21_RAP_35 - Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur le Postulat Céline Ehrwein Nihan et consorts - Former les jeunes migrants : un investissement dans l'avenir ! (15_POS_155).
Séance du Grand Conseil du mardi 7 février 2023, point 13 de l'ordre du jour
Documents
- Texte adopté par CE - Rap-CE POS Ehrwein Nihan 15_POS_155 - publié
- Rapport de la commission - Josephine Byrne Garelli
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourLa commission qui a étudié le rapport du Conseil d’Etat a siégé le 20 mai 2022 en présence de la cheffe du département de l’époque, Mme Cesla Amarelle, accompagnée de Mmes Suzanne Peters et Nathalie Jaunin ainsi que de MM. Erich Duerst et Christophe Blanchet. En préambule, je tiens à signaler qu’entre le moment où le Conseil d’Etat a publié son rapport sur ce postulat en novembre 2021 et la séance de la commission en mai 2022, la situation migratoire a complètement changé avec le début de la guerre en Ukraine. C’est pourquoi le rapport sur l’accueil des mineurs non accompagnés (MNA) publié par le Conseil d’Etat ne correspondait plus à la réalité du printemps dernier. En séance, le Conseil d’Etat a fourni beaucoup d’informations qui sont inconnues du Grand Conseil. Ainsi, mon intervention va être un peu plus détaillée que d’habitude, afin de vous fournir le maximum d’informations. Je suis convaincue que le Conseil d’Etat va compléter ces informations sur la base des expériences vécues depuis le mois de mai 2022.
La cheffe du département a rappelé les demandes du postulat, soit d’étudier la possibilité :
- d’augmenter le nombre de classes d’accueil et des autres cours destinés aux jeunes migrants ;
- d’adapter les formations existantes, voire de développer de nouvelles formations, de façon à pouvoir répondre au mieux aux besoins spécifiques des jeunes migrants.
Ces dernières années, le Conseil d’Etat a travaillé dans le sens souhaité par la postulante en renforçant qualitativement les conditions d’accueil pour jeunes migrants. Le Département de la formation, de la jeunesse et de la culture y est parvenu par la création de l’Unité Migration Accueil à la Direction générale de l’enseignement obligatoire (DGEO) et de l’Ecole de l’Accueil à la Direction générale de l’enseignement postobligatoire (DGEP).
Depuis la réponse du Conseil d’Etat à ce postulat, la situation migratoire dans le canton a rapidement évolué. D’une part, en ce qui concerne le nombre de MNA qui est actuellement de 90 jeunes – hors MNA ukrainiens – avec des perspectives d’un doublement de ce nombre sur les douze prochains mois – toujours hors MNA ukrainiens. D’autre part, avec les arrivées d’enfants ukrainiens en nombre très conséquent – environ 800 déjà scolarisés au mois de mai 2022 – avec des projections entre 1400 et 2000 enfants en âge de scolarité obligatoire d’ici le mois d’août 2022. Pour la rentrée d’août 2022, on aura ainsi vécu un doublement du nombre de jeunes qui ont formé la rentrée de l’école obligatoire, qui est depuis 2013 d’environ 1000 élèves supplémentaire par année – soit une augmentation de 2 % au lieu de l’augmentation habituelle de 1 % du nombre d’élèves.
Pour répondre à cet immense défi, le département a augmenté de manière importante les ressources prévues pour l’allophonie. Ainsi, la DGEO a alloué un nombre conséquent de périodes supplémentaires hors enveloppe aux établissements pour permettre l’ouverture de nombreuses classes d’accueil ou de cours intensifs de français (CIF) à disposition des plus jeunes élèves. Une Task force Ukraine permet de coordonner au mieux les questions liées à leur hébergement, à leur santé et à leur formation. Des contacts hebdomadaires ont lieu entre différents partenaires de l’Etat concernés par le séjour de ces jeunes. La DGEP a créé en août 2021 une « Ecole de l’Accueil » (EDA) qui permet aux jeunes allophones primo-arrivants de débuter un parcours de formation au niveau secondaire II en acquérant les bases de français nécessaires. Dans le cadre de l’arrivée récente des jeunes ukrainiens, le nombre de places à disposition a été fortement augmenté. Concernant plus spécifiquement la question des jeunes MNA peu ou pas scolarisés dans leur pays de provenance, plusieurs aides sont à disposition des enseignants et des directions concernés :
- un délégué régional de l’unité migration accueil (UMA) ;
- un référent thématique alphabétisation de l’UMA ;
- des classes d’accueil de niveau débutant permettant de regrouper plusieurs de ces jeunes et de leur proposer un enseignement adapté ;
- des classes de ce type sont aussi prévues au postobligatoire, en particulier à l’école de l’accueil et au Centre d’orientation et de formation professionnelle (COFOP).
Pour terminer, la cheffe du département esquisse les défis liés à l’augmentation des jeunes issus de la migration dans les mois à venir :
- Tout d’abord, pour les MNA, l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM) va ouvrir deux nouveaux foyers à Orbe et à Montreux. D’autres suivront dans les mois à venir. Le défi de leur scolarisation touchera ainsi des établissements scolaires peu habitués à scolariser des jeunes peu ou pas scolarisés.
