22_MOT_44 - Motion Florence Gross et consorts - Pénurie de personnel infirmier en EMS/EPSM : une mesure incitative nécessaire.
Séance du Grand Conseil du mardi 25 avril 2023, point 26 de l'ordre du jour
Texte déposé
La pénurie de personnel soignant en EMS/EPSM n’est plus à prouver. 96.3% des EMS interrogés dans le cadre de la dernière étude nationale1 rapportent que la situation de recrutement du personnel soignant avec formation professionnelle tertiaire d’une École supérieure (ES) ou d’une Haute école spécialisée (HES) est plutôt ou très difficile.
Sur le territoire vaudois et depuis des mois, il est de plus en plus épineux pour les institutions de respecter la dotation requise par le Canton. L’appel à des intérimaires est devenu monnaie courante, au détriment du bien-être des résidents, de la préservation du lien résident-soignant et de l’équilibre financier de l’exploitation.
Le constat est alarmant : la couverture suisse des besoins en personnel soignant et médico-technique est largement déficiente et toutes les institutions devront faire face à un manque de personnel conséquent ces prochaines décennies. En 2016, cette situation faisait déjà l’objet d’un rapport de l’Observatoire suisse de la santé (OBSAN)2, qui soulignait l’écart significatif entre les capacités de formation existantes et les besoins effectifs de relève pour le personnel infirmier.
En parallèle à l’acceptation par le peuple de l’initiative populaire « Pour des soins infirmiers forts » et à la décision unanime du Conseil des États pour la mise en œuvre de sa première étape, avec des montants financiers qui devraient d’ailleurs être prochainement votés pour ce faire, d’autres mesures concrètes et urgentes doivent être mises en place.
Aujourd’hui, les EMS/EPSM vaudois s’attellent tous à développer de nouvelles actions quant au recrutement, à la formation et au maintien de leur personnel en leur sein.
Si renforcer l’équité salariale, afin d’attirer le personnel soignant qualifié dans leurs institutions, ce malgré une grille salariale et une caisse de pension inférieures à celles du CHUV, est une orientation majeure, plusieurs pistes pour l’amélioration des conditions de travail sont également envisagées : aménagement du temps de travail et taux d’occupation facilitant la conciliation vie professionnelle et vie privée, réduction du travail administratif, mentorat lors de l’intégration des nouveaux collaborateurs, valorisation des compétences spécifiques, etc.
La représentation du rôle du personnel soignant en EMS/EPSM est également un facteur déterminant sur lequel ces institutions entendent travailler. En effet, les établissements hospitaliers bénéficient d’une image prépondérante dans le cadre du cursus du personnel soignant qualifié et dès lors la place des autres acteurs souffre d’un manco évident en termes de pratiques et de stages.
Rendre plus visible et plus lisible le travail au sein du domaine socio-sanitaire aux infirmièrs.ères en formation doit renforcer son attractivité. C’est une mesure qui existe bien sûr, mais qui souffre néanmoins d’un défaut structurel.
En effet, afin de pouvoir accueillir des stagiaires dans des stages, parties du cursus de formation, le personnel soignant diplômés d’EMS/EPSM doit être au bénéfice d’une formation - CAS Praticien.ne formateur.trice - , afin de pouvoir assurer l’encadrement des étudiantes et étudiants Bachelor des filières des domaines Santé et Travail Social. Le prix de cette formation (CHF 150.- de frais de dossier et CHF 250.- de frais de matériel pédagogique) est clairement incitatif. Toutefois, sa durée, soit 25 jours de cours sur 12 mois, freinent les institutions. Celles-ci devront en effet se priver de la personne inscrite durant les 25 jours formatifs et en respect de la dotation minimale requise, la remplacer. Le coût salarial pour cette absence est estimé à CHF 10'000.- .
Certes, l’établissement, en respect de la Convention sur la formation pratique HES-SO, se voit indemnisé lors de présence de stagiaire/étudiant. Toutefois, l’indemnisation ne couvre en aucun les frais liés aux absences et coûts précisés ci-dessus. En se privant de praticien formateur, les EMS/EPSM se privent de stagiaires étudiants, donc de mise en évidence de leurs-plus-values cliniques, donc de potentiels futurs collaborateurs.trices.
