22_RAP_26 - Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur le Postulat Claire Attinger Doepper et consorts - lutte contre la pollution des sols du canton (21_POS_29).

Séance du Grand Conseil du mardi 9 mai 2023, point 34 de l'ordre du jour

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Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Nicolas Suter (PLR) — Rapporteur-trice

L'affaire de la dioxine à Lausanne a été le révélateur d'une lacune. La Direction générale de l’environnement (DGE) avait déjà initié des réflexions pour établir un plan d'action à l'image de l'air et de l'eau. Le rapport soumis au Grand Conseil établit l'état de la situation avec des travaux prévus pour plusieurs années, et une équipe travaille sur le plan d'action mentionné dans ce rapport. Dans son rapport, le Conseil d'Etat répond de manière exhaustive et technique avec les différentes strates légales sur lesquelles s'appuyer pour répondre aux questions du postulat.

Lors de la discussion détaillée, plusieurs questions complémentaires ont été posées, notamment concernant les ressources allouées et la transparence auprès de la population. Quant à la discussion générale, elle s'est étendue sur le traitement des sites et des terres polluées, sur la prévention contre la contamination des sols, sur le lien entre méthodes d'analyse et émergence de nouvelles pollutions, sur la révision de la Loi sur la protection de l'environnement, sur les cas concrets de pollution des sols à Lausanne, ainsi que sur les informations quantitatives liées à la santé humaine.

Enfin, la commission recommande au Grand Conseil d'accepter le rapport du Conseil d'Etat à l'unanimité des membres présents.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

La discussion est ouverte.

Mme Claire Attinger Doepper (SOC) —

La pollution des sols constitue un enjeu de santé publique que le Conseil d'Etat reconnaît lorsqu'il répond que la terre, cette ressource naturelle fondamentale à la fois pour la protection de notre environnement et notre sécurité alimentaire, est limitée, fragile et impossible à reconstituer lorsqu'elle est atteinte. Le ton est donné, l'affaire des dioxines est grave et nous devons déployer des moyens suffisants et adaptés pour assainir nos sols pollués.

Pour mémoire, mon postulat intitulé « Lutte contre la pollution des sols du canton » faisait suite à une interpellation déposée en 2020 et qui portait sur la teneur en plomb des sols et les mesures d'assainissement des surfaces infectées. A l'époque, le Conseil d'Etat répondait en indiquant notamment que l'évaluation de la pollution des sols du canton est réalisée en fonction du risque alimentaire pour les animaux ou les humains et que la méthodologie sera testée sur une région pilote vaudoise en 2021 et qu’il sera ensuite possible d'estimer l'ampleur et le type de surface potentiellement concernées pour définir les actions et moyens nécessaires à l'échelle cantonale.

On le sait aujourd'hui, nombreux sont les sites identifiés – 9 à Lausanne, en tout cas – avec des teneurs en dioxine et furane situés aux abords de places de jeu ou de sport et par définition fréquentés par des familles et donc des enfants. Compte tenu du nombre important de chantiers menés sur nos sols, ces dernières années, écoles, logements, etc., les mesures de protection et leur assainissement nécessitent encore plus la mise en place d'un plan de mesures systématiques pour éviter le risque de contamination de la population.

Ainsi, mon postulat porte sur les actions à mener pour identifier les terrains infectés et les décontaminer. Dans sa réponse, très technique, le Conseil d'Etat revient aussi sur quelques informations de base, comme la protection qualitative des sols qui vise à garantir à long terme leur fertilité, soit leur fonction environnementale et sociétale. Plus loin, on nous dit que si les mesures préventives ne suffisent pas à garantir à long terme la fertilité des sols, alors les cantons doivent intervenir en ordonnant une limitation des émissions à la source ou prescrire des mesures de protection supplémentaires pour éviter une aggravation des atteintes chimiques, physiques ou biologiques des sols.

Dès lors, le Conseil d'Etat nous annonce renforcer sa mission de surveillance pour pouvoir être en mesure de fournir les réponses attendues pour la protection de la santé de la population. Des postes supplémentaires sont créés pour y faire face ; et c'est tant mieux. Le Conseil d'État travaille également sur l'identification des sols pollués. Une fois les résultats connus, pourront être définis les moyens nécessaires dans le Plan cantonal de protection des sols, dont la publication est prévue pour le premier semestre 2023. Ces résultats vont être utilisés pour la mise en œuvre de la prochaine révision de la Loi sur la protection de l'environnement. Or, nous sommes maintenant parvenus à ce premier semestre 2023. Alors, qu'en est-il ? Si le Conseil d'Etat pouvait nous fournir quelques compléments d'information, ce serait tout à fait intéressant.

