20_INI_1 - Initiative Dylan Karlen et consorts - Pour un juste équilibre politique dans nos exécutifs ! Pour des exécutifs cantonal et communaux élus au scrutin de représentation proportionnelle !.
Séance du Grand Conseil du mardi 4 avril 2023, point 16 de l'ordre du jour
Texte déposé
MODIFICATION DE LA CONSTITUTION :
Conseil d’Etat
Texte actuel
Art. 114 - Modes d’élection
1 Les membres du Conseil d’État sont élus par le corps électoral en même temps que les membres du Grand Conseil.
2 L’élection se déroule selon le système majoritaire à deux tours.
Texte proposé
Art. 114 - Modes d’élection
1sans changement
2 L’élection se déroule selon le système proportionnel.
Municipalités
Texte actuel
Art. 149 - Election et révocation
1 Les membres de la municipalité sont élus directement par le corps électoral selon le système majoritaire à deux tours.
2 La syndique ou le syndic, choisi parmi les membres de la municipalité, est élu par le corps électoral selon le même système, au plus tard un mois après l’élection de la municipalité. Son élection peut être tacite.
3 La loi prévoit les cas et la procédure de révocation des membres de la municipalité.
Texte proposé
Art. 149 - Election et révocation
1 Dans les communes de 3'000 habitants et plus, les membres de la municipalité sont élus directement par le corps électoral selon le système proportionnel.
1bis Dans les communes de moins de 3'000 habitants, les membres de la municipalité sont élus directement par le corps électoral selon le système majoritaire à deux tours. La loi prévoit une dérogation.
2 La syndique ou le syndic, choisi parmi les membres de la municipalité, est élu par le corps électoral au système majoritaire à deux tours, au plus tard un mois après l’élection de la municipalité. Son élection peut être tacite.
3sans changement
COMMENTAIRE
Rechercher un équilibre
En 2011, le peuple vaudois a accepté à plus de 60% la généralisation de l’emploi du scrutin proportionnel pour l’élection des conseils communaux des communes de 3'000 habitants et plus. Les arguments principaux portaient sur le déverrouillage de l’accès à certains conseils communaux, principalement dû au scrutin majoritaire, et sur une meilleure représentation des citoyens et des partis politiques.
Si la recherche d’un équilibre entre les forces politiques - soit l’emploi du scrutin proportionnel - n’est plus contestée pour l’élection des organes délibérants des grandes communes, pourquoi ne serait-elle pas envisagée pour l’élection de nos exécutifs ?
Renforcer la concordance
Notre modèle institutionnel est basé sur le régime de la concordance. Ce principe prévoit que les forces politiques soient représentées à leur juste valeur au sein des différentes instances, en particulier les exécutifs. On constate que l’actuel scrutin majoritaire à deux tours produit bien souvent des résultats biaisés dans la composition des exécutifs, sur-représentant ou sous-représentant certains partis.
Le tableau suivant fait état des écarts de sièges provoqués par le scrutin majoritaire à deux tours au sein des exécutifs de quelques principales communes vaudoises par rapport à la force effective des partis ou listes (source : élections communales 2016):
Communes Sièges exécutifs Sièges non représentatifs* Erreur de représentativité en %
Epalinges 5 3 60.0
Savigny 5 3 60.0
Blonay 5 2 40.0
La Tour-de-Peilz 5 2 40.0
Pully 5 2 40.0
Vallorbe 5 2 40.0
Conseil d’Etat VD 7 2 28.6
Lausanne 7 2 28.6
Morges 7 2 28.6
Nyon 7 2 28.6
Renens 7 2 28.6
Aigle 5 1 20.0
Orbe 5 1 20.0
Payerne 5 1 20.0
Rolle 5 1 20.0
Vevey 5 1 20.0
Avenches 7 1 14.3
Bex 7 1 14.3
Ecublens 7 1 14.3
Gland 7 1 14.3
Montreux 7 1 14.3
Moudon 7 1 14.3
Ollon 7 1 14.3
Yverdon-les-Bains 7 1 14.3
* Il s’agit du nombre de sièges, au sein de l’exécutif, qui devrait être attribué à une autre liste / parti pour aboutir à une représentation des sièges proportionnelle aux votes.
