22_POS_16 - Postulat Elodie Lopez et consorts - Pour que l’Unil rende honneur au Professeur Jean Wintsch et révoque le doctorat honoris causas à Mussolini (Développement et demande de renvoi à commission avec au moins 20 signatures).

Séance du Grand Conseil du mardi 29 mars 2022, point 4 de l'ordre du jour

Texte déposé

Lors de l’exposition sur l’histoire de l’immigration italienne qui s’est tenue au Musée historique de Lausanne jusqu’en début d’année, les visiteurs et visiteuses ont pu se confronter à une copie du doctorat honoris causas ès sciences sociales et politiques décerné à Benito Mussolini par l’Université de Lausanne en 1937.

 

A cette occasion, nous, citoyens et citoyennes vaudoises, politiciens et politiciennes, membres de la communauté vaudoise ou issu·e·s de communautés ayant historiquement vécu le fascisme, avons pu nous rappeler comment le duce a été honoré “pour avoir conçu et réalisé dans sa patrie une organisation sociale qui a enrichi la science sociologique et qui laissera dans l’histoire une trace profonde”. Un honneur soutenu par le rectorat de l’Université de Lausanne et le Conseil d’État de l’époque, témoignage d’une sympathie à ce régime dépassant largement les bancs de l’institution universitaire incluant, entre autres, les autorités vaudoises. Seul Jean Wintsch, professeur de psychologie appliquée, s’oppose à ce que le Conseil de l’École des sciences sociales et politiques propose à la Commission universitaire de décerner ce titre honorifique à Mussolini.

 

Alors, le régime fasciste existe depuis 17 ans. Il est marqué par la destruction de la démocratie représentative, la répression des oppositions politiques et la violence politique. En novembre 1936, le régime fasciste italien scelle une alliance avec le nazisme, connue sous le nom d’Axe Rome-Berlin. En mars 1937,  l’armée italienne a déjà fait d’horribles ravages en Ethiopie (usage massif de gaz de combat, massacres de la population, entre autres). Et ce n’est là que l’une des nombreuses manifestations d’un fascisme européen qui a fait de nombreuses victimes, laissant cyniquement  – comme le prédisait les mentions accompagnant le titre – une trace profonde dans l’histoire.

 

A l’approche du centenaire de l'arrivée de Mussolini au pouvoir en Italie, il serait ainsi grand temps de discuter de la révocation de ce titre honorifique, comme le demandent de nombreux comités issus de la société civile depuis plusieurs années. En l’accompagnant, par exemple, d’une plaque commémorative pour maintenir ces épisodes dans le débat démocratique et dans la mémoire collective. Il serait également temps de saluer le geste de Jean Wintsch, professeur de psychologie appliquée à l’École des sciences sociales et politiques, qui s’est opposé dans une grande solitude à ce que cet honneur soit remis au dictateur fasciste.


 

Ces propositions n’entendent pas effacer une décision regrettable de l’Université de Lausanne, ni censurer une partie de notre histoire. Au contraire, il s’agit plutôt de la réévoquer pour saisir le contexte politique qui l’a rendue possible. Pour appréhender aussi ce qui nous précède afin de mieux comprendre d’où nous venons. Et surtout, pour saisir dans quelle société nous évoluons aujourd’hui et quelles sont les valeurs que nous partageons. En somme, il s’agit bien-là d’ajouter une ligne et de continuer à l’écrire pour nous permettre de savoir où nous sommes et où nous allons.

 

Pour ces raisons, ce postulat demande au Conseil d’État d'étudier l'opportunité de:

-  demander à l'Université de Lausanne de révoquer le doctorat honoris causas attribué à Benito Mussolini en 1937 en faisant en sorte de maintenir ses différentes positions dans la mémoire collective (avec une plaque mémorative, par exemple),

- et rendre honneur au Professeur Jean Wintsch qui s’est opposé à cette attribution.

 


 

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Valérie InduniSOC
Didier LohriVER
Blaise VionnetV'L
Pierre ZwahlenVER
Delphine ProbstSOC
Sylvie PodioVER
Yves PaccaudSOC
Stéphane MontangeroSOC
Marc VuilleumierEP
Maurice Mischler
Yannick MauryVER
Cédric EchenardSOC
Muriel Cuendet SchmidtSOC
Céline MisiegoEP
Felix StürnerVER
Hadrien BuclinEP
Taraneh AminianEP
Vincent KellerEP
Vincent JaquesSOC
Carine CarvalhoSOC

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Elodie Lopez (EP) —

Le postulat que j’ai déposé concerne notre mémoire collective vaudoise. Il invite le Conseil d’Etat à demander à l’Université de Lausanne de révoquer le doctorat honoris causa attribué à Benito Mussolini en 1937, en faisant en sorte de maintenir ses positions dans la mémoire collective, avec une plaque commémorative, par exemple. En même temps, il l’invite à demander qu’un honneur soit rendu au professeur Jean Wintsch dont vous n’avez probablement jamais entendu le nom, mais qui sera maintenant retenu – je l’espère. A l’époque, ce professeur s’est opposé à cette attribution.

Pourquoi aujourd’hui, alors que nous approchons du centenaire de l’arrivée de Mussolini au pouvoir en Italie ? Si les horreurs du XXe siècle sont derrière nous, les conditions nouvelles de leurs réalisations n’en sont pas moins proches. Nous n’en avons pas fini avec l’extrême droite, en Suisse comme ailleurs, à l’heure où des mouvements ouvertement néonazis profitent de mobilisations, par exemple contre le pass sanitaire, pour faire entendre leur voix, pour occuper un espace politique public ou pour signer des tags menaçant de mort des militantes politiques. L’autonomie de la recherche et de l’enseignement est remise en cause dans de nombreux pays et il faut se rappeler qu’en 1937, d’ailleurs, l’Université de Lausanne venait de recevoir des chercheurs italiens dont les travaux étaient mis en difficulté par le régime de Mussolini, contribuant à la vague d’incompréhension qui s’est propagée, à cette époque, dès lors que la décision a été rendue publique.

Et encore pourquoi aujourd’hui ? Parce qu’il est bon, aussi, de se rappeler qu’il est plus que nécessaire de rendre justice et mémoire aux résistantes et résistants, aux minorités qui ont tenté de faire entendre leur voix, qui se sont opposés, parfois dans une grande solitude et avec courage. Dans ce geste et ces propositions, il est bien de viser à étoffer notre histoire en l’enrichissant d’une ligne supplémentaire, que nous proposons aujourd’hui avec ce postulat. Je vous remercie d’avance pour l’accueil que vous lui réserverez et me réjouis d’en discuter en commission.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

Le postulat, cosigné par au moins 20 membres, est renvoyé à l’examen d’une commission.

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