Ensuite, la question de la dangerosité du furane, substance toxique, n'est pas détaillée au-delà des mesures d'identification, d'analyse qui sont nécessaires. En revanche, concernant les mesures d'assainissement à prendre, comme enlever des couches de terre dans les zones plus polluées, rien n'est précisé. Cependant, le directeur général de la DGE reconnaît la gravité de la situation : la terre est une ressource non renouvelable, on l'a vu, on l'a dit, on le sait. Et, il n'y en aura pas assez pour la remplacer partout.

Pour certains secteurs, des notifications d'interdiction d'usage seront établies devant notaire pour le long terme. On nous informe que le dispositif est quasiment prêt pour la prise de contact avec la population et l'enclenchement des mesures. En outre, dans la Feuille des avis officiels de janvier 2023, on lit que des projets pilotes seront menés en 2023. A ce sujet, j'aimerais aussi quelques réponses complémentaires. Où en est-on aujourd'hui ? On sait que la question clé concerne la détermination des mesures d'assainissement appropriées – selon la typologie du terrain, places de jeu, zones publiques, jardins privés – et la concentration, qu’en dessous de certains seuils, la toxicité n'est pas « relevante » sur le plan légal. Par ailleurs, s'agissant de la santé de la population, le communiqué de janvier recommande encore de ne plus manger plus d'un œuf par semaine s'il est issu de poulaillers privés. Jusqu'à quand cette mesure est-elle posée ?

En conclusion, je note que le Conseil d'Etat a donné des moyens humains supplémentaires pour clarifier ces questions, pour avancer dans la problématique, mais est-ce suffisant ? Je n'ai pas la réponse, mais nous toutes et tous sommes concernés par ces pollutions diverses qui peuvent impacter notre santé et celle de nos enfants. Je le répète, la terre ne se renouvelle pas, elle nous est offerte telle qu'elle est ; or, sans elle, nous ne pourrions vivre. Ainsi, les moyens doivent être suffisants pour pouvoir la nettoyer, l’assainir et rassurer la population, adultes et enfants, lorsque pendant les beaux jours, elle accueille toutes les familles lors de sorties sur les lieux publics.

M. Pierre Zwahlen (VER) —

La pollution des sols à Lausanne en raison de l'ancienne usine d'incinération des déchets au Vallon, finalement relativement près d'ici, a des conséquences, dont je ne suis pas sûr qu’ils soient toujours évalués à leur juste mesure. En effet, lorsqu’on interroge en commission le Directeur général de l'Environnement, il souligne lui-même la gravité de la situation ; ce dont le rapport fait d'ailleurs état. Il est vrai qu'une consultation dioxine est en place à laquelle toutes les familles peuvent accéder par l'intermédiaire de leur médecin généraliste.

On peut s'interroger toutefois sur les conséquences à moyen ou long terme de ces pollutions, un point qu’aborde également le rapport de commission qui indique que « Malheureusement, lorsque l'on a vécu au centre-ville, qu'on a mangé des légumes et des œufs, et qu'un taux de dioxine anormal est décelé dans le sang, il n'y a pas grand-chose à faire en matière de traitement. » Le lien avec d'éventuelles maladies comme des cancers est une question complexe heureusement prise en charge par l'équipe d'Unisanté. Si ces substances ne sont pas d'abord des cancérogènes, elles perturbent néanmoins le métabolisme. Qu'est-ce que cela signifie à terme ?

Il faut obtenir de la Confédération l'accord de prendre des décisions d'assainissement. Il me semble que ce sont des choses entendues depuis de longs mois, sinon des années, mais toujours rien ne se profile dans ce domaine. Il y a donc lieu d'être inquiet sur ce sujet. En outre, les réponses sont terriblement techniques ou ne donnent pas les garanties que l'on pourrait souhaiter en la matière.

Quant aux mesures d'assainissement appropriées qui devraient être prises ? On attend toujours. On sait que des places de jeu sont en cause, des zones publiques, des jardins privés. L'attente est très longue alors qu'il y a des raisons de craindre des effets sur la santé des personnes contaminées.

