24_LEG_148 - EMPL Exposé des motifs et projet de loi modifiant la loi du 27 février 1963 concernant le droit de mutation sur les transferts immobiliers et l’impôt sur les successions et donations (LMSD) et rapport du Conseil d’État au Grand Conseil sur le postulat Julien Cuérel et consorts au nom Groupe UDC - Suppression de l’impôt sur les successions et les donations entre époux et en ligne directe descendante (23_POS_69) (1er débat).
Séance du Grand Conseil du mardi 3 décembre 2024, point 15 de l'ordre du jour
Documents
- Rapport de la commission - RC - 24_LEG_148_min._T. Schenker
- Texte adopté par CE - EMPD modifiant la LMSD et rapport du CE au GC sur le postulat J. Cuérel - suppression de l'impôt sur les successions et les donations entre époux et en ligne directe descendante
- Rapport de la commission - RC - 24_LEG_148_maj_F. Gross
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourCe deuxième texte fait partie du Plan pouvoir d’achat du Conseil d’Etat et par conséquent du contre-projet indirect à l’initiative 12 %. Il reprend les propositions de la motion Balsiger traitée par la Commission des finances (COFIN) en avril 2024 et acceptée par 8 voix contre 5 et 1 abstention. Toutefois, il n’a pas encore été débattu en séance plénière. Ce texte vise à alléger l’imposition sur les successions et donations, avec un impact financier estimé à environ 7,5 millions pour le canton répartis en 6 millions pour l’impôt sur les successions et 1,5 million pour l’impôt sur les donations.
Il est à noter que le Conseil d’Etat a discuté de cette mesure avec l’Association de communes vaudoises (AdCV) et l’Union des communes vaudoises (UCV), puisqu’elle impacte également les communes. Le canton de Vaud – avec Neuchâtel et Appenzell Rhodes-Intérieures – est l’un des derniers à prélever un impôt sur les successions et donations en ligne directe descendante. Bien que la suppression de cet impôt ne soit pas proposée, il est envisagé d’augmenter les seuils d’imposition, parfois appelés franchises, de 25’000 à 1 million pour les successions et de 50’000 à 300’000 pour les donations. De plus, il est proposé d’assouplir les conditions d’application de l’abattement de 50 % pour les transferts d’entreprises en ligne directe descendante. Cette mesure est destinée à faciliter les successions de PME, en particulier lorsqu’il y a plusieurs héritiers. Elle permettra aux donateurs de conserver une partie de l’entreprise sans transférer immédiatement la majorité aux enfants ou en ligne directe, autorisant un transfert en plusieurs étapes tout en bénéficiant d’un abattement de 50 %. De nombreux exemples et les conséquences possibles de l’acceptation de cette loi ont été illustrés lors de la conférence de presse du Conseil d’Etat, le 24 septembre dernier. Ces mesures visent également à augmenter l’attractivité de notre canton, notamment en favorisant les donations du vivant. En effet, les successions de plus de 1 million seront traitées comme actuellement, et donc les franchises relevées traitent plutôt de la classe moyenne.
La majorité de la commission soutenant ce projet de loi émet les arguments suivants. La compétitivité fiscale entre cantons existe et engendre un risque important de départ de forts contribuables dans les cantons voisins. Ceci d’autant plus dans le cadre des transmissions d’entreprises qui participent au développement économique de notre canton ainsi qu’à la formation. Certains commissaires auraient même préféré une suppression totale de l’impôt sur les successions et donations en ligne directe. Cet argent est en effet fiscalisé à de nombreuses reprises, soit sur le revenu, puis sur la fortune, et enfin sur la donation ou succession. Cette fiscalisation multiple est réitérée par la suite, car après la donation ou la succession, il sera à nouveau imposé. Toutefois, les coûts estimés de la suppression totale de cet impôt en ligne directe sont évidemment trop conséquents, soit 23 millions pour les successions et 16 millions pour les donations. Divers amendements ont été proposés par des membres de la COFIN. Certains permettent une aide à la compréhension et à la lecture qui ont été acceptés, alors que ceux proposant de baisser les franchises ont été refusés, notamment l’amendement visant à tenir compte des donations antérieures pour fixer le taux d’imposition des donations futures. En conclusion, par 9 voix contre 5 et 1 abstention, la COFIN vous recommande d’entrer en matière sur ce projet de loi.
La minorité s’étonne tout d’abord d’une question de forme : ce projet de modification des seuils est présenté comme une réponse à la motion Balsiger, laquelle a été étudiée par la COFIN et adoptée à la majorité, mais n’a pas encore été examinée par le plénum. Il est donc surprenant que l’on propose une réponse avant même que cette motion ait été votée.
Sur le fond, les impacts financiers de cette réforme sont évalués à 8,5 millions pour l’impôt sur les successions et à 2 millions pour l’impôt sur les donations en raison de la modification des seuils. La présidente de la COFIN a précisé que l’UCV et l’ADCV avaient été consultées, et la conseillère d’Etat avait indiqué que ces associations étaient globalement défavorables à cette réforme. En outre, cette réforme ne profite en rien à la classe moyenne. En effet, selon les statistiques cantonales, 89 % des contribuables possèdent une fortune imposable inférieure à 500’000 francs. Pour ces contribuables, il est déjà possible de contourner les seuils actuels, puisque chaque enfant peut recevoir, sans fiscalisation, jusqu’à 250 000 francs en succession, ainsi que 50’000 francs par an et par enfant en donation. Par conséquent, la modification des seuils bénéficiera principalement aux contribuables plus fortunés que les 89 % de ces derniers.
La conseillère d’Etat nous a précisé que 1,5 % des contribuables les plus riches continueront de payer cet impôt sur les successions et les donations avec les nouveaux seuils. Nous pouvons par conséquent en déduire que cette réforme bénéficiera essentiellement aux contribuables situés entre les 89 % les moins fortunés, à l’exception des 1,5 % les plus riches. Il est donc évident que cette réforme est loin de profiter à la classe moyenne.
Lors des discussions, quelques commissaires ont suggéré la suppression complète de cet impôt. La minorité, quant à elle, affirme son attachement à cet impôt, qui contribue à limiter les inégalités. Les successions résultent du hasard des naissances, et il n’y a rien d’injuste à taxer des montants que les bénéficiaires n’ont pas eux-mêmes gagnés par leur travail.
La minorité souligne également que cette modification des barèmes pour l’impôt sur les successions et les donations est incluse dans le contre-projet indirect à l’initiative 12 %. Cependant, cette réforme de la Loi concernant le droit de mutation sur les transferts immobiliers et l’impôt sur les successions et donations (LMSD) n’équivaut pas à une baisse d’impôt. Le Conseil d’Etat n’a d’ailleurs pas précisé si cette réforme serait annulée dans le cas où l’initiative des 12 % serait acceptée. La minorité souhaiterait obtenir aujourd’hui une réponse du Conseil d’Etat sur cette question, puisque celle-ci est restée sans réponse lors des débats en COFIN.