- Ensuite, il s’agira d’ouvrir suffisamment de classes d’accueil avec à leur tête des enseignants formés en français langue seconde (FLS) pour la scolarisation et la formation des jeunes migrants récemment arrivés, dont une majorité d’enfants ukrainiens, mais sans oublier la migration traditionnelle en augmentation.
Pour conclure, le département affirme avoir bien anticipé la crise actuelle en créant une unité migration accueil qui se révèle très utile en cette période de crise migratoire de forte ampleur. Elle a aussi une école de l’accueil qui, au niveau postobligatoire, permet de prendre en charge ces jeunes avec du personnel formé afin de les orienter, dès que possible, vers une formation certifiante. Le département a profité de l’expérience accumulée pendant la crise de l’asile de 2015-2016 pour se doter de structures plus solides qui montrent, aujourd’hui, toute leur utilité pour permettre un accueil de qualité aux jeunes migrants, en particulier les MNA, malgré la double pression mise aussi bien par la crise ukrainienne que par l’augmentation des MNA.
Lors de la discussion, Mme Sylvie Podio informe la commission qu’elle n’a pas eu de retour de la postulante. Elle note que l’ensemble de la réponse semble satisfaisant, reste à voir comment cela va se passer avec la crise ukrainienne.
Un syndic et membre du comité directeur d’une association scolaire explique que sa région n’est pas habituée à ce genre d’accueil. Il y a une crainte d’un manque de locaux au niveau du secondaire. Le coordinateur de l’UMA explique que, pour la région en question, on parle d’un maximum de dix enfants à scolariser en obligatoire sur le nombre de 35 jeunes du foyer d’accueil. Cela dit, au niveau du canton, ce serait un défi. D’autres communes sont concernées par l’ouverture de nouveaux foyers MNA. Dans ces situations, on contacte la direction pour répondre aux questions et craintes normales face à des situations inconnues. Dans les faits, ce sont des enfants en général extrêmement motivés, avec une avidité face à ce qui leur est proposé. En général, dès le moment où les enseignants sont en contact avec ces jeunes, leur perception est modifiée, et c’est souvent le sentiment d’empathie que ces jeunes génèrent qui prend le dessus. Le défi d’apprendre une langue qui n’est pas la nôtre ne s’improvise pas, raison pour laquelle on a besoin de garder ces enfants un peu plus longtemps dans des structures d’accueil, pour qu’ils aient si possible au moins cinq ans pour progresser dans leurs apprentissages en français et en mathématique. Concernant les questions de santé, notamment le soutien psychologique, le directeur de l’EVAM explique que les aspects santé sont gérés par des prestataires de soins, en coordination avec UniSanté. Traditionnellement, UniSanté ne s’occupait pas de la pédiatrie, mais cela s’est avéré nécessaire dans le cadre de la crise ukrainienne et la coordination concernant la pédiatrie a été renforcée.
Une députée demande si des adultes parmi les migrants ukrainiens ont les compétences et peuvent être recrutés pour aider en matière de formation ou de santé. La directrice adjointe de la DGEO confirme que cela est précieux : les personnes peuvent se mettre à disposition via une plateforme, que ce soit pour de la traduction ou de l’enseignement. Avec 2000 élèves en plus, la cheffe du département informe la commission que dans le cadre du processus budgétaire, il y aura une augmentation des ETP dans son département, pour accompagner cette augmentation démographique. Pour le secondaire II, déjà très plein, la directrice adjointe de la DGEP explique qu’il y aura obligatoirement l’ouverture de nouvelles classes, donc l’engagement d’enseignants supplémentaires. Le directeur de l’EVAM relève que les moyens alloués à l’EVAM vont également être plus importants que ce qui est inscrit au budget, de même que pour le Département de la santé et de l’action sociale et la Protection civile. Plusieurs services et départements seront impactés par ces événements.
Concernant l’aide de la Confédération au canton, le directeur de l’EVAM explique qu’une partie du surcoût est compensé par une augmentation de la subvention fédérale en matière d’asile, qui est composée de deux parties : une première qui contribue à couvrir les frais d’hébergement, les frais d’entretien, de subsistance et de la santé – environ 15'000 francs par personne et par an – et une deuxième partie de 3'000 francs alloués sur une durée d’une année pour des mesures d’intégration – cours de langue ou mesures liées à l’accès au marché du travail. Cela ne concerne pas les enseignements obligatoire et postobligatoire, qui sont de compétences cantonales.