On constate qu’il est bien rare de disposer d’exécutifs qui reflètent fidèlement les rapports de forces électoraux, bien au contraire. On remarque que dans la plupart des exécutifs, un seul siège « mal attribué » constitue à lui seul une erreur de représentativité de 14.3 % (1/7). En outre, ces mauvaises attributions de sièges peuvent s’aggraver (ou se corriger) à l’occasion d’élections complémentaires. Il n’existe donc pas de garantie d’une stabilité politique tout au long de la législature.
Scrutin reconnu et largement pratiqué en Suisse
Plusieurs cantons, comme Fribourg, le Valais ou le Tessin, pratiquent à satisfaction l’usage du scrutin proportionnel pour l’élection des exécutifs communaux, le Tessin élisant en plus son Conseil d’Etat selon ce modèle. A ce jour, il est difficile de trouver des exemples de dysfonctionnement de ce mode de scrutin, tant la légitimité des élus et des listes représentées est forte. Les Vaudoises et les Vaudois auraient tort de s’en priver.
Les électeurs renforcés
Pour l’électeur, le choix est double : il peut voter pour une liste, mais aussi pour les candidats de cette liste ou d’autres listes. De plus, les citoyens qui pratiquent le panachage sur une liste manuscrite et composent ainsi leur exécutif idéal seraient pleinement entendus. Les logiques de votes tactiques, d’alliances arithmétiques et de votes utiles deviendraient caduques. Ce mode de scrutin n’enlève en rien la possibilité pour l’électeur de voter pour des personnes plus que pour des listes ou des partis.
Pas d’élections complémentaires : stabilité et économies
L’adoption de ce mode de scrutin permettrait d’assurer une continuité de la représentation politique au sein des exécutifs durant toute la législature, les sièges étant attribués à des listes. En outre, d’importantes économies seraient réalisées car il ne serait presque plus nécessaire d’organiser des élections complémentaires en cas de démission, les viennent-ensuite étant automatiquement élus en remplacement.
Les petites communes non impactées, mais libres de choisir
Exactement comme pour l’élection des conseils communaux, l’obligation de faire usage de la proportionnelle ne s’applique qu’aux communes de 3'000 habitants et plus. La présente initiative prévoit expressément que la loi mentionne la possibilité à toute commune de pouvoir employer la proportionnelle pour l’élection de sa municipalité, quelle que soit sa population. Les communes de moins de 3'000 habitants restent donc totalement libres de choisir leur mode de scrutin.
Conseillers aux Etats élus à la proportionnelle
Cette modification constitutionnelle apporte un bonus : l’élection des deux représentants vaudois au Conseil des Etats s’effectuerait désormais au scrutin proportionnel, à l’instar de ce qui se pratique dans les cantons du Jura et de Neuchâtel. En effet, la Constitution prévoit que le scrutin pratiqué pour cette élection fédérale est identique à celui pratiqué pour l’élection du Conseil d’Etat.
Conclusion
Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures
Liste exhaustive des cosignataires
Signataire | Parti |
---|---|
Yvan Pahud | UDC |
Nicolas Glauser | UDC |
Jean-Luc Chollet | UDC |
Pierre-Alain Favrod | UDC |
Jean-François Thuillard | UDC |
Sylvain Freymond | UDC |
Circé Fuchs | V'L |
Philippe Liniger | UDC |
Jean-Marc Sordet | UDC |
Philippe Ducommun | UDC |
Cédric Weissert | UDC |
Werner Riesen | UDC |
Nicolas Bolay | UDC |
Serge Melly | |
José Durussel | UDC |
Fabien Deillon | UDC |
Jean-Louis Radice | V'L |
Philippe Jobin | UDC |
Jérôme Christen | |
Jean-Bernard Chevalley | UDC |
Sacha Soldini | UDC |
Vincent Keller | EP |
Maurice Treboux | UDC |
Yann Glayre | UDC |
Denis Rubattel | UDC |
Pierre-André Pernoud | UDC |
Documents
- Objet et développement
- Rapport de minorité de la commission - 20_INI_1 - Vincent Keller
- Rapport de majorité de la commission - 20_INI_1 - Alexandre Démétriades
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourJ'ai promis à mon voisin de gauche que je ne parlerais pas du délai de reddition des rapports, alors je ne le ferai pas. Nous avons traité cette commission en novembre 2020, au sujet d’un texte déposé par notre ancien collègue Dylan Karlen et qui avait pour but de faire passer les élections aux exécutifs tant au niveau cantonal que communal du scrutin majoritaire au scrutin proportionnel. Comme vous l'avez vu dans les rapports de commission, une très nette majorité de la Commission thématique des institutions et des droits politiques était opposée au texte proposé par M. Karlen, ce pour plusieurs raisons.
