22_HQU_27 - Question orale Hadrien Buclin - Le Conseil d’État doit préparer activement l’accueil de réfugié·e·s ukrainiens.
Séance du Grand Conseil du mardi 8 mars 2022, point 3.9 de l'ordre du jour
Texte déposé
L’horrible agression militaire décidée par le régime de Vladimir Poutine contre l’Ukraine provoque un exode massif de réfugié·e·s. Il est indispensable que les réfugié·e·s soient accueillis dans de bonnes conditions dans le canton de Vaud, du point de vue de l’accès à des soins, à un service de traduction ou encore du point de vue du logement, en évitant absolument les abris souterrains auxquels les autorités vaudoises ont recouru en 2014-2015. Quelles mesures le Conseil d’État prend-il pour préparer cet accueil ?
Transcriptions
Question orale Hadrien Buclin - Le Conseil d’Etat doit préparer activement l’accueil de réfugié-e-s ukrainiens (22_HQU_27)
En préambule, nous avons obtenu des informations la semaine dernière, mais il m’a paru opportun de conserver cette question, la situation de l’accueil des réfugiés évoluant extrêmement rapidement et de manière dramatique. L’horrible agression militaire décidée par le régime de Vladimir Poutine contre l’Ukraine provoque un exode massif de réfugié-e-s. Il est indispensable que les réfugié-e-s soient accueillis dans de bonnes conditions dans le canton de Vaud, du point de vue de l’accès à des soins, à un service de traduction ou encore du point de vue du logement, en évitant absolument les abris souterrains auxquels les autorités vaudoises ont recouru en 2014 et 2015. Quelles mesures le Conseil d’Etat prend-il pour préparer cet accueil ?
Je souhaiterais en premier lieu rappeler que la situation actuelle est très différente de celle que nous avions vécue lorsque des abris de Protection civile (PCi) avaient dû être réquisitionnés. Le droit vaudois stipule que, sauf exception liée à une urgence ou à un afflux extraordinaire, les femmes et les enfants ne sont pas placés dans des abris PCi. Dans le cadre de la situation ukrainienne, environ 80 à 90 % des migrants sont des femmes et des enfants qui ne devraient donc, à priori, pas être hébergés dans des abris PCi, à deux exceptions près, car je souhaite être transparent avec vous. En cas d’extrême urgence, si le canton de Vaud se voyait attribuer un nombre considérable de femmes et d’enfants, un vendredi soir à 18h, et qu’il n’est pas possible de gérer jusqu’au lundi matin cet afflux, dans ce cas uniquement, on pourrait envisager que ces migrantes passent une nuit ou deux au maximum dans des abris PCi, afin qu’elles ne restent pas sur le trottoir. De plus – il s’agit de la deuxième exception – si nous étions totalement débordés et que nous devions parer au plus pressé, dans ce cas de figure et pour un temps très restreint, les abris PCi pourraient être saisis et faire office de lieu d’hébergement pour des femmes et des enfants. Il ne s’agit toutefois pas des scénarios que nous privilégions et sur lesquels nous travaillons. En principe et sous réserve des deux exceptions que je viens de mentionner, il n’y aura pas de femmes et d’enfants hébergés dans des abris PCi. Des foyers, des appartements et de nouvelles structures seront réquisitionnés.
Par ailleurs, je sors d’une visioconférence avec mes homologues des autres cantons et Mme la conseillère fédérale Keller-Sutter pour faire un point de situation sur l’accueil des migrants en provenance d’Ukraine. Une consultation urgente est en cours auprès des cantons et son délai de réponse échoit ce mercredi, pour des prises de décision du Conseil fédéral ce vendredi. En marge de cette consultation, Mme Keller-Suter a indiqué qu’elle entendrait très prochainement les partenaires sociaux sur les différents aspects liés à l’accueil des requérants. Si vous le permettez, je vais en rester aux éléments fondamentaux et, si vous souhaitez obtenir des éléments plus spécifiques, il sera possible de venir m’en parler en aparté, afin de ne pas ennuyer manifestement une partie de vos collègues.
