21_HQU_27 - Question orale Hadrien Buclin - Pourquoi le Conseil d’Etat a-t-il permis un renvoi vers un pays où les droits humains sont mis en cause ?.
Séance du Grand Conseil du mardi 9 février 2021, point 3.13 de l'ordre du jour
Texte déposé
Un requérant d’asile débouté originaire d’Ethiopie, opposant au gouvernement de son pays, a été arrêté par la police dans les locaux du Service de la population du canton de Vaud, placé en détention administrative dans le canton de Genève puis a fait l’objet d’un renvoi forcé vers l’Ethiopie. Or, l’Ethiopie est aujourd’hui touchée par un conflit violent et plusieurs cas de mauvais traitements contre des opposants ont par ailleurs été signalés. Compte tenu de la situation dans ce pays, il est choquant que les autorités vaudoises aient collaboré activement à ce renvoi en faisant arrêter ce requérant dans les locaux du Service de la population. Par contraste, deux conseillers d’Etats genevois ont critiqué ces renvois (cités par Le Courrier, 28 janvier 2021). Comment le Conseil d’Etat justifie-t-il un tel zèle dans l’exécution d’un renvoi forcé vers une zone où la situation des droits humains est si précaire ?
Transcriptions
Pourquoi le Conseil d’Etat a-t-il permis un renvoi vers un pays où les droits humains sont mis en cause ?
Un requérant d’asile débouté originaire d’Ethiopie, opposant au gouvernement de son pays, a été arrêté par la police dans les locaux du Service de la population du canton de Vaud (SPOP), placé en détention administrative dans le canton de Genève, puis a fait l’objet d’un renvoi forcé vers l’Ethiopie. Or, l’Ethiopie est aujourd’hui touchée par un conflit violent et plusieurs cas de mauvais traitements contre des opposants ont par ailleurs été signalés. Compte tenu de la situation dans ce pays, il est choquant que les autorités vaudoises aient collaboré activement à ce renvoi en faisant arrêter ce requérant dans les locaux du SPOP. Par contraste, deux conseillers d’Etat genevois ont critiqué ces renvois vers l’Ethiopie. Comment le Conseil d’Etat justifie-t-il un tel zèle dans l’exécution d’un renvoi forcé vers une zone où la situation des droits humains est si précaire ?
Selon l’article 46 de la Loi fédérale sur l’asile(LAsi), les cantons sont tenus d’exécuter les décisions de renvoi. Comme souvent déjà évoqué dans ce plénum, les cantons ne sont pas partie à la procédure relevant de la LAsi. Les décisions sont de la compétence du Secrétariat d’Etat aux Migrations (SEM) et l’autorité de recours est le Tribunal administratif fédéral (TAF). Il appartient à la seule administration fédérale de déterminer si le renvoi est licite, notamment au regard du principe de non-refoulement.
Selon les informations que j’ai pu obtenir du SEM, depuis plusieurs années, l’Ethiopie n’est pas considérée, contrairement à l’Erythrée, par la Suisse comme un pays non sûr. Il est vrai que les retours ne pouvaient se faire, non pas en raison de la situation dans le pays, mais à cause du refus du gouvernement Ethiopien d’accepter le retour contraint de ses ressortissants.
L’Union Européenne, avec la Suisse, a eu des contacts importants avec l’Ethiopie sur cette question et, depuis quelques mois, des vols frontex peuvent s’organiser depuis différents aéroports européens. C’était le cas pour le retour dont fait état M. le député Buclin. Il est à noter que la Suisse dispose d’un attaché migratoire relevant de l’ambassade de Suisse à Addis Abeba. Ainsi, le SEM est en mesure, en tout temps, d’apprécier la situation en Ethiopie et de déterminer si les conditions d’un renvoi sont remplies. Tel était le cas, lors du renvoi évoqué par M. Buclin.
Concernant l’arrestation au SPOP, il est à relever que la législation vaudoise — adoptée, comme il se doit, par ce Parlement — permet l’arrestation d’un étranger en situation irrégulière dans les locaux du SPOP si cette personne a été condamnée pénalement — pour un motif autre que le séjour illégal ou l’entrée illégale en Suisse — ou si elle a enfreint une interdiction d’entrée en Suisse dûment notifiée. Sans violer mon devoir de réserve relatif à la protection des données, je peux vous dire que le SPOP a respecté strictement ce cadre juridique.
Quant au prétendu zèle dont aurait fait preuve le canton dans le cadre de ce renvoi, il faut constater que le requérant d’asile en question aurait dû quitter la Suisse depuis juillet 2014. Il a donc fallu plus de six ans à la Suisse pour pouvoir exécuter une décision prise en application de sa législation.
Retour à l'ordre du jourJe remercie M. le conseiller d’Etat pour sa réponse. Je concède que c’est bien le SEM et la Confédération qui sont les principales autorités en la matière. Le vrai scandale, dans cette affaire, c’est que le SEM considère l’Ethiopie comme un pays sûr, malgré les atteintes aux droits humains qui ont été relevées par différentes organisations. Cela dit, je pense tout de même que le canton dispose d’une marge de manœuvre. Je continue à qualifier de zélé le fait d’aller cueillir quelqu’un dans les locaux du SPOP. Vous n’étiez pas obligé de procéder ainsi ; vous aviez la possibilité de le faire, vous avez choisi de le faire. Je le déplore, compte tenu de la situation en Ethiopie.