Concernant les perspectives d’engager des personnes ukrainiennes pour l’encadrement de traduction ou d’enseignement, le coordinateur de l’UMA explique que des personnes ukrainiennes ont été engagées directement par l’UMA en tant que psychologues, lesquels peuvent intervenir directement dans la langue des familles, et identifier sur des documents en cyrillique les meilleurs suivis pour des personnes devant faire l’objet de prises en charge particulières. On compte engager une logopédiste supplémentaire. Il y a également des enseignants qui parlent l’ukrainien et/ou le russe qui ont été engagés. Mais s’ils doivent donner des cours, ce sont des cours en français, donc le niveau doit être suffisant. La première barrière pour ces personnes très bien formée est d’obtenir un niveau B2 de français. Des personnes qui ne maitrisent pas bien le français, peuvent être utiles pour faire interprète avec un niveau B1 voire A2, dans l’accompagnement, l’aide à l’intégration, les besoins particuliers. Mais pour les autres postes, le frein est la barrière de la langue.
Concernant l’enseignement à distance des jeunes Ukrainiens et l’obtention d’un certificat d’études, l’Ukraine a décidé de ne pas décerner ces titres à des élèves ayant fini leur scolarité dans un autre pays. Concernant les diplômes ukrainiens, le ministre ukrainien a été peu clair sur la possibilité de passer ces titres. La situation est compliquée et le département cherche des solutions.
Notre pays et notre canton ont été confrontés à une situation migratoire qui a évolué rapidement depuis février 2022 et la commission constate que les outils développés en réponse au postulat de Mme Céline Ehrwein Nihan, au niveau cantonal, semblent bien fonctionner pour les MNA. Le Conseil d’Etat va certainement compléter ces informations sur la base des expériences depuis le mois de mai 2022. La commission recommande au Grand Conseil d’accepter ce rapport du Conseil d’Etat à l’unanimité.
La discussion est ouverte.
(remplaçant Mme Céline Ehrwein Nihan, ancienne députée) Notre groupe remercie le Conseil d’Etat pour la réponse apportée au postulat de notre ancienne collègue Mme Ehrwein Nihan. Le traitement de ce postulat déposé en 2015 reflète la réalité et la complexité de la problématique de la migration, plus particulièrement celle liée à l’asile. Ce qui est valable à un temps T en l’est plus forcément quelques mois plus tard, car la situation sur le champ de l’asile dépend fortement des fluctuations de la scène internationale. Cela implique une capacité de réactivité et d’adaptation d’autant plus importante quand il s’agit d’enfants et de jeunes. En effet, leurs besoins ne changent pas en fonction des fluctuations internationales. Ils vivent une situation de stress intense à des moments cruciaux de leur développement. La possibilité de pouvoir poursuivre leur scolarité ou leur formation participe à diminuer l’impact de la situation traumatique qu’ils vivent. C’est pourquoi on ne peut que saluer l’amélioration de leur accompagnement ainsi que la création de l’UMA qui permet d’apporter des réponses et des soutiens aux professionnels dans la prise en charge de ces jeunes. Je vous invite donc à approuver ce rapport qui répond aux questions posées par la postulante. Toutefois, j’encourage le Conseil d’Etat à mesurer régulièrement l’impact des mesures prises, afin d’en confirmer la pertinence ou de les adapter en cas de besoins.
En préambule, je déclare mes intérêts : je suis titulaire d’une maîtrise fédérale en installations électriques et suis formateur. Je tiens à saluer la détermination du canton et l’engagement de l’EVAM sur ce sujet, soit la formation des jeunes migrants. Les difficultés pour arriver jusqu’en Suisse sont parfois inimaginables ; que de souffrance ! N’oublions pas que la majorité d’entre eux écrivent de droite à gauche et ne parlent pas le français. Il en va de notre responsabilité de les former, afin qu’ils ne soient pas entièrement à charge de l’Etat. Actuellement, j’en forme huit, issus d’horizons différents – Erythrée, Somalie, Pakistan, Afghanistan, Iran. Leur intégration en entreprise se passe bien dans 90 % des cas, aux cours théoriques et pratiques également. Ils savent pourquoi ils sont là ; ils ont enduré moult souffrances pour y arriver. En juin, trois vont terminer leur apprentissage ; j’ai confiance en eux, à l’image d’un apprenti érythréen qui a terminé son apprentissage d’électricien de montage et qui vient de signer une passerelle pour faire installateur électricien, soit deux ans de plus, afin d’obtenir un CFC. C’est magnifique et je suis très fier d’avoir fait le choix de former de jeunes migrants voilà bientôt huit ans. Il est essentiel d’augmenter les visites des patrons dans les écoles. Pour votre information, le 8 mars, au Belvédère, il y a une nouvelle action, débutée en 2006, avec la participation d’amis patrons et de la Fédération vaudoise des entrepreneurs ; on va rencontrer environ 250 élèves dans l’Aula, pour leur montrer les différents métiers de l’apprentissage. En conclusion, j’invite mes collègues députés, directeurs ou patrons d’entreprise d’en engager. Le seul bémol que je retiens est que le Grand Conseil a envoyé ce postulat au Conseil d’Etat après passage en commission le 26 septembre 2016 ; il a donc fallu sept ans pour qu’il soit traité par ce Parlement. Je vous invite à suivre les conclusions de la commission.
Retour à l'ordre du jourLa discussion est close.
Le rapport du Conseil d’Etat est approuvé à l’unanimité.