23_LEG_123 - Exposé des motifs et projet de loi sur la réduction de l’impôt cantonal sur le revenu des personnes physiques (1er débat).

Séance du Grand Conseil du mardi 26 septembre 2023, point 13 de l'ordre du jour

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Florence Gross (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

Les débats de la commission ont eu lieu le 24 août, sans aucune connaissance du budget, mais ils faisaient suite à la conférence de presse du Conseil d'Etat du 3 juillet annonçant ses adaptations fiscales. Cet objet est en fait la réponse formelle du Conseil d'Etat à la motion Jobin, et il propose une réduction pérenne de 2,5 % de l'impôt cantonal sur le revenu des personnes physiques. Il s'agit donc d'un pas supplémentaire annoncé dans le Programme de législature aux mesures de baisse fiscale déjà actées lors du vote sur le budget 2023. Cette réduction s'applique uniquement à l'impôt de base lors de la détermination de l'impôt cantonal sur le revenu des personnes physiques et n'a donc pas d'impact sur l'impôt communal. Il permet dès lors une baisse ciblée, d'où la préférence de cet outil à la baisse du coefficient telle que déjà discutée.

Concrètement, le Conseil d'Etat propose de procéder à un abattement de 2,5 % à partir de la période fiscale 2024, ce qui correspond à une enveloppe de 75 millions de francs. Durant les échanges en commission, deux amendements ont été déposés, l'un visant à augmenter la déduction de 2,5 à 4,5 % et l'autre proposant la création d'un crédit d'impôt avec une réduction de l'impôt cantonal non pas sur la base d'un taux, mais d'un montant en francs par individu. La majorité de la Commission des finances soutient le premier amendement de 4,5 % et a rejeté le second. Elle estime en effet que le Conseil d'Etat manquait d'ambition et qu'une vision supplémentaire, toujours dans le cadre du Programme de législature, pouvait déjà être posée, afin de redonner du pouvoir d'achat à la population. A noter qu'une incertitude juridique a été émise par les services lors des travaux de commission quant au deuxième amendement, soit le crédit d'impôt. Une confusion est en effet possible selon les formats familiaux, avec un double versement pour un même individu dans certains cas, qui constitue donc une inégalité de traitement entre familles standards et divorcées. La problématique du quotient familial a également été adoptée.

Ce sont donc réellement deux visions qui s'opposent, la majorité de la Commission prenant en compte le principe de proportionnalité de l'impôt, soit la capacité contributive, alors que la minorité y préfère un rabais unique. Si la minorité estime qu'une baisse supplémentaire mettrait à mal les ressources de l'Etat, la majorité rappelle que ces mesures étaient annoncées par le Programme de législature et qu'un pas supplémentaire anticipé – tout en restant dans l'enveloppe globale de 250 millions prévue par le Conseil d'Etat – est le bienvenu. La majorité rappelle aussi que des subsides importants, notamment pour les primes maladie, existent dans le canton et que, dès lors, une baisse fiscale n'ira pas à l'encontre d'une justice sociale, argument souvent exprimé par la minorité. La majorité de la commission recommande donc d'entrer en matière sur ce projet de loi, par 9 voix contre 5, ainsi que d'accepter l'amendement à l'article 4, soit d'augmenter la baisse de 2,5 % à 4,5 %. Notons que, depuis la rédaction de ce rapport, une délégation du Conseil d'Etat a rencontré les membres de la Commission des finances pour échanger sur une proposition de feuille de route fiscale détaillée. A la suite de cet échange, le Conseil d'Etat propose aujourd'hui une baisse de l'impôt cantonal sur le revenu des personnes physiques de 3,5 % en 2024 et précise des mesures supplémentaires qu'il entend mettre en œuvre d'ici 2027, de manière échelonnée dans une feuille de route précise.