En préambule, je tiens à rappeler que l'initiative de notre ancien collègue Karlen parle de scrutin, mais, selon la majorité de la commission, évacue complètement une question institutionnelle fondamentale : celle de la différence entre nos exécutifs et nos législatifs au niveau cantonal et communal en termes de rôle et de fonctionnement, ce qui peut paraître évident, mais reste important à rappeler. Le Parlement et les délibérants communaux ont pour rôle de représenter la diversité des courants de pensée, des intérêts de la population et de la société. Le Grand Conseil a également pour rôle de représenter l'ensemble des régions de notre canton. En termes de fonctionnement, on privilégie évidemment le débat, la confrontation ; les compromis pluralistes sont possibles, mais le but est de trancher publiquement d'éventuels désaccords.
Du côté du Conseil d'Etat et des municipalités, leur rôle est également de représenter la diversité des courants de pensée, mais aussi et surtout de diriger une administration publique : une différence notoire. En termes de fonctionnement, le principe veut que l’on soit collégial, que l'on trouve des consensus de personnes, que l'on travaille en équipe à la tête d'une collectivité publique. Je rappelle le rôle et le fonctionnement différents entre les exécutifs et les législatifs pour parler du cœur de la question qui nous est posée, à savoir des systèmes électoraux différents
Pour le législatif, il s’agit d’un système à la proportionnelle qui accorde une place décisive aux partis et aux programmes ; pour les élus qui doivent défendre des idées, ils puisent avant tout leur légitimité dans l'appartenance à ces partis. Du côté des exécutifs, le scrutin majoritaire accorde bien sûr aussi une place importante aux partis, mais également – et c’est décisif – aux personnes. Certes, ces personnes doivent défendre des idées, mais ils tirent leur légitimité de leurs capacités à convaincre au-delà de leur rang, à montrer qu'ils sont capables de diriger une administration publique et à travailler en collège.
Selon la majorité de la commission, en le faisant passer à la proportionnelle, l'initiative Karlen affaiblit la légitimité que confère le scrutin majoritaire dans les élections de nos exécutifs sur trois points. Premièrement, les candidats vont essayer de convaincre au-delà de leur rang, avec un système à la proportionnelle, mais de facto ils ne seront plus obligés de le faire. Deuxièmement, on se retrouvera comme dans les parlements ou les conseils communaux avec des personnes élues avec moins de voix que des personnes qui n'auraient pas été élues – ce qui est cocasse pour des exécutifs – et avec des différences de voix qui sont parfois très importantes. Troisièmement, la fin des élections complémentaires est présentée comme un avantage par l'ancien député Karlen, mais selon la majorité de la commission, cela présente un double désavantage : le premier, avoir des gens qui vont entrer en cours de route avec des scores qui seraient vraiment moins importants que d'autres personnes qui auraient été élues ; le deuxième problème – encore plus important – réside dans le principe de la cooptation, avec la proportionnelle. Cela veut dire que si l’on n’a plus de « viennent-ensuite » sur une liste, c’est en fait une partie qui choisit qui va siéger dans l'exécutif. Pour résumer, ce sont des fonctions et des légitimités différentes. Et, pour obtenir ces légitimités, les scrutins sont, eux aussi, différents. Selon nous, il s'agit de garder toutes ces questions en tête quand on veut penser à quel système politique correspond quel scrutin.
Selon la majorité de la commission, en plus d'affaiblir la légitimité des exécutifs, l'initiative pose également une menace sur la collégialité des exécutifs. Je rappelle quand même que la collégialité permet de trancher sur un sujet à l'interne et qu'on le défende d'une seule voix auprès du public. Ce principe figure dans plusieurs bases légales, mais on sait très bien ici, nous qui sommes des élus, que le respect de la collégialité repose presque uniquement sur la crainte que pourraient avoir des élus candidats à une réélection d'une sanction populaire, en cas de rupture de la collégialité. Bien sûr, les élus dans les exécutifs exercent très majoritairement leurs fonctions en ayant l'intérêt du plus grand nombre en tête, ou du moins de grandes parts de la population. Mais avec des élections à la proportionnelle, il n'aurait potentiellement des comptes à rendre qu'à une partie beaucoup plus congrue de l'électorat ; selon nous, cela fait peser un risque non négligeable sur la pérennité du principe de collégialité dans notre canton.
