23_LEG_36 - EMPD Préavis du Conseil d'Etat sur l'initiative Pierre Dessemontet - Chlorothalonil : pour une aide fédérale dans le domaine de l'eau potable (20_INI_026) et Exposé des motifs et projet de décret portant sur le dépôt d’une initiative cantonale auprès de l’Assemblée fédérale l’invitant à compléter la législation fédérale sur la protection des eaux afin que les distributeurs d’eau bénéficient d’un soutien financier sous la forme d’un fonds fédéral pour accomplir leurs tâches et pour leur permettre de supporter des coûts qui ne peuvent être pris en charge en vertu du principe du pollueur-payeur (1er débat).

Séance du Grand Conseil du mardi 27 février 2024, point 18 de l'ordre du jour

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Transcriptions

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M. Yann Glayre (UDC) — Rapporteur-trice

Avec ce projet de décret, le Conseil d'Etat réalise la proposition de la commission ad hoc qui recommandait de déposer une initiative cantonale auprès de l'Assemblée fédérale visant spécifiquement à obtenir un soutien financier sous la forme d'un fonds fédéral. L'initiant nous a rappelé que la problématique du chlorothalonil se pose de manière aiguë dans le canton de Vaud. L'ensemble des sources de captation sises dans les régions de grande culture du plateau sont concernées par la présence de métabolites du chlorothalonil. Considérant le principe selon lequel l'eau doit s'autofinancer, les investissements nécessaires à la mise en conformité du réseau d'eau sont difficiles, voire impossibles à supporter pour les petits réseaux de distribution.

L'idée de cette initiative consiste à présenter un mécanisme similaire à celui mis en place au moment de l'émergence des grandes usines de retraitement et des premières stations d'épuration pour lesquelles une aide de la Confédération avait été demandée et obtenue. Le directeur de la Direction générale de l’environnement industriel, urbain et rural (DIREV) nous a informés que les produits de dégradation, les métabolites, une fois dans les eaux souterraines, y restent pour longtemps en raison des températures fraîches et du peu de lumière, qui ne favorisent pas la prolifération des bactéries. Il a confirmé que sur 33 sites suivis en permanence par l'Observation nationale des eaux souterraines (NAQUA), plus de la moitié présentent des dépassements plus ou moins importants des normes. Sur les 16 sites suivis dans le canton, 10 sites marquant des dépassements sont recensés. Selon les analyses des risques de la Confédération, les concentrations de ces produits ne présentent effectivement pas de risque immédiat, mais la question des risques à 20, 30 ou 40 ans reste ouverte.

Plusieurs interventions parlementaires ont été déposées aux Chambres fédérales, dans le but de renforcer et de fixer des délais contraignants pour la protection des eaux souterraines. L'une d'elles, le postulat Clivaz, s'interroge notamment sur les moyens pour financer les assainissements nécessaires. Le chimiste cantonal estime que le postulat Clivaz va effectivement dans le sens de l'initiative dont il est question aujourd'hui. Le rapport de la Confédération présentera un état des lieux et des estimations des coûts. En revanche, rien ne garantit que la Confédération prenne en charge ces coûts. Le rapport de la Confédération devrait être présenté fin 2024/début 2025. A l'unanimité, la Commission thématique des affaires extérieures a adopté les articles 1 à 3 du projet de décret et vous recommande d'entrer en matière.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Pierre Dessemontet (SOC) —

J'ai bien cru que nous n'y arriverions jamais ! C'est, sauf erreur, la huitième fois que cet objet a été porté à l'ordre du jour d'une séance du Grand Conseil, depuis environ 4 à 5 mois. Savoir quel serait le point de l'ordre du jour qui ferait déraper la séance était presque devenu une Arlésienne. C'est encore arrivé la semaine passée et j'ai bien cru qu'on n'y arriverait pas non plus aujourd’hui. Finalement, cela s'est calmé ! Je remercie chaleureusement le député Miauton de s'être arrêté… 

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

J'entends de mon oreille droite que c'est la quatrième fois seulement. Je vous laisserai débattre de ce détail, mais peut-être après 17 heures... Je demande confirmation et nous réglerons cela entre nous.

