22_POS_25 - Postulat Alexandre Berthoud et consorts - Postulat Adapter la LPPPL en lien avec le réchauffement climatique – action pour le Climat n°2.

Séance du Grand Conseil du mardi 29 août 2023, point 22 de l'ordre du jour

Texte déposé

Le parc immobilier des collectivités publiques doit être assaini. Les bâtiments comptent pour 40 % de la consommation d’énergie en Suisse. Comme le rappelle le récent rapport de l’Office fédéral de l’énergie , l’énergie grise et les émissions grises sont réduites lors d’assainissements de bâtiment. 
La loi sur la préservation et la promotion du parc locatif est actuellement utilisée par de nombreuses villes en particulier concernant le droit de préemption. Ainsi plusieurs villes acquièrent des objets immobiliers. Cependant, le parc immobilier communal existant est mis de côté, alors qu’il pourrait être valorisé et rénové dans le but de réduire drastiquement et efficacement sa consommation en énergie, in fine réduire les gaz à effet de serre émis lors de la production en énergie.  

A ce titre, les soussignés demandent au Conseil d’Etat d’étudier et de proposer une révision de la LPPPL dans le but d’y introduire une disposition légale en faveur de la rénovation du patrimoine locatif communal. Celle-ci prévoirait que pour chaque franc investi pour l’exercice du droit de préemption, qu’un autre franc soit investi dans le patrimoine locatif communal en vue de le rénover ou de l’assainir. 
Cette nouvelle condition à l’exercice du droit de préemption serait pleinement justifiée de par le fait que la collectivité publique dispose d’un droit que le secteur privé n’a pas et cette mesure permettrait d’accélérer la rénovation du parc immobilier vaudois afin de lutter efficacement contre le réchauffement climatique. 

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Jean-François CachinPLR
Olivier PetermannPLR
Daniel DeveleyPLR
Chantal Weidmann YennyPLR
Josephine Byrne GarelliPLR
Catherine LabouchèrePLR
Guy GaudardPLR
Georges ZündPLR
Gérard MojonPLR
Philippe GermainPLR
Rémy JaquierPLR
Carole DuboisPLR
Maurice NeyroudPLR
Nicolas BolayUDC
Pierre-François MottierPLR
Claude MatterPLR
Florence GrossPLR
Patrick SimoninPLR
Bernard NicodPLR
Alain BovayPLR
Stéphane RezsoPLR
Didier LohriVER
Daniel MeienbergerPLR
Sergei AschwandenPLR

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Grégory Bovay (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

La commission s’est réunie le 7 octobre 2022 et, outre les membres de la commission, Mme Christelle Luisier Brodard, cheffe du Département des institutions, du territoire et du sport, et M. Florian Failloubaz, directeur de la division logement au sein de la Direction du territoire et du logement ont également participé à la séance. La commission les remercie pour leurs explications et réponses à nos questions. Je tiens également à remercier Mme Sophie Métraux, membre du Secrétariat général, pour la qualité des notes de séance.

Le postulat demande que soit envisagée une modification de la Loi sur la préservation et la promotion du parc locatif (L3PL), prévoyant que pour chaque franc investi pour l’exercice du droit de préemption, un autre franc soit investi dans le patrimoine locatif communal, en vue de le rénover ou de l’assainir. Comme l’a bien relevé le postulant, le texte étant un postulat et non une motion, cela permet au Conseil d’Etat de se positionner. Il s’interroge également sur une éventuelle révision de la L3PL.

Lors de la séance de commission, la cheffe de département a rejoint le postulant sur la nécessité d’assainir le parc immobilier tant cantonal, communal que privé et rappelé la priorité en matière climatique. Le secteur du bâtiment et celui de la mobilité sont en effet ceux qui génèrent le plus d’émissions de CO2. Cependant, le Conseil d’Etat émet des doutes quant à l’opportunité de réunir deux politiques publiques sous l’angle de la L3PL, puisque cette dernière vise à créer du logement d’utilité publique (LUP), alors que le postulat vise prioritairement l’assainissement énergétique des bâtiments.

A l’instar de la cheffe de département, les commissaires sont conscients qu’à l’heure de la lutte contre le réchauffement climatique, l’assainissement énergétique des bâtiments est une réelle nécessité. Pour rappel, le secteur du bâtiment consomme à lui seul 46 % de l’énergie ! Les communes vaudoises ont donc un rôle clé à jouer dans la conformité énergétique des bâtiments nouveaux ou à rénover. A l’instar de l’Etat, les communes en tant que propriétaires et collectivités publiques jouent un rôle central dans le déploiement des actions à mener face aux enjeux du climat. Dans ces différentes fonctions, les communes doivent assumer leurs responsabilités climatiques afin de réduire de manière exemplaire les émissions et ainsi inciter l’ensemble des acteurs économiques et institutionnels locaux à faire de même. Toutes les collectivités publiques responsables favorisent le changement de comportement. Par le biais de son Programme de législature, le Conseil d’Etat inscrit son action dans dont la perspective de l’Agenda 2030 et du Plan climat vaudois. Dans le domaine des constructions, l’Etat a déjà fixé un standard de construction exemplaire et exige pour ses propres bâtiments de réduire de 50 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Dans la mesure du possible, les communes doivent tendre vers le même objectif.

