22_REP_103 - Réponse du Conseil d'Etat au Grand Conseil à l'interpellation Jean Tschopp et consorts - Accueillons et intégrons dignement les réfugiés de la guerre en Ukraine (22_INT_61).
Séance du Grand Conseil du mardi 28 février 2023, point 23 de l'ordre du jour
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Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourVoilà une année déjà que cette guerre d'agression déclenchée par M. Poutine a démarré, engendrant plusieurs dizaines de milliers de pertes civiles et 8 millions de réfugiés. Près d'une année après le déclenchement des hostilités, voici l'occasion de renouveler notre solidarité à l'endroit du peuple ukrainien, ce à quoi notre Parlement s’était employé via la détermination de notre collègue Arnaud Bouverat. Près de 7000 réfugiés dans le canton de Vaud représentent des défis extrêmement importants.
La Confédération a montré une certaine réactivité pour mettre au point ce permis S autorisant de nombreuses familles à accéder à un statut, à commencer petit à petit à reprendre pied. Ainsi, j'aimerais saluer l'engagement des nombreuses familles dans le canton qui, au quotidien, s'engagent pour accueillir des réfugiés. Je remercie le Conseil d'Etat pour sa réponse – porteuse de nombre d’éléments – qui nous apprend aussi qu'il existe des possibilités d'accueil pour différents profils de famille, y compris des bénéficiaires du revenu d'insertion.
Au quotidien, il s’agit aussi d’un défi pour le personnel enseignant – ou les employeurs – qui a dû accueillir dans les classes de nombreux enfants ukrainiens. Une pénurie importante prévaut dans plusieurs secteurs d'activité. Ainsi, penser aux Ukrainiens et Ukrainiennes devrait être un réflexe, car ils sont porteurs de nombre de compétences dans le domaine linguistique, de l’anglais, notamment. Elles peuvent constituer des ressources dans différents emplois.
Enfin, je n'ai nulle détermination à proposer à ce Parlement, mais je remercie en tous les cas le Conseil d'Etat pour sa réponse. Nous demeurerons attentifs au développement de la situation qui va rester un défi. Un regard vers l’Ukraine nous montre que la paix semble hélas lointaine et que les hostilités devraient encore durer ; une situation dans laquelle le peuple ukrainien exerce son droit de légitime défense face à une guerre d'agression.
La discussion est ouverte.
Je profite de la discussion relative à la réponse à cette importante interpellation pour relayer quelques préoccupations dont j'ai pu avoir des échos, notamment par le biais de discussions avec des employés qui travaillent dans des foyers de l’Etablissement vaudois pour l’accueil des migrants (EVAM). Je précise que j'interviens ici sans volonté de polémique, ayant parfaitement conscience de l'important effort consenti depuis une année et des difficultés liées à la montée en puissance très rapide du dispositif d'accueil. Et, comme mon collègue Jean Tschopp, je tiens d'abord à saluer l'immense effort d’accueil, l'engagement très important, notamment de l’EVAM et de ses employés.
Cependant, j’exprime quelques préoccupations qui demeurent malgré cet effort. La première concerne l’offre de cours de français qui, comme j'ai eu l'occasion le dire dans le cadre du budget 2023, reste insuffisante, ce que le Conseil d'Etat précise d'ailleurs dans sa réponse à la deuxième question, puisqu'il nous apprend que parmi les personnes qui en ont fait la demande, seuls 72 % ont pu y accéder. En d’autres termes, nous nous trouvons avec plus d’un quart de demandes insatisfaites. Ainsi, j'aimerais insister sur l'importance de renforcer cette offre de cours, puisqu’il s’agit d’un élément essentiel non seulement pour s'insérer dans la société romande, mais également pour offrir aux personnes présentes dans les foyers, souvent désœuvrées tant qu'elles n'ont pas accès à l'emploi, une activité qui participe à structurer la semaine et contribue à donner du sens à leur présence ici.
Je voudrais aussi mentionner un autre sujet de préoccupation quant à la proportion élevée de personnes âgées, voire très âgées, parfois de plus de 80 ans, dans les foyers de l’EVAM. Le personnel des foyers se trouve parfois un peu démuni face à des personnes qui ont besoin d'une prise en charge accrue, voire de soins médicaux, des foyers qui n’ont évidemment pas été prévus pour ce type de public, puisque les immigrés en principe sont plus jeunes que ceux arrivés depuis une année. J'imagine que le Conseil d'Etat a conscience de cette problématique. J'espère qu'il examine les moyens de renforcer cette prise en charge spécifique. Par exemple, à Ecublens se trouve un foyer spécialement conçu pour les personnes âgées, mais dont le nombre de places est encore très insuffisant. Peut-être qu’une collaboration avec des EMS devrait être renforcée pour faire face à cette problématique ?
Enfin, une dernière remarque concerne les classes d’accueil qui, elles aussi, souffrent d’une surcharge, évidemment difficilement évitable, vu l'afflux. Néanmoins, l’une des causes de la surcharge réside dans la pénurie de personnel enseignant qualifié. A ce sujet, j’aimerais signifier encore une fois combien me semble malvenue, dans le contexte de pénurie lié au secteur de la fonction publique – mais aussi dans d'autres – l'absence d'indexation complète. Un élément qui entraîne une situation de baisse de revenu qui n’aidera pas à lutter contre la pénurie de personnel dans certains secteurs, tel que l'enseignement en classe d'accueil. Ainsi, je pense qu’il s’agit aussi d’une raison supplémentaire pour ouvrir des négociations sérieuses avec le syndicat de la fonction publique.
