RAP_676045 - Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur le Postulat Véronique Hurni et consorts - Soins de logopédie - pas d'attente pour nos enfants .
Séance du Grand Conseil du mardi 12 septembre 2023, point 11 de l'ordre du jour
Documents
- Texte adopté par CE - Rap-CE POS Hurni 14_POS_071 - publié
- Rapport de la commission - RAP_676045 - Claire Attinger Doepper
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourCertains sujets évoluent, mais tout en restant présents, actuels et préoccupants pour bien des familles concernées, peinent à obtenir des réponses de la part du Conseil d’Etat. Dix ans pour obtenir une réponse à un postulat déposé en 2013 et intitulé « Soins de logopédie, pas d’attente pour nos enfants » c’est quand même long, même si, en parallèle, des modifications de loi étaient en cours.
La commission s’est réunie l’an dernier pour étudier la réponse du Conseil d’Etat au texte déposé par Mme Hurni qui demandait de garantir un accès à des traitements logopédiques de qualité pour tous les enfants et jeunes adultes du canton. Le temps pris par le département pour cette réponse se justifie, du fait que la Loi sur la pédagogie spécialisée (LPS) a été adoptée en 2015 et que son entrée en vigueur date de 2019. Bien entendu, des choses ont évolué entre le moment où notre ex-collègue a déposé son texte, l’entrée en vigueur de la loi et le moment où la réponse du département a été donnée, évidemment.
Le contexte dans lequel la logopédie s’exerce aujourd’hui a été présenté par le département durant notre séance et dans la réponse du Conseil d’Etat, notamment sur le plan de la recherche et de l’observation des situations, mais aussi sur le plan de la description des troubles qui ont considérablement évolué ces dernières années. Dans le canton de Vaud, l’accès à la logopédie se fait via deux prestataires possibles : un prestataire étatique, via les services de psychologie, de psychomotricité et de logopédie en milieu scolaire – les fameux PPLS – et les logopédistes indépendants qui sont devenus conventionnés avec la LPS. Cela a permis une meilleure répartition des services de logopédie sur l’ensemble du canton et de travailler sur des prestations similaires pour les deux types d’intervenants.
La LPS a permis de mettre en place un accès unique via les huit services régionaux répartis dans le canton. Pour répondre aux questions posées dans le postulat, le département nous a expliqué concrètement comment accéder à ces services. Le temps d’attente va de quelques jours à un an et dépend des spécificités listées comme pouvant être représentées par la région, du type de besoin, de la charge et du nombre de demandes. Ensuite, les parents sont contactés dans les 15 jours suivant leur demande dans le cadre de l’évaluation préliminaire. Sur la base de ces renseignements, dans certains cas, il est possible de passer directement à des prestations – une guidance parentale notamment. Si la difficulté nécessite un bilan, d’autres mesures sont mises en place, ce qui va prendre plus de temps.
D’autres éléments participent à l’embouteillage des services proposés, comme le nombre insuffisant de logopédistes. Cette pénurie de professionnels est, semble-t-il, liée à la longueur de la formation. En une année, seuls 24 logopédistes sont formés. Enfin, les places de stage sont insuffisantes, bien qu’elles soient indispensables et nécessaires à la formation. Rappelons ici que toutes les prestations effectuées dans le cadre de l’école ont pour objectif de permettre à l’enfant de poursuivre ses apprentissages. Il faut ainsi obtenir la reconnaissance d’une carence éducative pour pouvoir imposer un suivi. Cela peut être mis en œuvre sur décision d’une commission spécialisée dans des situations extrêmes, lorsque l’ensemble du réseau est d’accord sur une procédure d’évaluation standardisée.
Côté budgétaire, en 2007, la logopédie indépendante coûtait 11 millions. En 2022, le budget a atteint 18 millions. En parallèle, on dispose de 150 logopédistes d’Etat pour environ 100 EPT, avec un coût de 10 millions. Présenté comme une amélioration, par le département, pour mieux connaître la problématique des soins mis en œuvre, un outil de gestion des élèves au bénéfice de mesures PPLS a été adopté. A terme, le logiciel permettra d’avoir une vision plus claire sur les enjeux. Pour vous rendre compte du nombre d’enfants et de jeunes concernés par les services des PPLS, voici quelques données chiffrées : 3723 enfants ont un dossier ouvert en logopédie scolaire au 1er septembre 2022 et 5247 en logopédie indépendante conventionnée. A cela, il faut ajouter les tranches d’âge allant de quelques mois à 4 ans et celles de 16 à 20 ans pour avoir une vision d’ensemble. Au total, quelque 12’000 enfants et jeunes sont concernés. Finalement, par 9 voix et 1 abstention, les membres de la commission vous recommandent d’accepter le rapport du Conseil d’Etat.
La discussion est ouverte.
Tout d’abord, je déclare mes intérêts : ma femme est logopédiste. Je déclare aussi un fait intéressant qui n’est pas un intérêt : enfant, j’étais dyslexique. Il s’agit donc d’une thématique dont nous discutons régulièrement à la maison.
Cela a été relevé par notre collègue Attinger Doepper, mettre dix ans pour traiter d’un postulat qui porte justement sur une question d’attente, ce n’est pas acceptable. Bien sûr, il y a eu des explications – notamment la nouvelle LPS – mais une décennie pour traiter d’une urgence, c’est tout de même long. Cela a également été dit, beaucoup de choses ont été mises en place pendant ce laps de temps. Je vous rappelle néanmoins le titre de cette motion transformée en postulat : « Pas d’attente pour nos enfants ». Aujourd’hui, je ne vois malheureusement pas encore le fruit de ce travail. D’après mes informations, il semblerait qu’il y ait toujours beaucoup d’attente pour les enfants avant d’obtenir un traitement logopédique.