Au-delà des arguments évoqués se pose la question de la représentation des minorités. Si nous avions eu, dans le canton de Vaud, un système d'élection majoritaire pour le Parlement et majoritaire pour les exécutifs, je pense qu’il y aurait clairement eu un soutien pour instaurer la proportionnelle dans le système politique. En effet, si l'ensemble du système politique est élu à la majoritaire, l'ensemble des minorités ne sont pas représentées. Mais chez nous, on a précisément des rôles et des fonctions différents pour le Parlement et pour l'exécutif. Or, le Parlement joue ce rôle de représentation des minorités. Dès lors, pour nous, la question de la représentation des minorités n'est pas une question pertinente à adresser dans le cadre du texte de M. Karlen.
Enfin, une comparaison a été faite avec le système valaisan qui prévoit la proportionnelle pour les élections des exécutifs. La commission a tenu à souligner que le système des exécutifs valaisans fonctionne de manière très différente que dans le canton de Vaud. Tout d’abord, il y a plus de membres : au minimum neuf membres, mais parfois plus. Et surtout, dans ce canton, les présidents de communes ont un rôle beaucoup plus important. Au regard de toutes ces raisons, la très nette majorité de la commission, par 13 voix contre 2, vous recommande de ne pas prendre cette motion en considération.
A titre liminaire, et pour faire écho à mon collègue, j'aimerais moi-même présenter mes excuses devant ce Grand Conseil pour le retard de la délivrance de ce rapport de minorité. Des aléas de la vie parlementaire, tout en travaillant dans la vraie, s'associent parfois en vents contraires. Je présente donc mes excuses à l’ancien député Dylan Karlen, qui n'aura pas l'occasion de défendre son objet ici, puisqu’il n’a pas été réélu à la proportionnelle, mais son groupe le fera certainement sa place.
Peut-être, profitant de ce temps long, certaines et certains penseront que cette initiative est devenue caduque, puisqu'on a la preuve aujourd'hui qu'il est possible d'être élu au Conseil d'Etat sans avoir le moindre député de son parti au Grand Conseil. Nous pensons au contraire que cela démontre à quel point cette initiative est importante tant le système majoritaire est devenu instable. Dans le canton de Vaud et dans les communes, modifier un système électoral n'est pas une nouveauté ; le système actuel est lui-même le fruit de plusieurs modifications majeures qui ont eu lieu au cours de l'histoire et s'y accrocher relève, à notre sens, d'une certaine idée du conservatisme – vous êtes d'accord avec moi, j'imagine. Les élections des exécutifs communaux et cantonal à la majoritaire possèdent néanmoins de nombreux défauts que l'initiative permettrait de gommer.
En premier lieu, l'initiative du député Karlen permettrait de renforcer la participation aux élections, en atténuant le sentiment de vote perdu. A la majoritaire, l’électeur préfère voter pour la tête qui dépasse le plus – ou pour l'alliance qui dépasse le plus, dans le cas de notre grande argentière. C'est d'ailleurs la seule défense du système actuel émise par la majorité, en disant que celui-ci est le seul qui permet à des personnes rassembleuses au-delà de leur propre parti d'être élues, puisqu'aucun parti ne fait plus de 50 % des voix aujourd'hui. Cela signifie – je cite une étude canadienne sur le sujet – que l'effet psychologique de Duverger, qui découle de la tendance qu’ont les systèmes non proportionnels, soit majoritaires, à pénaliser les petits partis et donc à décourager leurs partisans à long terme, entraîne dans les systèmes majoritaires uninominaux une diminution de la part du suffrage exprimé pour les autres partis d'environ 20 % par rapport au système de représentation proportionnel.
L’initiative de l'ancien député Karlen, qui instaure la proportionnelle dans les exécutifs, permettrait donc d'augmenter la participation qui – nous sommes tous d'accord – frise souvent des scores ridicules.