Il est dès lors logique que la majorité de la commission partage l’avis du postulant quant à la nécessité des rénovations énergétiques du patrimoine bâti des communes. La majorité de la commission est d’avis que le postulat pose des questions intéressantes et qu’il faut le renvoyer au Conseil d’Etat, ce pour plusieurs raisons. La majorité accueille favorablement l’intérêt du postulat de mener deux politiques de front, puisque les communes cherchent à faire du LUP et qu’en même temps, et avant tout, elles doivent assainir énergétiquement leur parc immobilier. Par conséquent, le fait de prévoir deux politiques publiques différentes dans la L3PL – celle de logements d’utilité publique et d’assainissement énergétique des bâtiments – est donc opportun et non antagoniste. Par ailleurs, le texte respecte le vote du peuple en faveur de la L3PL.

La majorité de la commission est d’avis que les collectivités publiques ont avant tout un devoir d’exemplarité en matière de sobriété énergétique. Ainsi, assainir le parc immobilier existant doit être la mission première, avant d’acquérir de nouveaux immeubles en faisant valoir son droit de préemption et ainsi agir comme un acteur immobilier à part entière. Les commissaires de la majorité attirent l’attention sur le fait que ce postulat offre au Conseil d’Etat toute la latitude nécessaire afin d’intégrer les divers cas de figure et de proposer les meilleurs mécanismes à destination des communes en tenant compte de leurs spécificités, ceci dans le but de tenir compte des efforts d’ores et déjà consentis par nombre de communes vaudoises et afin de ne pas péjorer les communes ne disposant pas de parc immobilier ou l’ayant déjà assaini. Si les actions responsables de nombreuses communes vaudoises sont à saluer, il faut que toutes les communes de ce canton leur emboîtent le pas. La réponse du Conseil d’Etat apportera certainement des précisions quant au nombre de communes qui empoignent la thématique à bras le corps. Une certitude : tout le monde doit faire des efforts conséquents et cela sans pointer du doigt telle ou telle commune, mais en étant le plus incitatif possible pour les collectivités publiques. L’institution de proximité que sont les communes est l’institution idoine pour agir. D’ailleurs, comme l’a relevé le postulant, plusieurs signataires du texte sont syndics ou municipaux.

A la question de savoir s’il est légal que le droit cantonal puisse contraindre la commune à lier l’usage du droit de préemption à une autre dépense obligatoire passant par un préavis, la majorité de la commission rejoint la cheffe du département, en ce sens que l’autonomie communale existe dans la mesure que lui laisse le droit cantonal.

Enfin, la majorité de la commission souligne que, quel que soit le nombre de communes qui font aujourd’hui usage du droit de préemption par le truchement de la L3PL, c’est le principe qui compte. Le droit de préemption via cette loi est utilisé et il le sera certainement davantage dans le futur. Il convient d’agir pour l’avenir avant tout et d’ainsi privilégier le fait que tout denier public communal de ce canton soit investi pour l’assainissement du bâti, avant d’acquérir de nouveaux immeubles. La majorité de la commission recommande au Grand Conseil de prendre en considération ce postulat par 5 voix contre 4 et de le renvoyer au Conseil d’Etat.

Mme Jessica Jaccoud (SOC) — Rapporteur-trice de minorité

Je suis chargée de rapporter devant vous la position de la minorité de la commission qui s’est exprimée par 4 voix contre 5 en défaveur du renvoi de ce postulat au Conseil d’Etat. Pour la minorité, il n’est pas du tout opportun – si ce n’est même contre-productif – de faire dépendre d’une même loi deux politiques publiques différentes, soit d’une part la nécessité irrévocable d’assainir des bâtiments et, d’autre part, la nécessité tout aussi irrévocable de créer des LUP. La L3PL vise à contenir autant que possible l’existence d’un parc locatif abordable répondant aux besoins prépondérants de la population, ainsi qu’à promouvoir la promotion de LUP. L’efficience énergétique n’est donc pas l’un des objectifs poursuivis par cette loi ! Elle est contenue dans d’autres textes, à l’instar de celui qui est actuellement mis en consultation – la Loi vaudoise sur l’énergie (LVLEne).

Il nous paraît difficilement imaginable d’articuler un mécanisme de contrainte entre deux politiques publiques – puisque c’est de cela qu’il s’agit – dans des lois différentes. Et cet avis n’est pas partagé uniquement par la minorité que je représente, mais également par le Conseil d’Etat, qui nous l’a dit en commission. Ainsi que le rapporteur de majorité l’a également mentionné, le Conseil d’Etat privilégie la LVLEne pour pousser les rénovations énergétiques, plutôt que le mariage forcé de deux politiques publiques. Les minoritaires estiment que le mécanisme proposé par le postulant n’a qu’une seule visée : contraindre les communes par des mécanismes qui auront pour conséquence de freiner leur exercice du droit de préemption, un droit contesté par le postulant, ainsi que par la majorité de la commission qui soutient le postulat.

Nous estimons également que les communes qui seront le plus touchées par ce mécanisme sont les communes de taille plus modeste – les communes qui utilisent la L3PL – puisque contrairement à des communes plus grandes, elles n’auraient pas les moyens financiers de rénover, ou n’auraient pas le bâti existant pour procéder à des rénovations. Imaginez une commune qui ne possède tout simplement pas de bâtiment propice à une rénovation énergétique et qui souhaiterait utiliser son droit de préemption ; elle ne pourrait tout simplement pas le faire, puisqu’elle ne pourrait pas investir un montant équivalent dans cette autre politique publique. Les minoritaires estiment donc que la nécessité de miser à double, telle que prévue par le postulat, serait un frein financier important pour la majorité des communes et qu’il y a fort à parier que les communes qui souhaitent préempter ne le feront plus, ou nettement moins, si elles doivent systématiquement investir à double.