Par la présente motion, nous demandons au Conseil d’Etat d'élaborer et de soumettre au Grand Conseil, par l'intermédiaire d'une proposition de décret ou de loi, une mesure incitative et concrète, susceptible de combattre efficacement la pénurie de personnel infirmier en EMS/EPSM, afin de favoriser l’inscription de leur personnel qualifié diplômé au « CAS de praticien formateur ». Cette mesure pourrait évidemment être élargie aux soins à domicile.
1https://shurp.unibas.ch/wp-content/uploads/2021/05/SHURP-2018-Rapport-final-avril-21.pdf
2https://www.obsan.admin.ch/sites/default/files/2021-08/obsan_bulletin_2016-12_f.pdf
Conclusion
Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures
Liste exhaustive des cosignataires
Signataire | Parti |
---|---|
Mathieu Balsiger | PLR |
Pierre-François Mottier | PLR |
Thierry Schneiter | PLR |
Grégory Bovay | PLR |
Marion Wahlen | PLR |
Laurence Bassin | PLR |
Carole Dubois | PLR |
Yvan Pahud | UDC |
Gérard Mojon | PLR |
Olivier Petermann | PLR |
Monique Hofstetter | PLR |
Maurice Neyroud | PLR |
Guy Gaudard | PLR |
Sylvain Freymond | UDC |
Nicolas Bolay | UDC |
Jean-Bernard Chevalley | UDC |
Blaise Vionnet | V'L |
Josephine Byrne Garelli | PLR |
Anne-Lise Rime | PLR |
Fabrice Neyroud | UDC |
Jean-François Cachin | PLR |
Grégory Devaud | PLR |
Florence Bettschart-Narbel | PLR |
Philippe Germain | PLR |
Jean-Luc Bezençon | PLR |
Jean-Daniel Carrard | PLR |
Cloé Pointet | V'L |
Sergei Aschwanden | PLR |
Jean-Marc Udriot | PLR |
John Desmeules | PLR |
Pierre Kaelin | PLR |
Regula Zellweger | PLR |
Nicolas Suter | PLR |
Jerome De Benedictis | V'L |
Pierre-André Romanens | PLR |
Documents
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourLa commission s’est réunie le 9 décembre 2022 pour traiter de cette motion. Elle propose de mettre en place une mesure dans le cadre du premier volet de l’initiative fédérale relative aux soins infirmiers forts, volet consacré à la formation et pour lequel la Confédération octroiera des montants aux différents cantons. L’objectif est de soutenir les EMS et les EPMS désireux d’accueillir plus de stagiaires, mais qui n’ont pas suffisamment de praticiens formateurs et de praticiennes formatrices. Il s’agit, pour l’Etat, de mettre en place un soutien pour compenser l’absence des personnes qui entreprendraient ce CAS. Le coût de ce dernier est modeste, mais il nécessite 25 jours de formation sur 12 mois, ce qui est conséquent en période de pénurie du personnel. Il est en effet compliqué, pour les établissements, de se passer de leurs collaboratrices et collaborateurs, et ce, même pour quelques jours.
Cette motion est accueillie favorablement par le département. Elle s’inscrit dans les travaux en cours de l’infirmière cantonale. Il est proposé de répondre à cette motion dans le cadre du plan global que le département entend déployer en lien avec la mise en place des soins infirmiers forts. La commission recommande à l’unanimité au Grand Conseil de prendre en considération cette motion et de la renvoyer au Conseil d’Etat.
La discussion est ouverte.
Je remercie la commission pour son soutien unanime ainsi que Mme la conseillère d’Etat Rebecca Ruiz, Mme Spicher et Mme l’infirmière cantonale. Je déclare mes intérêts : je suis directrice d’EMS. Mme la rapportrice a relevé les points saillants de nos discussions ; je ne vais donc pas revenir dessus. Le but est d’inciter les stagiaires infirmiers à venir en EMS lors de leur formation, afin que nous – professionnels – puissions leur donner envie de venir y travailler à la suite de l’obtention de leur diplôme. Pour cela, nous avons besoin de ce léger soutien, parce que se priver 25 jours sur une année d’une infirmière ou d’un infirmier diplômé est très compliqué. Il est déjà difficile de trouver ses personnes, alors s’en priver environ 2 jours par mois est compliqué pour les EMS et EPMS. Certes, il y a toujours le marché des intérimaires, mais c’est un marché cher et ce n’est pas forcément ce que nous souhaitons. C’est donc un petit soutien que nous demandons aujourd’hui à l’Etat, au travers de cette motion. Je vous remercie sincèrement pour le soutien et espère que le Conseil d’Etat pourra y donner suite.
