24_INT_105 - Interpellation Carine Carvalho et consorts au nom du groupe socialiste - Naturalisations à deux vitesses ? Comment notre canton peut y remédier ? (Développement).

Séance du Grand Conseil du mardi 18 juin 2024, point 4 de l'ordre du jour

Texte déposé

La Commission fédérale pour les questions de migration a mandaté une étude afin d’analyser les conséquences de la révision de la loi sur la nationalité suisse sur les naturalisations ordinaires [1]. Cette étude met ainsi en lumière la discrimination structurelle introduite par la loi en vigueur depuis 2018 et fait des propositions pour améliorer la situation.

 

Selon l’étude parue en mai, la révision n’a pas permis de simplifier le système complexe de la naturalisation ordinaire, au contraire elle l’a rendu plus sélectif en restreignant davantage l’accès à la nationalité suisse.

Pour rappel, la révision totale de 2018 a introduit de nouvelles règles :

  • Désormais, seules les personnes titulaires d’une autorisation d’établissement (permis C) peuvent obtenir le passeport suisse.
  • La durée de séjour en Suisse doit désormais être de 10 ans au moins. Cette durée est certes moins longue que dans la loi précédente. Mais il s’agit en réalité d’un durcissement des conditions, étant donné que toutes les années de séjour légal ne sont plus prises en compte. Seules les années passées au bénéfice d’un permis B ou C, et dans quelques cas aussi le permis F, sont comptabilisés, rendant plus difficile le parcours de naturalisation des personnes concernées par l’asile.
  • Une durée minimale dans le canton est également exigée (entre 2 et 5 ans).
  • De nouveaux critères dit d’intégration sont ajoutés : la preuve du respect des valeurs inscrites dans la constitution ; le casier judiciaire vierge ; un niveau minimal de maîtrise de la langue ; aucune aide sociale au cours des trois dernières années ou remboursement total de l’aide ; les conjoint·es, partenaires et enfants doivent également remplir ces mêmes conditions.

 

Conséquence de cette nouvelle règlementation : la proportion de personnes naturalisées hautement qualifiées est passée d’un tiers à près de deux tiers. La part des personnes naturalisées qui sont issues d’un pays de l’UE ou de l’AELE a elle-aussi sensiblement augmenté. Ainsi, la Commission s’interroge : « Nous dirigeons-nous vers une société qui applique une naturalisation à deux vitesses ? Souhaitons-nous vraiment que même des personnes qui vivent et travaillent en Suisse depuis longtemps n’aient aucune chance d’obtenir la nationalité suisse ? »

 

La nouvelle loi laisse aux cantons et aux communes des marges de manœuvre conséquentes non seulement dans la législation en matière de naturalisation ordinaire, mais aussi dans l’application des dispositions légales, notamment en ce qui a trait à l’évaluation de l’intégration. Par exemple, les cantons et les communes peuvent tenir compte de la situation des personnes qui, en raison d’un handicap ou d’une maladie, ou pour une autre raison personnelle majeure, ne remplissent pas ou remplissent difficilement les critères d’intégration. Toutefois, selon les auteur·rices de l’étude, cette disposition n’est pas systématiquement considérée, et les personnes concernées ne la connaissent souvent pas.

 

Il nous paraît ainsi essentiel d’interroger les pratiques vaudoises à l’aune de l’égalité de chances face à la naturalisation. J’ai ainsi l’honneur de poser les questions suivantes au Conseil d’Etat :

 