La minorité est consciente que les seuils actuels peuvent s’avérer limitants dans certains cas pour la transmission du patrimoine. Dans cette perspective, elle a proposé quelques amendements visant à réduire l’impact négatif de cette réforme, tout en offrant davantage de flexibilité pour les transmissions par donation ou par succession. Ces amendements vous seront présentés à nouveau tout à l’heure. En résumé, la minorité vous propose de refuser ce projet de modification de la LMSD.
La discussion sur l’entrée en matière est ouverte.
L’impôt sur les successions est profondément injuste. Le patrimoine transmis ne devrait pas être amputé par un prélèvement supplémentaire, d’autant plus que l’épargnant décédé a déjà payé des impôts sur le revenu et sur la fortune pour ce même patrimoine. Cet impôt constitue ainsi une troisième taxation. Certes, une franchise de 250’000 francs existe, mais elle est aujourd’hui rapidement atteinte. Dans notre canton, les prix de l’immobilier, terrain compris, dépassent souvent 1,5 million de francs. La transmission d’une entreprise est également touchée par cet impôt : pères, mères et enfants survivants doivent s’acquitter d’une taxe avant de pouvoir reprendre la société. Cette situation peut rendre la reprise financièrement insoutenable pour le repreneur, qui sera alors contraint de vendre l’entreprise, avec toutes les conséquences que cela entraîne, notamment des licenciements de personnel.
Il convient de rappeler que seuls trois cantons suisses imposent encore cet impôt en ligne descendante : Appenzell, Neuchâtel et Vaud. Par ailleurs, il existe un risque réel que certains contribuables fortunés choisissent de transférer leur résidence principale dans un autre canton durant les dernières années de leur vie. Une telle décision entraînerait une perte importante pour notre canton, non seulement en impôts sur les successions, mais surtout en impôts sur le revenu et sur la fortune, qui représentent des contributions majeures pour nos finances publiques.
Le groupe UDC soutiendra ce projet de loi. Pour toutes ces raisons, je vous invite à suivre la recommandation de la COFIN en relevant les seuils de l’impôt sur les successions à 1 million de francs et des donations à 300’000 francs.
Je ne vais pas répéter ce que vient d’exposer mon collègue, mais le groupe UDC salue la décision du Conseil d’Etat de modifier le barème des successions en ligne directe ainsi que celui des donations. La facilitation de la transmission des entreprises familiales est également une mesure positive. A cet égard, le Conseil d’Etat rejoint en partie la proposition formulée par notre ancien collègue UDC, Julien Cuérel.
Notre parti reste convaincu que l’impôt sur les successions et les donations est confiscatoire, dans la mesure où la personne s’est déjà acquittée de l’impôt sur le revenu, puis de l’impôt sur la fortune. Modifier cette pratique est donc une bonne chose, même si nous aurions également soutenu l’option d’un abandon complet de cet impôt.
Je rappelle d’ailleurs qu’un nombre croissant de Vaudoises et de Vaudois choisissent de quitter le canton pour des raisons fiscales, en s’installant notamment dans le canton du Valais. Un simple déménagement de quelques kilomètres leur permet de réaliser des économies fiscales significatives. La baisse de revenus qui pourrait résulter de cette réforme sera, selon nous, en grande partie compensée par le choix de nombreux contribuables de rester dans notre canton et d’y continuer à payer leurs impôts, grâce à ces nouveaux barèmes. En ce sens, le groupe UDC soutiendra ce projet de loi.
Le groupe Ensemble à Gauche et POP s’opposera fermement à cette baisse de l’impôt sur les successions. Cet impôt sur les successions et les donations est, à nos yeux, un impôt juste et nécessaire. Il limite la concentration des patrimoines entre les mains d’un petit nombre de familles très privilégiées et contribue à rétablir un tant soit peu d’équité entre celles et ceux qui naissent dans des familles aisées et celles et ceux qui grandissent dans des familles laborieuses, dépourvues de patrimoine. C’est l’arbitraire de la naissance que cet impôt permet de corriger, même partiellement. Voilà pourquoi nous sommes profondément attachés à cet impôt et combattrons tout affaiblissement de ce dernier.
Certes, il peut sembler légitime d’épargner les petits patrimoines, souvent constitués au prix d’une vie de labeur, mais les règles actuelles remplissent déjà cet objectif. Comme l’a justement rappelé notre collègue Théophile Schenker dans son excellent rapport de minorité, les exemptions existantes – 50 000 francs par an et par enfant pour les donations en ligne directe et 250’000 francs pour les successions en ligne directe – permettent déjà d’exempter la majorité des héritages de toute fiscalité.
A droite, les défenseurs de la réduction, voire de la suppression de cet impôt, invoquent fréquemment l’argument de la petite entreprise familiale – ou de la maison de famille – prétendument menacée par l’avidité du fisc lors des transmissions intergénérationnelles. Si cet argument peut sembler touchant aux yeux de certains, il ne reflète tout simplement pas la réalité. Les taux d’imposition actuels sont trop faibles pour représenter une menace sérieuse pour ces patrimoines. Je me souviens d’un précédent débat sur l’impôt sur les successions où l’ancien conseiller d’État en charge des finances, M. Broulis, avait affirmé que durant ses 20 années de fonction, il n’avait jamais été confronté à un cas concret de famille contrainte de vendre une entreprise ou une maison familiale en raison de cet impôt. Ces propos sont d’ailleurs consignés noir sur blanc dans un rapport de minorité de la COFIN de 2022 concernant la motion Cuérel.
Aujourd’hui, avec cette baisse de l’impôt sur les successions et les donations, le Conseil d’Etat prétend servir la classe moyenne en exonérant les donations jusqu’à 300’000 francs par an et par enfant. Mais posons-nous la question : fait-on réellement partie de la classe moyenne lorsqu’on est en mesure de donner 300’000 francs par an à ses enfants, et cela, potentiellement plusieurs années de suite ? Ne parle-t-on pas plutôt ici des couches les plus aisées et très minoritaires de notre population ? Cet exemple illustre, selon moi, la confusion persistante que le Conseil d’Etat entretient entre classe moyenne et classe supérieure.