Sur le fond, j’en viens aux différents aspects que votre question. Monsieur le député, vous avez parfaitement raison : la situation est, d’une part, très incertaine et, d’autre part, mouvante. Aujourd’hui, le Conseil fédéral, comme les pays européens, ne peut pas avoir une idée précise du nombre de réfugiés qui souhaiteront venir dans les pays occidentaux. Il existe des scénarios sur le nombre de personnes déplacées à la suite du conflit : l’un sur les déplacements à l’interne et un autre sur ceux dans les pays limitrophes. La volonté du Conseil fédéral est d’avoir une gestion « européenne » de cette situation, de manière coordonnée avec nos voisins européens, afin que chacun ne fasse pas sa petite cuisine dans son coin. D’une manière générale, on ne peut que souscrire à cette volonté d’une prise en charge cohérente sur l’ensemble du territoire européen. Le Conseil fédéral a décidé d’activer une possibilité légale introduite à la suite de la crise des Balkans, mais jamais concrétisée pour l’heure, soit la délivrance du permis très rapidement ainsi qu’au terme d’une procédure extrêmement allégée et qui est voisin tant au niveau des avantages que des contraintes du permis F. Cette procédure fera l’objet vendredi d’une décision formelle du Conseil fédéral qui définira les grandes lignes du contour de ces permis S en termes de prestations sociales, de modalités liées au droit au travail ainsi que des questions de couverture des prestations publiques et du financement cantons-Confédération. Tous ces aspects devraient être arrêtés vendredi, lors de la séance du Conseil fédéral.
Nous avons pris la décision de renforcer encore une fois la collaboration entre les différents cantons et la Confédération afin de pouvoir gérer de manière coordonnée l’ensemble de cette solidarité, que celle-ci s’exprime au travers de la mise à disposition de structures étatiques ou paraétatiques telles que l’Etablissement Vaudois d'accueil des migrants (EVAM), ainsi que la prise en charge dans des foyers. Comme vous le savez, actuellement, bon nombre de Vaudois souhaitent concrètement se montrer solidaires – il faut saluer cet état d’esprit – en accueillant au sein de leur appartement ou maison des Ukrainiens et Ukrainiennes et leurs enfants fuyant les conflits. J’attire toutefois l’attention du Grand Conseil, et au-delà celle de la population, sur le fait que cet accueil, qui est louable en soi et cela ne fait pas l’ombre d’un doute, qui est l’expression de l’une des qualités de notre population, doit être réfléchi. En effet, on ne peut pas faire n’importe quoi, car c’est un accueil qui doit s’inscrire dans la durée et dans des conditions réfléchies, raison pour laquelle le Conseil d’Etat, dès mercredi dernier, a constitué une délégation que j’ai l’honneur de présider et composée des départements de Mmes Ruiz et Métraux, en plus du mien, afin d’instaurer une coordination sur l’ensemble des aspects de la prise en charge. On ne peut pas laisser chacun faire sa petite cuisine dans son coin. En effet, compte tenu de l’afflux probable et de l’importance de cet accueil, il faut se coordonner au niveau cantonal et c’est notre volonté. Ce groupe de travail s’est déjà réuni vendredi dernier et il a constitué un groupe de travail opérationnel avec l’ensemble des services concernés et allant même au-delà en termes de prise en charge scolaire, pour prendre un exemple. Dans ce domaine, un membre de ce groupe de travail technique est issu du département de Mme Amarelle en charge de l’enseignement obligatoire. Il y a aussi les questions liées aux crèches et à la prise en charge médicale et psychique, car nous ne savons pas dans quel état psychique ces personnes ayant fui un conflit armé vont arriver dans notre pays. Toute une série de questions se posent et l’EVAM est le responsable de la conduite ce groupe de travail, étant donné qu’il est le plus compétent d’un point de vue professionnel.
