24_RES_8 - Résolution Florence Bettschart-Narbel et consorts au nom PLR, UDC - Pour que l'UNIL reste un lieu de formation et de recherche (Développement et mise en discussion avec au moins 20 signatures).
Séance du Grand Conseil du mardi 14 mai 2024, point 9 de l'ordre du jour
Texte déposé
Depuis jeudi 2 mai, des étudiants et autres militants de la cause palestinienne occupent le bâtiment Geopolis. Quelques soient leurs motivations, l’occupation d’un bâtiment de l’Unil pose différents problèmes, notamment l’accès aux cours, aux bureaux et la garantie d’un espace de recherche et formation sécure.
Plusieurs témoignages démontrent que ces manifestations à l’intérieur de l’Unil provoquent un sentiment d’insécurité pour certains membres du corps enseignant et étudiants. Des tentatives d’intimidation envers des professeurs, notamment en essayant de les empêcher de prendre la parole dans un cours public, ont été dénoncées. Cela n’est pas acceptable.
L’université doit être un lieu de formation et de recherche et non de militantisme. L’on constate aujourd’hui une érosion de la frontière entre science et opinion, ce qui peut provoquer un manque d’objectivité et de neutralité. La direction de l’Unil est garante de ces principes. En l’espèce, en ne prenant pas des mesures pour faire cesser l’occupation des locaux, elle ne respecte plus les missions qui lui sont confiées.
Conscients de l’autonomie de l’Unil, nous rappelons néanmoins l’art. 11 de la Loi sur l’université qui dispose que la gestion de l’université est placée sous la surveillance de l’Etat, exercée par l’intermédiaire du Département de la formation.
Pour les raisons mentionnées ci-dessus, le Grand Conseil invite le Conseil d’Etat à prendre toute mesure garantissant que les missions premières de l’Université de Lausanne, soit la formation et la recherche, se fassent en toute sécurité et sans entrave pour l’ensemble de la communauté universitaire.
Liste exhaustive des cosignataires
Signataire | Parti |
---|---|
Florence Gross | PLR |
Marion Wahlen | PLR |
Jean-François Cachin | PLR |
Laurence Cretegny | PLR |
Sergei Aschwanden | PLR |
Blaise Vionnet | V'L |
Fabrice Tanner | UDC |
Georges Zünd | PLR |
Regula Zellweger | PLR |
Philippe Jobin | UDC |
Jean-Rémy Chevalley | PLR |
Cédric Weissert | UDC |
Olivier Petermann | PLR |
Romain Belotti | UDC |
Alain Cornamusaz | UDC |
Anne-Lise Rime | PLR |
Michael Demont | UDC |
Yann Glayre | UDC |
Loïc Bardet | PLR |
Aurélien Clerc | PLR |
Jean-Bernard Chevalley | UDC |
Jean-Luc Bezençon | PLR |
Nicolas Glauser | UDC |
Xavier de Haller | PLR |
Nicolas Bolay | UDC |
Denis Dumartheray | UDC |
Carole Schelker | PLR |
Jean-Marc Udriot | PLR |
Monique Hofstetter | PLR |
Philippe Germain | PLR |
John Desmeules | PLR |
Josephine Byrne Garelli | PLR |
Nicolas Suter | PLR |
Marc Morandi | PLR |
Stéphane Jordan | UDC |
Nicola Di Giulio | UDC |
Fabien Deillon | UDC |
Thierry Schneiter | PLR |
Olivier Agassis | UDC |
Jean-Daniel Carrard | PLR |
Marc-Olivier Buffat | PLR |
Charles Monod | PLR |
Maurice Treboux | UDC |
Pierre-Alain Favrod | UDC |
Bernard Nicod | PLR |
Laurence Bassin | PLR |
Grégory Bovay | PLR |
Carole Dubois | PLR |
Fabrice Moscheni | UDC |
Guy Gaudard | PLR |
Jean-Franco Paillard | PLR |
Maurice Neyroud | PLR |
Aliette Rey-Marion | UDC |
Pierre-François Mottier | PLR |
Documents
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourComme j’ai eu l’occasion de le dire la semaine passée, loin de moi l’idée de vouloir ouvrir un débat sur le fond de la guerre Israël-Gaza. Je crois qu’il n’incombe pas à notre Grand Conseil de se prononcer sur le fond, mais bien sur l’occupation de l’Université de Lausanne (Unil), occupation qui perdure à ce jour. Depuis jeudi 2 mai, des étudiants et autres militants de la cause palestinienne occupent le bâtiment Géopolis. Quelles que soient leurs motivations, l’occupation d’un bâtiment de l’Unil pose différents problèmes, notamment l’accès aux cours, aux bureaux et la garantie d’un espace de recherche et formation sécure. Plusieurs témoignages démontrent que ces manifestations à l’intérieur de l’Unil provoquent un sentiment d’insécurité pour certains membres du corps enseignant et certains étudiants. Des tentatives d’intimidation envers des professeurs – notamment de les empêcher