M. Julien Eggenberger (SOC) — Rapporteur-trice de minorité

Baisser les impôts ne peut pas constituer une politique publique, cela reste un slogan. Contrairement au Conseil d'Etat et à la majorité de la Commission des finances, la minorité estime que la fiscalité n'est ni le seul axe, ni le meilleur axe pour répondre aux attentes de la population. Alors que nous connaissons une augmentation historique des primes d'assurance-maladie qui va mettre à mal une partie de la population, alors que nous connaissons une augmentation des prix de l'énergie – et d'autres domaines aussi – alors que nous devons prendre nos responsabilités face aux défis de la crise climatique, alors que les enjeux en termes de prestations publiques dans de nombreux domaines – accueil de l'enfance, transports collectifs, etc. – se posent à nous, allons-nous dépouiller notre outil commun de ses ressources ? Aujourd'hui, dans le cadre de ces différents débats fiscaux, nous devons faire face à nos responsabilités. C'est ce que la minorité de la Commission vous invite à faire : responsabilité à consolider notre capacité collective à soutenir les plus fragiles ; responsabilité à assurer notre capacité à répondre aux défis de notre époque. Face à ces responsabilités, la minorité ne se défilera pas. Il défendra les ressources de l'Etat et s'opposera aux tentatives de baisse fiscale arrosoir qui n'avantagent que les plus riches. Depuis 2009, des mesures ont été prises par le Grand Conseil et ont eu pour résultat d'alléger la facture des personnes physiques, avec un coût, pour le budget de l'Etat, de plus de 280 millions. Il est donc faux de prétendre que les personnes physiques sont les grandes oubliées. La revue des différentes mesures prises montre de manière claire que ce n'est pas le cas et vous en trouvez la liste dans le rapport de minorité.

L'objet du jour étant la réponse à une motion adoptée par le Grand Conseil, la minorité de la commission, tout en restant opposée à une politique de baisse de la fiscalité et d'assèchement du financement des prestations publiques, proposera, si l'entrée en matière est acceptée, de modifier la mesure afin de mieux être orienté et de réellement toucher l'ensemble des Vaudoises et des Vaudois. Dans ce sens, la minorité a déposé un amendement visant à changer la logique, non pas en appliquant une réduction en pourcents sur l'impôt de base, mais en créant un crédit d'impôt de 112 francs par individu. Nous notons aussi que ni dans l'exposé des motifs ni dans la commission, n'a été présentée une vision claire et explicite de la stratégie financière des finances publiques pour les années à venir. C'est une grande source d'inquiétude, selon nous. Nous avons aujourd'hui un objet qui est un slogan : il faut baisser les impôts ; mais nous nous vous proposons une politique publique, à savoir de soutenir les Vaudoises et Vaudois. En résumé, la minorité de la commission vous recommande de refuser l'entrée en matière.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion sur l’entrée en matière est ouverte.

M. Jean Tschopp (SOC) —

C'est une petite phrase glissée dans le rapport de minorité au moment de la proposition de la majorité de la Commission des finances de passer de 2,5 à 4,5 % de baisse d'impôts sur le revenu des personnes physiques : « La représentante du conseiller d'Etat ne s'exprime pas sur cet amendement ; la minorité de la Commission relève avec étonnement ce silence. » Nous nous trouvons dans une situation où une majorité de la Commission des finances double l'ampleur d'une baisse d'impôts conçue pour rester, et dans le même temps, une ministre des finances qui reste muette face à un doublement de baisse fiscale qui met le service au public en danger.

Aujourd'hui, la population vaudoise apprend que les primes de l'assurance obligatoire de soins augmenteront de 10 % en 2024. La population étouffe sous le poids des primes d'assurance-maladie et de la vie chère. Et la priorité de la majorité de la Commission des finances est d'abord de servir les intérêts d'une petite minorité de la population particulièrement aisée. Il y a donc quelque chose de particulièrement indécent dans cette fixation des priorités politiques.

