24_HQU_24 - Question orale Hadrien Buclin - La Suisse condamnée en raison de profilage racial, quelles conséquences ?.
Séance du Grand Conseil du mardi 12 mars 2024, point 3.6 de l'ordre du jour
Texte déposé
La Cour européenne des droits de l’homme, dans un arrêt du 20 février, vient de condamner la Suisse pour un cas de contrôle policier discriminatoire. Selon l’arrêt, « les États parties ont l’obligation de prendre activement des mesures pour mettre fin à la discrimination qui provient de leurs lois, de leurs politiques et de leurs institutions. » Ils « doivent également veiller à disposer dans leur ordre juridique interne de mécanismes appropriés et efficaces qui permettent de dénoncer les cas de profilage racial et de mettre fin à cette pratique ». L’arrêt considère en outre que « la formation des agents de police suisses [est] insuffisante à prévenir de manière effective tout racisme et tout profilage racial de leur part ». Comment le Conseil d’État entend-il donner suite à cet arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme ?
Transcriptions
Question orale Hadrien Buclin – La Suisse condamnée en raison de profilage racial, quelles conséquences ? (24_HQU_24)
La Cour européenne des droits de l’Homme, dans un arrêt du 20 février, vient de condamner la Suisse pour un cas de contrôle policier discriminatoire. Selon l’arrêt, « les Etats parties ont l’obligation de prendre activement des mesures pour mettre fin à la discrimination qui provient de leurs lois, de leurs politiques et de leurs institutions. » Ils « doivent également veiller à disposer dans leur ordre juridique interne de mécanismes appropriés et efficaces qui permettent de dénoncer les cas de profilage racial et de mettre fin à cette pratique ». L’arrêt considère en outre que « la formation des agents de police suisses [est] insuffisante à prévenir de manière effective tout racisme et tout profilage racial de leur part ». Comment le Conseil d’Etat entend-il donner suite à cet arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme ?
Dans l'établissement de ses directives, de sa formation et dans l'exercice de sa mission au quotidien, la Police cantonale tient compte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme. Un plan d'action et de lutte contre les discriminations, composé de plusieurs axes, a été mis en place depuis plusieurs années. Il repose principalement sur la formation, tant la formation de base que la formation continue du personnel policier ainsi que sur le développement de projets avec les partenaires institutionnels et associatifs.
Sur le plan de la formation de base et continue du personnel policier vaudois, lors de la première année de formation de base obligatoire de l'Académie de police de Savatan, les thématiques de profilage racial et des compétences transculturelles y sont abordées par les experts en police de proximité, mais également dans les cours relatifs à la psychologie policière, aux droits et à l'éthique policière et l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) participe activement à cette formation. En deuxième année de formation de base, les policiers et policières en formation vaudoise sont astreints à deux journées complètes dédiées aux discriminations, aux motifs de l'origine, de l'orientation sexuelle et affective ainsi que du genre. Ces thématiques sont abordées de manière collaborative avec des partenaires, notamment l'OSAR et le Bureau cantonal pour l'intégration des étrangers et la prévention du racisme, des policiers expérimentés viennent également dispenser des cours.
S'agissant de la formation continue, une formation multi-modules sur les questions de société ainsi que deux modules d'une journée sont proposés pour les questions de discrimination raciale et sur la discrimination de genre et LGBT. L'Institut suisse de police dispense également deux journées de formation continue dans le cadre d'un cours spécifiquement orienté sur la migration et la discrimination raciale. Enfin, dans le cadre de la formation du niveau officier/officière, ces enjeux sont abordés durant le CAS, avec une semaine consacrée notamment aux thématiques de société et par conséquent aux discriminations, aux motifs de l'origine ethnique et LGBT. Toutes ces formations sont revues chaque année afin de les adapter aux évolutions légales et jurisprudentielles et à la réalité du terrain. Un soin particulier est apporté à construire et à dispenser les formations en collaboration avec les personnes concernées par les thématiques traitées, c'est-à-dire les associations de défense des minorités ethniques ou les communautés étrangères.
L'autre volet principal du plan d'action de lutte contre les discriminations porte sur la mise sur pied de projets avec les partenaires institutionnels et associatifs dans le cadre de la politique de lutte contre le racisme et les discriminations. Le Bureau cantonal pour l'intégration des étrangers et la prévention du racisme (BCI) ainsi que la Police cantonale vaudoise ont créé une plateforme visant à promouvoir les échanges entre les institutions et les communautés étrangères actives dans le canton de Vaud. Cette plateforme a été lancée en mars 2022, à l'occasion de la Semaine d'action contre le racisme. Elle est présidée par le BCI et la Police cantonale. Elle a pour but de garantir une représentation aussi large et pertinente que possible des communautés étrangères établies dans le canton et de créer un lien entre elles, l'administration cantonale et les autorités policières. Elle vise ainsi à instaurer une meilleure compréhension mutuelle des enjeux propres à chaque partenaire. Grâce à leur ancrage sur le terrain et leur expérience au contact des bénéficiaires, les membres de la plateforme sont ainsi appelés à remplir un rôle prépondérant en faveur du renforcement des liens sociaux.
Pour répondre aux attentes des membres et remplir les objectifs fixés, trois mesures seront mises en œuvre. Elles sont en cours d'opérationnalisation depuis janvier 2024 et elles courent jusqu'à la fin de la législature : premièrement il y a l'organisation d'échanges entre associations, quartiers et police ; deuxièmement, la communication sur les actions mises en œuvre par la police pour lutter contre le racisme avec le lancement d'un forum d'échange sur la prévention du racisme ; et troisièmement, la production d'une brochure à l'intention de la population intitulée « Droits et devoirs lors d'un contrôle de police » traduite en plusieurs langues ainsi qu'une pocket card pour le personnel policier sur le même sujet.
Enfin, et pour conclure, des informations sont à disposition de la population avec notamment des pages dédiées sur le site de la police, des campagnes de prévention ou des brochures. Les personnes concernées par les diverses formes de discrimination ont accès à des publications traitant du sujet. À titre d'exemple, on peut citer la brochure « Police et droits LGBT ». A noter également que la Police cantonale dispose d'une division doléances qui permet à tout un chacun de faire état de problèmes ou litiges rencontrés avec la police. Le traitement vise, d'une part, à comprendre le déroulement complet de la prise en charge, notamment par le biais d'une détermination précise du policier mis en cause et, d'autre part, à permettre au citoyen d'exposer son cas. Les résultats permettent d'adapter la pratique lorsqu'il est détecté que la prise en charge était perfectible ou inadéquate. Lorsque la situation le justifie, des sanctions disciplinaires, voire une dénonciation pénale peuvent intervenir. Le Conseil d'Etat réaffirme ainsi sa volonté de lutter contre toutes les formes de discrimination, dont le racisme, et soutient les nombreuses mesures mises en place par la Police cantonale et ses partenaires.
Parmi les pratiques recommandées par les associations qui luttent contre les discriminations, il y a une pratique qui a déjà été mise en œuvre dans certains pays comme la Grande-Bretagne : l'idée d'un reçu ou d'un récépissé lors d’un contrôle policier indiquant le motif du contrôle et visant à éviter les contrôles à répétition et à caractère discriminatoire. Est-ce que le Conseil d'Etat a envisagé d'explorer cette solution ?
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