Nous rappelons également que les conditions dans lesquelles le droit de préemption peut être activé sont prévues par la L3PL et qu’elles ont fait l’objet d’un compromis validé tant par le Grand Conseil que par le peuple, à la suite d’un référendum des milieux immobiliers. Dès lors, nous estimons que toute détérioration des droits en faveur de la création de LUP ou du maintien du parc locatif répondant aux besoins prépondérants de la population serait contraire à la volonté populaire.

Ne vous y trompez pas, ce n’est pas parce qu’il s’agit d’un postulat qu’il s’agit forcément d’une bonne idée ni d’ailleurs parce que la forme est non contraignante que cela vaut la peine de le renvoyer au Conseil d’Etat ! Une mauvaise idée reste une mauvaise idée, et elle ne doit simplement pas sortir de notre Grand Conseil, peu importe le titre qu’elle porte. Les minoritaires sont donc conscients de la nécessité urgente de rénover le parc locatif et qu’une réflexion poussée sur les leviers d’action de l’Etat à disposition des communes est absolument nécessaire. Cette réflexion doit néanmoins être menée pour elle-même, en agissant par exemple par le biais de la LVLEne, sans la lier à une autre politique publique que certains ici présents souhaitent détricoter. Sous couvert de favoriser les rénovations énergétiques, ce postulat est un outil qui vise en fait à restreindre encore les conditions d’utilisation du droit de préemption par les communes et à freiner la construction de LUP. C’est la raison pour laquelle nous nous y opposons et vous invitons à refuser ce postulat.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion est ouverte.                                           

M. Hadrien Buclin (EP) —

J’interviens en remplacement de ma collègue Mathilde Marendaz qui a participé à la commission, mais qui est excusée ce matin. Sans surprise, mes propos iront dans le sens du rapport de minorité et des arguments très bien exprimés par notre collègue Jessica Jaccoud. A notre tour, nous vous invitons sans hésitation à rejeter ce postulat. Sous couvert d’un vernis environnemental, il s’agit d’une attaque à peine déguisée contre le droit de préemption. Finalement, que l’acquisition de biens immobiliers par les collectivités publiques irrite les rangs du PLR n’a pas grand-chose d’étonnant, surtout depuis que l’on sait que ce parti est financé par de grands promoteurs privés, à l’instar de M. Bernard Nicod, ainsi que nous l’avons appris par la presse il y a quelques jours. Dès lors, on comprend bien la volonté de réduire la possibilité d’utiliser le droit de préemption pour laisser le champ libre aux grands promoteurs privés qui financent le parti du postulant.

Par ailleurs, la volonté de lier artificiellement deux politiques publiques – le droit de préemption et l’assainissement énergétique – est assez bancale, puisqu’elle lie arbitrairement deux bases légales cantonales n’ayant rien à voir entre elles, ce qui induirait des disparités arbitraires entre les communes ayant des biens à assainir et les autres. Finalement, les tentatives à répétition auxquelles nous assistons de la part de la droite – UDC et PLR – pour affaiblir la L3PL relèvent d’un déni de la volonté populaire exprimée lors de la votation de 2017 ! Pourtant, cette loi consistait en une forme de compromis entre représentants des milieux de propriétaires et des milieux de locataires ; alors, y revenir pose la question de la parole donnée : peut-on encore avoir confiance dans la volonté de compromis proclamée par certaines forces politiques ? Il faudra désormais y réfléchir à deux fois – par exemple lorsqu’il s’agit de retirer l’initiative populaire de l’Association suisse des locataires (ASLOCA) – puisque les compromis trouvés sont attaqués très rapidement après avoir été acceptés en votation. Pour toutes ces raisons, je vous invite à classer ce postulat.

M. Alberto Mocchi (VER) —

Je déclare mes intérêts : je suis syndic d’une commune de 1000 habitantes et habitants, dans le Gros-de-Vaud : la commune de Daillens. J’aimerais sortir des questions philosophiques – le droit de préemption, est-ce un bien ou un mal ? – pour vous donner un exemple très concret, d’une commune voisine de la mienne qui a pu utiliser le droit de préemption pour un projet d’utilité publique. Il s’agit d’une commune qui ne possédait pas de logements et qui manquait d’infrastructures. Elle a pu profiter de ce droit de préemption sur une parcelle extrêmement bien située, au centre du village. Elle a ainsi pu la valoriser et construire des logements d’utilité publique ainsi qu’une Unité d’accueil pour écoliers (UAPE) – enfin tout cela est en cours actuellement. Il y a fort à parier que si cette commune avait dû investir plusieurs centaines de milliers de francs, simultanément ou presque, pour assainir énergétiquement un bâtiment… alors qu’il faut déjà trouver un projet, posséder un bâtiment à assainir… . En d’autres termes, compte tenu de son patrimoine immobilier relativement faible, il est bien possible que le projet n’aurait tout simplement pas vu le jour. Cela n’aurait pas fait avancer la cause de l’assainissement énergétique des bâtiments, et n’aurait amélioré en rien la qualité de vie des habitants et des habitants de cette commune ! Au contraire, ils auraient été privés d’un joli projet qui va permettre à la commune de se développer et d’améliorer la qualité de vie de ses habitants et habitants.

Je pense donc que l’on se trompe de cible, car cela va empêcher un certain nombre de communes, notamment celles de taille moyenne ou plus petite, de développer des projets en faveur de leurs habitantes et habitants, tout simplement parce qu’elles ne pourront pas investir suffisamment dans les rénovations énergétiques, voire parce qu’elles n’auraient pas de bâtiments à assainir – et j’insiste sur ce point ! Je pense donc qu’on se trompe de combat avec ce texte.