M Eggenberger l'a dit, en tant que rapporteur de minorité : si une majorité devait décider d'entrer en matière sur ce projet, le groupe socialiste viendra, comme il l'a fait auparavant, avec une proposition de crédit d'impôt. Nous avions, avant le début de l'été, demandé et discuté d'une motion « rabais d'impôt » que nous avions déposée avec les autres forces progressistes de ce Parlement et qui bénéficie à toutes les catégories de revenus, jusqu'à 250’000 francs pour une famille de quatre personnes ; c'était en opposition à la proposition de notre collègue UDC Philippe Jobin. Il y a donc maintenant cette proposition de crédit d'impôt, si nous devons entrer en matière, qui fera l'objet d'un amendement de la minorité de la Commission des finances ; cet amendement proposera un crédit d’impôt de 112 francs pour tout individu, soit 448 francs pour une famille de quatre personnes. Ces crédits d'impôt sont donc une alternative à la baisse d'impôt de 2,5 %.

Nous reviendrons avec cette demande, cas échéant, non pas parce que nous sommes psychorigides, mais parce que nous sommes déterminés à trouver des solutions qui redonnent du pouvoir d'achat à la majorité de la population, aux classes moyennes et populaires, dans un contexte de vie chère totalement inédit. L'immense majorité de la population s'en sortirait mieux avec ces rabais d'impôts. Seuls 3,6 % des contribuables les plus riches s'en sortent mieux avec les baisses d'impôts – et je parle uniquement pour la variante à 2,5 %.

Chères et chers collègues, quand plus de 95 % des contribuables s'en sortent mieux avec l’option de crédit d'impôts, il faut privilégier une solution qui favorise les classes moyennes et populaires. Vous pouvez vous époumoner à prétendre que les baisses d'impôts que vous demandez profitent d'abord à la classe moyenne. Les chiffres disent le contraire ! D'ailleurs, l'exposé des motifs du projet de loi ne prévoit aucune projection des effets concrets en fonction du niveau de revenu, pas davantage d'ailleurs dans le doublement de la baisse fiscale demandée par la majorité de la Commission des finances dans la précipitation. Aujourd'hui, ce Parlement a donc deux options : soit il en reste au slogan mis en évidence et rappelé par le rapporteur de minorité, slogan des baisses d'impôts qui annoncent des lendemains difficiles, soit ce Grand Conseil confronte ses propositions à l'épreuve des faits, au-delà des slogans, en privilégiant des mesures dans l'intérêt de la majorité de la population.

M. Alexandre Berthoud (PLR) —

Je vais donner la position du groupe PLR ; je ne voulais pas la donner tout de suite, mais je le fais volontiers maintenant. Pour ma part je voulais un petit peu discuter de la politique publique proposée par M. Eggenberger, qui dit que ce n'est pas un slogan. Mais monsieur Eggenberger, bien sûr que la baisse d'impôts n'est pas une politique publique, puisque les politiques publiques relèvent de charges ; il faut être assez clair de ce côté-là.

De plus, au niveau de la Commission des finances et notamment du côté du groupe PLR, nous avons simplement cherché à anticiper de manière précise la baisse d'impôts prévue dans le Programme de législature. Pour notre part, c'est réellement du pouvoir d'achat. Si on reprend, par exemple, l'étude d'Avenir Suisse, qui explique que la perte de pouvoir d'achat la plus conséquente concerne la classe moyenne qui paye des impôts – on va la définir également pour M. Tchopp : la classe moyenne qui paye des impôts et qui ne perçoit pas de subventions telles que les subsides LAMal, qui payent un maximum la garde de leurs enfants et qui n'ont aucun moyen de pouvoir bénéficier d’une quelconque aide directe de l'Etat. Je sais que vous ne faites pas partie de cette classe puisque vous l'avez communiqué lors du budget, toutefois cela représente quand même énormément de contribuables qui ont besoin d'un soutien. Pour ce faire, le groupe PLR va évidemment aller dans le sens de la Commission des finances, avec un amendement qui sera sans doute déposé après une négociation avec le gouvernement, car on peut aussi comprendre que les baisses ne peuvent pas se faire n'importe comment. Monsieur Eggenberger, on ne peut pas couper aujourd'hui une politique publique ; il s'agit d'être efficient. On le fera sur le long terme. Pour notre part, l'objectif est vraiment de travailler de cette manière. Nous vous proposons donc d'accepter le texte, de refuser l'amendement des socialistes, qui propose un système arrosoir qui va aller dans tous les sens et qui reste modeste, et de permettre aujourd'hui de prendre une décision qui anticipe quelque peu le Programme de législature du gouvernement.