Enfin, pour répondre à l’un de mes préopinants qui s’inquiète du départ potentiel de contribuables fortunés, il s’agit là d’un argument récurrent dans les débats fiscaux. Permettez-moi de le rassurer en citant les statistiques publiées par l’Administration fédérale des contributions. Celles-ci montrent que le nombre de contribuables déclarant une fortune de plus de 10 millions de francs dans le canton de Vaud est en forte augmentation. En 2015, ils étaient 1094. En 2021, ce chiffre atteint 1664, soit une hausse de près de 600 contribuables en six ans. Cela démontre non seulement que le canton de Vaud n’effraie pas les contribuables fortunés, mais qu’il les attire. Notre régime fiscal peut même être considéré comme un havre pour les personnes disposant de fortunes de plus de 10 millions de francs. Pour toutes ces raisons, je vous invite à refuser l’entrée en matière sur ce projet de loi.
Le parti socialiste s’oppose à ce projet de loi sur les successions et les donations, car il ne répond en rien à l’objectif d’améliorer le pouvoir d’achat des Vaudoises et des Vaudois. En effet, comme cela a déjà été souligné, les personnes capables de donner 300’000 francs en liquide ne représentent clairement pas la classe moyenne. D’ailleurs, une telle donation est déjà possible aujourd’hui, avec un coût fiscal modéré d’environ 7’000 francs au niveau cantonal, légèrement plus selon les taux communaux. Cela reste loin d’être confiscatoire.
De surcroît, cette loi est profondément inéquitable. Prenons un exemple : une personne possédant une fortune de 2 millions donne 300’000 francs par an pendant trois ans, puis 100’000 francs la quatrième année. Si elle décède ensuite et lègue encore 1 million, toutes ces sommes seront totalement exonérées. A l’inverse, une personne possédant une fortune de 1,2 million qui décède sans avoir eu l’opportunité de faire des donations anticipées verra sa succession imposée à hauteur de 83’000 francs. Par conséquent, ce projet de loi ne se contente donc pas de priver le canton de ressources importantes, mais s’y emploie de façon injustice envers les différents contribuables, ce parfois simplement au hasard de la mort.
Pour ces raisons, le parti socialiste soutiendra a minima les amendements proposés par les Verts dans le rapport de minorité. Ces amendements visent à corriger les dérives les plus problématiques de ce projet, notamment en prenant en compte le cumul des donations pour atteindre le seuil d’exonération et en réduisant les montants concernés. Cela dit, les mesures visant à faciliter la transmission des entreprises familiales ne seront pas particulièrement combattues. Toutefois, dans son ensemble, le parti socialiste refusera ce projet de loi, tant lors du vote d’entrée en matière que lors du vote final.
Je tiens tout d’abord à remercier le Conseil d’Etat d’avoir intégré l’intégralité de mon texte dans ce projet de loi, que je vous invite évidemment à soutenir pour les quatre raisons principales suivantes.
Premièrement, il permet d’aligner la fiscalité vaudoise sur celle des autres cantons. Je me permets ici de rectifier une information : sauf erreur, nous sommes désormais le dernier canton, avec Appenzell, à maintenir un impôt sur les successions et donations, depuis que Neuchâtel a aboli cet impôt plus tôt cette année.
Deuxièmement, ce projet constitue un véritable soutien aux familles vaudoises. Comme l’a mentionné le rapporteur de la minorité, cette réforme concerne directement la classe moyenne. Les seuils actuels, en particulier celui de 250’000 francs, pénalisent injustement les familles aux revenus modestes et de classe moyenne, alors que ces biens sont souvent le fruit d’une vie entière de travail. Relever ce seuil à un million de francs garantit une plus grande justice sociale et protège le patrimoine familial des Vaudoises et des Vaudois.
Troisièmement, il favorise la transmission intergénérationnelle. Les statistiques montrent que seuls 5 % des héritages et 19 % des donations concernent des personnes de moins de 40 ans. En facilitant les avances sur héritage, grâce notamment à un seuil annuel plus élevé pour les donations, nous stimulons l’économie, encourageons les jeunes à entreprendre et leur permettons d’accéder plus facilement à la propriété.
Quatrièmement, ce projet préserve les entreprises et les exploitations agricoles locales. L’assouplissement de l’article 29a de la LMSD vise à protéger les entreprises et les exploitations agricoles transmises de génération en génération. Cette réforme garantit ainsi la pérennité de notre tissu économique local, en réduisant le risque de devoir vendre l’outil de travail pour couvrir des charges fiscales trop lourdes.
En conclusion, ce texte est un soutien concret aux familles modestes et aux PME vaudoises, qui constituent les véritables piliers de notre économie cantonale. Je vous invite donc, chers collègues, à soutenir les conclusions de la majorité de la commission.
Permettez-moi d’apporter quelques précisions dans le cadre de ce débat, notamment en réponse à mon collègue Théophile Schenker, rapporteur de la minorité, qui affirme que ce texte ne concernera qu’une minorité de la population vaudoise. Il a indiqué que 85 % des personnes disposent d’une fortune inférieure à 500’000 francs, ce qui les exclut du seuil proposé par le Conseil d’Etat. Mais précisément, si ces personnes ne sont pas concernées par ce seuil, c’est parce qu’elles ne paient pas cet impôt. C’est une évidence : un texte visant à alléger la fiscalité ne peut pas toucher ceux qui ne paient pas d’impôts.
Par ailleurs, je le répète, ces personnes bénéficient déjà, dans ce canton, d’un certain nombre de mesures ciblées, comme des subsides, des facilités tarifaires, des prestations complémentaires pour les familles (PC Familles) ou encore des allocations familiales. Il ne faut pas tout mélanger. Ici, nous parlons d’une partie de la population qui est fortement impactée par une fiscalité vaudoise lourde et qui mérite aujourd’hui un ajustement des franchises. Comme cela a été rappelé, nous touchons spécifiquement les successions en ligne directe, et cette imposition multiple ne peut plus durer.
On a tendance à l’oublier, mais parmi les contribuables concernés, il y a aussi des personnes parties de rien. On évoque souvent de gros héritages et des individus qui, prétendument, n’auraient rien fait d’autre que d’hériter. Mais ce n’est pas la réalité pour tout le monde. Il existe aussi des contribuables qui ont pris des risques, qui ont bâti leur entreprise seuls, sans l’aide de papa ou maman, uniquement grâce à leur travail acharné. Ce sont des entrepreneurs qui ont affronté des défis, des crises économiques, la pandémie de Covid, et qui, par leur détermination, ont contribué au dynamisme de notre canton. Aujourd’hui, ce texte vise à permettre à leurs enfants, s’ils en ont la volonté, de reprendre ce flambeau, de prendre à leur tour ces mêmes risques, en apportant une richesse économique à notre canton, en créant des emplois, des postes d’apprentissage et en soutenant notre précieuse formation duale. Peut-être certains considèrent-ils cela comme un cadeau. Moi, je le vois plutôt comme une transmission de risque, un acte de courage entrepreneurial qui mérite d’être encouragé.