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

Tout d’abord, je rappelle mes intérêts – qui sont largement connus – dans le domaine de la construction, y compris dans le cas d’une fondation qui construit des logements à loyers abordables.

En préambule, j’aimerais féliciter mon préopinant, car je crois – et suis même certain – que la réalisation qui nous est annoncée au sein de la commune de Daillens sera une grande première dans ce canton ! A ce jour, en effet, il faut bien dire que malgré les promesses faites à l’époque – la L3PL est une loi que j’avais personnellement soutenue – on a construit 0,000 logement à loyer abordable ! On a racheté des immeubles qui sont généralement des passoires énergétiques, pour ensuite les refiler à des corporations publiques – caisses de pension, coopératives d’utilité publique et autres – mais le bilan est aujourd’hui à zéro ! Mais grâce à M. Mocchi, nous pourrons enfin débloquer le compteur !

A l’intention de M. Buclin, qui caricature évidemment les milieux immobiliers dont je fais partie, je rappelle encore une fois que les milieux immobiliers construisent, y compris des logements à loyer abordable. En ce qui concerne ma fondation, elle met à disposition, à Cudrefin, 13 logements largement en dessous des taux LUP, avec des constructions Minergie et Eco+. Il s’agit de nouveaux logements entièrement assainis et autonomes énergétiquement. Ce n’est en revanche pas le cas de la politique, notamment lausannoise, qui malgré des dizaines de millions investis pour exercer son droit de préemption, n’assainit rien du tout ! On fait une simple opération de portage et ensuite on revend. C’est donc une opération strictement immobilière qui amène certains revenus à la ville de Lausanne. Comme quoi, finalement, ceux qui se prétendent les meilleurs défenseurs du logement, respectivement du climat, ne sont pas là où on le croit !

Je pense donc que le postulat mérite d’être soutenu. En effet, si on est capable, comme la ville de Lausanne, d’investir près de 100 millions dans le droit de préemption, on doit être aussi capable d’un montant à peu près équivalent pour assainir les logements ainsi que les habitations dont on est propriétaire. Ce qui est choquant dans l’opposition manifestée par la gauche de cet hémicycle réside dans l’impression que nous avons d’assister systématiquement à une urgence climatique à géométrie variable. Nous avons tenu ici de longs débats sur l’urgence climatique et sur le fait que la droite, avec son attitude négationniste, ne veut évidemment, rien faire. Mais quand nous proposons des textes qui proposent d’améliorer la situation des bâtiments, alors comme d’habitude, on va nous dire : « ce n’est pas vraiment comme ça qu’il faut faire ». Comme pour le solaire sur les toits, on se gargarise de mots : « il y a des surfaces sur les toits », mais dès qu’il y a un projet de panneaux solaires sur les toits, on dit « ah ! mais là, c’est pas joli, et puis là c’est dans le centre historique, et puis là vous comprenez ce n’est pas assez au sud ». Enfin, en résumé, ça ne va jamais comme il faut !

Alors, si l’on veut soutenir l’urgence climatique, dans ce Parlement, comme j’ai cru être le cas, et si l’on veut se donner tous les moyens d’assainir les bâtiments et d’avancer dans ce débat, il faut aussi prévoir des moyens. Ainsi, la solution proposée par notre collègue Berthoud va manifestement dans le bon sens. En outre, il s’agit d’un postulat, alors libre au Conseil d’Etat d’articuler cette proposition de façon pratique et de voir comment le système peut être financé. La Loi sur l’aménagement du territoire (LAT) comprend d’autres systèmes de financement qui permet le versement d’indemnités pour compenser des plus-values. Ces systèmes sont connus ; nul doute que le Conseil d’Etat saura répondre à ce postulat. Si l’on entend vraiment sauver le climat – il a fait suffisamment chaud ces dernières semaines – je pense que ce postulat mérite d’être renvoyé au Conseil d’Etat. Le reste n’est qu’échanges de propos verbeux qui n’avancent absolument pas dans le débat.

M. Julien Eggenberger (SOC) —

J’étais membre de la Commission et je prends ici la parole pour vous transmettre la position du groupe socialiste. Je profite aussi de déclarer un intérêt, puisque je préside une coopérative qui gère un immeuble, par ailleurs non soumis aux aspects dont nous discutons dans ce postulat.

Pour une fois, je renonce à répondre en détail à M. Buffat quand il énonce des éléments factuellement faux. Le droit de préemption est une mesure efficace et, sans être une baguette magique, il a permis de préserver des loyers modérés. Je vous encourage, monsieur Buffat, à mener ce débat lausannois au Conseil communal de Lausanne, ce qui permettra d’ailleurs à la municipalité de vous répondre.

