorité de la commission - RC 24_LEG_58 - Loïc Bardet
- Texte adopté par CE - EMPD-L Initiative populaire Sauvons le Mormont - publié
- Rapport de majorité de la commission - RC 24_LEG_58 - Nicolas.Suter
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourAu nom de la Commission, je remercie Mmes Poncet Schmid et Chassot, ainsi que M. Aeschlimann pour l'excellent travail effectué en support des travaux de commission et pour l'établissement des notes de séance. Déposée le 1er juillet 2022 avec 13’175 signatures valables, l'initiative populaire constitutionnelle « Sauvons le Mormont » poursuit un double but : d’une part, du point de vue géologique, paysager et biologique sauvegarder en particulier le patrimoine de la colline du Mormont et, de l’autre, moins consommer la matière première qu'offre cette colline par une utilisation plus rationnelle des ressources. Ainsi, le texte de l'initiative propose un nouvel article 52b dans la Constitution vaudoise déclarant protéger le site du Mormont, ainsi qu'une révision de son article 56 pour y intégrer une utilisation rationnelle du calcaire, de l'argile et du sable, tout en y ajoutant un alinéa visant à favoriser l'utilisation de matériaux de construction respectueux de l'environnement.
A cette initiative, le Conseil d'Etat oppose un contre-projet. Celui-ci souligne l'importance d'inscrire l'économie circulaire dans la Constitution vaudoise en réponse aux nouvelles obligations fédérales en matière de protection de l'environnement, notamment. Le contre-projet du Conseil d'Etat élargit l'initiative populaire « Sauvons le Mormont » en intégrant une approche plus globale sur la gestion des ressources naturelles. Le contre-projet comprend deux volets. Un contre-projet direct, donc constitutionnel, établissant l'engagement de l'Etat et des communes pour favoriser l'économie circulaire et limiter la production de déchets, ainsi qu'un contre-projet indirect, législatif, visant à protéger le site du Mormont en l'inscrivant dans la Loi pour la protection du patrimoine naturel et paysager (LPrPNP). Le Conseil d'Etat choisit d'inscrire la protection du Mormont au niveau législatif plutôt que constitutionnel, à l'image de ce qui est fait pour la Venoge, ce qui permet une meilleure définition des objectifs de protection. Le Mormont est un site d'importance écologique, paysagère et archéologique, tout en étant un lieu stratégique pour l'approvisionnement en calcaire pour la Suisse. Le contre-projet indirect prévoit la protection de ce site, tout en permettant l'exploitation limitée aux périmètres déjà autorisés. Une modification du Plan directeur des carrières (PDCar) est nécessaire pour assurer une gestion cohérente des ressources.
Enfin, l'exploitation actuelle de la carrière pourrait se poursuivre jusqu'en 2060 en fonction des méthodes utilisées. L'interdiction d'expansion de la carrière est confirmée, tout en laissant ouverte la possibilité d'un comblement futur. Dans le cadre de l'étude du contre-projet, la commission a auditionné notre collègue, Mme Rebecca Joly, présidente du comité d'initiative, ainsi que M. François Girod, directeur de Holcim à Eclépens. Ces deux auditions ont permis un certain nombre de clarifications quant aux positions respectives de Holcim et du comité d'initiative. Si le contre-projet semble acceptable pour les deux parties, il soulève néanmoins quelques points de vigilance.
Au sein de la commission, un débat a eu lieu sur la mention explicite du secteur de la construction dans la Constitution, certains regrettant l'absence d'autres secteurs comme les déchets. Il nous a été précisé que l'objectif consiste à inclure tous les maîtres d'ouvrage, et que la mention de la construction répond directement à l'initiative populaire et permet ainsi de faire un lien direct avec le texte de l'initiative justifiant le contre-projet direct.
L'exposé des motifs porte sur trois objets. Premièrement, un projet de décret ordonnant la convocation du corps électoral afin de se prononcer sur l'initiative populaire « sauvons le Mormont » et son contre-projet direct. Ce projet de décret met en opposition le texte de l'initiative avec un nouvel article 56a dans la Constitution. Cet article a été passablement amendé par la majorité de la Commission. Le refus des amendements principaux de cet article de la Constitution fait l'objet du rapport de minorité qui vous sera présenté tout à l'heure. Il convient de souligner l'unanimité de la commission qui recommande l'adoption de l'article 2 de ce projet de décret, à savoir la proposition de rejeter l'initiative et d'accepter le contre-projet.
Le deuxième objet présenté dans cet exposé des motifs est le contre-projet indirect proposé par le Conseil d'Etat, à savoir un projet de loi modifiant la LPrPNP. Le nouvel article 33a de cette loi a également été amendé par la commission, ceci pour une question de précision temporelle. Cet amendement ne fait pas l'objet du rapport de minorité.
Et, enfin, le troisième objet de cet exposé des motifs est un projet de décret adoptant la modification du PDCar, et sa fiche 1222-104, et de la carte y relative. Ce projet de décret a été adopté à l'unanimité de la commission. En conclusion, la commission est unanime pour recommander au Grand Conseil l'entrée en matière sur l'ensemble des objets présentés dans l'exposé des motifs.
La minorité de la commission soutient le principe d'un contre-projet et d'une clarification des règles. Elle relève toutefois plusieurs divergences par rapport aux travaux sortis de la commission en ce qui concerne l'article 56a de la Constitution vaudoise. Elle relève notamment aux alinéas 1 et 2 que les textes constitutionnels ne doivent pas aller plus dans les détails que nécessaire et que deux amendements sortis de la commission sont par conséquent superflus et doivent être refusés. Par ailleurs, relativement au nouvel alinéa 4, la minorité estime que cet amendement n'est que faiblement lié à l'initiative « Sauvons le Mormont » et que la Constitution vaudoise ne doit pas servir à régler de manière opportuniste les problématiques locales. De ce fait, la minorité de la commission s'oppose à cette proposition de nouvel alinéa.
En conclusion, lors du vote sur l'alinéa 1, lettre b, du projet de décret, la plupart des membres de la minorité se sont abstenus et réservent leur position sur l'article 56a de la Constitution vaudoise aux décisions du plénum concernant les différents alinéas et les amendements de la commission. Je vous remercie de votre attention et je reviendrai plus au détail ultérieurement.
Je précise qu’il n’y a pas de discussion d’entrée en matière, étant donné que le Grand Conseil est tenu de donner suite au projet de décret ordonnant la convocation des électeurs pour se prononcer sur l’initiative populaire « Sauvons le Mormont » et que le contre-projet ne constitue pas un projet de décret en lui-même.
La discussion générale est ouverte.