M. Pierre Dessemontet (SOC) —

Je remercie évidemment le rapporteur et M. le président de la commission pour la qualité de son rapport. Je voudrais revenir sur deux ou trois éléments de la problématique du chlorothalonil qui nous a « sauté à la figure » vers 2018-2019, avec la réévaluation du risque sanitaire des métabolites du chlorothalonil par l’Office fédéral de l’environnement (OFEV). On se souvient que, le 1er janvier 2020, les nouvelles normes étaient entrées en vigueur et fixaient à 0,1 microgramme par litre tous les métabolites du chlorothalonil dont le R471811. J’attire votre attention sur cette carte :

*insérer image

Cette carte montre tous les points d'eau concernés ; ils y figurent en orange. On voit que l'ensemble du Plateau suisse a montré, dès le 1er janvier 2020, des normes nettement dépassées pour ce métabolite, du moins dans les régions de plaine, celles de montagne étant moins concernées. Et 4 ans plus tard, c’est-à-dire 4 ans après le dépôt de cette intervention – dont l’idée remonte à mai 2000 – tout reste vrai. Les régions du Plateau suisse – et cela ne se limite vraiment pas seulement au canton de Vaud – sont fortement affectées. Le droit impose toujours aux distributeurs – chez nous ce sont les communes ou les associations de communes qui sont exclusivement chargées de l'adduction et de la distribution de l'eau potable – sont sommés de livrer une eau conforme aux normes. Dans une région comme la mienne, toutes les eaux souterraines sont concernées, sans y être limitées, puisque la Thièle est à deux fois la norme, tout comme le lac de Neuchâtel. Il n'y a donc pas 36 solutions dans cette situation.

La première consiste à faire changer la norme. Je crois savoir que le fabricant du chlorothalonil est en procédure pour faire bouger cette norme – sans succès pour l'instant. La seconde consiste à se brancher ailleurs, mais à 1 million de francs le kilomètre, suivant où vous vous trouvez sur cette carte, vous comprenez vite que les sommes vont être extrêmement importantes ; ou alors on met en place des usines de retraitement, mais à nouveau, les sommes sont extrêmement importantes, puisqu'on parle d'une vingtaine de millions de francs par usine de retraitement. Pour un gros distributeur – je déclare mes intérêts passés comme président du conseil d'administration de la Société Anonyme de Gestion des Eaux du Nord Vaudois (SAGENORD) – cela se traduirait par une hausse du prix au mètre cube de l'ordre de quelques dizaines de centimes : c’est non négligeable, mais néanmoins assumable, alors que c’est prohibitif pour un petit distributeur. Dès lors, il n'est pas imaginable de pouvoir investir une somme de cette taille sans aide.

Enfin, il s’agit de se rendre compte que c'est bien la Confédération qui a autorisé le chlorothalonil, puis elle qui l’a ensuite interdit ; c’est encore elle qui a édicté les normes auxquelles les distributeurs doivent désormais se conformer. Ainsi, il apparaît logique qu'elle participe financièrement à l'assainissement des eaux qu'elle réclame désormais de la part des distributeurs dans le cadre d'une problématique, et on le voit sur cette carte, qui est très largement supracantonale, d'ampleur bel et bien nationale. Pour toutes ces raisons, cette initiative déposée aux Chambres fédérales a tout son sens. Je vous remercie évidemment de votre soutien et de votre attention.

Mme Laurence Bassin (PLR) —

L’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) a prononcé pour le 1er janvier 2020 l'interdiction de l'utilisation du chlorothalonil, considérant la cancérogénicité de la substance active ; cette décision désigne la catégorisation de tous les métabolites. La valeur dite de sécurité ne doit pas dépasser 0,1 microgramme par litre. Cette norme faisant foi, les analyses officielles de l'Office de la consommation ont démontré que 35 % des distributeurs d'eau, soit 30 % de la population vaudoise, étaient concernés par le dépassement de ces valeurs. C'est là que la problématique du pollueur-payeur rentre en jeu. Les communes impactées ne peuvent pas, à échéance, assumer ces coûts. Cette initiative cantonale demande à l'Assemblée fédérale de créer un fonds destiné au traitement des eaux. Le groupe PLR recommande donc de renvoyer cette pétition à l'Assemblée fédérale.

M. Pierre-Alain Favrod (UDC) —

Étonnamment, en 2020, de nouvelles normes fédérales sont apparues concernant ce fameux chlorothalonil, des normes aberrantes car égales à 1 gramme pour 10 millions de litres d'eau. Selon le chimiste cantonal bernois, une personne de 70 kilos devrait boire chaque jour 10’500 litres d'eau pour atteindre une dose préjudiciable. Il faut que l'administration fédérale assume ses décisions. Aujourd'hui encore, la Confédération n'exige aucune norme quantitative pour les édulcorants, les produits de contraste radiologiques et les produits chimiques domestiques. Par conséquent, il faut que la Confédération revoie ces normes et réfléchisse mieux aux conséquences que cela implique. Je vous recommande d'accepter cette initiative.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion est close.

L’entrée en matière est admise à l’unanimité.

Le projet de décret est adopté en premier débat à l'unanimité.

M. Yann Glayre (UDC) — Rapporteur-trice

Je demande le deuxième débat immédiat.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

Le deuxième débat immédiat est admis à la majorité des trois quarts (99 voix contre 4 et 4 abstentions).

Deuxième débat

Le projet de décret est adopté en deuxième débat et définitivement à l’unanimité.

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