La question est simple : voulons-nous voir ces entreprises disparaître ou être rachetées par de grands groupes étrangers ? Ou bien préférons-nous faciliter leur transmission à des Vaudoises et des Vaudois, prêts à prendre des risques pour préserver notre tissu économique local ? Pour ma part, la réponse est claire, et je vous encourage à suivre les conclusions du rapport de la majorité.
Le projet présenté par le Conseil d’Etat s’inscrit dans son Plan pouvoir d’achat, dévoilé à la fin du mois de septembre. Le groupe des Verts prend acte de ce plan, qualifié par le gouvernement lui-même d’ambitieux. Toutefois, malgré cette ambition affichée, nous peinons à établir un lien concret entre cette proposition de modification et une réelle amélioration du pouvoir d’achat pour notre population. Car si le pouvoir d’achat dépend principalement des revenus, les successions et donations relèvent, elles, de la fortune. En réalité, l’adoption de cette proposition n’aurait strictement aucun impact sur le porte-monnaie des Vaudoises et des Vaudois. Comme cela a été très justement souligné dans le rapport de minorité, cette modification bénéficierait en définitive à moins de 10 % de la population, soit celles et ceux dont la fortune dépasse les 500’000 francs.
Nous sommes par ailleurs étonnés de l’empressement du Conseil d’Etat à mettre en œuvre la motion de notre collègue Balsiger. Rappelons qu’en mai de cette année encore, le Conseil d’Etat s’y opposait, au motif qu’elle ne faisait pas partie de son Programme de législature.
Les Verts ont toujours défendu l’impôt sur les successions, qui reste l’un des impôts les plus justes. Pourquoi ? Parce que le bénéficiaire d’un héritage n’a absolument rien fait pour le mériter, si ce n’est le hasard de sa naissance.
Enfin, dans le contexte financier actuel, renoncer à cette recette fiscale nous paraît tout simplement irresponsable, d’autant plus que cette mesure n’aurait aucun effet tangible sur la classe moyenne. Pour toutes ces raisons, le groupe des Verts, dans sa grande majorité, suivra les conclusions de la minorité et refusera ce projet.
Quand j’entends M. Buclin affirmer que ce n’est pas si grave, que certains vont partir, etc., je pense que c’est une réalité qu’il convient de prendre en compte. Dans un système fédéraliste, avec des cantons voisins qui ne prélèvent pas l’impôt sur les successions, certains citoyens choisissent de s’y installer, notamment à la retraite, afin d’éviter que leur fortune ne finisse dans les mains de l’Etat. Je connais personnellement des personnes qui ont pris cette décision. Cette fortune, elles ne l’ont pas obtenue par hasard. Elles l’ont accumulée au fil des années, grâce à un travail acharné, et elles estiment qu’il est injuste que cet argent, fruit de leurs efforts, disparaisse dans les caisses de l’Etat. Elles préfèrent que cet héritage bénéficie à leurs enfants ou à leurs proches.
Je pense donc que la proposition du Conseil d’Etat est raisonnable et représente un petit pas en avant pour rendre notre canton plus attractif. Nous devons soutenir le rapport de majorité afin d’éviter de perdre des ressources fiscales au profit de cantons voisins, où des personnes fortunées n’hésiteront pas à s’installer.
Pour ma part, j’ai des ambitions bien plus grandes que d’arriver au niveau d’un canton comme Appenzell Rhodes-Intérieures, qui est un très beau canton, mais qui compte moins de 20’000 habitants. Lorsque l’on possède un patrimoine, il faut se rappeler que l’on paie d’abord un impôt sur le revenu, puis un impôt sur la fortune, et enfin, au moment de la succession ou de la donation, on doit encore payer des impôts sur cette même somme. Et une fois que les héritiers auront reçu cet argent, ils devront à nouveau payer des impôts dessus, que ce soit sous forme d’impôt sur le revenu, sur la fortune, ou par le biais des taxes liées.
Comme plusieurs de mes collègues l’ont justement souligné, ce débat concerne surtout les entrepreneurs qui souhaitent transmettre leur patrimoine, et je pense qu’il est crucial de garder cela à l’esprit, notamment pour notre canton de Vaud. On nous cite souvent un rapport avec les propos d’un ancien grand argentier, mais il se peut qu’aujourd’hui la situation ait changé. Il n’est pas exclu que tout ne soit plus aussi rose que les années précédentes et que ce grand argentier n’avait pas observé l’effet de départs, ou des problèmes de succession, tout simplement parce que les personnes concernées étaient parties. C’est précisément ce qui se passe aujourd’hui. Il est donc logique que ce sujet touche directement les personnes concernées par la succession, notamment celles qui ont un patrimoine à transmettre. Cela affecte non seulement les personnes les plus fortunées, mais aussi un nombre important de personnes issues de la classe moyenne, qui souhaitent léguer un petit patrimoine.
Le moment le plus difficile dans cette discussion, c’est d’entendre encore et toujours cette rengaine sur la « haine des riches’ », dont le point culminant de ce discours étant, selon certains, qu’en laissant faire les choses, nous finirons par atteindre un stade où il n’y aura pas assez de menaces pesant sur le patrimoine des personnes fortunées. Arriver à ce genre de propos me semble indiquer que nous avons une vision du monde assez déconnectée de la réalité d’aujourd’hui. J’espère que ceux qui possèdent de petites successions ou ceux qui sont entrepreneurs apprécieront cette façon de voir les choses.
Toutes nos discussions portent autour de l’attractivité du canton. Si nous ne prenons pas soin de cette attractivité, nous allons nous retrouver dans une situation assez simple : une augmentation des impôts, car nous aurons perdu de nombreux contribuables qui auront décidé de quitter notre canton pour d’autres horizons. Je sais qu’une partie de cet hémicycle, comme l’on a pu l’entendre plus tôt, semble apprécier la perspective d’augmenter les impôts, mais ce n’est pas la perspective que je souhaite.
Nous entendons fréquemment parler de la triple taxation de l’argent, mais il existe une question essentielle à considérer : est-il plus juste de taxer la fortune qu’un individu a acquise de son propre travail ou de taxer la succession, y compris en ligne descendante directe ? Cette interrogation fondamentale concernant la fiscalité de la fortune mériterait évidemment un débat plus approfondi. Le problème aujourd’hui, c’est que dans notre région, où les périmètres fiscaux des cantons sont relativement réduits, il suffit de quelques dizaines de kilomètres pour en changer. Dans ce contexte, un impôt sur les successions et donations n’est juste que s’il est appliqué de manière uniforme entre les cantons, ce qui n’est malheureusement pas le cas en Suisse, comme cela a été rappelé.