M. Kilian Duggan (VER) —

La question qu'on devrait se poser en fin limier est la suivante : à qui profite le crime ? Ou plutôt, à qui profite vraiment cette baisse fiscale proposée par le Conseil d'Etat ? Depuis le début de la guerre en Ukraine et le retour d'une l'inflation qu'on avait cru appartenir au passé, la plupart des formations politiques se sont érigées en défenseuses du pouvoir d'achat de la classe moyenne. Le Conseil d'Etat va même plus loin en proposant un budget 2024 dans lequel il affirme renforcer son soutien au pouvoir d'achat des Vaudoises et des Vaudois. Afin d'en avoir le cœur net, il est nécessaire de s'attarder sur l'effet attendu de ce projet de baisse fiscale en pourcentage sur le pouvoir d'achat des habitants de notre canton. M. Berthoud a donné tout à l'heure sa définition de la classe moyenne ; je pense qu'il faut la définir selon les termes de l'Office fédéral de la statistique (OFS). En 2019, selon l'Office fédéral de la statistique, la part moyenne de la charge de l'impôt sur le budget des ménages se montait à 12 %. Cette part a sans doute diminué depuis, notamment du fait de l'augmentation des autres biens de consommation. Ainsi, une baisse, qu'elle soit de 2,5 %, 3,5 % ou 4,5 %, n'aurait qu'un effet extrêmement limité sur le budget des ménages : une évolution positive de l'ordre d'un demi-pourcent, si une baisse de l'impôt sur le revenu de 3,5 % venait à être acceptée. Je pense que nous pouvons toutes et tous convenir que cette amélioration marginale n'est pas de nature à améliorer substantiellement le pouvoir d'achat des Vaudoises et des Vaudois. Avec cet effet d'annonce de l'amélioration du pouvoir d'achat par le biais d'une baisse fiscale en pourcentage somme toute limitée, nous devons maintenant regarder qui seront les gagnants de cette proposition du Conseil d'Etat. Si l'on s'attarde sur les statistiques de l'Etat de Vaud, on constate que 1,5 % des contribuables les plus aisés de notre canton contribuent à plus de 20 % de l'impôt sur leur revenu. Dès lors, sur les 105 millions auxquels le Conseil d'Etat est prêt à renoncer, 21 millions seront directement redistribués aux contribuables dont le revenu imposable dépasse les 300’000 francs. Vous conviendrez, je l'espère, qu'il ne s'agit pas de la catégorie de population qui souffre actuellement le plus des effets de l'inflation.

Enfin, attardons-nous sur les effets sur la classe moyenne. Si l'on reprend la définition de l'OFS, la classe moyenne contient les personnes disposant d'un revenu imposable compris, pour une personne seule, entre 32’000 et 69’000 francs, et pour un couple marié avec deux enfants entre 67’000 et 145’000 francs. Si l’on applique cette définition de la classe moyenne au projet du Conseil d'Etat, on constate que l'économie moyenne annuelle se situerait aux environs de 260 francs, soit une baisse d'un peu plus de 20 francs pour ceux qui payent des acomptes mensuels. J'espère que vous conviendrez également que c'est un effet qui reste limité sur l'amélioration du pouvoir d'achat de la classe moyenne de notre canton. En conclusion, les Vertes et les Verts considèrent que cette baisse fiscale manque sa cible. Elle entraîne surtout une baisse de revenus pour l'Etat, sans améliorer substantiellement le pouvoir d'achat des Vaudoises et des Vaudois qui en ont besoin. En cette période turbulente, sachons raison garder, ne cédons pas à l'effet d'annonce et appliquons-nous à garder un canton fort, avec des services de qualité pour sa population. Vous l'avez compris, les Vertes et les Verts suivront les conclusions de la minorité.