de prendre la parole dans un cours public – ont été dénoncées ; cela n’est pas acceptable. Tout comme il n’est pas acceptable qu’un certain nombre de professeurs prennent fait et cause pour la cause palestinienne et ainsi s’éloignent d’une neutralité politique dont ils doivent faire preuve dans le cadre de l’Unil. Ce cas pose un certain nombre de problèmes, notamment sur le militantisme des professeurs dans le cadre de l’Université. Cette dernière doit constituer un lieu de formation et de recherche et non de militantisme. Aujourd’hui, nous constatons une érosion de la frontière entre science et opinion, ce qui peut provoquer un manque d’objectivité et de neutralité. La direction de l’Unil est garante de ces principes. En l’espèce, en ne prenant pas de mesures pour faire cesser l’occupation des locaux, elle ne respecte plus les missions qui lui sont confiées.
Conscients de l’autonomie de l’Unil, nous rappelons néanmoins l’article 11 de la Loi sur l’Université (LUL) qui dispose que la gestion de l’Université est placée sous la surveillance de l’Etat, exercée par l’intermédiaire du Département de la formation.
Aujourd’hui, nous savons qu’un certain nombre d’étudiants occupent encore le bâtiment Géopolis. Apparemment, l’injonction de quitter les lieux à 22 heures est respectée – ce qui est à saluer – mais plus de 10 jours après le début de l’occupation, il apparaît que cette situation ne peut plus perdurer. Je pense que l’Unil doit rester un lieu de recherche et de formation. Je pense que la liberté académique doit s’exercer, mais que l’occupation d’un bâtiment ne représente en rien la liberté académique, elle représente uniquement du militantisme, militantisme dans un sens qui ne vise ni la paix ni la négociation.
Pour les raisons mentionnées ci-dessus, le Grand Conseil invite le Conseil d’Etat à prendre toute mesure garantissant que les missions premières de l’Unil, soit la formation et la recherche, s’accomplissent en toute sécurité et sans entrave pour l’ensemble de la communauté universitaire.
La discussion est ouverte.
Sans surprise, le Groupe Ensemble à gauche et POP vous invite à refuser cette résolution. Plusieurs éléments nous semblent problématiques dans ce texte, notamment les demandes adressées au Conseil d’Etat qui sortent de son champ de compétence et qui constituent une ingérence. Par ailleurs, cette résolution transpire surtout une conception de la situation qui est fantaisiste et disproportionnée par rapport à la réalité de la mobilisation pacifiste en cours. Elle tend à discréditer les messages de paix et de solidarité qui y sont portés. Elle constitue une énième tentative d’attaque de la liberté académique. En somme, elle tente de viser au bazooka le doigt qui montre, non pas la Lune, mais le massacre insupportable et « intaisable » de la population de Gaza. La résolution accuse la direction de l’Unil de faillir à ses missions dans sa gestion de la situation, en affirmant que la formation et la recherche ne sont plus en sécurité et que la mobilisation de la communauté estudiantine constitue une entrave pour la formation et la recherche de l’ensemble de la communauté. En résumé, elle l’accuse d’être irresponsable et elle demande au Conseil d’Etat, dans sa grande autorité, d’agir à sa place, comme s’il lui fallait un tuteur. Cela est grave, d’autant que s’il y a bien une chose à retenir de ce qui s’est passé sur le campus ces derniers jours : la direction de l’Unil a été exemplaire dans les mesures qu’elle a prises jusqu’à maintenant. Déjà, elle a écouté. Elle a établi un dialogue pour entendre les revendications des personnes de sa communauté mobilisée, revendications qui – je le rappelle et j’insiste – véhiculent des valeurs de paix et de solidarité de manière pacifiste dans un contexte de génocide et de politique d’apartheid. Et ceci de manière conforme au droit international. Ce dialogue a permis d’arriver à une proposition concrète de libérer les lieux la nuit, ce que la communauté estudiantine mobilisée a entendu également. Cette écoute, ce dialogue et cette collaboration sont exemplaires et cela ne revient pas à ne rien faire, comme vous le sous-entendez aujourd’hui. La direction a affirmé son respect des droits fondamentaux d’expression et de réunion – ce qui est à saluer.