Dans sa majorité, le PLR va accepter les grandes lignes de ces contre-projets directs et indirects à l'initiative « Sauvons le Mormont ». Finalement, selon nous, le Conseil d'Etat nous propose un projet équilibré. Je rappelle que la dynamique de l'économie circulaire est déjà en marche dans les milieux économiques vaudois, qui sont d'ailleurs dans l'attente d'un cadre clair, cadre qui ne pourra que mettre en valeur le savoir-faire local. Rappelons aujourd'hui, par exemple, que près de 90 % des matériaux de construction qui peuvent être recyclés le sont. Au fil de la discussion à venir, un point retiendra notre attention. En effet, si la Constitution doit ancrer le principe de l'économie circulaire, ce sont ensuite les autres lois cantonales qui vont concrétiser les détails de leur application, comme la révision de la Loi sur la gestion des déchets, la Loi sur l’aménagement du territoire et les constructions (LATC) ou encore la Loi sur l'énergie. Nous recommandons de garder en tête cet aspect quand nous aurons à nous prononcer sur un certain nombre d'amendements, en particulier ceux cités dans le rapport de minorité qui nous semblent inappropriés.
L'économie circulaire et le développement durable sont des notions larges. Se concentrer au fil des articles tantôt sur les ressources, les décharges ou la sobriété affaiblit le texte de la Constitution. Nous y reviendrons tout à l'heure. Le PLR appuie aussi le choix du Conseil d'État de modifier la LPrPNP plutôt que la Constitution pour y intégrer la protection du Mormont. L'objectif est de pouvoir exploiter l'entier du gisement autorisé jusqu'en 2060, en ménageant les ressources du Mormont et en modifiant les mélanges de ciment dans un objectif de développement durable ; à cet égard, je rappelle qu'on peut utiliser des gravats recyclés et des matériaux de déconstruction. Comme indiqué plus haut, la dynamique est lancée partout, aussi dans l'usine de Holcim à Éclépens.
En conclusion, le groupe PLR vous invite à réserver un accueil favorable à ce projet sous réserve de quelques points de vigilance et vous recommande de rejeter l’initiative au profit du contre-projet.
On associe le site du Mormont à deux images qui s'opposent. C'est tout d'abord un lieu important d'approvisionnement en calcaire, un matériau fondamental à la création du ciment, lequel est à son tour nécessaire pour la fabrication du béton. Mais c'est aussi et avant tout un site inscrit à l'inventaire fédéral des paysages, dû à une grande diversité des milieux, les prairies sèches, les forêts, les biotopes. L'initiative demandait une inscription de la protection du site dans la Constitution et un arrêt immédiat de l'exploitation. Le Conseil d'État motive son choix de mettre la protection dans la loi plutôt que dans la Constitution par le besoin de préciser des objectifs de protection. Il nous faut souligner en tant que parti socialiste que le contre-projet et, en particulier, les amendements acceptés en commission ont tenté de se rapprocher au plus près de la demande des pétitionnaires en explicitant le besoin d'assurer une utilisation des ressources naturelles, notamment celles servant de matériaux de construction, et nous avons souligné le besoin que cette utilisation soit sobre et respectueuse de l’environnement.
Malheureusement, la loi permettra l'exploitation du site actuel jusqu'à épuisement des ressources, ce qui durera probablement jusqu'en 2060. En ceci, il suit l'arrêté fédéral. La loi ne permettra pas la mise en œuvre d'une extension de l'exploitation existante. Les modifications apportées en commission soulignent le besoin de ne pas le permettre ni pendant l'exploitation actuelle ni au-delà de cette fermeture. Il faut voir ce contre-projet comme ce qu'il est, c'est-à-dire un compromis, qui représente une pesée des différents intérêts. Il devrait permettre d'accompagner une décroissance de la fabrication de ciment et par extension de béton.
Par conséquent, le parti socialiste vous invite à adopter ce contre-projet. Cependant, le parti socialiste reste passablement mitigé sur au moins un point crucial, à savoir l'absence de mesures concrètes pour mesurer cette décroissance de l'exploitation des ressources naturelles et de la protection de matériaux cruciaux à la production de ciment. À l'aune de l'annonce d'un budget climat n° 2 plus qu'ambitieux et qui aura grand peine à atteindre ses objectifs faute de mesures concrètes, nous ne pouvons que regretter l'absence complète de métriques pour mesurer le budget carbone dans l'exposition des motifs du contre-projet ainsi que dans le dispositif présenté.
Je commence par déclarer brièvement mes intérêts comme Secrétaire général de Pro Natura Vaud, association appartenant au comité d'initiative. Le sujet que nous allons traiter est d'une grande importance, puisqu’il synthétise en quelque sorte nombre de débats menés dans cet hémicycle : utilisation rationnelle des ressources, construction respectueuse de l'environnement, protection de notre patrimoine naturel et historique. C'est de tout cela que retourne l'initiative « Sauvons le Mormont », lancée en 2022 et déposée avec plus de 14’500 signatures quelques mois plus tard. Une initiative qui s'est placée dans la droite lignée de celles qui permirent jadis de protéger la Venoge ou Lavaux, eux aussi patrimoine de notre canton.
Le Mormont, une colline, c'est en tout cas du calcaire à un joli niveau, ce qui n'a pas échappé à qui a commencé à l'exploiter dans les années 1950. Le canton se développait, avait besoin de matières premières pour ses routes, ses ponts, ses immeubles ou ses barrages. On ne refait pas l'histoire, mais on peut sauver ce qui peut encore l'être et changer de paradigme. C'est cela que propose, sans doute timidement, mais tout de même concrètement, le contre-projet que le Conseil d'Etat soumet à cette initiative. Il concrétise la volonté annoncée dans le Programme de législature par le Conseil d'Etat de poser les jalons d'une économie circulaire. On sait aujourd'hui que l'on peut construire autrement qu'uniquement avec du béton. Le bois, matériau local et durable par excellence, prend une place croissante sur nos chantiers, et cela doit se poursuivre et se renforcer. Lorsqu'on ne peut se passer de ciment, les alternatives durables doivent être privilégiées. Le chantier est immense, à la hauteur de celles et ceux qui ont porté ce combat dès le début.
On ne saurait en effet parler de ce contre-projet sans évoquer la Zone à défendre (ZAD) du Mormont. Chacun pensera ce qu'il ou elle veut de cette action et de celles et ceux qui l'ont menée. Beaucoup d'encre et de salive ont coulé à ce sujet, y compris dans ce Parlement. Il n'en reste pas moins que sans cette action, nous ne serions pas en train d'avoir ce débat aujourd'hui. De la même manière que les manifestations et grèves du climat ont sans l'ombre d'un doute influé sur les décisions en matière de politique climatique, la ZAD du Mormont a mis sur le devant de la scène, politique et médiatique, la question de l'exploitation des ressources et de l'impact de la construction, et tout particulièrement du béton, sur l'environnement.
Enfin, ce contre-projet n'est certes pas parfait, il ne protège notamment pas constitutionnellement le Mormont, et nous avons pu voir il y a quelques mois, ici même, ce qu'il arrive lorsqu'on décide d'inscrire quelque chose, l'interdiction d'extraction d'hydrocarbures, en l'occurrence, uniquement dans la loi et non dans la Constitution. Cependant, il constitue un pas en avant très important en direction d'une économie et d'un domaine de la construction plus respectueux de l'environnement et des ressources planétaires. On peut ainsi remercier le Conseil d'Etat pour cette proposition. Vous l'aurez compris, le groupe des Vertes et des Verts soutiendra ce contre-projet ainsi que la plupart des amendements proposés en commission et qui visent à améliorer encore ce projet.