M. Yvan Pahud (UDC) —

Je serai très bref. Je reviens sur deux points concernant la pertinence de cette baisse d'impôt. Je l'ai rappelé avant, notre canton a les moyens. Je vous rappelle le bénéfice réalisé en 2022, avant les écritures de bouclement, de 494 millions. Il est clairement évident que notre canton encaisse trop et qu'il a trop ponctionné les contribuables ces dernières années.

C’est le bon opportun, car c’est aujourd'hui que notre population souffre de l'inflation, qu'elle a de la peine à payer ses factures. On doit la soulager, et les impôts sont un moyen efficace de soulager les personnes qui bénéficient du fruit de leur travail. Le groupe UDC rejoint les propos tenus dans le rapport de la majorité de la commission, en page 1 : la baisse proposée par le Gouvernement manque d'ambition. Le groupe UDC soutiendra donc à l'unanimité la position de la majorité de la Commission des finances de fixer le taux à 4,5 %. Nous vous invitons à refuser les amendements de la gauche, qui se veut une politique publique arrosoir et qui manque sa cible.

M. Jerome De Benedictis (V'L) —

Si tout a presque été dit, notamment que la temporalité de ce vote n'est pas très heureuse ou que les revirements de situation sont difficiles à appréhender, je crois que nous sommes aujourd'hui face à une situation tout à fait limpide. La Commission des finances, dont je fais partie, a voté un amendement renforçant la baisse d'impôt proposée par le Conseil d'Etat. Cet amendement se justifiait pleinement, car il allait dans le sens de la motion de notre collègue Jobin, validée par notre plénum ; elle allait même plus loin, mais uniquement sur le revenu. Il répondait aussi un petit peu plus à l'initiative des milieux patronaux qui, si elle a le mérite d'être sexy, semble difficilement applicable dans le contexte financier actuel. Cette mesure permettait aussi d'améliorer le pouvoir d'achat de nos concitoyennes et de nos concitoyens dans un contexte où l'imposition de notre Canton truste les plus hautes places des classements intercantonaux, mais pas dans le bon sens du terme. Mardi dernier, notre gouvernement a présenté à la Commission des finances une proposition sous forme de feuille de route, avec une vision à court et moyen terme de l'imposition de notre population, respectant son propre Programme de législature, mais cédant parallèlement aux velléités de la Commission des finances de voir les réductions d'impôts augmenter par rapport à la proposition initiale. Ce projet, rendu possible uniquement grâce à la persévérance de la majorité de la Commission des finances, et visant un rabais de 3,5 %, est un compromis acceptable, parce qu'il est assorti d'un engagement de le porter à 5 % en 2025, en fonction des résultats des comptes – j'insiste : des comptes et non pas du budget 2023 – et de revoir l'imposition sur la fortune, qui est aussi une demande. Ramenée en points d'impôt, cette réduction représente l'équivalent de 5,4 points d'impôt de rabais, soit toujours plus que la demande de notre collègue député Jobin, mais toujours uniquement sur le revenu. Proposer davantage maintenant, c'est déséquilibrer les finances cantonales et aller au-delà du petit équilibre ; nous avons pu le découvrir hier.

Dans un souci de consensus, si important au bon fonctionnement de notre canton, et dans un but constructif, compte tenu du fait que la proposition du Conseil d'Etat comporte des engagements officiels pour des réductions supplémentaires, j'aurai le plaisir de déposer un amendement proposant de suivre la proposition du Conseil d'Etat. Notre démarche a incité le Gouvernement à revoir ses plans et même à aller plus loin dans les baisses fiscales en 2025. Accordons-lui notre confiance pour mettre en œuvre au plus vite les mesures prévues dans son Programme de législature. Hier, le quotidien 24heures demandait si le Conseil d'Etat allait trouver un larbin pour faire passer son message ; aujourd'hui, j'ai le plaisir de vous annoncer que ce larbin n'est pas seul. C'est bien le PLR et les Vert’libéraux unis qui vous recommandent de soutenir cette proposition. Pour nous, aider les Vaudoises et les Vaudois à payer moins d'impôts, ce n'est pas être un larbin : c'est simplement aider les Vaudoises et les Vaudois.