Tout cela nous amène à une question : pensez-vous qu’en envoyant la police pour dissoudre de force l’occupation – la mesure que vous appelez de manière sous-jacente dans votre texte – l’Unil remplirait ses missions ? Au contraire, procéder de la sorte provoquerait ce que vous craignez. C’est provoquer ce qui transpire de ce texte, mais qui n’existe pas, sur le terrain : une mise en danger du sentiment de sécurité des personnes sur le site, la mise en danger de l’espace sécurisé, pacifiste, mais vivant, de recherche, de formation et de débats qu’est l’Université. Procéder de la sorte, c’est provoquer une perturbation majeure des activités de formation et de recherche qui s’y déroulent, exactement le contraire de ce que vous visez.
Avec la posture que vous adoptez, vous légitimez d’autant plus ces mobilisations, car c’est précisément pour faire entendre la réalité des 35’000 morts à Gaza, dont 15’000 enfants, pour faire entendre les populations déplacées, les universités et les hôpitaux réduits à néant, c’est bien pour faire entendre cette réalité à laquelle nos politiques répondent avec un silence, c’est bien pour faire entendre ces réalités que ces voix s’élèvent. Ne pas écouter, condamner et regarder le doigt, ce n’est pas être neutre – comme on nous avons encore pu l’entendre la semaine dernière – c’est se rendre complice. C’est aussi alimenter le sentiment d’injustice et d’impuissance qui conduit à agir.
Revenons maintenant sur le paysage dystopique peint dans cette résolution, fruit de témoignages sortis d’on ne sait trop où… Il y aurait un problème d’accès aux cours, de l’insécurité, une mise en danger de la recherche. Je ne sais pas d’où vous sortez ces témoignages, ce n’est documenté nulle part sur le terrain. C’est faux, rien ni personne n’est mis en danger aujourd’hui, et il n’y a aucun besoin d’intervention pour permettre ce que vous demandez, à savoir que recherche et formation se passent en toute sécurité et sans entrave. C’est déjà le cas.
Après la dystopie, venons-en à l’utopie : à quoi imaginez-vous que ressemblent la formation et la recherche sur un campus ? Un lieu où, au chant des oiseaux, l’on se rend dans son laboratoire, dans les sous-sols de l’Amphimax pour se confronter à son Beck-Bunsen ? Un lieu dans lequel on rejoindrait sa chaise dans l’auditoire en buvant avidement les paroles dispensées par les savants professeurs ? Et bien non, c’est plus riche que cela, c’est plus complexe, c’est plus vivant. C’est un lieu de vivacité intellectuelle où l’on apprend certes, mais où s’aiguisent aussi des esprits critiques, où l’on débat, où ces processus de formation permettent de répondre aux enjeux de notre temps et de contribuer au débat public de façon positive. En tout temps – je vous le rappelle – des conférences sont organisées, tant par les facultés que par les étudiantes. Il y a des festivals, il y a de la vie. Alors, soyons conscients de cette richesse et soyons-en fiers. Dans des périodes de crise comme celle que nous traversons, les Universités, les chercheurs et chercheuses et les étudiants et étudiantes ont un rôle essentiel à jouer pour nous confronter aux enjeux de notre temps. Cette mobilisation et la manière dont elle se déroule aujourd’hui sont un signe de bonne santé et nous devrions en être fiers. Je vous invite, en résumé, à refuser cette résolution.