Il faut en faire plus pour le climat, nous sommes d’accord. Le Parlement a démontré cet engagement à plusieurs reprises, notamment par la résolution pour la loi climat. Le Conseil d’Etat l’a aussi démontré avec la nouvelle proposition de Loi sur l’énergie, communiquée la semaine dernière. La proposition dont nous discutons aujourd’hui manque sa cible, tant le lien entre droit de préemption et assainissement énergétique semble ténu. La préservation des logements à loyer modéré est un objectif politique reconnu et validé par la décision du peuple lors de l’adoption de la L3PL, et qui n’a pas de lien direct avec la question de l’assainissement énergétique. En réalité, quelles seraient les conséquences de l’adoption de cette proposition ? Dans les grandes communes, des politiques d’assainissement énergétique des bâtiments sont déjà en route, et cette proposition n’aura donc aucun impact. Dans les communes qui ont déjà assaini leurs bâtiments ou qui n’en possèdent pas, il est difficile de savoir quel sera l’impact, mais on imagine qu’elles seront aussi épargnées. Mais dans les petites communes avec quelques bâtiments, cela occasionnera une paralysie du droit de préemption, car cela doublera l’impact financier de la mesure. Et dans les communes qui n’utilisent pas du tout le droit de préemption, c’est-à-dire la très grande majorité, cela n’aura aucun impact non plus. On voit donc que le projet ne concerne que très peu de communes.

Puisque j’ai la parole, je me permets d’interpeller la conseillère d’Etat. Peut-être pourra-t-elle préciser l’évaluation des services de l’Etat quant au nombre de communes qui pourraient être concernées par cette mesure ? Ainsi, disons-le : cette proposition ne fera pas avancer l’assainissement énergétique des bâtiments, mais elle freinera la préservation des logements à loyer modéré. Et, maintenant, que faire ? Commencer par montrer l’exemple et assainir les bâtiments aux mains de l’Etat ; c’est ce que nous pouvons faire en tant que Grand Conseil. Encourager les communes à s’y employer, mais sans les restreindre à utiliser les outils développés dans la L3PL pour un autre objectif.

J’aimerais aussi ajouter que cette proposition pose des problèmes de technique budgétaire, puisque les communes auraient les mains liées. Il est assez surprenant d’entendre les membres de partis qui défendent l’autonomie communale habituellement défendre une proposition parmi les plus restrictives en la matière depuis longtemps. Le Conseil d’Etat l’a dit en commission, et nous le rejoignons : il faut utiliser la loi sur l’énergie comme véhicule pour avancer dans cette direction et non détourner de sa mission la L3PL. La révision annoncée la semaine dernière prévoit une vision assez ambitieuse qui s’avérera bien plus efficace que cette proposition.

Finalement, les propos figurant dans le rapport de majorité éclairent le but de cette proposition : faire renoncer à exercer le droit de préemption, ce que le rapporteur de majorité vient d’ailleurs de confirmer dans son intervention initiale. En effet, selon la majorité, il est prioritaire de rénover énergétiquement les bâtiments communaux avant d’en acheter de nouveaux pour garantir des loyers modérés. Par conséquent, il s’agit clairement d’une restriction du droit de préemption, ce que l’initiant et la majorité de la commission ne cachent même pas. En outre, « comme modalité de mise en œuvre, créer un fonds qui permettrait des subventions en matière de rénovation énergétique du parc immobilier privé », indique le rapport de majorité. Si je traduis, cela signifie : si une commune dépense de l’argent pour maintenir des logements à bon marché, alors elle doit verser un montant équivalent à des promoteurs privés.

En conclusion, l’effet principal de ce projet consiste à entraver une politique de logements bon marché sans pour autant créer d’effet sur l’assainissement énergétique ; la meilleure preuve restant qu’une commune qui n’entreprend rien pour les logements bon marché ne fera donc rien non plus pour l’assainissement énergétique. En résumé, il s’agit de refuser cette proposition et, ensuite, de se mettre au travail !

M. Pierre Zwahlen (VER) —

Aucun logement d’utilité publique n’a été créé suite à l’exercice du droit de préemption ? Cela est faux. Des loyers abordables sont aujourd’hui préservés, notamment dans la capitale. Il faut du temps pour confier à des coopératives, à des maîtres d’ouvrage d’utilité publique la gestion ou la construction d’habitations accessibles à la classe moyenne et/ou à de petits revenus. De nombreuses interventions de notre Grand Conseil tentent de réduire le droit de préemption des collectivités publiques. Pourtant, il s’agit d’un droit que le peuple vaudois a accepté, il y a plus de six ans, alors même que les milieux immobiliers avaient lancé un référendum à son encontre. Une très nette majorité s’est dégagée en votation, car préempter permet de préserver ou de créer des logements à loyer modéré, alors que la crise et la pénurie de logements se sont encore accrues depuis la votation de février 2017. Ainsi, préempter constitue un outil important pour les communes afin de pouvoir mettre un toit à disposition de ceux qui peinent à s’en offrir un.

Or, le postulat tente de doubler le volume financier de préemption en mélangeant de manière douteuse deux politiques publiques. Nous nous sommes accordés sur un droit de préemption déjà relativement cher, puisqu’il oblige la commune à verser au vendeur du bien le prix qu’aurait payé l’acquéreur. De l’autre côté de la Versoix, par exemple, cette exigence n’est pas posée. Le droit de préemption est donc déjà à très forte hauteur et le postulant propose encore de doubler ce prix en exigeant de la commune qu’elle investisse le même volume pour assainir son parc locatif ! Ces exigences s’avèrent complètement excessives, ce dont je peux évidemment témoigner en tant que membre du comité et du Bureau exécutif de la région Vaud de l’Association suisse des locataires (ASLOCA - VD). En conclusion, il faut classer ce postulat.