M. Vincent Keller (EP) —

Nous traitons enfin ce dossier, près de 2 ans et demi après le dépôt de la désormais célèbre motion Jobin qui manquait totalement sa cible populiste : la classe moyenne. Notre collègue député voulant diminuer tous les impôts de 5 points, il ne pensait qu'aux plus riches de ce canton, comme l'a démontré magnifiquement M. le député Kilian Duggan. M. Jobin n'est pas content, parce que le contre-projet du Conseil d'Etat est ingrat et n'inclut même pas l'impôt sur la fortune. Le Conseil d'Etat nous propose donc un contre-projet dont l'accouchement fut des plus douloureux. M. Jobin propose 5 points, puis 5 % ; peut-être qu'il proposera un nouvel amendement à 10 % ou 20 %... Le Conseil d'Etat propose 2,5 %, la Commission des finances propose 4,5 % et, finalement, on votera 3,5 % dans une urgence rare, comme on vient de l'apprendre à l'instant par mon préopinant, alors même que peu de citoyens vaudois n'ont tenu le budget 2024 dans leurs mains, puisqu'il est encore sous embargo. On a juste lu et entendu les habituelles rengaines de la conférence de presse du lundi du Conseil d'Etat, qui s'autoconvainc qu'il est dans le juste. Cet accouchement douloureux découle d’une stratégie du Conseil d'Etat totalement illisible et incompréhensible, mais qui a été d'une promptitude remarquable. Une telle précipitation pour une affaire si sérieuse, c'est comme conduire une Ferrari à 300 km/h sur l'autoroute à 6 voies Lausanne-Genève – ce qui devrait faire plaisir à M. Jobin – mais avec les yeux bandés – ce qui devrait faire plaisir aux pompes funèbres. Pourtant, les jeux sont faits et personne ne fera mine d'être étonné. Le Conseil d'Etat lui-même, dans son Programme de législature, parle d'une coupe de près de 270 millions dans les impôts pour renvoyer l'ascenseur à ses bailleurs de fonds, dont on connaît certains noms depuis le changement de loi.

Que ce soit la version à 2,5 %, à 3,5 % ou à 4,5 %, on est de toute façon encore bien en deçà des désirs de cette droite décomplexée qui veut transformer le canton de Vaud en cinquante et unième Etat américain – c'est-à-dire un Etat minimal, un libéralisme débridé, 95 % de la fortune globale détenue dans quelques dizaines de portemonnaies – puisqu'il faudra encore ajouter probablement 300 millions de coupes grâce à l'initiative du Centre patronal. Décomplexée, la droite ? Ce n’est que le prénom ! Je laisserai mes éminents collègues donner les chiffres, dire combien de cafés par mois seront économisés par la classe moyenne – ils serviront certainement à payer les augmentations de primes maladie annoncées cet après-midi – et combien les plus riches pourront thésauriser encore plus. La mesure est connue : il faut faire payer celles et ceux qui vivent de leur travail pour engraisser celles et ceux, beaucoup moins nombreux, qui vivent de leur capital. Mais tout cela manque singulièrement d'originalité ; c’est vrai.