Les Vert’libéraux soutiennent donc cette proposition dans son ensemble et l’approuvent largement. Elle constitue en effet un soulagement pour les entrepreneurs qui souhaitent transmettre leur entreprise ou leur domaine, ainsi que pour la transmission du patrimoine immobilier familial. Bien que l’impôt sur les successions et donations résiduelles demeure un problème pour l’attractivité du canton, nous saluons ce premier pas consenti par le Conseil d’Etat.
J’ai écarquillé les yeux en observant les votes au sein de la COFIN. Aucune voix ne s’est prononcée en faveur de la réduction fiscale à 12 %. Certes, ce n’est pas le sujet de notre débat actuel, ce sera abordé plus tard, mais il est tout de même frappant de constater que le directeur d’une faîtière économique n’ait même pas soutenu, en commission, sa propre initiative de baisse d’impôt de 12 %. Je me suis alors demandé si les réductions fiscales proposées par le gouvernement ne dépassaient pas les attentes des organisations économiques.
Il est vrai que dans ce soi-disant Plan pouvoir d’achat du Conseil d’Etat, certaines mesures bénéficient clairement aux familles privilégiées. On a parlé de la possibilité de donner jusqu’à 300’000 francs chaque année à chacun de ses enfants, mais ce n’est pas accessible à tout le monde. Le plan du Conseil d’Etat commence à dévoiler sa nature. C’est un plan destiné aux riches et aux super-riches. Je le dis sans haine, mais avec un souci d’équité. Combiné avec l’augmentation du bouclier fiscal, dont nous discuterons lors de l’examen du budget, ce sont des mesures incroyablement favorables aux plus fortunés de notre canton. Malheureusement, ce plan n’améliorera guère le pouvoir d’achat des classes populaires. En fait, bien que cela ne soit pas clairement annoncé, la disposition concernant le bouclier fiscal – que je ne me souviens même pas avoir vue dans les documents de presse du Conseil d’Etat – présente discrètement des mesures qui profitent une fois de plus à ceux qui sont déjà riches. Par conséquent, il n’y a vraiment aucune raison d’entrer en matière sur ce projet de loi.
Je vais peut-être profiter de ce moment pour déclarer mes intérêts : j’ai cédé une entreprise familiale à deux de mes fils. Ce dont je parle, je l’ai vécu. Il est trop facile de dire « j’ai vécu cela, donc il faut m’écouter », mais il faut reconnaître que c’est un parcours assez complexe. Aujourd’hui, remettre une entreprise familiale dans ce canton est sans doute l’une des démarches les plus difficiles en Suisse. En deux mots, j’ai dû prêter des fonds à mes propres enfants pour qu’ils puissent reprendre l’entreprise, pour qu’ils puissent payer les impôts. Nous avons donc dû leur prêter de l’argent pour qu’ils puissent régler un impôt. C’est une situation particulière, mais je suis député, j’ai été syndic et je suis resté dans le canton de Vaud. Cependant, de nombreux collègues font un choix différent, ils trouvent des solutions ailleurs, en quittant le canton de Vaud. C’est pour cela que l’on entend parler de moins de cas comme le mien, car beaucoup choisissent de quitter le canton.
Je vous donne un exemple simple : la France. Combien d’entrepreneurs français vivent aujourd’hui sur notre territoire suisse ? Une multitude. Pourquoi ? Parce qu’ils cherchaient à échapper à une fiscalité successorale française bien trop élevée, avec des impôts qui peuvent atteindre près de 50 %. Alors ces gens quittent la France pour trouver des cieux plus cléments. D’ailleurs, ma collègue, Mme Cherbuin, a indiqué qu’elle était peut-être contre cette solution dans son parti. Mais, madame Cherbuin, vous connaissez sûrement cette famille française à Coppet, propriétaire d’un château, qui a dû trouver une solution, en créant une fondation, pour échapper à la lourde fiscalité française et préserver son patrimoine. Chaque situation est différente, chaque cas est unique. Mais il est essentiel de réfléchir à la perte potentielle de notre canton si nous adoptons des positions trop rigides par rapport à nos voisins. Et cela, croyez-moi, c’est une réalité vécue.
Je souhaite ajouter quelques éléments pour justifier l’acceptation de ce projet de loi. Plus tôt cette année, le Conseil d’Etat a répondu à une interpellation de notre collègue Moscheni sur les pertes fiscales subies par notre canton entre 2018 et 2022 en raison des contribuables partant à la retraite, gagnant plus de 150’000 francs imposables individuellement, ou plus de 200’000 francs pour un couple. Dans sa réponse, le Conseil d’Etat a mentionné que ces pertes fiscales s’élevaient à environ 4 millions de francs. On remarque ainsi que les personnes qui ont quitté notre canton sont en majorité celles qui contribuaient de manière significative aux recettes fiscales. Bien sûr, il n’est pas possible de dire avec certitude que si l’imposition était différente, ces personnes seraient restées, mais il est raisonnable de penser qu’une bonne partie d’entre elles aurait continué à payer leurs impôts ici, plutôt que de partir, par exemple, en Valais, où elles étaient peut-être davantage attirées par la fiscalité que par le paysage. C’est dans cette optique que je vous propose d’accepter ce projet de loi.
Il me semble également que certains dans cet hémicycle pensent qu’il s’agit simplement de faire des cadeaux aux super-riches qui auraient hérité d’une grande fortune sans jamais rien faire. Mais il est important de rappeler qu’il s’agit aussi d’entrepreneurs qui ont travaillé toute leur vie, pris des risques pour bâtir et faire prospérer une entreprise, pour ensuite la transmettre à leurs enfants. Ce n’est pas une fortune qu’ils transmettent, mais un véritable outil de travail. Et c’est là l’essentiel. Malheureusement, chaque génération doit faire face à des impôts sur les successions. Un exemple a été donné tout à l’heure, celui des châteaux français. En tant que viticulteur, j’ai connu des cas en France où des propriétaires de grands domaines, à force de payer des droits de succession génération après génération, se sont retrouvés dans l’incapacité de les conserver. Aujourd’hui, beaucoup de ces domaines appartiennent à des groupes étrangers, ce qui signifie que les droits de succession n’existent plus, car ces groupes sont fiscalisés différemment. L’objectif n’est donc pas de peser sur ces entreprises individuelles, mais de les soutenir. Ce sont des outils de travail qui génèrent des emplois. C’est pour cette raison que je vous invite à soutenir la proposition du Conseil d’Etat.