M. Alexandre Berthoud (PLR) —

Beaucoup d’arguments ont été exposés d’un côté comme de l’autre. J’aimerais répondre à M. Zwahlen relativement à la « volonté douteuse » qui sous-tendrait ce postulat, puisque cela n’est absolument pas le cas. Fondamentalement, il s’agit d’un droit soumis aux communes. En outre, aucune atteinte n’est portée à l’autonomie communale. Il s’agit plutôt de l’ajout d’une condition pour l’exercice du droit de préemption, soit viser à une réalisation de l’exercice de rénovation. Depuis des mois ou des années, il est question d’efficience énergétique : rappelons que 40 % de la consommation d’énergie provient des bâtiments. Je considère qu’il est plus que temps de passer à un exercice supplémentaire pour remplir cette exigence en permettant que pour un franc déposé, un autre le soit en direction de l’efficience énergétique, cela pour le bien-être des locataires, des communes et des administrations publiques.

Selon moi, le fait qu’il s’agisse d’un mélange de deux politiques publiques n’est pas un sujet digne de considération, ce d’autant moins que le Conseil d'Etat pourra procéder à des exceptions pour des communes qui, par exemple, ne possèderaient pas d’objets. Enfin, si je suis très content d’entendre M. le syndic Mocchi parler d’une commune qui prend enfin son avenir en charge, au niveau des bâtiments, je souhaite qu’elle puisse persévérer et procéder à la rénovation complète de ses immeubles. Ainsi, je vous demande de soutenir ce postulat qui n’a rien en commun avec un coup de canif porté au droit de préemption, mais constitue plutôt une proposition de plus vers l’efficience énergétique pour notre climat.

Mme Patricia Spack Isenrich (SOC) —

Nous voici aux prises avec une nouvelle attaque franche et directe des opposants à la L3PL, une loi qui a pourtant été votée par le peuple vaudois et adoptée à 55,5 %, en 2017 ! Cette fois-ci, l’opposition s’exprime sous le couvert d’une volonté d’assainissement plus rapide du parc immobilier communal. En effet, il est proposé d’introduire une nouvelle condition à la L3PL, selon laquelle pour chaque franc investi pour l’exercice du droit de préemption, un autre franc doit être investi dans le patrimoine communal en vue de rénover ses bâtiments ou de les assainir. Or, au-delà du fait qu’il s’agirait d’une nouvelle ingérence dans l’autonomie communale, ce serait un véritable coup dur pour les communes qui souhaitent lutter contre la pénurie de logements. En effet, je déclare mes intérêts : je suis syndique de Bussigny et, en tant que telle, je vois cela d’un très mauvais œil, voire d’un œil très inquiet.

Premièrement, sur le plan pratique, le délai d’annonce de la volonté de préemption prévu par la loi est très court : 40 jours, dès l’avis donné par le propriétaire-vendeur, pour rendre la décision d’acquérir un bien fond. Ce délai n’est pas exagérément long, puisqu’il faut tenir compte du temps imparti pour une expertise, de peser les « pour » et les « contre » d’un éventuel achat et encore de trouver le financement nécessaire.

Or, l’auteur du postulat souhaiterait encore ajouter une condition supplémentaire, qui n’est pas des moindres. En effet, la commune devrait encore prévoir, simultanément à son achat, une somme équivalente destinée à la rénovation ou à l’assainissement du patrimoine communal. Dans le même délai, la commune devra donc se demander quelles mesures entreprendre, pour un montant équivalent à son achat, pour rénover ou assainir son patrimoine. Et bien sûr, cela n’est possible que pour autant que patrimoine il y ait ! Cela constitue la première difficulté, pour ne pas dire un nouvel obstacle important, puisqu’une commune n’a pas forcément un patrimoine immobilier aussi important que certaines grandes communes. Ainsi, on peut imaginer une petite commune propriétaire de quelques bâtiments qui seraient déjà rénovés ou assainis, mais qui souhaiterait acheter un bien pour pouvoir faire du LUP : elle se verrait privée de cette possibilité, par ce postulat, du fait qu’elle ne pourrait pas assainir ou rénover un autre bâtiment. Il s’agit d’une embûche de taille. Ensuite, il existe aussi la difficulté de trouver, au sein de la commune, des bâtiments à rénover ou à assainir pour un montant semblable à l’investissement. L’achat d’un immeuble peut être important ; encore faut-il trouver des projets au sein de la commune dont le montant serait équivalent à l’achat… Et comment faire si le parc est déjà assaini ? Si vous n’avez pas de travaux suffisants à effectuer ? En fonction de la situation de la commune, trouver les ressources nécessaires pour acheter un immeuble est tout à fait possible, mais devoir financer le double en raison d’une nouvelle obligation insérée dans la L3PL risque d’en décourager un grand nombre.

Vous le constaterez aisément : la proposition contenue dans ce postulat n’est pas cohérente ; ses limites sont perceptibles. Comme on l’a entendu, les petites communes seront pénalisées, puisque selon les propos du rapporteur, Grégory Bovay, elles se doivent d’abord d’assainir les bâtiments avant de penser à acheter des immeubles et faire du LUP. Par conséquent, si lesdites communes se sont prioritairement préoccupées d’assainissement, alors elles se retrouvent lésées, puisque sans plus de bâtiments à assainir, elles ne pourront pas créer de LUP.

En outre, la pénurie de logements se poursuit dans le canton de Vaud et s’aggrave même, avec un taux de logements vacants de 0,98 % au 1er juin dernier contre 1,1 % un an plus tôt – même si certains districts sont plus épargnés que d’autres. Statistique Vaud nous informe que ce recul constitue un nouveau resserrement du marché du logement. Ainsi, cela entraîne une situation dans laquelle bien des familles, en particulier dans l’Ouest lausannois, ne peuvent plus payer les loyers au prix du marché. J’en veux pour preuve le nombre d’expulsions prononcées. Or, la L3PL a initialement été créée pour faire face à la pénurie de logements et à la folie du prix des loyers. Il s’agit d’un outil supplémentaire permettant de sauver certains immeubles de la spéculation foncière et de la surenchère du prix des loyers.

