24_POS_39 - Postulat Vincent Bonvin et consorts au nom Les Vert.e.s - La diversité de la presse est en péril : tirons la sonnette d’alarme (Développement et demande de renvoi à commission avec au moins 20 signatures).

Séance du Grand Conseil du mardi 24 septembre 2024, point 5 de l'ordre du jour

Texte déposé

La récente décision de Tamedia de supprimer 90 postes dans les rédactions en Suisse, dont de nombreux journalistes, interpelle profondément. En effet, TX Group, propriétaire de Tamedia, engrange des dizaines de millions de bénéfices chaque année tout en accentuant l'appauvrissement du paysage médiatique romand. 

 

Cela démontre que le but premier de la presse n’est pas tant de tenir son rôle de quatrième pouvoir dans la démocratie, mais de maximiser les profits des actionnaires. Certes, la nécessité de profit est légitime dans une situation de marché libre, mais la presse est-elle un bien comme un autre ? N’a-t-elle pas une mission essentielle au bon fonctionnement de notre démocratie ? Dans ce contexte, les pouvoirs politiques ne peuvent pas rester de simples observateurs et doivent agir pour consolider une presse libre, locale et diversifiée. Mais comment sommes-nous arrivés là ? 

 

Depuis l’arrivée d’Internet, les cartes ont été rebattues. Les recettes publicitaires et les petites annonces, autrefois sources de revenus clés pour la presse papier, se sont massivement détournées vers le numérique. Des plateformes en ligne comme Ricardo.ch ou Homegate.ch génèrent aujourd’hui d’énormes profits, qui, auparavant, alimentaient les caisses des médias traditionnels. Ironiquement, les grands groupes comme Ringier et Tamedia, qui ont racheté ces sites, en tirent des bénéfices, mais ne réinvestissent pas ces gains dans leurs titres de presse. Pour preuve, TX Group, propriétaire de Tamedia a fait 2,2 milliards de bénéfice au cours des 15 dernières années et a reversé 670 millions de dividendes à leurs actionnaires.

 

Dans ce contexte de démantèlement, il est de notre devoir de rappeler que la presse locale et régionale est indispensable à la démocratie. Elle offre une couverture de proximité essentielle, permettant aux citoyens de suivre les affaires locales et de participer activement à la vie démocratique. En Romandie, nous ne pouvons pas nous contenter des médias nationaux ou internationaux, qui ignorent souvent nos réalités locales. La presse locale, en fournissant des informations vérifiées, constitue aussi un rempart contre la désinformation et les fake news qui prolifèrent sur les réseaux sociaux. Sans une presse locale forte, le lien entre les citoyens et leurs institutions s’effrite, menaçant la participation civique et la qualité du débat public. 

 

À ce titre, l'enveloppe votée par le Grand Conseil en 2021, bien que nécessaire, n'a pas permis de résoudre les problèmes structurels du secteur. Malgré ces efforts, l'impact de ces mesures reste limité face aux suppressions de postes et à la concentration croissante des médias. En témoignent les récentes réductions de postes et l'appauvrissement programmé, auxquels s'ajoute une dynamique similaire à la RTS, qui a également annoncé une réduction de son offre et des mesures drastiques d’économie. Alors que faire ?

 

Reconnaître que la presse n’est pas un bien comme les autres. Elle est un pilier essentiel de la démocratie, garantissant une information diversifiée et de qualité. C’est pourquoi une intervention publique proportionnée et plus conséquente est indispensable. D'abord, en reconnaissant la presse locale et régionale comme un bien public. Ensuite, en investissant dans des mesures ciblées pour soutenir la diversité, l’indépendance et la qualité de la presse. Sans cela, le rôle de la presse comme gardienne de la démocratie risque de s’éroder irrémédiablement.

 

Par conséquent, nous avons l’honneur de charger le Conseil d'État d’étudier l’opportunité de prendre des mesures pour garantir une presse locale et régionale qui joue son rôle de quatrième pouvoir de notre démocratie et demandons : 

  • Une évaluation de l'impact des suppressions de postes chez Tamedia sur l'accès des citoyens vaudois à une information locale et régionale de qualité.
  • Une évaluation de l'impact de la stratégie de soutien aux médias locaux déjà mise en place. 
  • De reconnaître la presse locale et régionale comme un bien public essentiel à la démocratie.
  • De proposer une nouvelle stratégie robuste pour garantir une presse locale diversifiée, indépendante et de qualité, capable d'exercer pleinement son rôle de quatrième pouvoir.
  • D’appeler à un financement complémentaire au niveau national par une contribution des entreprises numériques, pour soutenir la presse indépendante.