A quoi sert exactement une résolution dont la demande est déjà respectée aujourd’hui ? Bonne question ! Vous demandez de prendre toute mesure garantissant que les missions premières de l’Unil sur la formation et la recherche se fassent en toute sécurité et sans entrave pour l’ensemble de la communauté universitaire. C’est déjà le cas aujourd’hui – je pense que Mme Lopez a bien résumé la situation. Aujourd’hui, toutes les missions premières de l’Unil sont assurées. Vous évoquez, dans cette résolution, plusieurs témoignages qui démontreraient que des manifestations provoquent un sentiment d’insécurité et des tentatives d’intimidation envers des professeurs, notamment en essayant de les empêcher de prendre la parole dans un cours public. Il faudra m’expliquer d’où vous tenez cette fausse information, puisque j’imagine que le cas auquel vous faites référence concerne un cours tenu dans un autre bâtiment du campus situé à 750 mètres du bâtiment Géopolis. Il faudra donc m’expliquer par A+B comment un rassemblement situé à cette distance est capable d’empêcher un cours tenu à l’autre bout du campus.
Dans cette résolution, vous dites que l’Unil doit être un lieu de formation et de recherche. C’est vrai, mais elle est aussi un lieu de discussion de société. Les étudiants, depuis des décennies – et pas seulement à l’Unil – se sont toujours mêlés de la chose publique. C’est sain, surtout lorsque – contrairement à ce que vous dites – il n’y a aucune interruption de cours ou des activités de recherche et aucune interruption du bon fonctionnement de l’Université.
Vous évoquez des enjeux de neutralité, mais, à vous entendre, il me semble que la neutralité se résume surtout pour vous à des enjeux de statu quo. La neutralité n’empêche pas de débattre, de se mobiliser, de questionner et d’échanger. Dans toutes les facultés, dans toutes les associations universitaires, il y a des débats politiques. Ces débats vous font visiblement surtout réagir quand ils ne vont pas dans votre sens. Prenons un petit exemple : quand il s’agissait, en 2015, de proposer à l’UDC de diviser par deux le nombre d’étudiants en psychologie, en histoire ou en sociologie, vous étiez là ; vous l’aviez proposé. Quand vos partis défendent des coupes de 30 milliards dans la recherche et la formation au niveau fédéral, vous êtes toujours là. Il me semble qu’il y a d’autres manières de faire que cette résolution pour défendre la recherche, la formation et la qualité de ces institutions. Or, aujourd’hui, vous ne le faites pas. En 2022, le comité de swissuniversities recommandait aux hautes écoles suisses d’examiner leur coopération scientifique avec les hautes écoles en Russie et de les suspendre dans les cas où certaines collaborations posaient des problèmes. Aujourd’hui, pourquoi ne vous paraît-il pas pertinent de vous poser cette même question en ce qui concerne la situation avec le gouvernement israélien ?
Enfin, il nous semble que le rectorat et le mouvement ont jusqu’à maintenant privilégié la discussion. Aux dernières nouvelles, ces discussions ont toujours lieu. Il me semble que le débat démocratique est sain. Il est accepté non seulement par les mouvements pacifistes sur le campus, mais aussi par le rectorat de l’Unil. Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste vous invite à refuser cette résolution.
Je serai brève étant donné que mes deux préopinants ont dit largement – et bien mieux que je ne le ferai – ce que je voulais dire. Je tiens également à vous inviter à refuser cette résolution au nom du groupe des Verts. Je pense que cette résolution confond effectivement débat démocratique et l’ordre et la discipline sur le campus. On parle d’étudiants qui se mobilisent pour faire entendre une voix, une voix qui est malheureusement encore trop passée sous silence. D’ailleurs, nous avons malheureusement déjà eu ce débat, il y a quelques semaines, dans cet hémicycle. Vous avez même refusé que nous envoyions de l’aide humanitaire à Gaza, en tout cas que nous nous positionnions à ce sujet. Aujourd’hui, il faudrait même faire taire celles et ceux qui nous enjoignent à faire quelque chose, à agir contre les violations du droit international qui se passent en ce moment au Proche-Orient.
Concrètement, cette mobilisation des étudiantes et des étudiants sur leur lieu de formation est une vieille histoire de l’Université. Cette dernière est un lieu de débat et de mobilisation depuis très longtemps, je pense notamment au mouvement des droits civiques aux Etats-Unis, aux mobilisations contre la guerre au Vietnam ou contre l’apartheid en Afrique du Sud. Moi-même, dans mes jeunes années, j’ai fait partie de mobilisations étudiantes. Je pense qu’il s’agit vraiment d’un débat sain qui doit se faire à l’Unil. Cela a été dit, un dialogue avec la direction existe et des conditions posées par la direction pour que les cours et la recherche puissent se passer normalement. Ces conditions ont été respectées par les étudiants mobilisés. A part faire du foin pour rien, je crois que cette résolution ne sert strictement à rien et je vous invite à la refuser.