J’aimerais remercier le conseiller d’Etat d’être venu en séance de commission avec des chiffres. En effet, j’ai été étonné de constater l’absence de chiffre dans le rapport de l’ancien conseiller d’Etat. Nous ne savons pas encore tout et certaines questions restent ouvertes : par exemple, d’où viennent les enfants en attente de traitement ? J’espère que le nouveau système informatique de gestion des mesures – en cours de mise en œuvre – permettra de nous donner quelques chiffres supplémentaires, tout comme le nouveau système de centralisation des listes d’attente dans les PPLS qui est opérationnel depuis quelques mois. J’encourage le Conseil d’Etat à nous transmettre ces chiffres lorsqu’ils seront en sa possession. Je ne serais pas étonné qu’ils révèlent aussi un manque de moyens dans la logopédie et pas seulement un manque de logopédistes, comme cela a été relevé par notre collègue tout à l’heure. Pour toutes ces raisons, je m’étais abstenu lors du vote en commission et je vous encourage à faire de même.
Je me permets de prendre la parole pour relayer des points de vue de terrain qui m’ont été rapportés, en particulier sur deux aspects. Comme cela a été mentionné, nous connaissons actuellement une pénurie de professionnels. Or, il semblerait que les conventions mises en place ont aussi eu pour effet de réduire l’attrait et le sens du métier. Des logopédistes estiment n’avoir pas assez de temps pour traiter correctement les problèmes des enfants et pour les accompagner de manière efficace. Ces modifications ont aussi indirectement un effet sur le salaire des professionnels. Apparemment, certaines professionnelles ont préféré cesser leur activité plutôt que de se conventionner, ce qui est une conséquence d’autant plus regrettable dans un contexte de pénurie de professionnels.
Je voulais aussi relever le fait que, comme cela figure dans le rapport de la commission, toutes les prestations effectuées dans le cadre de l’école ont pour objectif de permettre à l’enfant de continuer ses apprentissages. Si un enfant souffre d’autres troubles, par exemple des problèmes de prononciation qui ne sont pas susceptibles d’avoir un impact sur ses apprentissages, une prise en charge peut être exclue. Or, ces problèmes peuvent avoir un effet à long terme, y compris sur une carrière professionnelle. Si le problème n’est pas pris en charge par le service de logopédie scolaire, il est fort probable qu’il ne soit pas du tout soigné. Encore une fois, cela est regrettable. Comme mon préopinant, je suis inquiète de la situation, mais comme refuser ce rapport n’aura pas d’effet intéressant, je vais aussi m’abstenir et je vous encourage à faire de même.
Les prises en charge en logopédie sont essentielles pour permettre à de nombreux enfants de continuer à développer leurs apprentissages. Le rapport du Conseil d’Etat met en lumière l’évolution des prises en charge et le développement des liens entre les logopédistes scolaires et les logopédistes indépendantes conventionnées. Ce dernier point est essentiel pour répondre à l’ensemble des demandes dans des temps convenables, ainsi que pour répondre aux spécificités de chaque besoin. L’outil de gestion des mesures individuelles sera également bénéfique, et permettra d’accéder à une vision plus claire des enjeux et à une meilleure planification des ressources. Le groupe PLR remarque l’attention que le Conseil d’Etat et ses services portent à l’amélioration constante des soins de logopédie ainsi qu’à la réduction du temps d’attente des prises en charge. En conclusion, le groupe PLR acceptera le rapport du Conseil d’Etat et vous invite à faire de même.
Je ne vais pas revenir sur ce qui figure dans le rapport ni sur les éléments complémentaires apportés et relevés par l’un de mes préopinants. Je reconnais qu’il est compliqué de traiter de manière contemporaine un dossier d’une dizaine d’années et comprends vos mécontentements. D’un autre côté, l’appréciation que vous devez avoir de cette réponse est liée à ce qui se passait il y a dix ans – et non à ce qui se passe aujourd’hui. L’appréciation de cette réponse n’est pas liée à des éléments dont vous avez entendu parler récemment et qui pourraient vous conduire à refuser ou à vous abstenir lors du vote.
Lors de la rentrée scolaire, nous avons annoncé des mesures supplémentaires. Pour autant que vous les acceptiez lors de l’examen du budget de l’année prochaine, il y aura des mesures complémentaires et les temps d’attente devraient diminuer ; nous le voulons absolument. Ces mesures devraient vraisemblablement se déployer sur deux ans, peut-être jusqu’en 2025.
Les choses ont tellement évolué ces dernières années qu’il est très difficile d’apporter une réponse. J’ai tenté de le faire en commission, mais je vois que c’est insuffisant pour certains d’entre vous. Il est très difficile d’apporter une réponse, parce qu’il s’agit d’un domaine en constante évolution. Je vous invite plutôt à observer ce qui se passe ainsi que les changements, en espérant que nous pourrons tirer un bilan d’ici deux à trois ans sur les treize dernières années. C’est ce que je vous invite à faire, parce que ce qu’il s’agit de situations difficiles à gérer. Déterminer s’il y a assez de professionnels à disposition n’est pas une science exacte. Nous sommes tributaires du nombre de personnes formées et qui obtiennent annuellement un diplôme. Nous sommes aussi tributaires de la demande et de l’endroit où ces personnes ont envie de travailler. Je voulais attirer votre attention sur la complexité dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui, mais aussi sur les évolutions en train d’être mises en place.
Retour à l'ordre du jourLa discussion est close.
Le rapport du Conseil d’Etat est approuvé avec de nombreuses abstentions.