Je soutiens les propos concernant la concurrence fiscale. Il ne faut pas oublier que, bien que le canton de Neuchâtel soit proche, il existe aussi d’autres cantons qui n’imposent pas du tout les successions. Pour moi, la transmission du patrimoine permet à la génération suivante, par le biais de donations, de disposer de fonds qui peuvent soutenir l’économie, notamment par des dépenses, l’achat de biens immobiliers, ou encore des projets de transformation. Tous ces aspects sont essentiels. En fin de compte, c’est une question de choix de vie. Certaines personnes choisissent de thésauriser, d’épargner, de préparer un héritage pour leurs enfants, tandis que d’autres préfèrent dépenser leur argent. Ces choix doivent être respectés. Ces personnes ont payé des impôts, et leurs descendants en paieront aussi ou utiliseront cet argent selon leur propre volonté. Pour ma part, je tiens à saluer la décision du Conseil d’Etat d’avoir changé d’avis. Lorsque le texte Balsiger a été déposé, beaucoup, au sein de la gauche, pensaient que le Conseil d’Etat s’y opposait. Mais avec le vote de la COFIN, avant que ce texte n’arrive en plénum, il est clair qu’une majorité du Parlement a compris que la modification de la politique sur l’impôt relatif aux donations était une décision à prendre. Je vous encourage donc toutes et tous à accepter le projet du Conseil d’Etat.
Tout d’abord, je vous remercie pour vos différentes interventions. En effet, nous abordons ici un élément fondamental : l’attractivité de notre canton. Il faut bien reconnaître que nous sommes l’un des derniers cantons à maintenir cet impôt sur les successions en ligne directe, et il est important de souligner que nos voisins, comme le Valais, Fribourg, ou Genève, n’ont plus ce type d’impôt.
En réponse à la question de M. Moscheni, le Conseil d’Etat a constaté qu’un certain nombre de contribuables âgés de plus de 65 ans quittent le canton, et ces personnes ont, en moyenne, une fortune plus élevée que la moyenne de la population de plus de 65 ans. Cette réforme s’inscrit donc dans le cadre des mesures prises par le Conseil d’Etat pour améliorer la situation des Vaudois, et vient compléter le contre-projet indirect à l’initiative des 12 %. C’est un argument supplémentaire pour expliquer pourquoi nous invitons le Grand Conseil et la population à rejeter cette initiative, en offrant une solution plus globale qu’une simple réduction en pourcentage.
En effet, le Conseil d’Etat a pris conscience de la demande réelle en matière de réformes fiscales et a cherché à y répondre de manière efficace, bien qu’un peu précipitée dans un premier temps, car nous n’avons pas encore examiné le texte de M. Balsiger en plénum. Toutefois, ces modifications s’inscrivent dans le cadre des mesures prévues pour 2025, incluant la réduction de l’impôt sur le revenu. Ces mesures contribuent à alléger la charge fiscale sur certains contribuables du canton de Vaud et à améliorer notre attractivité, ce qui est essentiel pour préserver nos revenus et attirer de nouveaux habitants. Il est important de souligner que nous avons besoin de ces contribuables pour financer nos services publics. Sans eux, nous ne pourrions pas mettre en œuvre les actions que vous votez ici. Je suis bien consciente de vos préoccupations, monsieur Zwahlen, et je tiens à préciser que nous avons besoin des gens qui paient des impôts.
Je voudrais apporter une petite précision concernant le 1,5 % mentionné dans le rapport de minorité. Il est vrai qu’avec cette modification, environ 1,5 % de la population reste encore concernée par l’impôt sur les successions en ligne directe. Cependant, ce que M. Schellker a dit auparavant n’est pas tout à fait correct. En effet, dans le cadre de l’impôt sur les successions en ligne directe, le montant total encaissé est de 24 ou 25 millions pour les successions, et de 16 millions pour les donations. Les coûts estimés pour cette réforme s’élèvent à environ 7 millions. Il en ressort que le 1,5 % de la population qui reste touchée par cet impôt contribue à une grande majorité du total des recettes fiscales provenant des successions et donations.
C’est pourquoi je tiens à souligner, comme je l’ai déjà mentionné lors des discussions en commission, que cette réforme touche une large part de la classe moyenne. Je rappelle que la définition officielle de la classe moyenne se base uniquement sur le revenu, sans prendre en compte la fortune. Mesdames et messieurs les députés, il est important de noter que nous sommes l’un des derniers cantons, aux côtés de Neuchâtel et du beau canton d’Appenzell Rhodes-Intérieures, à maintenir cet impôt en ligne directe, ce qui justifie la nécessité d’une réforme, largement attendue. Le Conseil d’Etat propose donc de réformer de manière significative les seuils de cet impôt sur les successions et donations, avec des modifications allant de 250’000 à 1 million pour les successions, et de 50’000 à 300’000 pour les donations.
Avec cette réforme, les successions de la classe moyenne ne seront plus pénalisées par cet impôt dans le canton de Vaud, qui est encore parmi les derniers à l’appliquer en ligne directe. Ces changements représentent une mesure ciblée, raisonnable et supportable, et améliorent la compétitivité fiscale du canton sans avoir de conséquences financières notables. Seules les successions et donations les plus modestes sont concernées par cette réforme, ce qui bénéficiera principalement à la classe moyenne.
De plus, le Conseil d’Etat propose de faciliter la transmission d’entreprises familiales en ligne directe en allégeant les conditions d’application. La transmission d’une entreprise familiale à la génération suivante est une étape cruciale, mais souvent délicate, pour assurer la pérennité de l’entreprise. Ces mesures fiscales ciblées favorisent particulièrement les successions de PME, notamment lorsqu’il y a plusieurs héritiers, ce qui aura un impact positif sur l’économie vaudoise à long terme.
Pour toutes ces raisons, et au nom du Conseil d’Etat, je vous invite à accepter l’entrée en matière et à suivre la proposition du rapport de la majorité de la commission.
La discussion est close.
L’entrée en matière est admise par 87 voix contre 48 et 7 abstentions.
Il est passé à la discussion du projet de loi, article par article, en premier débat.
Article premier. –
Art. 16. –
Je vous propose d’accepter tacitement une menue correction de plume – une coquille – à l’alinéa 1, lettre cbis:
« Art. 16. – Al. 1, lit. cbis: (...) Au-delà de ce montant, elles
ontsont imposables sur l'intégralité de la prestation accordée à titre gratuit ; »La correction est acceptée à l’unanimité.
La minorité de la COFIN propose un amendement. Le projet de loi augmente le seuil des donations annuelles de manière importante : de 50’000 à 300’000 francs. Comme expliqué tout à l’heure, cette augmentation bénéficiera aux contribuables les plus fortunés. Dans un esprit de compromis, la minorité propose un amendement pour fixer ce seuil à 150’000 francs. Cette augmentation pourrait par exemple faciliter une donation pour constituer des fonds propres pour devenir propriétaire. Toutefois, par rapport à la proposition initiale, elle limite tout de même les montants qui échapperaient à l’impôt par donations successives.