Je reviens sur la question de l’hébergement à domicile. Nous avons tiré les enseignements des expériences passées, notamment en formalisant l’accueil, au travers d’une sorte de contrat liant l’EVAM et la personne qui accueille chez elle un ressortissant étranger. Cette formalisation couvre les devoirs et les droits de chacune des parties ainsi que les relations financières entre celui qui héberge et l’EVAM. J’attire encore une fois votre attention sur ce dispositif qui doit être encadré. Je suis admiratif de l’expression de la solidarité exprimée ici, mais je souhaite que cette relation d’accueil s’inscrive qualitativement dans la durée. On ne peut pas imaginer qu’un habitant de ce canton prenne chez lui un ressortissant ukrainien pour ne plus en vouloir au bout de deux semaines et exiger que l’EVAM vienne le chercher. Mes propos sont peut-être un peu brutaux, mais il faut bien comprendre de quoi on parle. Quand vous êtes appelé à partager votre salle de bain durablement avec une personne qui vient d’ailleurs, autant que cette relation soit mûrement réfléchie et raisonnée, afin que les choses se passent bien. Au travers des deux groupes de travail constitués la semaine dernière, et dont l’un est plus politique et l’autre plus administratif, nous travaillons sur ces aspects.
Dès aujourd’hui, sur le site www.vd.ch, vous trouvez les premières informations sur l’accueil en Suisse de la population ukrainienne, qu’il s’agisse des Ukrainiens ou des habitants d’Ukraine, avec la possibilité de contacter directement les collaboratrices et collaborateurs de l’EVAM qui sont en mesure de répondre concrètement aux différentes questions qui se posent. A la suite de la visioconférence que j’ai eue avec Mme Keller-Sutter, je ferai demain avec le Conseil d’Etat un point de situation plus précis et complet, car il y a certains éléments que je ne peux pas mentionner publiquement. Il y a une volonté unanime de l’ensemble des cantons de mettre en place une collaboration étroite avec la Confédération, avec la volonté que notre pays soit à la hauteur de l’événement que nous connaissons malheureusement aujourd’hui. Avant même vos questions, le Conseil d’Etat a anticipé cette problématique qui est humainement très forte et qui va incontestablement toucher bon nombre de services de l’administration. Nous avons dès lors tout intérêt à avoir une politique cordonnée et cohérente en la matière afin, encore une fois, d’être à la hauteur de l’enjeu humanitaire qui se présente à nous.
Je remercie le conseiller d’Etat pour cette réponse très complète. Je prends note avec satisfaction qu’il n’est pas prévu, sauf en cas de débordement, de recourir à des abris souterrains de la PCi. J’ai une question complémentaire : est-il prévu de prospecter de manière active pour de nouveaux lieux, que cela soit des immeubles ou des biens locatifs, dans le but d’éviter de se laisser déborder par un afflux trop important ? Les privés peuvent accueillir, mais l’EVAM peut aussi prospecter pour de nouveaux foyers.
Retour à l'ordre du jourIl va de soi que l’EVAM a procédé à un recensement des places disponibles, lesquelles dépendent de la typologie des réfugiés qui vont arriver. Si vous avez une famille avec des mineurs non accompagnés, ce ne sont évidemment pas les mêmes structures ni les mêmes impératifs de prise en charge qui s’imposent à nous. Il est donc évident que nous procédons à ce recensement. En principe demain, une commune vaudoise annoncera – c’est sa prérogative et nous souhaitons la respecter – la mise à disposition de l’EVAM d’un nouveau foyer. Demain… C’est vous dire si nous sommes allés vite, car trouver un foyer ainsi que l’assentiment d’une commune ne va pas de soi. C’est facile de dire « y a qu’à, faut qu’on », mais lorsqu’il s’agit de passer à l’opérationnel concret, les choses sont un peu plus compliquées. Toutefois, une commune vaudoise rendra public demain le fait qu’un nouveau foyer est mis à disposition de l’EVAM. Ce foyer n’hébergera pas forcément que des personnes provenant d’Ukraine. En effet, en fonction des impératifs de l’EVAM, il permettra peut-être de libérer des structures qui pourraient être nécessaires à la population d’origine ukrainienne.
Nous travaillons également sur un deuxième foyer qui pourrait être opérationnel ces prochaines semaines. Je ne peux toutefois pas vous donner de date précise avant que les choses soient concrètement finalisées avec les communes concernées. Encore une fois, c’est seulement si on prend en compte les légitimes soucis de la commune que les choses pourront s’inscrire correctement dans la durée. Il y a aussi un projet de construction de places d’accueil avec les autorités communales et cela nécessite parfois du temps. En conclusion, l’administration est mobilisée sur ce dossier, comme le Conseil d’Etat et votre serviteur qui a vu son emploi du temps complètement chamboulé depuis dix jours.