Deuxièmement, un système à la proportionnelle permet de mieux représenter les minorités et, par voie de conséquence, de mieux respecter la volonté des électeurs. Je vais même plus loin : il serait même plus en phase avec la Constitution suisse qui stipule, comme vous le savez, que la force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres. Plus particulièrement, il permet de mieux représenter la diversité des idées exprimées par des partis ou des groupements de partis qui sont considérés comme minoritaires. La majorité de la commission met en avant la stabilité du système actuel. Pourtant, l'introduction d'un système à la proportionnelle permettrait un partage de pouvoir qui a pour effet de stabiliser le système. La législature actuelle montre justement le contraire – je le disais en introduction à mon intervention.
Troisièmement, la minorité considère que l'initiative de l'ancien député Karlen permettrait de représenter la diversité politique et donc le génie local, si l’on parle de communes, plutôt que le règne permanent des grands partis ou des grandes alliances. Si l’on se réfère à l'histoire, l'introduction du scrutin à la proportionnelle, en 1945 – certes, pour le législatif cantonal – a fait écho à une vague d'un grand parti élu à la majoritaire et qui a permis de mieux représenter la diversité politique. En d'autres termes, les grands partis ou grandes alliances actuelles ne sont pas forcément celles de demain et l'introduction de la proportionnelle permet de lisser les sauts d'orientation politique et, par conséquent, d'augmenter la stabilité du système. Finalement, rien ne permet d'indiquer, à l’heure actuelle, et avec le système à la majoritaire, que les électeurs votent pour des personnes avant de voter pour des partis à l'exécutif, bien au contraire. En effet, la proportion de bulletins compacts se situe entre 50 et 75 % des bulletins utilisés par les électeurs lors des scrutins majoritaires. On pourrait même aller plus loin et prétendre que c'est peut-être ce mode de scrutin qui induit ce biais auprès des électeurs et que rien ne permet de dire que ce biais soit souhaitable dans l'exercice de la fonction. La minorité ne va pas jusque-là…
Pour tous ces arguments, et afin que les citoyennes et citoyens vaudois puissent s'exprimer sur un sujet qui les concerne au plus haut point, la minorité de la commission recommande au Grand Conseil d'accepter l'initiative « Pour un juste équilibre politique de nos exécutifs ! Pour des exécutifs cantonal et communaux élus au scrutin de représentation proportionnelle ! » de l'ancien député Dylan Karlen.
La discussion est ouverte.
L’initiative de notre ancien collègue Karlen est pragmatique, visionnaire et avant-gardiste. Cela a été rappelé par le rapporteur de minorité, notre canton, comme d’autres cantons, souffre d’un manque de participation. Lors des dernières élections cantonales, le taux de participation s'élevait à environ 34 %. On peut le comparer au canton du Tessin qui a tenu ses élections cantonales hier : leur taux s’élevait à 56 %. On voit donc bien qu’il y a une certaine comparaison à faire et que ce système de la proportionnelle pourrait amener à davantage de participation. Celle-ci vise deux buts principaux. Premièrement, renforcer la démocratie par une meilleure représentation de l'électeur. Deuxièmement, renforcer la stabilité du système et ainsi faire des économies, puisque les élections complémentaires ne seront plus utiles.
On peut constater un certain dysfonctionnement : environ 25 % des électeurs sont mal ou pas représentés dans les exécutifs, soit au Conseil d'Etat et dans les grandes communes vaudoises. De quel droit exclut-on certaines forces politiques des affaires exécutives, alors que certains parlent d'inclusion ? La représentation proportionnelle des forces politiques se fait partout ailleurs dans nos institutions. Au législatif cantonal, y compris au Bureau du Grand Conseil qui est notre exécutif au sein du Parlement, tous les partis sont représentés. Dans le système judiciaire, la Constitution impose une répartition proportionnelle des partis au Tribunal cantonal. Donc, pourquoi pas dans les exécutifs ? C'est la règle du régime de concordance qui fait la force et la stabilité de notre démocratie. L'élection au Conseil fédéral est l’exemple de ce souci de représentativité, puisque les partis – sexes, langues, villes et campagnes – devraient y être représentés.