Celles et ceux de mes concitoyens qui ne gagnent pas assez pour payer des impôts, ces pauvres et ces indigents que la droite de ce Parlement méprise, verront les politiques publiques financées par l'Etat réduites à peau de chagrin. Ces politiques publiques qui, pourtant, les font tenir la tête hors de l'eau et même souvent vivre. Parce qu'après les cadeaux aux plus aisés, il faudra passer aux choses sérieuses : « tailler dans le gras » comme dit la droite. En effet, cet Etat soi-disant obèse doit revenir à un indice de masse corporelle au-dessous de 25. Pourtant, c'est généralement assez facile : une fois qu'on a enlevé l'énergie, le corps se dégrade et meurt. Et c'est bien cela que l'UDC, le PLR et les Vert’libéraux souhaitent. Mon discours non plus n'est pas très original ; j'en conviens. Je l'ai répété à l'envi ces dernières années, lorsque mon collègue Buclin était le seul à défendre son rapport de minorité de la Commission des finances pour les budgets. Ce qui est nouveau en revanche, c'est qu'aujourd'hui le groupe Ensemble à Gauche et POP n'est plus seul, même s'il avait raison depuis 20 ans. Parfois, cela ne sert à rien d'avoir raison seul, ni trop tôt ; souvent il suffit d'attendre les faits. Et que disent les faits ? Nous avons des signaux effrayants, angoissants, épouvantables qui nous arrivent en prévision de ces quatre prochaines années de domination de la droite décomplexée. Laissez-moi en donner quelques-uns – la liste n’est malheureusement pas exhaustive : on craint des mesures de restrictions au CHUV. Quelles seront les coupes supplémentaires lorsque ces premières mesures seront mises en œuvre ? Va-t-on avoir une proposition de privatisation de notre vaisseau amiral de la part de cette droite décomplexée de l'hémicycle ? L'aide à l'intégration des enfants en situation de handicap a été supprimée pendant les vacances : quel cynisme ! A Payerne, dans la commune de Mme la présidente du Conseil d'Etat, on renvoie un enfant autiste faute de moyens et de mains. Faut-il mettre tout le monde en école privée à 30’000 francs par année ?

La péréquation intercommunale, pourtant totalement incomplète et injuste dans son avant-projet, a été obtenue après des mois et des années de négociations entre les deux faîtières et le Conseil d'Etat. Une baisse d'impôt si massive met en péril certains aspects. C'est irresponsable ! Ce Grand Conseil a décidé, il y a deux ans, que les bénéficiaires des prestations complémentaires, et celles et ceux aux très petits revenus, devraient payer plus d'impôts. Cette décision entre, de manière fortuite ou non, en action cette année, et les effets vont se faire sentir dès maintenant avec les problèmes structurels que l'on connaît. La lutte des classes a de belles années devant elle. L'UDC prétend défendre les milieux populaires, alors que 100 % de ses actions bénéficient aux plus aisés : une aimable plaisanterie qui a encore la dent dure. Finalement, je dois bien avouer que, malgré les très nombreuses critiques que nous avions pu adresser à Pascal Broulis ces dernières années, lui au moins savait tenir son groupe. Le groupe Ensemble à Gauche et POP refusera l'entrée en matière, comme la minorité de la Commission des finances, et vous propose d'en faire de même.

M. Fabrice Moscheni (UDC) —

J'aimerais rebondir sur l'argument-phare de la gauche, qui dit que toutes ces mesures de baisse fiscale ne vont favoriser qu'une petite majorité, c'est-à-dire ceux qu'on appelle « les riches ». Il est vrai que dire « riches » dans ce plénum est quasiment un gros mot ; j'ose le dire, je vais parler un petit peu des riches et analyser la situation.

Acceptons l’idée que cette baisse ne va en fait profiter qu'aux riches ; est-ce que les riches sont si égoïstes et mauvais que cela ? Tout d’abord, je voudrais signaler que nous nous trouvons dans un système où l’impôt est progressif : 1 % des contribuables les plus riches génèrent à peu près 40 % des recettes de l'impôt fédéral direct et les 10 % les plus riches aisés engendrent 78 % de l'impôt. A l'opposé, 50 % des contribuables les plus modestes en génèrent 2 %. En d'autres termes, un contribuable riche – 500’000 francs de revenus et 3 millions de francs de fortune – paye autant d'impôts que 25 personnes de la classe moyenne. Le meilleur ami de la classe moyenne est donc le riche !

Aujourd'hui, le canton de Vaud est un enfer fiscal. Vous pouvez faire toutes les comparaisons, seul Neuchâtel nous bat. C'est quand même assez effrayant. Or, aujourd’hui, si vous connaissez des gens qui ont une situation aisée, vous constaterez que beaucoup quittent le canton de Vaud, une fois arrivés à l’âge de la retraite, pour aller vers des cantons qui, fiscalement, sont plus accueillants. Aujourd'hui, on a vraiment un risque que ces riches que vous conspuez nous quittent, car, par effet indirect, cela va générer une augmentation d'impôt, voire une baisse de prestations.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

(Le débat est interrompu.)

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