Une mesure incitative conséquente pour pallier la pénurie de personnel infirmier dans les EMS aurait été de voter la proposition de revaloriser les salaires de l’ensemble du secteur sanitaire parapublic. Vous l’avez refusée, à notre plus grande incompréhension vu vos intérêts. Cela dit, il semble malgré tout juste de favoriser la formation des praticiennes et praticiens formateurs, mais nous avons toutefois une question préalable : est-ce qu’en contrepartie de ces mesures incitatives, les EMS s’engagent à consacrer aux étudiantes et étudiants le temps exigé pour la convention HES-lieu de stage ? Sachant qu’une praticienne formatrice s’engage contractuellement à consacrer 20 % du temps de stage de chaque étudiante ou étudiant, cela représente une sacrée charge. Nous peinons à voir comment un établissement qui ne semble pas pouvoir assumer d’envoyer une personne en formation pendant 25 jours puisse assumer la décharge d’un jour par semaine pour se consacrer à la formation. Sinon, derrière, ce sont les étudiantes et étudiants qui paient les pots cassés d’une formation bâclée. Or, si la formation est bâclée, ces mêmes étudiantes et étudiants vivent mal leur stage. Et si ces derniers vivent mal leur stage, ils n’iront jamais travailler en EMS. Ce serait donc de l’argent public investi pour rien.
Je déclare mes intérêts : je suis président du Pôle Santé Vallée-de-Joux. Le manque de personnel soignant est l’un des défis majeurs de notre canton pour faire face, notamment, aux enjeux liés au vieillissement de la population. Afin de remédier à cette pénurie, il est nécessaire de travailler sur deux volets :
Premièrement, les conditions de travail qui doivent être améliorées, avec une révision des conditions salariales qui est attendue, mais pas seulement. La reconnaissance du travail de nuit, les horaires coupés, la dotation personnelle ou la conciliation entre vie privée et vie professionnelle sont quelques éléments, parmi d’autres, sur lesquels l’Etat peut travailler en partenariat avec les syndicats et les employeurs.
Deuxièmement, il est nécessaire de renforcer la formation. Nous ne formons pas assez, tant sur les bancs d’école que sur le terrain. La proposition de notre collègue Gross s’inscrit dans ce dernier volet. Le manque de personnel formateur sur le terrain est en effet un élément qu’il faut prendre en considération pour répondre à la pénurie de personnel infirmier.
Lors des débats en commission, le Conseil d’Etat nous a confirmé que l’infirmière cantonale est en train d’élaborer un plan global qui serait déployé en lien avec la mise en application de l’initiative « Pour des soins infirmiers forts ». La proposition de notre collègue Gross s’inscrit dès lors très bien dans les démarches en cours au sein de la Direction générale de la santé. Par ailleurs, ce serait un complément au postulat Jaccoud « Pour des soins infirmiers forts » qui traite des enjeux liés aux conditions de travail. Nous nous réjouissons de découvrir les propositions du Conseil d’Etat en la matière. Le groupe socialiste vous invite à renvoyer cette motion au Conseil d’Etat.
Madame Misiego, je parle ici du volet 1 de l’initiative sur les soins infirmiers, soit sur le volet formation. Je ne parle donc pas de conditions salariales ni de conditions de travail. Cette motion s’inscrit dans un tout autre volet. Certes, le temps exigé pour former est sous certaines conditions. Et pour ce faire, nous devons nous en donner les moyens. Tout cela va dans le droit sens de cette motion. Mais le temps exigé pour former est aussi un temps requis pour tout infirmier ou infirmière ayant des responsabilités ; il y a une aussi une charge managériale importante, de même que des charges administratives importantes. Tout cela est évidemment contrôlé et dans l’intérêt des directions et cadres des EMS ; nous ne sommes pas là uniquement pour former, mais également pour faire envie. Nous sommes là pour faire envie aux étudiants et stagiaires, pour qu’ils reviennent chez nous, dans nos établissements, dans nos EMS, dans nos EPMS, une fois diplômés. Il est évident qu’on va leur donner le temps exigé pour les former, car si on ne donne pas envie et qu’on le fait seulement pour dire qu’on l’a fait, sans donner de sens à leur stage, il n’y a aucun intérêt, hormis de dire que nous sommes des entreprises formatrices. En tant que responsables, en tant que direction d’EMS, en tant que faîtière, en tant que cadres de la santé, nous allons plus loin que ce débat uniquement salarial. Aujourd’hui, nous avons d’autres responsabilités, à savoir d’offrir des conditions de travail attrayantes. Nous devons donner l’envie à des jeunes de venir travailler chez nous. Cela va dans le droit sens de cette motion. Et je trouve dommage qu’on revienne dans ce débat avec la question des conditions salariales, car ce n’est pas le sujet de cette motion, ni le sujet du premier volet de l’initiative des soins infirmiers.