Nos ressources doivent être préservées, un leitmotiv que le groupe UDC défendra, tout comme il soutiendra majoritairement le rapport de minorité puisque les arguments qui y sont présentés s’inscrivent dans la ligne des objectifs du projet de décret. Notre groupe interviendra à nouveau relativement aux alinéas 1 et 2.
Je voudrais préciser que je n'ai pas d'intérêt à défendre, excepté mes convictions personnelles. J'aimerais relever la qualité de ce projet de décret et de loi qui allie économie et écologie. Je ne taris pas d'éloge quant à ce travail et à la position du Conseil d'Etat qui présente par le biais de ce compromis des réponses aux inquiétudes des initiants sur l'avenir du Mormont, qui confirme et précise les décisions récentes du Tribunal fédéral et la volonté de continuer l'exploitation jusqu'à l'horizon 2060, ce dans une transition ; tout comme je ne taris pas d'éloges sur l'opportunité saisie de mettre en place un cercle vertueux, celui de l'économie circulaire, qui sera ancré dans la Constitution vaudoise. Il l'est déjà au niveau fédéral, il le sera à celui cantonal, et pas seulement dans le domaine de la construction. Par conséquent, fort d’une très grande satisfaction, je vous encourage à soutenir le contre-projet tel que présenté par le Conseil d'Etat.
La commission a amendé ce texte à plusieurs reprises ; je reste naturellement attentif et disposé à écouter les échanges comme ils ont été débattus au sein même de cette dernière. Je crois cependant qu’il est essentiel de rester précis sur le texte et prudent afin de ne pas altérer l’objectif de ce contre-projet, qui vise à répondre aux préoccupations des initiants de « Sauvons le Mormont » et à veiller à ce que chaque élément soit à sa juste place. Il est crucial d’intégrer dans ce contre-projet et dans la modification de la LPrPNP uniquement ce qui y a sa légitimité, sans dispersion.
Par ailleurs, certains termes nécessitent d’être clarifiés afin d’éviter toute interprétation ultérieure, notamment par les tribunaux, qui pourrait entraver la mise en œuvre des bonnes résolutions adoptées. Je demanderai ainsi des clarifications sur deux aspects spécifiques lors des débats, tous deux en lien avec la LPrPNP : d’abord, sur le terme « attenant », dans le cadre de l’élaboration du PAC ; ensuite, sur la définition de la valeur patrimoniale et naturelle du Mormont, afin que cette dimension soit bien comprise et ne prête pas à une interprétation erronée par les tribunaux.
Nous avons ici un projet de décret abouti, qui bénéficiera du soutien des Vert’libéraux et, je l’espère, de l’ensemble des partis politiques, de gauche comme de droite.
Le groupe Ensemble à Gauche et POP est déçu que ce contre-projet n’ancre pas dans la Constitution la protection du Mormont, un affaiblissement relativement à la demande de l'initiative, qui est difficile à comprendre puisqu'il a été rappelé par Holcim dans les débats de commission cités dans le rapport de majorité, que le Tribunal fédéral a déjà autorisé l'extraction de Mormont 6 et Birette 2 dans son arrêt de 2021. C'est pourquoi, après réflexion, mon groupe va proposer un amendement afin d’ajouter au contre-projet direct constitutionnel la protection du Mormont, afin que ce principe d'empêcher de futures autres extensions que celles précitées, qui est initialement prévue dans le second contre-projet à l'article 33 de la LPrPNP, soit assuré constitutionnellement.
Comme cela a été déjà évoqué par M. Mocchi, ce n’est pas plus tard que pendant cette législature que M. Buffat a cherché à modifier, un article de la Loi sur les ressources naturelles du sous-sol (LRNSS), entré comme contre-projet à la suite de l'initiative populaire qui visait à inscrire dans la Constitution vaudoise l'interdiction de l'exploitation des hydrocarbures, article désormais 4 de la LRNSS. Sur d'autres sujets, il est monnaie courante de voir la droite de ce Parlement sabrer, par exemple, la Loi sur la préservation et la promotion du parc locatif (LPPPL), fruit d'un compromis démocratique. Par ces exemples, nous voyons la fragilité du principe que les initiatives cherchent à ancrer constitutionnellement dans des lois qui sont, finalement, soumises à des débats démocratiques. Et si tôt un compromis est-il accepté, des tentatives d'affaiblissement sont entamées. C'est pourquoi notre groupe déposera un amendement pour ré-ancrer dans le contre-projet direct la protection du Mormont.
En effet, s’il s’agit de toute façon du but de l'article 33 LPrPNP, pourquoi ne pas alors le garder dans la Constitution, sachant que matériellement, cela ne changera rien vis-à-vis de l'entrée en force de l'exploitation arrêtée par le Tribunal fédéral ? Ensuite, le contre-projet précise dans la Constitution les notions d'économie circulaire, principe bienvenu, puisque cibler l'économie du béton est à la racine du problème visible du Mormont. Nous surexploitons nos ressources naturelles au profit d'une économie de la construction centrée sur un matériau bien plus émetteur de CO2, bien plus destructeur, mais beaucoup plus concurrentiel sur le marché que d'autres matériaux.
Ainsi, par divers amendements, le contre-projet du Conseil d'Etat a été amélioré en introduisant notamment un principe qui nous est cher, celui de la sobriété des ressources, conçu de manière structurelle, comme une volonté de favoriser le recours au bâti existant plutôt qu'à la démolition-reconstruction, par exemple, un principe qui vise à répondre aux objectifs de neutralité carbone 2050 également. Ce principe de sobriété, rappelons-le, a été introduit dans les débats de révision de la Loi sur l'énergie. Par conséquent, nulle raison de ne pas l’appliquer à ce secteur, qui doit aussi diminuer son empreinte carbone.
En conclusion, nous soutiendrons le contre-projet s'il intègre ces amendements, y compris la reconstitutionnalisation de la protection du Mormont, une garantie pour nous que l'intention prévue par le Conseil d'Etat dans la LPrPNP ne soit pas sabotée à l’avenir. Finalement, après discussion avec des activistes de Grondements des terres et de l'Association locale pour la sauvegarde du Bois de Ballens et des environs, nous allons refuser le PDCar afin de s'opposer à l'extraction du gravier du Bois de Ballens et à l'ouverture de nouvelles gravières dans l'attente d'un plan réaliste qui puisse mesurer les effets de ces mesures politiques sur les émissions du secteur de la construction. J’en détaillerai les raisons au moment de la votation du PDCar.