Cette initiative a donc pour avantage de renforcer la concordance – le système proportionnel et le mode de scrutin qui garantit le principe de concordance – soit la juste répartition des forces dans les exécutifs. Ce mode de scrutin fonctionne et est pratiqué en Suisse à satisfaction. Cela a été mentionné par les deux rapporteurs : les élections des municipalités dans les cantons de Fribourg, de Neuchâtel, du Valais et du Tessin ; les élections au Conseil d'Etat dans le canton du Tessin ; et dans certains cantons, les élections au Conseil des Etats. C'est également le cas dans le canton du Jura, puisque lors de l’élection de Mme la conseillère fédérale Baume-Schneider, il n'y a pas eu d'élection complémentaire. C'est le parti socialiste qui a présenté un poste pour la remplacer au Conseil des Etats.
L’électeur sort renforcé, puisque pour lui le choix est double : il peut voter pour une liste, mais aussi pour les candidats de cette liste ou d'autres listes. Il n’y a pas d'élection complémentaire ; c'est une forme de stabilité et d'économie. En cas de démission, le premier des « viennent-ensuite » est donc automatiquement élu. Pour les petites communes, celles-ci ne seront pas impactées, mais libres de choisir. Les communes de moins de 3000 habitants restent donc totalement libres de choisir leur mode de scrutin. Pour les conseillers aux Etats, ceux-ci seront représentatifs, puisque l'initiative provoque automatiquement l'élection des deux sénateurs à la proportionnelle ; il y a donc une meilleure représentation.
En conclusion, à l'heure où règne une crise de représentativité, en Suisse comme à l'étranger, puisque la France parle d’un système à la proportionnelle, il convient d’entrer en matière pour corriger les distorsions de représentation par le mode de scrutin, pour renforcer la démocratie et augmenter le taux de participation, pour stabiliser le système avec un système de « viennent-ensuite » et enfin pour économiser, puisqu'il n'y aura pas d'élection complémentaire. Je vous invite donc à soutenir cette initiative.
Le débat soulevé par l'initiative de notre ancien collègue Karen est intéressant, mais je crains que son initiative pose plus de problèmes qu'elle n’amène de solutions. J’en relève deux : premièrement, comme mentionné par le rapport de majorité, ce serait au parti politique dont le membre serait démissionnaire de désigner un remplaçant ou une remplaçante selon le système de « viennent-ensuite » ; c’est véritablement problématique, parce que la population de la commune, respectivement du canton, se verrait imposer un municipal ou une conseillère d'Etat sans l'avoir voté. On peut donc raisonnablement supposer qu'une personne ainsi placée à un poste d’exécutif souffrirait d'un déficit de légitimité auprès de l'électorat et de la population.
Le deuxième problème réside dans le fait que les portes d'un exécutif seront, avec ce texte, totalement fermées aux personnes hors sérail politique, hors liste de partis. Avec une élection strictement proportionnelle pour l'exécutif, il est très difficile d'imaginer une candidature apolitique, dans certaines communes ou dans le canton, qui aurait de réelles chances de passer la rampe. Pourtant, cette possibilité est l'une des beautés de notre système de milice qui est certes imparfait – je suis le premier à le dire et à intervenir à ce sujet. Dès lors, selon moi, cette initiative affaiblit notre système politique de milice au lieu de le renforcer. Affaiblir les chances d'élection de personnes qui ne se reconnaissent pas dans les partis politiques traditionnels – et c'est parfaitement légitime même si, dans ce plénum, nous faisons a priori toutes et tous partie d'un parti ou du moins d'un groupement – n’est pas souhaitable. Démocratiquement, il faut laisser la même chance à tout le monde, ou du moins ne pas affaiblir les chances d'une personne qui n'aurait pas d'affiliation politique et favoriser au contraire les personnes qui appartiennent déjà à des appareils de gros partis politiques.
Au vu des derniers dépôts, plusieurs députés, par exemple M. de Bénédictis, regrettent la politisation de la vie communale, notamment dans les petites communes. Ce problème ne fera que de s'amplifier, avec l’initiative Karlen que je vous invite à rejeter. Contrairement à ce qui a été dit, notamment par le rapporteur de minorité, cette initiative ne se limitera pas à régler des problèmes, on le voit bien, elle va en générer de nouveaux.
