24_INT_75 - Interpellation Mathilde Marendaz - Construire sans détruire : comment appliquer la sobriété énergétique aux matériaux de construction ? (Développement).
Séance du Grand Conseil du mardi 23 avril 2024, point 11 de l'ordre du jour
Texte déposé
La révision de la loi sur l'énergie inscrit dans ses principes directeurs celui de sobriété. Cela interroge sur l'application de ce principe, tel que le thématise l'interpellation d'Elodie Lopez du 26 mars 2023 intitulée "L’avenir sera sobre ou ne sera pas. Comment concrétiser le principe de sobriété dans le Canton de Vaud ?". Le domaine de la construction (bâtiments et génie civil) est un secteur fortement émetteur de CO2, par la consommation énergétique d'une part et d'autre part les matériaux utilisés. Le béton armé alourdit massivement le bilan carbone de ce secteur. Ce constat reconnu est adressé par l'article 35 de la proposition de révision de la loi sur l'Énergie intitulé "usage durable des matériaux".
Cet article ne mentionne pas la dimension de sobriété que l'État compte appliquer pour diminuer l’impact de la construction. La sobriété est un des piliers essentiels à la diminution de la consommation énergétique et du bilan carbone de la construction, comme dans les autres domaines concernés par la loi sur l’Énergie. Différentes possibilités sont expérimentées et étudiées en Suisse à ce propos. La sobriété peut se concrétiser en minimisant d'une part la construction quand cela est possible (stratégie d'utilisation du bâti existant, rénovation plutôt que construction neuve, optimisation du parc de logement locatif) et d’autre part en minimisant le recours à des matériaux neufs (favoriser des matériaux facilement réutilisables et peu émetteurs comme les matériaux bio et/ou géo sourcés ou de réemploi). Selon la LaRevueDurable, « les moyens de construire sans nuire ne s’arrêtent pas aux seules dimensions techniques. Il est aussi possible d’organiser les territoires pour diminuer les impacts des bâtiments en prêtant attention aux formes architecturales, en occupant moins d’espace par personne [...] ».
Différents exemples en Suisse de diminution du recours à la construction neuve ont été relayés depuis quelques années, comme le mentionne le dossier « Construire sans détruire – hiver-printemps 2024 » de LaRevueDurable. Citons par exemple le Lagerplatz, ancien site industriel, qui a été réutilisé pour créer des espaces habitables et des locaux de travail à Winterthour, selon les principes suivants : conserver l’existant, tout ce qui est ajouté doit l’être en priorité avec des matériaux de remploi et si cela se révèle impossible, des matériaux biosourcés (paille, terre, bois) ; des matériaux neufs conventionnels ne sont à utiliser qu’en tout dernier recours. Ces principes utilisés pour la mise en place de ce chantier seraient d’excellents guides à l’action de l’État pour correspondre aux exigences climatiques de diminution de l'empreinte énergétique.
Une autre stratégie pour le bâtiment consiste à moins jeter de matériaux de construction, générés majoritairement par les démolitions. L’association suisse Countdown 2030, qui réunit des architectes, estime à 4000 le nombre de bâtiments démolis chaque année en Suisse. On démolirait deux fois plus de bâtiments en Suisse qu’en France proportionnellement à la population. Countdown 2030 propose de rendre les autorisations de démolition beaucoup plus restrictives et de supprimer les incitations financières, en faisant en sorte et que l’élimination des déchets de construction soit plus cher et en abolissant la disposition qui encourage les propriétaires d’immeubles à déduire les frais de démolition de leur déclaration fiscale s’ils remplacent un bâtiment existant par un bâtiment énergétiquement plus performant (source : LaRevueDurable n°69 et countdown2030.ch).
J’ai l’honneur de demander au Conseil d’État par quels moyens il est prévu d'intégrer l'application du principe de sobriété au domaine de la construction, ciblé par la révision de la LEN et par le programme de la législature.
(1) Comment le Conseil d’État compte-t-il intégrer une stratégie de sobriété dans le secteur vaudois (public et privé) de la construction (bâtiments et génie civil) et des matériaux ?
(2) De quelles manières le Conseil d’État prévoit-il de réduire les déchets de construction ?
(3) Comment le Conseil d’État pourrait-il maximiser l'utilisation du bâti existant pour créer des logements et réduire au maximum les processus de « démolition - reconstruction » ?
(4) De quelles manières l'État prévoit-il de promouvoir quantitativement et à large échelle dans le secteur public et privé de la construction, et non seulement qualitativement, des matériaux biosourcés et géosourcés et le réemploi ?
(5) Par quels moyens et selon quels critères l'État pourrait-il prévoir le soutien à des projets pilotes de construction sobre ?
Conclusion
Souhaite développer
Documents
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourCette interpellation s’inscrit en parallèle à l’interpellation de ma collègue Elodie Lopez : « L’avenir sera sobre ou ne sera pas. Comment concrétiser le principe de sobriété dans le canton de Vaud ? » (24_INT_66) . J’interroge ici l’application du principe de sobriété, défini dans la révision de la Loi sur l’énergie, au domaine de la construction et des matériaux. En effet, comme il est maintenant bien connu, ce secteur ciblé par la loi est un fort émetteur de CO2. Pour faire diminuer les émissions de carbone de ce secteur, il s’agira non seulement de remplacer les matériaux utilisés, mais encore de développer une réflexion sur la sobriété. Elle peut, par exemple, se concrétiser en minimisant la construction, quand c’est possible, par une stratégie d’utilisation du bâti existant plutôt que de démolition-reconstruction, ou en favorisant la rénovation plutôt que la construction neuve, et en minimisant le recours à des matériaux neufs pour favoriser les matériaux facilement réutilisables comme les matériaux bio et géosourcés, ou de réemploi.
En Suisse, différents exemples de diminution du recours à la construction neuve ont été relayés, depuis quelques années, comme le mentionne le très intéressant dossier « Construire sans détruire » paru dans le numéro hiver-printemps 2024 de LaRevueDurable. A Winterthur, un ancien site industriel a été réutilisé pour créer des espaces habitables, des logements et des locaux de travail, selon les principes suivants : conserver l’existant, tous les ajouts faits en priorité avec des matériaux de réemploi, et si cela se révèle impossible, avec des matériaux biosourcés ; les matériaux neufs conventionnels n’étant à employer qu’en tout dernier recours. Ces principes seraient d’excellents guides à l’action de l’Etat pour répondre aux exigences climatiques de diminution de l’empreinte carbone dans la construction.
Par ailleurs, les déchets de construction liés à la démolition sont aussi un problème. L’association suisse Countdown 2030 qui réunit des architectes estime à 4000 le nombre de bâtiments démolis chaque année, en Suisse. Proportionnellement à la population, cela représente deux fois plus de bâtiments démolis en Suisse qu’en France, par exemple. Cette association propose de rendre les autorisations de démolition plus restrictives et de supprimer les incitations financières, afin que l’élimination de déchets de construction soit plus chère, encourageant ainsi à développer d’autres solutions.
Par cette interpellation, je demande donc au Conseil d’Etat par quel moyen il a prévu d’intégrer l’application du principe de sobriété au domaine de la construction et des matériaux, en interrogeant notamment la possibilité de soutenir des projets pilotes de construction sobre.
Retour à l'ordre du jourL’interpellation est renvoyée au Conseil d’Etat qui y répondra dans un délai de trois mois.