M. Jean-Rémy Chevalley (PLR) —

J’aimerais contredire un petit peu mon préopinant, mon collègue Zwahlen, dont l'état des lieux semble indiquer que rien n’est entrepris, parce que dès le dépôt du postulat de notre collègue Claire Attinger-Doepper, des mesures ont été prises à travers le canton, effectuées à des endroits à risques qui, fort heureusement, ont révélé des taux beaucoup moins importants qu'à Lausanne. Ensuite, j'aimerais dire au nom du groupe PLR que le rapport qui a découlé du postulat nous satisfait tout à fait. On sent que le problème a été pris immédiatement, à bras-le-corps, et que maintenant les choses vont bien sûr suivre.

En conclusion, ce rapport est certes très technique, mais il est de qualité, et je vous encourage à suivre la recommandation de la commission et à l'adopter.

M. Vassilis Venizelos (C-DJES) — Conseiller-ère d’Etat

Je vous remercie pour cet échange et pour les différents qualificatifs utilisés pour évoquer ce rapport du Conseil d'Etat qui date de juin 2022. Dans l'intervalle, différentes mesures ont été prises, notamment l'annonce d'un plan d'action de protection des sols qui sera disponible plutôt en 2024 qu'au premier semestre 2023, pour répondre plus précisément à cet aspect. Il s’agit du rythme, du processus, de l'élaboration de ce dernier qui se veut transversal. Nous avons aussi souhaité nous appuyer sur les différents partenaires et acteurs en charge de l'agriculture, notamment pour pouvoir constituer un plan d'action sol qui réponde aux préoccupations du terrain. Nous reviendrons prochainement avec différents éléments.

Ainsi, la problématique, la thématique de la pollution des sols est malheureusement relativement émergente, et nous héritons aujourd'hui de situations et de pratiques du passé dont l’impact sur le territoire est très fort. Disons-le : l'ampleur de la pollution à la dioxine sur le territoire lausannois est importante, prise au sérieux par le Conseil d'Etat. Le gouvernement précédent avait déjà pris des mesures qui ont encore été renforcées avec la ville de Lausanne.

Madame la députée, vous l'avez indiqué, des interdictions d'usage ont été données par mon département, et des projets pilotes sont menés quant à des techniques d'assainissement alternatives, puisqu’il est clair que nous allons devoir assainir certains secteurs. Or, nous ne pourrons pas remplacer l'entier de la terre sur l'ensemble des secteurs concernés. Il faudra agir en fonction des usages et des niveaux de pollution, peut-être s'appuyer sur des méthodes alternatives en matière d'assainissement, raison pour laquelle des projets pilotes ont été lancés. La question du financement sera évidemment relativement importante – un débat au niveau fédéral que je vous invite à suivre avec la plus grande attention.

Je vous invite aussi à vous appuyer sur les éventuels relais que vous pourriez avoir au niveau fédéral, puisque dans le cas de la révision sur la Loi sur protection de l'environnement, en s'appuyant évidemment sur ses représentants aux Chambres fédérales, le Canton de Vaud est porteur d’amendements qui permettraient des cofinancements fédéraux pour les différents assainissements qui sont envisagés en ville de Lausanne liés à la pollution de la dioxine.

Par conséquent, le Conseil d'Etat prend à l’évidence la question très au sérieux, ne reste pas les bras croisés, prend ses responsabilités en matière de santé publique avec des interdictions d'usage, tout comme en matière d'assainissement, avec la ville de Lausanne, propriétaire de l'usine d'incinération à l'origine de la pollution. La collaboration avec cette dernière est fructueuse et permet de trouver des solutions rapides pour informer et rassurer la population.

A vous entendre, vous souhaitez que le Canton et la ville de Lausanne en fassent encore plus en matière d'information et de promotion des différentes actions menées. Or, je puis vous assurer que sur le terrain nous sommes présents auprès de la population. Néanmoins, je prends note de vos différentes remarques sur la promotion et la communication potentielles du Canton sur ce dossier. Nous monterons en puissance ces prochains mois, notamment sur la base des différents projets pilotes menés en matière d'assainissement.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

La discussion est close.

Le rapport du Conseil d'Etat est approuvé avec 1 avis contraire et 1 abstention.

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