J'avais effectivement demandé la parole pour déposer formellement l’amendement annoncé par ma collègue Mathilde Marendaz. Le contre-projet, dans sa forme actuelle, nous paraît clairement insuffisant, car il ne prévoit pas d'ancrer dans la Constitution la protection du Mormont et donc l'interdiction d'y exploiter le sol par des activités extractivistes. Et en ce sens, il ne répond pas à la préoccupation des initiants, des citoyennes et citoyens qui ont signé ce texte et qui réclamaient une protection réelle, effective de cette colline, une protection durable, forte de la garantie que donne un ancrage dans la Constitution. Ainsi, je propose d'introduire cette dimension dans le contre-projet, ce qui permettrait de proposer au vote des citoyennes et citoyens un contre-projet qui soit même meilleur que l'initiative, puisqu'il impliquerait tant la protection du Mormont que l'introduction dans la Constitution du principe de l'économie circulaire. Cela s’avérerait tout à l'honneur du Grand Conseil que d'avoir élaboré un contre-projet plus ambitieux que l'initiative, plutôt que de se borner à un contre-projet qui, sous couvert d'économie circulaire, ne répond pas à la préoccupation première de cette initiative. A cela, certaines et certains répondront que la protection du Mormont n'est pas complètement abandonnée puisque figurant dans la loi, mais il me semble que cela demeure insuffisant, car on l'a vu dans le cas du débat sur le sous-sol ou dans d'autres dossiers comme celui du logement et de la LPPPL qu'une loi peut être facilement modifiée au gré des majorités politiques.
Cet ancrage constitutionnel aurait-il un impact à court terme concernant l'extraction actuelle de la carrière ? Je pense qu’il s’agit d’un débat qu'il faudra avoir si le peuple accepte d'ancrer la protection du Mormont dans la Constitution. Je pense que le débat pourrait être repris. L’exploitation par Holcim devra-t-elle vraiment se poursuivre jusqu'en 2060, alors même que la Constitution la proscrirait ? A mon avis, cela ouvrirait un débat politique et juridique assez intéressant que je me réjouirais de pouvoir reprendre cet ancrage de la protection du Mormont dans la Constitution. Pour toutes ces raisons, j'espère que vous réserverez un bon accueil à cet amendement.
J’aimerais d’abord rappeler mes intérêts comme présidente du comité d'initiative. A ce titre, je remercie la commission, d’abord pour l’audition mais aussi pour le travail effectué dans l'analyse de ce contre-projet.
A ce stade, le comité d'initiative est évidemment un peu déçu d'une partie du contre-projet. Si ce dernier, sur certains aspects, est très intéressant – notamment sur la mise en œuvre législative de la protection du Mormont – nous regrettons que la protection constitutionnelle, un moyen extrêmement fort de s’y employer n'ait pas été retenue au stade du contre-projet et donc au sein de la proposition du Conseil d'Etat. Concrètement, il nous semble aussi extrêmement important que la question des matériaux de construction reste mise en avant dans ce contre-projet, puisqu'il s'agit du cœur de l'initiative et du lien entre la protection paysagère du Mormont et la réduction de l'utilisation des ressources. Pour nous, cela demeure essentiel. En outre, à ce stade, le comité d'initiative ne s'est pas réuni pour décider du retrait éventuel de l'initiative, puisqu’il attendait les débats en commission d'abord, puis en plénum. Il se réunira prochainement afin de prendre position. Enfin, je remercie à nouveau la commission pour les améliorations amenées à ce contre-projet.
J'aimerais commencer par évoquer brièvement les enjeux en lien avec la production de ciment et son utilisation intensive dans la construction. Si le ciment, au travers du béton, est indispensable à la réalisation d'infrastructures, notamment les tunnels, ponts, barrages et autres installations pour la mobilité et l'énergie, il est trop précieux – beaucoup trop – pour être gaspillé et doit être remplacé par d'autres matériaux locaux et durables. A ce propos, je me réfère à un article publié dans Bilan, le 12 septembre dernier, intitulé « Construction : l'ONU part en croisade pour décarboner le bâtiment ». Responsable de 37 % des émissions mondiales de CO2, le secteur du bâtiment doit engager une révolution pour utiliser moins de béton et plus de matières premières locales, issues de la biomasse ou recyclées. De fait, la part du béton dans la construction mondiale devrait être réduite de moitié entre 2020 et 2060 pour que la décarbonation du bâtiment soit effective, indique le rapport publié par l'ONU, Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), en lien avec l'Université américaine de Yale et une soixantaine de chercheurs et architectes du monde entier. Il s'agit d'engager une sorte de révolution, de retour vers le futur, pour supprimer le carbone du bâti et construire plus léger, mentionne Anna Dyson, coauteur du rapport et directrice du Centre pour les écosystèmes de l'Université américaine de Yale. Elle complète ainsi : « il faut éviter la production de déchets grâce à une approche circulaire des matériaux et une planification assistée par ordinateur si possible, choisir des matériaux biosourcés comme le bois ou le bambou, par exemple, et améliorer la décarbonation des matériaux conventionnels ne pouvant être remplacés. » Concernant l'utilisation des ressources naturelles, j'aimerais également citer l'Office fédéral du logement (OFL) : « L'augmentation du nombre de bâtiments résidentiels et de la surface de logement entraîne une consommation de ressources accrues. Le sable et le gravier, par exemple, qui sont les matériaux de base les plus utilisés pour la construction deviennent de plus en plus rares. L'économie circulaire appliquée à la construction avec l'exploitation de mines urbaines vise à couvrir durablement les besoins du secteur, les vieilles bâtisses, fournissant la matière première des nouveaux bâtiments. Un tel circuit fermé permet d'économiser de l'énergie, de préserver les ressources et d'éviter la mise en décharge. Toutefois, l'exploitation des mines urbaines n'est pas encore pratiquée de manière cohérente. »
Au vu de ce qui vient d'être exposé, c'est une excellente chose que le contre-projet indirect du Conseil d'État intègre l'économie circulaire. Il s'agit toutefois, clairement, de préserver les ressources naturelles, que ce soit le calcaire, le gravier, le sable ou toute autre ressource naturelle. Il est bon de rappeler qu'elles ne sont pas illimitées, que nous devons les utiliser de manière sobre et rationnelle, ne pas les vilipender. Les générations futures en seront très reconnaissantes car elles en auront également besoin.
Certains diront peut-être qu'un tel cadre légal n'est pas nécessaire, que les choses se feront naturellement. La réponse à cela se trouve dans la citation suivante du directeur de Holcim qui figure dans le rapport de commission – j’en profite pour en remercier son auteur. « Holcim exprime un besoin d'un cadre clair de la part de l'État pour encourager cette réduction, évitant ainsi la responsabilité exclusive de la surconsommation de ciment pour les producteurs de ciment. » On retrouve des propos identiques de Valbéton dans une interview de la RTS, fin 2023, qui regrettait également de ne pas arriver à vendre son béton recyclé à cause de conservatisme des bureaux d'ingénieurs et de manque de temps.
En conclusion, ce cadre légal est donc nécessaire pour que l'ensemble des milieux de la construction adapte sa manière de faire. Il ne s’agit de rien d'extraordinaire, simplement d’une évolution nécessaire. Je vous remercie de la soutenir en approuvant ce contre-projet tout comme je vous encourage à soutenir les amendements de la majorité qui vise à mettre en avant l'importance de la préservation des ressources naturelles précieuses et limitées comme nous venons de l'évoquer.
