22_REP_1 - Réponse du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur l' Interpellation Julien Eggenberger et consorts - L'encadrement pour les mineurs non-accompagnés relevant du droit d'asile est-il adapté ? (15_INT_464).

Séance du Grand Conseil du mardi 5 avril 2022, point 27 de l'ordre du jour

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M. Julien Eggenberger (SOC) —

Entre 2015 – année du dépôt de cette interpellation et son traitement 6 mois plus tard – et 2022, un certain nombre de choses se sont passées. Je remercie le Conseil d'Etat d’avoir attendu mon retour dans les travées pour me répondre ! La situation presque chaotique de l’époque est heureusement révolue et une consolidation significative a eu lieu, dont certains éléments de base, comme des repas adaptés, des habits chauds, la présence de personnel éducatif 7 jours par semaine : des réalités aujourd'hui concrètes ; et c’est très bien ainsi. L’implication plus forte de la Direction générale de l’enfance et de la jeunesse (DGEJ) et une transformation des foyers pour mineur-e-s non accompagné-e-s (MNA) pour un projet éducatif cohérent permettent une amélioration indubitable dans l’intérêt des enfants. Il a certes fallu de la patience, mais la réponse est suffisamment satisfaisante et complète pour que je ne tienne pas rigueur au Conseil d'Etat et que je lui adresse plutôt mes remerciements. Je profite de l’occasion de la présence du conseiller d’Etat pour lui demander si le dispositif décrit dans la réponse à cette interpellation est en mesure de faire face aux défis actuels, c’est-à-dire l’accueil de jeunes mineurs non accompagnés fuyant la guerre en Ukraine, mais aussi les autres théâtres de conflit.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Philippe Leuba — Conseiller-ère d’Etat

Je réponds volontiers dans la mesure du possible à votre question. En effet, la situation qui résulte des flux migratoires en provenance d’Ukraine est particulièrement instable ; ce qui est vrai aujourd'hui ne l’est pas forcément demain. Ainsi, j’aimerais que mes propos s’inscrivent dans cette incertitude dont on ne peut faire le procès à l’administration cantonale ou aux autorités, car cela résulte de la situation géopolitique et de critères qui assurément lui échappent. Pour l’instant, nous faisons face aux flux migratoires qui arrivent, fuyant le conflit. Nous faisons en sorte que les MNA soient pris en charge le mieux possible. Notre dispositif doit évidemment s’adapter aux circonstances et, dit un peu brutalement, à l’impossible nul n’est tenu. Il faut bien comprendre que nous faisons face à un flux migratoire sans précédent, non seulement compte tenu de son ampleur, mais aussi de la « typologie » des populations arrivantes, avec des proportions de femmes et d’enfants très importantes, des caractéristiques que nous n’avons jamais connues dans les flux migratoires précédents, qu’il s’agisse de la crise des Balkans, de la Syrie, de l’Afghanistan ou du Printemps arabe, pour prendre quelques-unes des crises migratoires précédentes. Ainsi, cette crise migratoire admet une spécificité à la fois sur l’ampleur des gens déplacés à l’intérieur même de l’Europe – une caractéristique inconnue de nous hormis pendant la crise balkanique – et la proportion très importante de femmes et d’enfants en bas âge et à scolariser qui pose de sérieux défis, notamment au département de Mme Amarelle, qui doit veiller à un enclassement très important.

Pour prendre un exemple, une proportion d’approximativement 60 à 80 Ukrainiens est attribuée au canton de Vaud par jour, sept jours par semaine et, parmi eux, 25 à 30 sont en âge de scolarité. Cela signifie que pour faire face à cela, nous devrions ouvrir une nouvelle classe par jour : voilà l’ampleur du défi. Le scénario privilégié aujourd'hui par la Confédération équivaut à approximativement 60'000 réfugiés ukrainiens en Suisse, dont nous hébergeons à peu près 10 %, c’est-à-dire grosso modo 6000. Cela signifie que nous devrions doubler la capacité actuelle de l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM). Aujourd'hui, l’EVAM prend en charge à peu près 5500 personnes issues de tout le flux migratoire d’Afrique, d’Asie, etc. Dans un temps extrêmement bref, nous devrions doubler la capacité de prise en charge de l’EVAM. Ainsi, d’abord, l’extrême solidarité dont font preuve les Vaudoises et les Vaudois est à saluer, tout comme l’hébergement par des particuliers aujourd'hui indispensable. Le Conseil d’Etat a désigné une délégation composée de Mme Ruiz, Mme Métraux, et que j’ai l’honneur de présider. Nous siégeons approximativement une fois par semaine sur la question ukrainienne pour en gérer les aspects migratoires – je laisse de côté l’aspect des sanctions économiques. Faire face à ces flux migratoires constitue un travail titanesque. En termes de prise en charge des enfants, notamment des MNA, les normes – sans vouloir dire « de beau temps » – peuvent être pleinement appliquées dans le cadre d’une situation relativement stable. En revanche, lorsqu’on affronte le cœur de la crise, il faut faire avec les moyens du bord, même si la volonté du Conseil d'Etat consiste évidemment à faire face dans toute la mesure du possible à ces flux migratoires. Cependant, le Grand Conseil doit comprendre qu’il y a forcément un temps d’adaptation entre le début de la crise et la politique qui doit s’inscrire dans la durée. Ce d’autant plus qu’il s’agit de l’une des caractéristiques de la migration en provenance d’Ukraine : ce sont des gens qui veulent rentrer dans leur pays, pour autant, à l’évidence, que la situation ukrainienne soit admissible à leurs yeux, c’est-à-dire que la paix revienne et que le gouvernement ukrainien fournisse des garanties en matière de liberté individuelle et de respect des minorités ou des différentes strates de la population ukrainienne.

Ainsi, jusqu’où faut-il développer l’intégration en Suisse, lorsqu’on a une population qui veut retourner dans son pays ? Ce n’est pas une question évidente, ce d’autant plus, assurément, qu’en 1968, les Tchèques – ou les Hongrois en 1956 – voulaient rentrer dans leur pays, chose qu’ils n’ont jamais pu faire pour les raisons que vous connaissez. Ainsi, ils sont restés ici parfois 40 ou 50 ans. Il faut par conséquent se poser une question stratégique : quelle politique d’intégration mettons-nous en place face à une population qui, encore une fois, n’a qu’un souhait : rentrer dans son pays ? Il s’agit de familles éclatées par la guerre, puisque généralement le mari ou le père est resté en Ukraine pour se battre. La situation est par conséquent particulière. Monsieur le député, vous me pardonnerez la longueur de ma réponse ; elle résulte de l’intérêt, de la préoccupation et de l’engagement du Conseil d'Etat pour faire face à un défi migratoire et à une crise humanitaire absolument considérable. De nombreux départements et l’EVAM travaillent nuit et jour à la prise en charge de cette population.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est close.

Ce point de l'ordre du jour est traité.

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