Par ailleurs, à la fin 2022, il semblerait que, sur un total de 300 communes vaudoises, seules 4 aient fait usage du droit de préemption, qui est donc très peu utilisé. Par conséquent, il semble peu judicieux de créer des obstacles nouveaux et supplémentaires. Il s’agit plutôt de respecter la volonté populaire ainsi que l’accord trouvé au sein de l’hémicycle, pour se concentrer sur la loi vaudoise sur l’énergie, comme le préconise le Conseil d’Etat, et de ne pas user du mécanisme proposé. A l’instar du rapport de minorité, je vous encourage à ne pas prendre en considération ce postulat.

M. Philippe Jobin (UDC) —

Madame la conseillère d’Etat, j’aimerais poser une question précise. La fiche 11 des « Plans énergie et climat » parle d’« assurer l’exemplarité des communes dans la conception et l’exploitation de leurs bâtiments ». Il me semble ainsi que le postulat déposé a un impact direct sur ladite fiche. Il y est encore indiqué : « Lorsque la commune construit ou rénove un bâtiment, elle doit viser les standards d’efficacité élevés pour des raisons d’exemplarité ». Ensuite, la commune peut également mettre en place un suivi et une optimisation énergétique de ses bâtiments dans le but de réduire leur consommation d’énergie. Ainsi, j’estime que le postulat n’attaque pas la L3PL, mais lui ajoute plutôt un deuxième pilier qui donnerait un coup de « boost » supplémentaire pour rendre les bâtiments énergétiquement plus efficaces.

Dans notre district, par le biais du Plan énergie et climat communal (PECC), nous sommes en train de mettre en place un encouragement à poser des panneaux photovoltaïques, en particulier sur les toits. Il s’agit donc d’une conception un peu similaire. Mais, l’idée ne vient pas de gauche… Cela déplaît, et devient absolument négatif ! Or, en l’occurrence, je considère que nous possédons un outil, de surcroît modifiable, proposé pour de bonnes raisons qui ne sont en rien « électoralistes ». Enfin, madame la conseillère d’Etat, je vous serais très reconnaissant de répondre à ma question relative à la fiche 11.

M. Théophile Schenker (VER) —

Limiter, au sein de la L3PL, l’exercice du droit de préemption à l’investissement d’un montant équivalent dans la rénovation énergétique me paraît tout aussi absurde que la proposition inverse. Imaginez que, prochainement, dans la Loi sur l’énergie, on limite la possibilité d’investir dans la rénovation énergétique à l’investissement d’un montant équivalent dans les LUP… Cela serait clairement perçu - à juste titre - comme une attaque contre les rénovations énergétiques. Dans les deux cas, un tel mélange de genres n’aurait probablement pour effet que de freiner les deux politiques publiques en ajoutant des contraintes qui s’opposent à l’autonomie communale. Je vous invite donc à refuser ce postulat.

M. Grégory Bovay (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

Je voulais simplement revenir sur les exemples donnés par ma préopinante tout à l’heure. La majorité de la commission y est tout à fait sensible, raison pour laquelle le postulat laisse finalement toute latitude au Conseil d’Etat pour prendre en considération les exemples que vous avez donnés et dont nous sommes totalement conscients. Par rapport à une commune qui aurait déjà consenti, par le passé, à des efforts en matière d’efficience énergétique, la majorité de la commission est parfaitement consciente qu’on ne pourrait pas lui demander de passer à la caisse une seconde fois pour pouvoir faire valoir son droit de préemption à travers la L3PL. Raison pour laquelle, le Conseil d’Etat doit vraiment trouver des mécanismes judicieux. J’estime que le postulat offre les garanties et la latitude nécessaires.

M. Laurent Balsiger (SOC) —

Je reconnais que notre collègue Berthoud n’est pas à court d’idées ! Si je l’entends bien – notamment lors de sa dernière intervention – il demande que les communes aient l’obligation d’assainir tous leurs bâtiments ; cela me réjouit, a fortiori à l’aube des discussions fort intéressantes que nous mènerons sur la loi sur l’énergie, et notamment son article 5 qui porte sur l’exemplarité des autorités publiques. Nous pourrons en discuter dans ce cadre. Ce postulat s’avère ainsi inutile, puisqu’il sera plus rapide d’inscrire cette obligation dans la révision de la loi sur l’énergie. Je vous recommande de refuser le postulat.

M. Alexandre Berthoud (PLR) —

Pour répondre à M. le député Balsiger, si vous estimez qu’il s’agit d’une bonne idée, vous pourriez peut-être l’accepter, même si elle ne vient pas de vous, au lieu de contester son utilité. A nouveau, lorsqu’une commune souhaite acquérir un objet – aussi pour le bien-être des futurs locataires – l’objectif consiste à réaliser également l’efficience énergétique. Monsieur Balsiger, puisque vous semblez penser qu’obliger les communes à assainir l’ensemble de leur patrimoine bâti serait une bonne idée, je vous encourage à commencer, concrètement, par accepter mon postulat. Je me réjouis de voir votre vote.