Dans cette première prise de parole sur le sujet, il est essentiel de garder à l’esprit que nous traitons d’un secteur sensible, qui sera protégé – et c’est une excellente chose. Ce contre-projet direct me semble bien ficelé et solidement argumenté. Vous l’aurez compris, je défends le rapport de minorité.
Cela dit, nous sommes face à une situation délicate. Le Pays de Vaud partage ses frontières avec d’autres cantons et pays voisins, et les règles que nous adoptons ici ne seront pas nécessairement appliquées de la même manière ailleurs. Cette disparité peut poser un problème : interdire ou protéger de façon trop rigide certaines ressources naturelles sur notre territoire est louable, mais si leur exploitation se poursuit à quelques kilomètres au-delà de nos frontières, l’impact global risque d’être moindre. Sans parler des enjeux liés aux transports.
Je le répète : je soutiens ce contre-projet direct et le rapport de minorité. Mais il est essentiel de garder en tête que nous ne pouvons pas ériger des murs autour de notre territoire ni prendre des décisions en vase clos. Nous resterons toujours interdépendants de ce qui se passe autour de nous.
La construction sur le territoire vaudois consomme 2,3 millions de mètres cubes de granulats, dont 25 à 30 % sont importés, comme l’a rappelé M. Romanens. Par ailleurs, la déconstruction génère environ 800’000 m3 de matériaux pouvant être réinjectés dans le secteur. On constate donc que l’économie circulaire progresse, mais nous ne sommes pas encore dans une dynamique pleinement aboutie, même si, comme l’a souligné la députée Schelker, le mouvement est bel et bien enclenché. Cette évolution est visible sur le terrain, au sein des industries, de l’économie et du secteur de la construction. Toutefois, la question demeure : avançons-nous suffisamment vite pour atteindre nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) et pour prendre en compte un principe fondamental souvent négligé, à savoir la finitude des ressources ? La réponse est non. Il est évident que le rythme actuel reste insuffisant. C’est pourquoi le Conseil d’État propose plusieurs mesures visant à accélérer le processus vers une économie circulaire. Ce projet a été élaboré en concertation avec l’ensemble des partenaires afin que les mesures proposées soient en adéquation avec la capacité d’adaptation de l’économie aux nouvelles réglementations et avec celle de la société à repenser ses modes de consommation. Car il ne fait aucun doute que nous devrons, à l’avenir, revoir tant nos modes de production que nos habitudes de consommation.
C’est tout l’enjeu de ce projet, et du contre-projet qui vous est soumis aujourd’hui, en réponse à l’initiative portant sur le domaine de la construction. Le Conseil d’État propose ici un contre-projet plus large, qui touche à l’économie circulaire dans son ensemble. Il intègre plusieurs principes déjà inscrits dans le droit fédéral et qui, si cette proposition est acceptée, seraient ancrés dans la Constitution. Cela permettrait de donner une première impulsion. Certes, il s’agit d’un article constitutionnel, mais qui demeure notre charte fondamentale et inspirera toute une série de modifications législatives, dont certaines sont déjà en discussion au sein de ce Parlement ; je pense notamment à la Loi sur l’énergie qui prévoit dans son article 35 des normes relatives à la prise en compte de l’énergie grise dans la construction. J’évoque également la révision de la LATC, portée par ma collègue Luisier Brodard, et qui fera prochainement l’objet de vos débats. Enfin, la Loi sur la gestion des déchets, dont la consultation publique sera lancée cette année, constitue un autre cadre essentiel. Ces trois cadres légaux nous permettront de progresser vers une économie plus durable. A cet égard, je me réjouis de la citation rappelée plus tôt, celle du directeur de Holcim, qui plaide pour un cadre clair. Aujourd’hui, nous avons l’opportunité de poser un premier jalon en ce sens avec cette modification constitutionnelle. Vous aurez ensuite la possibilité, à travers les différentes réformes législatives en cours, d’affiner, de préciser et de concrétiser les objectifs que vous souhaitez atteindre, en tenant compte des échéances et des enjeux.
Ce mouvement est déjà en marche, notamment avec les mesures mises en place pour soutenir le bois local. Toutefois, il reste encore beaucoup à faire, en partenariat avec l’ensemble des acteurs concernés. Nous devons également trouver des solutions pour le stockage du bois et faciliter son utilisation dans les projets de construction. Enfin, des efforts supplémentaires sont nécessaires en matière de réemploi dans le secteur du bâtiment. Quelques projets pilotes existent déjà sur le territoire vaudois, mais cela reste trop lent. C’est pourquoi vous avez approuvé un crédit d’investissement visant à donner une impulsion supplémentaire. En somme, les décisions récentes s’inscrivent dans le sillon du cadre proposé ici avec ce contre-projet du Conseil d’État. Celui-ci repose sur un cadre réglementaire, mais aussi sur des subventions et des mesures incitatives destinées à accompagner le mouvement.
Plusieurs amendements ont déjà été évoqués et nous aurons l’occasion d’y revenir. Je salue d’ailleurs la prudence affichée par M. Cherbuin. En effet, comme on le dit souvent, le mieux est parfois l’ennemi du bien. Certains amendements, votés en commission, ont fait l’objet ces derniers jours d’une analyse juridique approfondie par les services de la Couronne. Celle-ci a mis en lumière des problématiques de lien avec la connectivité matérielle de l’initiative. J’interviendrai donc à ce sujet, en particulier sur les alinéas 1 et 4.
L’objectif du Conseil d’État est de proposer un contre-projet ambitieux, solide et acceptable pour l’ensemble des partenaires. Il doit également être juridiquement solide, car la moindre faille du dispositif mettrait en péril tout le projet au moindre dépôt de recours devant la Cour constitutionnelle. J’ai également pris note de l’amendement annoncé par le groupe Ensemble à Gauche, sur lequel nous reviendrons. Oui, il s’agit d’un contre-projet indirect, notamment en ce qui concerne la protection du Mormont. Ce choix repose à la fois sur des considérations politiques et juridiques, que j’aurai l’occasion d’expliquer plus en détail.
Enfin, je me réjouis de vos premières prises de parole ainsi que des débats menés en commission pour parvenir à un équilibre pertinent. L’ambition est claire : faire de ce canton un pionnier de l’économie circulaire dans la construction. Et pour cela, il doit se donner les moyens d’y parvenir.
Projet de décret ordonnant la convocation du corps électoral aux fins de se prononcer sur l’initiative populaire « Sauvons le Mormont » et son contre-projet
Premier débat
Il est passé à la discussion du contre-projet, article par article, en premier débat.
Art. 1. –
Je vous propose de traiter d’abord l’amendement de M. Buclin dont je rappelle la teneur :
« Art. 1. – Al.1 : Le corps électoral est convoqué par arrêté du Conseil d'Etat aux fins de répondre aux questions suivantes :
a. sans changement
b. Acceptez-vous le contre-projet du Grand Conseil qui propose de modifier comme suit la Constitution cantonale du 14 avril 2003 ?