 

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Martine GerberVER
Alberto MocchiVER
Laure JatonSOC
Didier LohriVER
Géraldine DubuisVER
Thanh-My Tran-NhuSOC
Joëlle MinacciEP
Claude Nicole GrinVER
Valérie ZoncaVER
Céline MisiegoEP
Yves PaccaudSOC
Aude BillardSOC
Muriel ThalmannSOC
Isabelle FreymondIND
Théophile SchenkerVER
Yannick MauryVER
Pierre ZwahlenVER
Anna PerretVER
Sylvie PodioVER
Monique RyfSOC
Sabine Glauser KrugVER
Patricia Spack IsenrichSOC
Oleg GafnerVER
Vincent KellerEP
Hadrien BuclinEP
Laurent BalsigerSOC
Laurent MiévilleV'L
Cédric RotenSOC
Sylvie Pittet BlanchetteSOC
Nathalie JaccardVER
Vincent JaquesSOC
Pierre FonjallazVER
Cédric EchenardSOC

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Vincent Bonvin (VER) —

Osons les mots : la diversité de la presse est en péril et il est urgent de tirer la sonnette d’alarme. La récente décision de Tamedia de supprimer 90 postes dans les rédactions suisses touche directement de nombreux journalistes ; cela doit nous interpeller. Plus que la conséquence d’une nouvelle stratégie, cette décision doit être mise en perspective avec les précédentes suppressions d’emplois et la tendance actuelle à une concentration des médias. La presse est-elle vraiment un bien comme un autre ? Ne joue-t-elle pas un rôle crucial dans le bon fonctionnement de notre démocratie ? J’affirme que la presse n’est pas un simple produit marchand, mais un pilier de notre démocratie. Nous avons le devoir de garantir la diversité et l’indépendance de ce qui est communément nommé le quatrième pouvoir. 

Le déclin que nous observons aujourd’hui n’est pas apparu du jour au lendemain. Depuis l’arrivée d’internet, les revenus publicitaires et les petites annonces – autrefois essentielles dans la presse écrite – se sont détournés vers les plateformes numériques. Des sites comme Ricardo.ch ou Homegate.ch, sont la propriété des mêmes groupes qui détiennent nos journaux, qui engrangent aujourd’hui des profits colossaux, mais sans que ces bénéfices ne soient réinvestis dans la presse. Pour preuve : TX Group – le propriétaire de Tamedia – a réalisé 2,2 milliards de bénéfice au cours des 15 dernières années, tout en versant 670 millions de dividendes, et dans le même temps, nos rédactions locales se vident. 

Pourquoi est-il si important de préserver notre presse locale ? C’est qu’elle est le lien direct entre les citoyens et la vie publique de notre région et que sans elle, nos réalités locales disparaissent des radars médiatiques. En effet, nous ne pouvons pas nous contenter des médias nationaux ou internationaux, le plus souvent déconnectés de nos préoccupations locales. Une presse locale forte est aussi une barrière contre la désinformation et les fake news qui prolifèrent sur les réseaux sociaux. Sans ce lien essentiel entre les citoyennes et citoyens et leurs institutions, nous risquons de voir la participation civique s’effriter et le débat public se détériorer. 

En 2021, ce Grand Conseil a voté une enveloppe pour soutenir la presse. Cela allait dans la bonne direction, mais soyons honnêtes : ces efforts n’ont pas suffi à stopper les suppressions de postes ni la concentration des médias. Alors, que faire ? Nous devons avant tout reconnaître que la presse n’est pas un bien comme un autre, mais un bien public et qu’à ce titre, elle mérite notre soutien. Avec le présent postulat, nous demandons les mesures suivantes : 

  1. Evaluer l’impact des suppressions de postes chez Tamedia sur l’accès des citoyennes et citoyens vaudois à une information de proximité. 
  2. Analyser l’efficacité des mesures de soutien à la presse déjà mises en place. 
  3. Reconnaître enfin que la presse locale et régionale est un bien public, essentiel à notre démocratie. 
  4. Proposer une nouvelle stratégie, robuste, à même de garantir l’existence d’une presse diversifiée et indépendante, capable de remplir pleinement son rôle de quatrième pouvoir. 
  5. Appeler à un financement national complémentaire, avec une contribution des grandes entreprises numériques pour soutenir la presse indépendante. 

Chères et chers collègues, la presse est l’un des piliers de notre démocratie. Si nous n’agissons pas maintenant, nous risquons de voir s’effondrer, année après année, l’un des fondements de notre système démocratique. 

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

Le postulat, cosigné par au moins 20 membres, est renvoyé à l’examen d’une commission.

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