Mme Jessica Jaccoud (SOC) — Rapporteur-trice de minorité

A l’issue de ce débat, j’aimerais brièvement résumer la position de la minorité de la Commission qui, tout comme les majoritaires, a longuement étudié la proposition du postulant. Observons ce que dit le texte :  « permettrait d’accélérer la rénovation du parc immobilier vaudois ». Or, les minoritaires estiment justement que cette mesure ne permettra d’aucune manière d’accélérer la rénovation du parc énergétique. En effet, comme cela a été rappelé précédemment, à ce jour et à notre connaissance, le droit de préemption n’a été déclenché que par 4 des 310 communes qui composent notre canton. Ainsi, si nous voulons des mesures qui permettent d’accélérer la rénovation du parc immobilier, nous devons passer par des mesures propres à la question énergétique plutôt que de les coupler à des objectifs différents en termes de politique publique.

Ensuite, je souhaite rappeler que le postulat n’a pas pour objectif de demander au Conseil d’Etat de réfléchir, mais qu’il modifie la L3PL de manière que : « pour chaque franc investi pour l’exercice du droit de préemption, un autre franc soit investi dans le patrimoine locatif communal en vue de le rénover ou de l’assainir ». Telle est le texte sur lequel nous devons nous prononcer. En effet, il ne s’agit pas de savoir s’il est demandé au Conseil d’Etat de potentiellement réfléchir à un mécanisme qui pourrait, de temps en temps, donner un coup de pouce à la rénovation énergétique. Au contraire, il retourne d’un postulat qui vise une modification de loi, forte d’une indication très claire et dans un but précis. Comme M. Jobin aime à le dire : c’est clair, net et précis ! En conclusion et une fois ce point éclairci, je vous encourage à refuser le postulat.

Mme Christelle Luisier Brodard (C-DITS) — Président-e du Conseil d’Etat

Dans le cadre de la commission, le Conseil d’Etat a déjà pu exprimer sa position : il est sensible aux arguments de M. Berthoud tout en étant opposé au postulat. La nécessité d’assainir le parc immobilier est prioritaire et incontestée, tout comme celle de créer des logements d’utilité publique en quantité et en qualité. En effet, le débat relatif à la pénurie de logements se poursuit, non pas tant au niveau quantitatif que plutôt en termes de logements abordables. Par rapport à la L3PL en tant que telle comme outil, et par rapport au fait de favoriser la construction ou l’utilisation de logements aux loyers abordables, une étude est en cours. Durant cette législature, nous aurons l’occasion proposer d’éventuelles modifications si nécessaire, ou en tous les cas des éclaircissements par rapport à l’utilisation du droit de préemption et sur les conditions de son exercice.

Forts de ce qui précède, rappelons que les deux politiques publiques sont distinctes. Ainsi, il s’agit de se demander s’il faut les lier et la forme du postulat permet au Conseil d’Etat de réfléchir. Comme évoqué en commission, nous avons apporté une réponse dans l’avant-projet de la loi sur l’énergie. En effet, si nous prenons en compte l’objectif d’assainissement des bâtiments et voulons qu’il s’accomplisse à large échelle, le biais des communes ne paraît pas judicieux, puisque celles qui utilisent le droit de préemption sont très minoritaires : 4 ou 5, peut-être une dizaine à terme. En effet, les communes utilisent plutôt les quotas que le droit de préemption ; c’est un levier plus rapide.

Cependant la nécessité d’assainissement général du parc immobilier demeure. Je me réjouis des retours de consultation à propos de la réponse donnée par l’avant-projet de la loi sur l’énergie, où obligation est faite à tous les propriétaires – communes, Canton ou privés – d’assainir tous les bâtiments classés aujourd’hui en catégorie F et G dans un délai de 10 à 15 ans. Cela dépasse largement la simple mention du devoir d’exemplarité ! Cette disposition fera sans aucun doute l’objet de débats. En tous les cas, son mérite réside dans le fait qu’elle produit un effet beaucoup plus important puisqu’il est question de dizaines de milliers de bâtiments. Cela bien entendu tout en admettant des dérogations, et en tenant compte de possibilités de subventions.

Les changements climatiques produisent des effets majeurs sur la nécessité d’assainissement du parc immobilier. Cela a des conséquences sur l’économie, et notamment sur les milieux de la construction, qui peuvent être tout à fait favorables. Enfin, vous me voyez rassurée par la discussion du jour – indépendamment du vote sur le postulat – qui montre une ouverture de tous les bords de l’hémicycle pour passer à la vitesse supérieure, entraînant non seulement des incitations, mais aussi des obligations d’assainissement pour l’ensemble des propriétaires, y compris les communes. Nous savons à quel point l’équilibre entre incitation et obligation est compliqué. Néanmoins, une ouverture est nettement perceptible, relative au fait de posséder certains standards et de potentiellement fixer des délais pour l’assainissement des bâtiments ; et je m’en réjouis. Nous aurons l’occasion d’en parler dans le cadre de la loi sur l’énergie.

Pour conclure, je rappelle la position du Conseil d’Etat : distinguons deux politiques publiques aussi essentielles l’une que l’autre. Elles peuvent se traiter en parallèle, en particulier par la nouvelle loi sur l’énergie.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion est close.                                   

Le Grand Conseil prend le postulat en considération par 72 voix contre 66 et 2 abstentions.

M. Alexandre Démétriadès (SOC) —

Je demande un vote nominal.   

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

Cette demande est appuyée par au moins 20 membres.

Celles et ceux qui soutiennent la prise en considération du postulat votent oui ; celles et ceux qui la refusent votent non. Les abstentions sont possibles.

Au vote nominal,le Grand Conseil prend le postulat en considération par 71 voix contre 66 et 2 abstentions.

*Insérer vote nominal

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