« Art. 16. – Al. 1, lit. cbis : (…) les donations égales ou inférieures à
300’000150’000 francs par enfant dans la ligne directe descendante, cumulées dans le courant de la même année civile. Au-delà de ce montant, elles sont imposables sur l'intégralité de la prestation accordée à titre gratuit; »
En commission, cet amendement a été refusé par 8 voix contre 7, car il ne s’intègre clairement pas dans l’esprit de la loi proposée par le Conseil d’Etat, ce d’autant plus que l’argument concernant les plus fortunés ou les moins fortunés – baisser le seuil – ne permettra pas à plus de personnes de la classe moyenne inférieure de profiter de cette exonération. Dès lors, nous vous proposons de refuser cet amendement. Le but étant clairement de mettre en place une vraie réforme de l’imposition sur les successions et les donations. Comme cela a déjà été largement dit lors de l’entrée en matière, ce seuil mérite d’être modifié afin de pouvoir devenir concurrentiel.
Permettez-moi de proposer un amendement à l’article 16 en créant une lettre cter. Vous avez évoqué la référence intercantonale et mentionné des exemples de cantons qui n’appliquent pas l’impôt sur les successions en ligne directe, etc. Madame la présidente de la COFIN, vous avez également parlé de la concurrence avec d’autres cantons. Il est vrai que les cantons alémaniques appliquent des règles spécifiques sur les donations qui offrent une solution intéressante. Par exemple, dans le canton de Vaud, une donation de 300’000 francs devrait être limitée à une période de 5 ans. Cela permet aux individus de transmettre à leurs enfants la possibilité d’acquérir un bien immobilier tout en contrôlant et en réduisant l’impact financier de cette donation. Cette limitation dans le temps offre une certaine flexibilité tout en préservant l’équité.
Il est important de rappeler que l’impôt sur les successions reste l’un des impôts les plus justes dans notre système fiscal, car il porte sur un bien qui n’a pas été acquis par le travail de la personne qui reçoit la donation. Je vous invite à prendre en compte que dans les cantons suisses allemands, comme à Berne, notamment, une durée de 5 ans pour les donations est en place. A mon sens, cette approche serait une solution élégante et adaptée à la situation économique de notre canton.
« Art. 16. – Al. 1, lit. cter (nouvelle) : L’exonération du montant défini à la lettre cbis n’est accordée qu’une seule fois sur une période de cinq ans. Cette règle est également valable lorsque les premières libéralités reçues n’ont pas été imposées conformément aux dispositions de la présente loi. »
Au sein du groupe Ensemble à Gaucher et POP, nous soutiendrons les amendements de MM. Schenker et Lohri qui permettent de tempérer quelque peu l’aspect fondamentalement injuste de cette réforme. Cette réforme ne profite pas à la classe moyenne, mais avant tout à des individus capables de donner 300’000 francs par an à leurs enfants, plusieurs fois de suite. Vous conviendrez que cela ne correspond pas à la réalité de Monsieur et Madame Tout-le-Monde.
De plus, lors du débat d’entrée en matière, nous avons assisté à une véritable avalanche d’interventions de la droite de cet hémicycle, alors qu’il n’y a eu presque aucune prise de parole de la gauche. Je tiens à répéter qu’il n’y a pas aujourd’hui de fuite de contribuables aisés dans ce canton. Les chiffres sont clairs. Prenez les recettes de l’impôt sur la fortune : elles augmentent de manière régulière chaque année. En 2020, elles s’élevaient à 714 millions de francs, et en 2023, elles ont atteint 809 millions. Cela représente une augmentation de plus de 100 millions en trois ans. S’il y avait réellement des départs massifs de contribuables fortunés, les recettes de cet impôt fléchiraient, ce qui n’est pas le cas.
Je suis également fatigué d’entendre, à plusieurs reprises avec 12 interventions de la droite, que le canton de Vaud perdrait ses riches et que ce dernier serait devenu non compétitif. C’est complètement faux. En réalité, notre canton attire aujourd’hui de plus en plus de personnes fortunées, car d’autres critères – la qualité de vie, la qualité des services publics et des infrastructures – sont tout aussi importants que la fiscalité. Pour toutes ces raisons, je vous invite à réduire l’injustice de cette réforme en acceptant ces amendements.
J’interviens au sujet de l’amendement de M. Lohri qui s’appuie sur l’exemple de la Suisse allemande qui n’exonère que tous les 5 ans. Monsieur Lohri, en ligne directe, ces cantons n’imposent pas les donations et les successions. Votre exemple est relatif à des cas hors ligne directe. Or, ce que le Conseil d’Etat propose vise à faciliter les donations et les successions en ligne directe, première parentèle, et non sur les autres types de donations et de successions. Il me semble inopportun de citer en exemple les cantons voisins, notamment alémaniques, qui bénéficieraient d’un système plus judicieux, car n’accordant qu’une seule fois une exonération sur 5 ans, quand au contraire ces derniers ne taxent plus les donations ou les successions en ligne directe. Je rappelle à nouveau qu’il s’agit d’une augmentation de franchise pour donations et successions en ligne directe, première parentèle. Les autres types conserveront les mêmes barèmes fiscaux. La majorité des cantons suisses n’imposent plus les successions et donations en ligne directe. Le Conseil d’Etat souhaite privilégier les donations du vivant pour pouvoir faire participer nos enfants, la ligne directe, au patrimoine. Si nous ne le permettons pas, attendons les décès et les bagarres familiales qui s’en suivent… c’est une approche que je ne souhaite pas privilégier. Je vous invite par conséquent à refuser cet amendement.
Je vois que nous ne sommes pas les seuls à déposer des amendements hors COFIN… Sans revenir sur mes propos d’entrée en matière, il est néanmoins important de modifier réellement cet impôt confiscatoire. En ce sens, je vous recommande de refuser ces deux amendements et de vous en tenir à la version du Conseil d’Etat. Elle est mesurée, car elle n’abandonne pas totalement cet impôt, mais répare une situation qui fait de notre canton le mauvais élève d’un point de vue fiscal.
Je tiens à m’excuser pour avoir omis d’annoncer mes intérêts, mais puisque la succession entre mon père et moi est réglée, et je n’ai donc aucun intérêt personnel dans ce texte. Mon intention était simplement de répondre à M. Buclin. Cher collègue, pensez-vous les entreprises s’installent dans le canton de Vaud pour la vue sur le lac ? Soyons réalistes : les entreprises quittent la Riviera. C’est un fait avéré et les chiffres sont là pour le prouver. Concernant l’amendement sur le seuil des 150’000 francs, il représente, en réalité, un recul supplémentaire. A titre de comparaison, dans le canton d’Appenzell – le dernier à maintenir cet impôt – le seuil est fixé à 300’000 francs. Il s’agit donc de faire au moins aussi bien, sinon mieux, que le canton le moins compétitif.