Vous avez raison, madame la députée Lopez : le monde va mal, mais pas pour les mêmes raisons. Il y a le feu dans le monde depuis des lustres, malheureusement : on parle de l’Ukraine, de l’Afrique ou d’autres endroits où des massacres ont malheureusement lieu. Encore une fois, je crois que notre monde ne va pas bien. Mais ce n’est pas en squattant les universités que ces problèmes seront résolus, malheureusement. Accessoirement, depuis très longtemps, je n’ai plus entendu parler des otages retenus dans les sous-sols de Gaza. J’imagine que c’est précisément parce qu’ils sont dans les sous-sols que l’on ne peut pas entendre leurs cris qui demandent de l’aide. On ne peut pas accepter les massacres, pas plus qu’on ne peut accepter le fait que des gens soient retenus dans les conditions que l’on peut certainement imaginer.
Je pense que notre collègue députée a raison d’intervenir sur ce sujet : laissons les lieux de formation en dehors de ces guerres multiples ; laissons l’Université effectuer son travail et faisons en sorte que nous puissions aider les gens en difficulté de par ce monde – que ce soit à Gaza ou ailleurs. Je crois que cette résolution a toute sa raison d’être.
A titre liminaire, je souhaite préciser que mon intervention va essayer de se distancer un tout petit peu du conflit actuel, un conflit qui est pour nous impossible de juger et dont les tenants et aboutissants nous dépassent largement, mais dont nous regrettons tous l’existence, comme pour tous les autres conflits actuels. Cela étant dit, je souhaite intervenir sur deux points. Premièrement, sur la problématique de la compétence prétendument déniée au Conseil d’Etat pour intervenir et, deuxièmement, sur la problématique du soi-disant dialogue serein dans lequel se déroulent les occupations actuellement. S’agissant de la compétence du Conseil d’Etat, je m’étonne d’entendre dire que ce dernier n’est pas compétent pour savoir ce qui se passe ou pour intervenir lorsque des questions potentiellement sécuritaires sont en jeu sur le campus de l’Université. En effet, à mon sens, les bâtiments de l’Université font partie du patrimoine administratif de l’Etat de Vaud. Dès lors, il est tout à fait légitime que le Conseil d’Etat puisse au minimum avoir un droit de regard et intervenir lorsque des problèmes sécuritaires se posent. Aujourd’hui, il est manifeste que des problèmes sécuritaires se posent. Deuxièmement, sur le fond, je m’étonne d’entendre dire que ces occupations sont l’image d’un dialogue serein et pacifiste. Mesdames et messieurs, nous faisons face à une occupation qui n’est pas tolérée par la direction de l’Université. Au fond, ce n’est ni plus ni moins qu’une démonstration de force. Aujourd’hui, lorsqu’on essaie de m’expliquer intellectuellement qu’il s’agit d’un dialogue pacifiste alors qu’il est fait usage de la force pour pouvoir occuper des lieux, j’ai de la peine à suivre cet argument. Pour les deux motifs que je viens d’invoquer, je vous invite à soutenir la résolution qui vous est proposée aujourd’hui et qui est parfaitement d’actualité.
Je ne vais pas m’aventurer sur le fond des questions qui préoccupent aujourd’hui des étudiants, une partie des professeurs, le monde politique et une bonne partie de nos citoyens. Je vais simplement rester sur la forme, parce que j’estime avoir quelques explications à vous donner. Cette résolution m’en donne l’occasion, même si j’aurais peut-être préféré régler le problème avant de vous en parler.
Finalement, que demande cette résolution ? Simplement de garantir que les missions premières de l’Unil – soit la formation et la recherche, – s’accomplissent en toute sécurité et sans entrave. A cela, nous pouvons ajouter que swissuniversities déclare la chose suivante : « Les hautes écoles ne sont pas des acteurs politiques. Les universités sont des institutions dédiées à la recherche de la vérité et à la diffusion du savoir. » La neutralité est primordiale. L’Université doit garantir aux étudiants un accès à une éducation impartiale et fondée sur des faits plutôt que sur des opinions partisanes. Il est aussi vrai que l’histoire a montré, depuis les années 50, que les universités à travers le monde ont constitué des lieux d’expression à des moments importants, de changement, d’évolution de notre société, des moments de conflits également. J’essaie donc d’incarner l’observateur le plus avisé possible de tout cela, mais aussi de prendre en compte que lorsqu’on est un jeune étudiant, on a des convictions et on a envie de les exprimer. Il est opportun de s’y employer ; et je pense qu’il faut respecter cela. Néanmoins, les règles doivent être respectées. La liberté d’expression n’est possible que dans le respect de l’autre. Il en va de même pour un vrai débat qui se doit de présenter des opinions différentes mais exprimées dans le respect.