Article 52b Site du Mormont (nouveau)
1 Le site du Mormont est déclaré site protégé. Toute exploitation du sol y est interdite, à l'exception d'une activité agricole et sylvicole respectueuse de l'environnement et de la nature.
Article 56a Economie circulaire : sans changement
c. sans changement. »
Cet amendement n’a pas été déposé en commission et n’y a, par conséquent, pas été traité.
A titre personnel, je vous invite à refuser cet ajout à la Constitution. La Constitution est la loi des lois ; doit-on réellement y inscrire le Mormont ? Et pourquoi le Mormont et non la Venoge, les Marais des Mosses, la Colline de St-Triphon, le Bois-du-Jorat, le Mont-Vully, et j'en passe. La Constitution doit être générale et, pour cela, ne pas considérer une particularité plutôt qu'une autre. Certes, Lavaux y figure, mais ne faisons pas d'une exception notre généralité. Restons pragmatiques et laissons la Constitution être la loi des lois et protégeons le Mormont, tout comme d'autres biotopes cantonaux, par d'autres voies, notamment par la LPrPNP ou les différents PAC. En règle générale, je ne soutiens que très peu les listes à la Prévert dans le domaine législatif, mais au-delà de cela, pour moi, accepter cet amendement est l'équivalent d'ouvrir la boîte de Pandore qui, rappelons-le, a été, selon la mythologie, le commencement de nombreux problèmes inconnus.
Je vous livre quelques explications sur la décision du Conseil d'État de ne pas inscrire la protection du Mormont dans la Constitution. Ce point a été rappelé en commission et figure également dans les différents rapports ainsi que dans l’exposé des motifs. Le Conseil d'État a effectué une pesée d’intérêts et, pour rebondir sur les propos de Mme Fuchs, l’article 52 de notre Constitution, qui traite notamment de la protection de l’environnement et de certains sites, précise à son alinéa 5 que la loi définit les zones et régions protégées. Il s’agit donc d’un principe constitutionnel et légisitique inscrit dans notre Constitution. Le Conseil d'État s’est appuyé sur cette disposition. A l’évidence, il est possible d’évoquer l’exception de Lavaux, mais par analogie avec la protection de la Venoge, qui repose sur la même loi, inscrire la protection du Mormont dans ce cadre législatif permettra le débat tout comme un dispositif plus détaillé pour définir ce que nous entendons par protection du Mormont. Nous y reviendrons relativement à l’article proposé. Mais nous possédons déjà un dispositif qui nous permet d’y voir plus clair sur la façon dont le Mormont est protégé. A cet égard, un article constitutionnel interdirait d’entrer dans ce détail.
Je souhaite brièvement réagir aux propos de Mme Circé Fuchs et à ceux de M. le conseiller d'Etat. En effet, A mes yeux, cette colline possède une richesse archéologique et patrimoniale qui mérite un traitement particulier. Ainsi, à ce titre, il me semblerait cohérent que sa protection soit inscrite dans la Constitution au même titre que celle de Lavaux. Cette colline admet aussi une dimension historique de berceau civilisationnel, riche des restes archéologiques retrouvés, qui lui donnent ce statut particulier. Il s’agit d’un débat politique, et je comprends les arguments des uns et des autres, bien que pour ma part, il me semblerait parfaitement cohérent de réunir le Lavaux et le Mormont dans cette loi fondamentale.
L’amendement Hadrien Buclin est refusé par 80 voix contre 41 et 14 abstentions.
Il s’agit toujours de l’article 1b du décret et de l'article 56a de la Constitution. Un certain nombre d'amendements ont été déposés en commission. Je suggère que nous commencions par le premier, relatif à l’alinéa 1. Cet amendement a été accepté en commission par 8 voix contre 7.
« Art. 1. – Al. 1, lit. b :
1 L’Etat et les communes créent des conditions favorables au développement
de l’d'une économie circulaire et sobre en ressources. »
Je me permets simplement de reprendre deux phrases de la page 10 du rapport de majorité par rapport à cet amendement : « Le chef de département indique que s'il comprend l'intention, le principe d'économie circulaire, bien défini dans l'exposé des motifs et dans le droit fédéral, inclut implicitement celui de sobriété. L’alinéa tel que présenté par le Conseil d'État lui permettrait déjà de garantir une application de la sobriété dans le principe de l'économie circulaire. » De ce fait, et pour aller dans le sens des propos de notre collègue Fuchs, la minorité estime qu'il ne faut pas surcharger le projet de texte constitutionnel et invite le plénum à refuser l’amendement proposé par la majorité de la commission.
En l'occurrence, il a semblé à la majorité de la commission qu’il était important d’ajouter cette précision, parce qu'on peut avoir une économie circulaire qui réutilise énormément de ressources, alors que la meilleure ressource reste celle, non pas qu'on réutilise, mais celle qu'on n'utilise pas du tout, qu'on laisse là où elle est. A cet égard, cette précision semblait fort bienvenue à la majorité de la commission.
M. le député Bardet l'a rappelé : que l’amendement soit accepté ou refusé, cela ne changera rien à la mise en œuvre du dispositif envisagé par le Conseil d'Etat. La finitude des ressources constitue le principe fondamental nous incitant à aller vers une économie circulaire. Ainsi, pour mettre en place une économie circulaire, nous devons adopter une approche sobre en ressources comme le propose cet amendement. En d’autres termes, cet amendement ne change rien aux objectifs de l'article proposé par le Conseil d'Etat.
L’amendement de la majorité de la commission est refusé par 70 voix contre 63 et 3 abstentions.
Je demande un vote nominal.
Cette demande est appuyée par au moins 20 membres.
Celle et ceux qui soutiennent l’amendement de la commission votent oui ; celles et ceux qui s’y opposent votent non ; les abstentions sont possibles.
Au vote nominal, l’amendement de la majorité de la commission est refusé par 74 voix contre 66 et 2 abstentions.
*insérer vote nominal
Deux amendements ont été déposés à cet alinéa. Le premier a été validé par la commission par 8 voix contre 7, le second par 14 voix et 1 abstention. Afin d’éviter tout malentendu, je signale qu’en tant que rapporteur de majorité, j'ai voté ces amendements d'une manière différente de la majorité.
« Art. 1. – Al. 2, lit. b :
2 Ils favorisent l’utilisation de matières, matériaux et produits respectueux des ressources naturelles et de l’environnement ainsi que la fermeture des cycles, notamment dans le secteur de la construction. »
« Art. 1. – Al. 2, lit. b :
2 Ils
favorisentcréent les conditions-cadres favorables à l’utilisation de matières, matériaux et produits respectueux de l’environnement ainsi que la fermeture des cycles, dans tous les domaines concernés, notamment celuidans le secteurde la construction. »
Par analogie à sa position relative à l’alinéa 1, la minorité de la commission évoque à nouveau le fait que le Conseil d'État a indiqué lors des débats de commission que cet ajout – les ressources naturelles – n'était pas nécessaire puisqu’implicitement déjà compris dans le projet de texte du Conseil d'État, ainsi elle s'oppose à cette proposition d’amendement.