Je m’excuse d’intervenir encore une fois, mais je trouve qu’il y a tellement de contre-vérités dans ce débat que je me sens obligé de rectifier certains points. J’ai entendu dire que cet impôt était confiscatoire. Permettez-moi de rappeler que le taux maximal, au niveau cantonal, est de 3,5 %. Peut-on réellement qualifier un taux de 3,5 % de confiscatoire ? Même lorsque les communes prélèvent à leur tour des centimes additionnels, le maximum atteint est de 7 %. Mais il faut souligner que la majorité des communes les plus aisées de ce canton n’appliquent pas de centimes additionnels. Le taux effectif reste donc à 3,5 % dans la plupart des cas. De son côté, M. Romanens a également évoqué, à juste titre, les taux pratiqués en France, qui peuvent atteindre près de 50 %. Dans le canton de Vaud, les taux appliqués en ligne directe sont extrêmement bas en comparaison. Il est donc étonnant d’entendre qualifier ces taux de confiscatoires. Dans le même esprit, Mme Bettschart-Narbel a mentionné que les patrimoines finissaient principalement – c’est le terme qu’elle a employé – dans les poches de l’Etat. Encore une fois, est-ce que 3,5 % peuvent être considérés comme principalement ? Je ne peux pas laisser passer une telle affirmation sans réagir.
Pour finir, monsieur Balsiger, vous affirmez qu’il existe des chiffres montrant que des entreprises quittent la région. Dans ce cas, citez vos sources. Quels sont ces chiffres ? Personnellement, je n’ai rien vu de tel. Je peux, si nécessaire, partager les tableaux Excel de la statistique de l’administration des finances qui démontrent l’augmentation du nombre de contribuables aisés par canton. Je vous envoie volontiers le lien.
Je vous invite à rejeter ces amendements proposés par la gauche. Pour rebondir sur les propos de M. Buclin, rappelons qu’il y a actuellement une augmentation annuelle de la population dans ce canton, de l’ordre de 20’000 personnes. Cette croissance se traduit automatiquement par des rentrées fiscales supplémentaires. Comme je l’ai déjà exprimé, ce troisième impôt, après ceux sur le revenu et la fortune, est fondamentalement injuste. Les patrimoines concernés ont, dans leur grande majorité, été constitués par le labeur de nos concitoyens.
Je vous invite à soutenir l’amendement proposé par notre collègue Schenker. Le Conseil d’Etat a repris les conclusions de la motion de notre collègue Balsiger, qui fixait de manière relativement arbitraire, une franchise de 300’000 francs pour les donations. Cette décision n’a pas été pleinement justifiée par le gouvernement. Une limite de 150’000 francs pourrait représenter une solution médiane. Ce seuil permettrait à la classe moyenne d’aider ses enfants, notamment pour l’acquisition d’un bien immobilier, tout en coupant la poire en deux – si vous me permettez l’expression. Ainsi, je vous propose de retenir ce montant de 150’000 francs. Cela garantirait également le maintien de certaines recettes fiscales, dont notre canton aura besoin dans les années à venir.
Permettez-moi de répondre brièvement à notre collègue Balsiger qui s’interroge sur les raisons pour lesquelles les entreprises s’installent dans notre canton. Contrairement à vous, je ne pense pas que leur choix repose uniquement sur des considérations fiscales. Ces entreprises viennent surtout pour la qualité de nos services publics, qui jouent un rôle clé dans le développement de leurs activités. Je fais référence, entre autres, à nos infrastructures routières et ferroviaires, à l’excellence de notre système éducatif, à la stabilité géopolitique et à la qualité de nos systèmes de soins. Et ce ne sont là que quelques exemples parmi d’autres.
Je vais être brève, en espérant que nous puissions encore voter sur ce projet de loi aujourd’hui. Oui, madame Misiego, vous avez raison : la fiscalité n’est pas le seul facteur important dans notre canton. Cependant, nous discutons aujourd’hui d’un domaine très spécifique. Le canton de Vaud est l’un des derniers à maintenir un impôt en ligne directe. Ce débat porte avant tout sur l’attractivité, rien de plus.
Quant à vous, monsieur Lohri, permettez-moi de corriger une erreur : contrairement à ce que vous avez affirmé, les cantons suisses allemands, à l’exception d’Appenzell Rhodes-Intérieures, ne prélèvent plus d’impôt sur les successions en ligne directe. Il n’existe donc pas de système équivalent à celui que vous avez évoqué. J’ai déjà tenté de souligner à plusieurs reprises que nous parlons exclusivement de la ligne directe.
Quant à l’impôt, monsieur. Buclin, je suis d’accord avec vous : il n’est pas confiscatoire. Mais ce n’est pas la question ici. Ce débat porte sur l’impôt sur les successions et les donations, et sur l’attractivité de notre canton. Je suis d’ailleurs plutôt satisfaite de ne pas devoir comparer notre système à celui de la France sur le plan fiscal.
Par conséquent, je vous invite à refuser l’amendement visant à réduire le seuil à 150’000 francs. Ce que nous examinons ici est un compromis soigneusement calculé pour équilibrer plusieurs objectifs. Ce seuil permet de maintenir l’impôt pour certains contribuables, tout en renforçant l’attractivité du canton et en soulageant de nombreux autres. L’objectif de cette réforme est précisément d’améliorer l’attractivité de notre canton tout en restant juste et pragmatique.
Enfin, concernant les statistiques évoquées : nous avons déjà répondu à une question de M. Moscheni sur ce sujet. Oui, des départs ont lieu, notamment après 65 ans. En 2022, la moyenne des fortunes des personnes quittant le canton après cet âge était de 140’000 francs, alors que la moyenne pour l’ensemble des contribuables de plus de 65 ans était de seulement 40’000 francs. Cela indique que ce sont majoritairement des personnes aisées qui quittent le canton. Par ailleurs, comme me l’a confirmé M. Dériaz, si le canton de Vaud continue d’attirer de nouveaux habitants, ces derniers sont en moyenne moins fortunés. C’est un constat basé sur des chiffres fiables. Pour toutes ces raisons, je vous encourage à refuser ces deux amendements et à adopter le projet proposé par le Conseil d’Etat.
Retour à l'ordre du jourL’amendement de la minorité de la commission est refusé par 82 voix contre 57 et 2 abstentions.
L’amendement Didier Lohri est refusé par 81 voix contre 52 et 7 abstentions.
L’article 16 est accepté par 83 voix contre 51 et 8 abstentions.
Les articles 29a et 29b sont acceptés avec de nombreuses abstentions.
Le débat est interrompu.