Les Chambres fédérales – tant les Etats que le national – ont voté un crédit de l’ordre d’un milliard de francs à la suite de la votation populaire pour les soins infirmiers, le premier volet en lien avec la formation. Si on considère que le canton de Vaud représente 10 % de la Suisse, cela fait environ 12,5 millions de francs sur 8 ans qui seraient dévolus à la formation. Aujourd’hui, l’idée est d’accompagner le Gouvernement – Mme Ruiz le fait très bien et son groupe la suit à 100 % sur cet aspect. La formation est très importante ; il y a une pénurie d’infirmières et d’infirmiers, notamment dans les EMS. Je pense que c’est un geste important du Parlement vaudois pour accompagner cet aspect. Je crains le risque du « premier demandeur, premier servi ». Il s’agit d’un milliard, mais l’on n’a pas encore déterminé la répartition. Madame Misiego, si vous considérez que l’éducation coûte cher, alors essayons plutôt l’ignorance.
Nous sommes encore dans l’attente d’informations de la part de la Confédération, à travers les ordonnances en particulier, pour savoir comment cette répartition va se faire. Au stade actuel, il ne m’est pas possible de vous donner des précisions. Je ne suis pas certaine que l’on soit uniquement dans une logique de risques liés au « premier demandeur, premier servi » ; cela ne fait pas partie des inquiétudes que nous avons pour l’instant, du moins sur la base des éléments discutés dans le cadre des commissions actives sur ce dossier et pour lesquelles la Conférence des directeurs de la santé est très active. L’infirmière cantonale prend également part aux séances et organismes, elle a donc un certain nombre d’informations assez rapidement. Ce qui nous inquiète beaucoup, pour l’instant, ce sont plutôt les options qui pourraient venir et soutenir les cantons qui ont fait peu d’efforts jusqu’à maintenant, alors que les grands cantons, dont le nôtre, ont fait beaucoup d’efforts ces dernières années, notamment dans le domaine des soins infirmiers forts, mais aussi en termes de places de formation. Nous sommes donc fortement impactés, avec d’autres cantons comme Berne et Zürich, et très attentifs à cette question, afin d’éviter que les bons élèves ne soient pénalisés, au profit des cantons qui n’ont rien fait pour l’instant. Il faut valoriser ce qu’on a fait et ce qu’on est prêt à faire davantage.
C’est une nécessité absolue, non seulement pour nos établissements – on a parlé des EMS – mais il y a aussi d’autres acteurs du système de la santé, comme les hôpitaux, les CMS, les infirmières indépendantes, qui nécessitent de se voir renforcés en termes d’effectifs, non pas pour le simple plaisir de renforcer les effectifs, mais parce que nous aurons des besoins très importants en lien non seulement avec le vieillissement de la population, soit des soins plus importants qui devront être donnés à davantage de personnes, et en lien avec les problématiques de pénurie, par exemple des désistements en cours de carrière qu’on connaissait avant le Covid et qui, depuis la crise pandémique, se sont accentués et mettent d’ores et déjà des établissements de notre canton dans des situations compliquées, parfois par manque de personnel. Ils ne peuvent donc pas ouvrir des lits, par exemple dans des EMS, alors que le besoin de lits est très important et génère à l’autre bout de la chaîne, soit à l’hôpital, des situations d’engorgement. C’est une situation complexe. On est très investi dans cette problématique, en lien aussi avec le département de M. Borloz. Il y a un projet qui s’appelle InvestPro, qui est mené par l’infirmière cantonale et qui vise à faire des propositions rapidement, une fois que l’on aura des clarifications du côté de la Confédération, pour qu’on puisse obtenir les montants dont on a besoin pour poursuivre notre politique ambitieuse. Les éléments demandés par la motion de Mme Gross sont très importants pour créer davantage de places de stage dans les EMS et pour renforcer l’attractivité dans ces établissements.
Retour à l'ordre du jourLa discussion est close.
Le Grand Conseil prend la motion en considération à l’unanimité.