En l’occurrence, dans le cas qui nous occupe, un certain nombre de lignes rouges ont été franchies. Aujourd’hui, sur les 17’000 étudiants qui se trouvent sur le site universitaire, une vingtaine ou une trentaine d’entre eux ont occupé des lieux. Néanmoins, en raison de leur action, des centaines d’étudiants ne se sentent pas à l’aise sur le campus. Certains ne se rendent plus aux cours. J’ai reçu de nombreux messages allant dans ce sens. La problématique est donc bel et bien devenue réelle. Nous ne pouvons pas agir comme s’il s’agissait simplement des jeunes qui s’expriment. Non, nous sommes dans une situation problématique pour d’autres personnes sur un site où le calme, le respect, la transmission du savoir, la recherche et les débats doivent pouvoir se dérouler en toutes circonstances.
Dans ces conditions, que s’est-il passé ? Jeudi dernier, il y a une dizaine de jours, une mobilisation a eu lieu dans un bâtiment universitaire. Le soir même, une conférence s’est déroulée, avec deux des meilleurs spécialistes de Suisse romande de cette thématique. Entre 500 à 600 personnes ont assisté à cette conférence. C’est vrai : nous avons craint des perturbations durant cet événement, mais cela n’a pas été le cas. Si cela s’était produit, nous aurions sans doute demandé une intervention immédiate. Par la suite, l’occupation a continué et elle a un peu gagné en intensité en fin de semaine – vendredi, on dénombrait quelques centaines de personnes – avant de se calmer durant le week-end. A partir de lundi, mardi, vous m’avez entendu dire dans les journaux que les choses devaient s’arrêter, parce qu’il s’agissait d’une occupation illicite d’un bâtiment. Je peux reconnaître que les choses se sont passées d’une manière pacifique, mais cette occupation n’était pas autorisée. A l’Université, comme dans d’autres lieux dans ce canton, il y a une multitude de possibilités de s’exprimer – dans la rue, dans des lieux publics, etc. – mais il faut respecter certaines règles qui sont toutes simples. Il faut tout d’abord demander une autorisation et 99 fois sur 100, on peut s’exprimer comme on l’entend en respectant l’ordre et la sécurité, mais aussi les opinions différentes.
En début de semaine passée, on a commencé à dire – et je vous expliquerai qui est désigné par « on », parce que je ne me substitue pas au rectorat – que cette occupation qui n’avait pas été autorisée n’était plus acceptée. A la suite de cette première étape, l’occupation nocturne a cessé et le week-end s’est déroulé dans le calme. Une poignée d’étudiants étaient présents ; ils étaient coopérants, pacifiques et calmes. Hier, j’ai rencontré le rectorat : bien entendu, conformément à la loi, c’est lui qui prend les décisions. Maître de Haller, vous pouvez me faire confiance, nous avons bien entendu pris toutes les précautions légales pour savoir qui commande, mais je rappelle que les décisions sont prises sous la haute surveillance du Conseil d’Etat. J’ai bien entendu informé ce dernier de la situation. Le message du Conseil d’Etat est clair et vient en appui à celui de votre serviteur : à un moment donné, l’occupation doit s’arrêter. Le droit d’expression a été respecté – je pense qu’il faut le reconnaître des deux côtés – et il le sera pour celles et ceux qui veulent encore s’exprimer sur cette situation qui n’est pas anodine.