A propos de « tous les domaines concernés », si vous liez les paragraphes 2 et 3, on peut y observer une relation très forte au niveau d’une économie qu’on souhaite propre et circulaire, forte de la finité au niveau de ce cercle. « Dans tous les domaines concernés » me paraît approprié. Enfin, les ressources naturelles sont à l’évidence liées à l'environnement.
J'aimerais insister sur l'importance d'ajouter « ressources naturelles ». En introduction, je rappelais qu’il fallait non seulement éviter la production de déchets et favoriser une approche circulaire, j’aimerais citer à nouveau la professeure de l'Université américaine de Yale : « il faut aussi choisir des matériaux biosourcés comme le bois ou le bambou, et améliorer ainsi la décarbonation des matériaux. » En d’autres termes, il faut aussi choisir des matériaux respectueux des ressources naturelles et faire en sorte que les choix respectent non seulement l'environnement de manière générale, mais les ressources naturelles qui sont – encore une fois – limitées, en particulier. Il me paraît que cette précision est très utile.
Relativement à ce second amendement, si M. Bardet m’a devancé, je me permets d’insister. Les ressources naturelles font – à l’évidence – partie de l'environnement, y sont intégrées. Par conséquent, l'ajout de cette précision n'apporte rien à l'article dont la portée sera identique avec ou sans cet amendement. A nouveau, l’un des objectifs de l'économie circulaire des matériaux – au sens large – consiste à prendre en compte la finitude des ressources naturelles. En d’autres termes, la notion est déjà implicitement intégrée dans l'expression « environnement ».
Nous votons sur le premier amendement.
L’amendement de la majorité de la commission est refusé par 75 voix contre 64.
Je demande un vote nominal.
Cette demande est appuyée par au moins 20 membres.
Celles et ceux qui soutiennent l’amendement de la majorité de la commission votent oui ; celles et ceux qui s’y opposent votent non ; les abstentions sont possibles.
Au vote nominal, l’amendement de la majorité de la commission est refusé par 75 voix contre 65.
*insérer vote nominal
Je me permets de revenir sur cet amendement qui avait rencontré – me semble-t-il – la quasi-unanimité en commission. Entre-temps, les juristes de la Couronne s'en sont mêlés, et cet amendement s’avère problématique. En effet, ce dernier rompt le lien de connexité matérielle – vous excuserez les termes techniques –, mais je vous lis la prise de position des juristes de la Couronne. En effet, un éventuel recours à la Cour constitutionnelle arguant du défaut de connexité matérielle aurait de fortes chances d'aboutir. Ainsi, si d'un point de vue conceptuel et politique, cet amendement ne pose pas de problème, l'objectif de cet article n'est pas de cibler un domaine ou un milieu en particulier. A cet égard, la construction concerne tous les pans de la société, tout individu vivant sur ce territoire. Ainsi, l'intention de cet article, comme cela a été rappelé en commission, ne consiste nullement à se concentrer ou de mettre à l'index les milieux de la construction. L'importance de cet article, comme nous le rappellent les juristes de la Couronne, vise à garantir le lien de connexité avec l'initiative qui, elle, se focalise sur la construction.
Par conséquent, le Conseil d'Etat propose une formulation permettant de nuancer quelque peu ce qui est porté par l'initiative. Or, cet amendement s'éloigne du lien direct avec l'initiative. Et, je le répète, selon les juristes de la Couronne, le lien de connexité matérielle serait rompu et les risques de recours seraient réels.
J’aimerais adresse une question au Conseil d'Etat. Si nous supprimions « tous », cela suffirait-il à satisfaire les juristes ? En effet, je considère que l'état d'esprit de ce qui a été proposé est judicieux. Ne parviendrions-nous pas à trouver une solution différente de simplement « blackbouler » un amendement consensuel ?
Les juristes de l'Etat nous rappellent qu'il est impératif de conserver une connexité matérielle avec l'initiative, par conséquent qu’il est important de maintenir « notamment dans le secteur de la construction ». Souhaitez-vous supprimer complètement l’alinéa 2 ? Il n'y aurait alors plus du tout de connexité matérielle. La difficulté de cet amendement est la suivante : il éloigne du lien direct avec l'initiative, en précisant « dans tous les domaines concernés, notamment celui de la construction ». Par conséquent, dans l'idéal, il faudrait en rester à la version du Conseil d'État ; ce que recommandent les juristes de l'État.
Je comprends les propos de notre conseiller d'Etat et les éléments problématiques liés à l’aspect juridique. Il ne s’agit que du premier débat. D’ailleurs, je ne cherche pas à protéger quelqu'un ou quelque chose. S’il s’agit du domaine de la construction, d'autres domaines sont aussi concernés. Ne serait-ce que par rapport à l'exploitation des sous-sols, il me semble que cela est intéressant. Par ailleurs, je ne suis pas opposé à changer un terme pour que l’aspect juridique soit satisfait. Pour le premier débat, je propose de maintenir ce texte, et nous aurons tout loisir de rediscuter lors du deuxième débat.
A mon sens la mention « dans tous les domaines concernés » est superfétatoire, puisque le texte du Conseil d'Etat le sous-entend. En l'occurrence, le problème tel qu'il est posé, dans un cas ou dans l'autre, est compris de la même manière.
En outre, si les initiants retirent leur initiative, il est aussi utile d'imaginer que l'article en question « économie circulaire » répond de manière aussi large que possible dans tous les domaines. Excusez-moi du terme, on fait vraiment « dans la dentelle ». Il est vrai que nous sommes un peu perdus dans cette démarche. En tout cas, pour ma part, le texte du Conseil d'Etat comprend déjà le fait que cela concerne tous les domaines.
Sur les aspects juridiques, je ne peux pas en dire davantage que ce que j’ai déjà mentionné. En l’occurrence, les juristes estiment qu’il pourrait y avoir une rupture du lien de connexité matérielle. Sur le plan politique, je comprends la préoccupation du député Romanens, et je vous rejoins, monsieur Cherbuin, l’intention portée par l’article proposé par le Conseil d’État englobe tous les domaines. Toutefois, d’un point de vue juridique, il est impératif de préserver ce lien avec l’initiative, d’où l’importance de maintenir l’expression, « notamment dans le domaine de la construction ». L’ajout proposé par M. Romanens nous éloignerait encore un peu plus de l’esprit de l’initiative et accroîtrait le risque juridique d’un recours devant la Cour constitutionnelle.
Je suis donc disposé à partager avec les députés concernés l’analyse juridique de la Direction générale des affaires institutionnelles et des communes (DGAIC) sur ce dossier. Mais pour rassurer M. Romanens, je peux vous confirmer en vous regardant droit dans les yeux, et en direct sur le site Internet de l’État de Vaud, que l’intention du Conseil d’État est bel et bien d’inclure tous les domaines liés à l’économie circulaire. Celle-ci concerne l’ensemble de la société, mais, d’un point de vue strictement juridique, nous devons maintenir un lien clair avec l’initiative, ce qui justifie la présence de cette mention.