Je déclare mes intérêts : j'étais membre de la commission lors du traitement de l'initiative. Le groupe PLR soutient le rapport de majorité et se retrouve dans les arguments du Conseil d'Etat et de la majorité de la commission. La nomination dans les organes législatifs ou exécutifs ne suit pas le même raisonnement : le Parlement représente la population vaudoise dans toute sa diversité, mais les élections dans les exécutifs sont très souvent liées au fait d'élire des personnalités connues et reconnues, une élection de personnes appuyée et soutenue par les partis. Pour ce qui retourne des élections complémentaires, certes, elles ont un prix, mais il est nécessaire. Il est nécessaire afin d'élire des gens qui sont, à un moment donné, prêts à prendre des responsabilités et qui pourront s'engager pour une fonction publique de façon réfléchie, que ce soit du point de vue familial et professionnel. Ce sont des fonctions exigeantes qui ne se décident pas à la légère. Dès lors, imaginez de remplacer les personnes dans les exécutifs par des gens inscrits sur des listes complémentaires... Le temps a passé, les situations personnelles aussi : que faire ? On demande au premier « viennent-ensuite », puis au suivant, mais s’il n’y a plus personne on crée une liste complémentaire et nous ferons entrer dans nos exécutifs des gens non soumis au scrutin populaire. Sur ce point-là, ce ne serait pas jouable. Ce serait aussi un affaiblissement des exécutifs communaux. Il a aussi été rappelé dans le rapport que la situation dans les cantons pratiquant l'élection des exécutifs par le système proportionnel – comme le Valais – n'est pas du tout la même que dans le canton de Vaud. Ils sont notablement beaucoup plus nombreux ; leur poids y est différent, ce n’est donc pas comparable du tout.
Le rapport de minorité nous dit que le système proportionnel permettrait à des petits partis d'entrer dans les exécutifs plus facilement et que c'est impossible actuellement. C'est évidemment une fausse affirmation : certains petits partis sont parfaitement élus et intégrés dans des exécutifs actuels, malgré le système d'élection – citons au hasard Lausanne. Pour toutes ces raisons, le PLR vous invite à suivre le rapport de majorité et à ne pas prendre en considération cette initiative.
« Le système majoritaire prétérite les minorités, en particulier les femmes. Ceux qui s'opposent à cette initiative ne le font que pour défendre leurs bastions électoraux. » Ces deux phrases ne sont pas de moi ; elles figurent dans le rapport de la commission traitant de l'initiative Amarelle obligeant les communes de plus de 3’000 habitants à élire les conseillers communaux selon le système de la proportionnelle – c’était en 2011. Dans le débat qui suivit, l'éminent député socialiste, Michel Renaud, déclara : « Dans le système suisse tout entier, on vit un mode de consensus dans lequel les minorités, systématiquement, participent avec la majorité aux décisions. Cet état est beaucoup plus facile à réaliser dans un système proportionnel. » Un autre argument venu de la gauche disait que, à partir d'une population communale de 3’000 habitants, les candidats n'étaient plus vraiment connus et qu'une étiquette partisane permettait de situer leur orientation politique. Alors que dire au niveau du canton ? L'UDC s'était opposée à l'initiative Amarelle, ce n'était pas qu’elle fût opposée au système proportionnel, au contraire, mais mes collègues de l'époque estimaient que l'on portait atteinte à la souveraineté communale.
Chères et chers collègues de gauche, nous ne sommes souvent pas d'accord ; et c'est normal. Nous défendons des valeurs de liberté et de responsabilité ; vous défendez des valeurs de solidarité et de minorité. Toutes ces valeurs sont respectables, mais si vous refusez l'initiative Karlen, j'aurais l'impression que vous foulez au pied les valeurs qui font votre crédibilité et j'en serais déçu. En revanche, si vous acceptez cette initiative, je pense que les électrices et électeurs seront reconnaissants. Je vous invite à soutenir l'initiative Karlen.
Je prends la parole au nom de notre collègue Jacques-André Haury qui a dû s'absenter. Le 31 mars 2021, il publiait un papier dans le 24heures plébiscitant cette initiative. Toutefois, vu la nouvelle loi qui est entrée en fonction début 2022, il juge préférable d'attendre de voir les effets de cette nouvelle loi avant de la modifier directement.
Je vais me faire le porte-voix du Conseil d'Etat, vu qu’il n'est plus présent ici, pour vous dire qu’il était opposé à ce texte en commission.
Retour à l'ordre du jourLa discussion est close.
Le Grand Conseil refuse la prise en considération de l’initiative par 84 voix contre 26 et 9 abstentions.