Ce droit ayant été respecté, nous avons donc convenu hier que les choses devaient s’arrêter. Il est vrai que si cette manifestation était pacifique en général et que l’attitude de cette poignée de jeunes était correcte, des débordements ont aussi eu lieu. Je ne sais pas qui était responsable de ces débordements, mais ils étaient bien réels. On a pu voir des affiches à caractère raciste et entendre des messages totalement déplacés et irrespectueux. Aujourd’hui, nous devons prendre la décision qui s’impose. J’espère simplement que les quelques étudiants qui ont fait preuve d’une attitude pacifique et respectueuse – même s’ils occupaient des locaux sans aucune autorisation – conserveront cette même attitude – peut-être que deux ou trois membres de ce Parlement pourraient les inciter à se comporter correctement – et qu’ils quitteront les lieux pacifiquement. Je pense que ce serait la meilleure résolution possible de cette occupation. De notre côté, nous respectons le droit de ces étudiants de s’exprimer, mais ils doivent le faire en respectant l’ensemble de la communauté estudiantine. Pour le Conseil d’Etat, il est primordial que chacun se sente à l’aise dans cette Université.
Je n’ai pas exactement compris si le conseiller d’Etat se déclarait favorable à cette résolution, ou s’il pensait qu’elle était superfétatoire. J’ai tout de même entendu une prise de parole qui, insidieusement, invitait le Parlement à soutenir cette résolution et je dois dire que cela m’étonne.
J’aimerais tout d’abord souligner que vous avez eu la justesse de reconnaître que les étudiants qui se mobilisent actuellement à l’Université sont pacifiques et que leurs revendications s’expriment dans le cadre d’un dialogue. Vous avez aussi reconnu l’autonomie de l’Unil et, dans le cadre du contexte que l’on connaît, le droit des étudiants et des professeurs de se mobiliser pour demander à leur Université d’examiner les liens qu’elle entretient avec des Universités israéliennes. Monsieur le conseiller d’Etat, je vous remercie d’avoir fait passer ces messages.
Néanmoins, je m’interroge sur la prise de position du Conseil d’Etat – qui, insidieusement, soutient cette résolution – trois semaines après le dépôt d’une autre résolution du député Buclin qui demandait trois choses : que le Conseil d’Etat intervienne auprès de la Confédération pour qu’elle s’engage en faveur d’un cessez-le-feu ; que le canton aide à acheminer de l’aide humanitaire à Gaza et que les démarches soient facilitées pour accueillir des victimes de la guerre. Le Conseil d’Etat s’est opposé à cette résolution. Je dois avouer que j’ai beaucoup de peine à comprendre son positionnement. J’aimerais rappeler – c’est au cœur de la situation que nous vivons actuellement – que la Cour internationale de justice a demandé à Israël de mettre en place des mesures pour prévenir un génocide. Près de 35’000 personnes ont été tuées, dont 14’000 enfants. 78’000 personnes ont été blessées, dont 12’000 enfants et 95 % de la population est au bord de la famine. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est l’UNICEF. Le Conseil d’Etat a rejeté la résolution déposée par M. Buclin. J’ai de la peine à comprendre pourquoi il soutient celle du PLR et de l’UDC. Cette résolution, si on la lit attentivement, remet en cause l’autonomie de l’Université. Monsieur le conseiller d’Etat, je tenais à vous faire part de mon incompréhension, mais je vous remercie d’avoir reconnu certains éléments, notamment la démarche pacifique des étudiants.
Monsieur le conseiller d’Etat, j’aurais une question à vous poser. Vous avez tenu les mêmes propos dans la presse, notamment que des propos racistes auraient été tenus. J’aimerais savoir quels sont exactement les propos racistes et les attitudes irrespectueuses dont vous parlez, parce que vous ne nous avez pas donné d’exemple concret. J’aimerais aussi vous demander ce que vous pensez de la banderole affichée dans le bâtiment Géopolis par des étudiants et sur laquelle il est inscrit « tolérance zéro pour l’antisémitisme ». Enfin, j’aimerais savoir si vous avez pris connaissance d’une charte élaborée par ces mêmes étudiants qui ont édicté des règles de respect et de non-discrimination.
La discussion est close.
La résolution est adoptée par 69 voix contre 53 et 5 abstentions.
En regrettant l’absence de réponse de M. le conseiller d’Etat à mes précédentes questions, je demande un vote nominal.
Retour à l'ordre du jourCette demande est appuyée par au moins 20 membres.
Celles et ceux qui acceptent la résolution votent oui ; celles et ceux qui la refusent votent non. Les abstentions sont possibles.
Au vote nominal, la résolution est adoptée par 71 voix contre 54 et 6 abstentions.
*insérer vote nominal.