  1. Quelle est la proportion de personnes avec formation universitaire parmi celles naturalisées (naturalisation ordinaire) avant et après la révision de la loi fédérale dans le Canton de Vaud ?
  2. Quelle est la proportion de personnes avec provenant de l’UE et de l’AELE parmi celles naturalisées (naturalisation ordinaire), avant et après la révision de la loi fédérale dans le Canton de Vaud ?
  3. Quelles mesures le canton peut-il prendre, et effectivement prend-il, pour éviter une discrimination structurelle dans la naturalisation ordinaire, telle que décrite dans l’étude ?
  4. Comment le canton prend-il en compte des raisons personnelles majeures dans les demandes de naturalisation et quelles raisons sont considérées (par exemple handicap, maladie, illettrisme, illectronisme, violence au sein de la famille) ?
  5. Comment l’administration informe les personnes immigrées de la possibilité de prise en compte de raisons personnelles majeures dans l’évaluation de l’intégration en vue d’une naturalisation ordinaire ? 
  6. Quelle analyse porte le Conseil d’État sur les implications pour l’égalité de chances des nouvelles règles établies par la révision de la Loi fédérale sur la nationalité suisse en 2018, notamment quant à l’exigence d’un permis d’établissement, de la durée minimale de séjour, et des critères dits d’intégration?

 

 

[1]« La naturalisation ordinaire en Suisse. Effets de la nouvelle loi sur la nationalité suisse et pistes pour un système de naturalisation plus inclusif » : https://www.ekm.admin.ch/ekm/fr/home/dokumentation/studien.html

Conclusion

Souhaite développer

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Martine GerberVER
Eliane DesarzensSOC
Vincent BonvinVER
Laure JatonSOC
Laurent BalsigerSOC
Romain PilloudSOC
Isabelle FreymondIND
Guy GaudardPLR
Claude Nicole GrinVER
Sébastien CalaSOC
Sandra PasquierSOC
Pierre FonjallazVER
Cédric RotenSOC
Théophile SchenkerVER
Cendrine CachemailleSOC
Sébastien KesslerSOC
Cédric EchenardSOC
Oriane SarrasinSOC
Julien EggenbergerSOC
Patricia Spack IsenrichSOC
Thanh-My Tran-NhuSOC
Felix StürnerVER
Muriel ThalmannSOC
Pierre DessemontetSOC
Vincent JaquesSOC
Céline MisiegoEP
Monique RyfSOC
Yves PaccaudSOC
Géraldine DubuisVER
Nathalie JaccardVER
Sylvie Pittet BlanchetteSOC
Hadrien BuclinEP

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Carine Carvalho (SOC) —

La Commission fédérale pour les questions de migration a mandaté une étude pour analyser les effets de la révision de la Loi sur la nationalité suisse, en 2018. Cette étude, publiée en mai, révèle l’existence d’une discrimination structurelle et propose des solutions pour y remédier. L’étude montre que la révision a rendu la naturalisation ordinaire plus complexe et exclusive, en exigeant un permis C, une durée minimale de résidence dans le même canton et des critères d’intégration plus stricts. Résultat : parmi les naturalisés, nous voyons une forte surreprésentation de personnes hautement qualifiées et issues de l’Union européenne (UE) et de l’Association européenne de libre-échange (AELE). Nous sommes face à une naturalisation à deux vitesses. Il est inadmissible que des personnes qui vivent et travaillent en Suisse depuis longtemps soient exclues de la citoyenneté en fonction de leur porte-monnaie. Les cantons et les communes ont une marge de manœuvre dans l’application de la loi, mais cette flexibilité est souvent méconnue et sous-utilisée, notamment pour les personnes étant dans une situation personnelle de handicap, de maladie, d’illettrisme, d’illectronisme, ou qui connaissent une situation de violence au sein de la famille. Il est essentiel de scruter les pratiques vaudoises en matière de naturalisation pour garantir une égalité des chances. 

Ainsi, j’interroge le Conseil d’Etat sur la proportion des personnes naturalisées avec une formation universitaire, la part de personnes venant de l’UE et de l’AELE, les mesures prises pour éviter la discrimination structurelle, la prise en compte des raisons personnelles majeures dans l’évaluation de l’intégration et l’information des personnes immigrées. Je demande aussi le positionnement du Conseil d’Etat à propos des critères plus stricts pour la naturalisation introduits par la loi 2018 et leur impact sur la population vaudoise.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

L’interpellation est renvoyée au Conseil d’Etat qui y répondra dans un délai de trois mois. 

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