24_INI_10 - Initiative Oleg Gafner et consorts - Pour un droit (vaudois) à un environnement sain (Développement et demande de renvoi à commission avec au moins 20 signatures).

Séance du Grand Conseil du mardi 29 octobre 2024, point 9 de l'ordre du jour

Texte déposé

La Suisse a récemment été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme à la suite d’une requête déposée par l’association des « Aînées pour le Climat »[1]. Il est en substance reproché à la Confédération de ne pas avoir adopté un cadre normatif suffisant pour limiter l’impact de la crise climatique sur le droit à la vie privée. Cet arrêt a soulevé à tort et à travers, de vives réactions de soulagement ou de consternation, en particulier dans le microcosme politique suisse.

 

Parmi les critiques à l’encontre de cette décision, nombreux sont ceux qui arguent qu’il est impossible de déduire du droit à la vie privée, un droit à un environnement sain. Cela étant, cette controverse pose la question de savoir si le droit à un environnement sain est soutenu et souhaité par le législateur et le constituant, lesquels pourraient définir un cadre clair en la matière, à l’adresse du pouvoir judiciaire. Pareille réflexion a eu lieu dans le Canton de Genève lequel à lui tranché en inscrivant ce droit dans sa Constitution cantonale (art. 19 Cst.-GE). 

Le droit cantonal constitutionnel peut avoir une portée propre, notamment lorsque le constituant décide d’accorder un droit fondamental allant au-delà des garanties fédérales. Ainsi en matière de droit environnemental, il est bienvenu d’intervenir dans la Constitution cantonale.

 

Au jour où les autorités communales et l’administration cantonale planchent toujours plus sur des plans climat dont la question de la justiciabilité se pose nécessairement, il est véritablement central d’envisager par le biais d’un droit constitutionnel cantonal, la possibilité d’exiger un environnement sain. En effet, si la Constitution vaudoise reconnait déjà l’objectif commun de prendre en compte la question environnementale (art. 6 al. 2 let. f Cst.-VD ; art. 52 ss Cst.-VD), aucune disposition n’exhausse un droit subjectif en la matière. 

Or, le Conseil d’Etat annonce, programme de législature après un autre, souhaiter une meilleure préservation de l’environnement et il apparait opportun que celui-ci reconnaisse à sa population la possibilité de soulever les manquements éventuels à cet objectif.

 

Si le droit à un environnement sain comme d’autres droits fondamentaux à une dimension individuelle, il va de soi qu’il existe également une facette collective. À titre d’exemple, la pollution de l’air provoque 2'300 décès prématurés par an dans notre pays (OFS 2018). Ainsi, il est central que les associations puissent porter devant les instances administratives et judiciaires des situations contraires au droit à un environnement sain. En effet, actuellement la qualité pour recourir dépend notamment d’un intérêt digne de protection. Cette condition est satisfaite si le recourant démontre avoir un intérêt actuel, direct, concret et spécial, ce par quoi il faut comprendre plus particulièrement touché qu’un tiers. Or en matière environnementale, les problématiques sont souvent globales et ne touche que rarement une personne exclusivement et ce plus qu’une autre. Ainsi les recours en matière environnementale sont extrêmement restreints. C’est pourquoi la présente révision constitutionnelle serait inefficace sans le 2e alinéa proposé.

 

Enfin, reconnaitre expressis verbis le droit à un environnement sain, permettra le contrôle constitutionnel des lois vaudoises aux objectifs climatiques et environnementaux auxquels il est souvent renvoyé sans véritable faculté de suivi. Cet élément est central dans le contexte actuel. En effet et comme expliqué ci-dessus, les buts et ambitions en matière d’objectifs climatiques sont nombreux. En revanche cette nouvelle disposition constitutionnelle permettrait de systématiser le contrôle de conformité de la législation cantonale au regard des objectifs climatiques.

 

[1] Verein KlimaSeniorinnen Schweiz et autres c. Suisse

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P-Cst.-VD

Art. 15a               Droit à un environnement sain (nouveau)

 

1 Le droit à un environnement sain est garanti.

 

2 Tant les personnes physiques que les personnes morales sont titulaires du droit à un environnement sain.
 

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Théophile SchenkerVER
Nathalie VezVER
Céline MisiegoEP
Yannick MauryVER
Vincent BonvinVER
Sébastien HumbertV'L
Claude Nicole GrinVER
Sabine Glauser KrugVER
Kilian DugganVER
Rebecca JolyVER
Felix StürnerVER
Géraldine DubuisVER
Sylvie PodioVER
Yolanda Müller ChablozVER
Hadrien BuclinEP
Alberto MocchiVER
Martine GerberVER
Vincent KellerEP
Elodie LopezEP
Nathalie JaccardVER
Anna PerretVER
Joëlle MinacciEP

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Oleg Gafner (VER) —

Cet après-midi, chers collègues, j’ai deux questions à vous poser. Premièrement, qui d’entre nous n’a pas pris connaissance de l’arrêt des « Aînées pour le climat » ? Deuxièmement, qui d’entre nous n’a pas d’avis ni entendu un avis sur ce sujet ? A ces deux questions, je suis quasiment certain qu’il n’y a qu’une seule réponse : personne. Personne ici n’a manqué l’arrêt des « Aînées pour le climat » ou n’a pas lu ne serait-ce qu’une tribune, un tweet ou un post LinkedIn à ce propos. Pour le prouver, je me permets d’évoquer deux exemples illustres de réactions politiques à cette décision de justice. La première est la motion du groupe UDC exigeant la dénonciation de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et la deuxième est la motion du PLR proposant de restreindre les compétences de cette cour.

Cela étant, qui d’entre nous a discuté du fond ? Qui a arrêté de spéculer sur la forme et s’est posé deux minutes pour s’offusquer ou se réjouir de cet arrêt, pour se demander quel était son apport ? Je vous pose une question très simple : existe-t-il un droit à un environnement sain dans notre canton ? Pouvez-vous aller au tribunal, demain à 9 heures, et contester une décision, une loi ou un acte de l’administration, par exemple parce qu’elle entrave les efforts en matière de réduction des gaz à effet de serre et ainsi participe à péjorer les garanties mêmes de la vie humaine sur terre ? Il s’agit certes d’une question profonde, mais peu nombreuses sont les personnes à s’être exprimées publiquement sur le fond. Et c’est à raison que beaucoup restent muets à ce propos, car qui oserait dire face à face à une autre personne que dans notre ordre juridique, il n’y a pas de place pour un droit sain à la vie sur terre ? La réponse est dans la question, ne serait-ce que parce que l’ensemble des garanties fondamentales de notre Constitution seraient inutiles, à terme, si quelqu’un venait à affirmer qu’il n’y a pas de droit à un environnement sain. Je vous donnerai un seul exemple : que faire du droit au mariage dans une cité où le clocher a été arraché par un ouragan et où le pasteur a les pieds dans l’eau ?

La présente initiative est donc avant tout une question de fond, mais aussi une affaire d’honnêteté politique. Plutôt que s’exciter et crier « aux valeurs », parce que l’on feint de découvrir qu’une cour dotée d’un pouvoir d’interprétation sur la base de dispositions ouvertes peut prendre des arrêts comme celui des aînées, il est grandement temps de discuter du droit à un environnement sain. Je me réjouis de vous expliquer plus en détail le ressort de cette initiative, en commission.

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

L’initiative, cosignée par au moins 20 membres, est renvoyée à l’examen d’une commission.

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