Nous votons sur le second amendement.
L’amendement de la majorité de la commission est accepté par 95 voix contre 16 et 25 abstentions.
En commission, un nouvel alinéa 4 a été déposé par voie d’amendement et accepté par 8 voix contre 7 ; le voici :
« Art. 1. – Al. 4 (nouveau) : Ils n’autorisent la mise en décharge que lorsqu’aucune alternative respectueuse de l’environnement ne peut être envisagée. »
Comme déjà annoncé au début de la discussion générale, la minorité de la commission s'oppose à ce nouvel alinéa. En effet, un certain nombre d'obligations découlent déjà du droit fédéral ou cantonal en lien avec la question de la mise en décharge, notamment l'alinéa 3 du nouvel article 56a qui discute également de la question des déchets. En outre, un certain nombre de conséquences collatérales négatives pourraient découler de ce nouvel alinéa 4. Pour toutes ces raisons, la minorité de la commission vous recommande de refuser ce nouvel alinéa.
Je déclare mes intérêts en tant que syndic d'une commune concernée par un projet de décharge de déchets de type D et E. Je rappelle que ce Parlement a failli faire capoter, il y a 2 ans, une stratégie vélo cantonale pour 11 hectares de surface d’assolement qui devait être sacrifiée pour des pistes cyclables. Pour ce qui est des décharges, il s’agit de plusieurs dizaines d'hectares de surface d’assolement soustraits à l'agriculture, soustraits à la nature pour y déposer des matériaux plus ou moins pollués. Parfois, cela s’avère nécessaire, parfois, cela est inévitable ; mais parfois, cela relève uniquement d’une solution de facilité. Pour garantir ces surfaces d’assolement dont nous avons tant besoin, pour garantir une agriculture productrice qui tient à cœur, je crois, à ce Parlement, il semble important de limiter au strict minimum les mises en décharge, et ainsi, d'inscrire cela également dans la Constitution pour éviter que la mise en décharge ne soit, comme cela est le cas aujourd'hui parfois, une solution de facilité. En conclusion, dans l'intérêt de nos zones agricoles, de nos surfaces d'assolement, j'espère que cet amendement sera soutenu.
En tant que syndic d'un lieu qui a accueilli des décharges de terre, notre agriculture se porte bien. Monsieur Mocchi, rassurez-vous, les pédologues nous ont précisément expliqué ce qu'il s’agissait de faire ou de ne pas faire. Pour ma part, je vous encourage à rejeter ce nouvel alinéa 4. En effet, cet amendement est redondant par rapport aux lois fédérales et cantonales existantes. Les trois alinéas votés précédemment sont largement suffisants. De plus, cet alinéa impose des attentes irréalistes, compte tenu de la diversité des matériaux et des défis de recyclage actuels. Pour ces raisons, j'estime que cet amendement n'apporte pas de valeur ajoutée et devrait être supprimé pour maintenir la cohérence et l'efficacité de la législation en matière de gestion des déchets.
Je souhaite simplement rappeler à M. Mocchi que lorsque la stratégie vélo a été débattue, il ne s’agissait pas de 11 hectares de surface d’assolement, mais plutôt d’une centaine. Si chacun peut avoir son avis et le défendre, les chiffres, eux, doivent être exacts.
Sans vouloir prolonger davantage le débat, je souhaite simplement rappeler que la grande majorité des matériaux recyclables sont effectivement recyclés plutôt que mis en décharge. Or, ces dernières peinent aujourd’hui à accueillir l’ensemble des matériaux produits. Par exemple, les décharges de type B fonctionnent en moyenne à 165 % des rythmes prévus par les planifications, ce qui illustre bien le manque de sites.
L’an dernier, nous avons voté au sein de ce Grand Conseil des montants conséquents pour l’assainissement de sites pollués, afin de protéger nos eaux potables et nos sols. Or, ces matériaux pollués doivent bien être stockés quelque part. Si possible, pas dans d’autres cantons ni à l’étranger. Une partie sera incinérée par Holcim, mais une quantité non négligeable devra être dirigée vers les décharges, notamment pour les déchets faiblement pollués issus de ces assainissements.
Enfin, rappelons que ces matériaux pollués ne peuvent évidemment pas servir à la construction de vos futures habitations, mesdames et messieurs les députés. Je vous invite donc à rejeter cet amendement qui affaiblit, une fois de plus, la Constitution.
Nous avons entendu à plusieurs reprises que cet ajout était implicite ou redondant. Pour ma part, je préfère ce qui est clair et explicite. Cet ajout me semble donc tout à fait pertinent, car il en rappelle la finalité : éviter la mise en décharge. D’ailleurs, contrairement aux 90 % évoqués plus tôt, de nombreux déchets ne sont malheureusement pas recyclés à ce niveau. Si c’était le cas, nous pourrions nous en réjouir, mais il reste encore beaucoup à faire. Comme l’a rappelé le conseiller d’État en début de séance, dans le secteur de la construction, le taux de recyclage demeure bien trop faible. Il est essentiel d’affirmer clairement que tout matériau recyclable ou réutilisable ne doit plus finir en décharge. Cette précision a le mérite d’être explicite et doit figurer dans ce projet de loi. Je vous invite donc à le soutenir.
Je serai très bref. Nous parlons ici de la Constitution vaudoise, et ce sujet doit être traité à l’échelle appropriée, dans le cadre législatif dédié aux déchets. J’entends bien la préoccupation soulevée, mais si nous suivons cette logique, autant inscrire toute la loi sur les déchets dans la Constitution ! Restons précis : en matière d’économie circulaire, les trois premiers alinéas définissent déjà clairement les attentes dans ce domaine. Je vous invite donc à ne pas retenir cet amendement.
Encore une fois, le mieux est l’ennemi du bien. Le système actuel repose sur un contrôle en amont, basé sur le principe de la clause du besoin. Celui-ci intervient dès la phase de planification, lors de la délivrance des autorisations liées aux constructions et à l’exploitation de l’installation, ainsi que dans les demandes d’autorisation de construire. De plus, les taxes de mise en décharge jouent un rôle dissuasif en encourageant la réutilisation des matériaux.
Je comprends l’intention qui sous-tend cet amendement. Toutefois, l’article 30 de la Loi fédérale sur la protection de l’environnement, ainsi que l’article 12 de l’Ordonnance sur la limitation et l’élimination des déchets, intègrent déjà ces principes. Le cadre fédéral garantit ainsi que la mise en décharge reste l’ultima ratio, après l’examen de toutes les alternatives. Ensuite, comme pour l’amendement de M. Romanens, cet ajout pose un problème de connexité matérielle avec l’initiative, qui ne traite pas explicitement cette thématique. En cas de recours devant la Cour constitutionnelle, il existerait un risque réel de démanteler l’ensemble du dispositif.
Retour à l'ordre du jourL’amendement de la commission est refusé par 75 voix contre 59 et 2 abstentions.
L’article 1, lettre b, amendé, est accepté par 126 voix contre 6 et 4 abstentions.
Le débat est interrompu.