Dans le panorama auquel nous procédons aujourd'hui des différents dossiers de mon département, nous touchons maintenant à la question de la migration et, en particulier, celle de la question ukrainienne, un phénomène hors normes : le plus grand mouvement migratoire sur le continent européen depuis la Deuxième Guerre mondiale, porteur de davantage d'arrivées en Suisse que dans les années 90, au moment de la guerre en ex-Yougoslavie, davantage, d’ailleurs, aussi, qu'en 2015. En soi, notre système d’accueil fonctionne plutôt bien, puisqu’en 10 mois, nous avons quasiment doublé les capacités d'hébergement, ceci grâce en particulier aux familles d'accueil. J'aimerais profiter de cette occasion pour encore une fois remercier les plus de 1000 familles qui à un titre ou à un autre ont accepté d'héberger temporairement ou parfois un peu plus longtemps, des personnes en provenance de l'Ukraine.
L’EVAM a aussi accompli un énorme travail, dont j’aimerais remercier à nouveau le personnel qui s'est beaucoup investi ces derniers mois. Au sein de l’EVAM, cela a nécessité d'engager du personnel supplémentaire – près de 300 personnes – ce qui a aussi signifié d’intégrer de nouveaux collaborateurs. De nouveaux foyers d'hébergement collectif ont été ouverts. Nous avons également dû nous résoudre à ouvrir deux abris PC, l'ultima ratio, pour éviter que des gens dorment dans la rue. Du point de vue de l’hébergement, nous avons pu utiliser la nouvelle loi qui nous permet d'agir en cas d'urgence, en cas d'immigration importante, pour utiliser provisoirement des locaux ou des terrains qui sont en réalité affectés à autre chose que du logement. Ainsi, nous pouvons construire de manière provisoire, par exemple, à Nyon, et utiliser d'autres types de bâtiments.
J’aimerais en particulier remercier toutes les communes qui ont accepté de jouer le jeu, dont je n’ignore pas le caractère ardu. Je pense en particulier à la commune de Sainte-Croix qui héberge beaucoup de personnes de l’EVAM, mais aussi des personnes issues de la migration, qui ont trouvé des logements là-bas. Je pense aussi à la commune de Bex qui se trouve aussi dans une situation difficile ou à certaines communes qui ont dû accepter que l’EVAM ne respecte pas certains engagements prévus – comme celle de Leysin – et ont accepté de faire preuve de compréhension, ce dont je les remercie.
J'aimerais aussi remercier les enseignants, puisque plus de 1000 élèves ont rejoint les classes ordinaires. Les enseignants ont dû rapidement accueillir tous les enfants, puisqu’ils constituent près de 30 % des réfugiés. Les personnes en provenance de l'Ukraine sont principalement des familles avec enfants et, parfois, effectivement avec les grands-parents. Cet hébergement a constitué un grand défi. Et, maintenant, malheureusement, le conflit perdure. Si le permis S a été prolongé, la Confédération rappelle sa qualité provisoire. A terme, ces personnes devront retourner dans leur pays pour participer à sa reconstruction. Néanmoins, entre-temps, ces personnes doivent être intégrées : notre manière de manifester notre solidarité et d'investir dans la reconstruction de l'Ukraine. En effet, si les personnes qui sont ici peuvent acquérir de nouvelles compétences, comme apprendre le français – une langue importante au sein de l'Union européenne – si elles peuvent trouver un travail, c'est aussi une manière d'aider à la reconstruction de l'Ukraine.
Bien que l'hébergement soit plus ou moins maîtrisé et que nous souhaitions pouvoir fermer les abris PC, nous cherchons encore et toujours des familles qui souhaitent accueillir des personnes issues de l'immigration, immigration ukrainienne, mais aussi d'autres nationalités. Il s'agit maintenant aussi de réfléchir à l'intégration, d’effectivement d'augmenter les cours de français, mais aussi de les insérer sur le marché du travail. Voilà pourquoi nous travaillons au sein de mon département de concert avec l’EVAM, le Bureau cantonal de l'intégration et les ORP, de manière à ce que ces personnes puissent accéder au marché du travail. Finalement, notre économie manque aussi de main-d'œuvre, ce qui constitue une occasion pour ces personnes – ukrainiennes ou d’autres nationalités – de non seulement conserver des compétences mais aussi d'en acquérir de nouvelles. Au sein du Conseil d'Etat, nous souhaitons traiter de manière égale toutes les populations issues de la migration – requérantes d’asile ou ukrainiennes –, quelles qu’elles soient. Mais de fait, les permis sont différents, puisque les personnes en provenance d’Ukraine, du moment qu’elles sont ukrainiennes, obtiennent directement un permis S, alors que les autres nationalités doivent suivre le parcours de l’asile.
Au sein de mon département, je souhaite mettre l’accent sur l’intégration des personnes sur le marché du travail, même si elles doivent ensuite retourner dans leur pays. Elles resteront malgré tout encore sans doute un certain temps chez nous – on ignore combien de temps cette guerre va durer. J’aurai certainement l'occasion de revenir pour en parler.
Retour à l'ordre du jourLa discussion est close.
Ce point de l’ordre du jour est traité.