23_POS_14 - Postulat David Raedler et consorts au nom Les vert.e.s vaudois.e.s - Savoir citer Goethe est nécessaire, mais pouvoir discuter avec nos voisins l’est tout autant : pour une stratégie concrète d’apprentissage du suisse-allemand.

Séance du Grand Conseil du mardi 28 novembre 2023, point 12 de l'ordre du jour

Texte déposé

"Dr Goethe zitiere isch wichtig, aber s’isch genau so wichtig mit öisne Nochbere uf dr andere Siite vom Röschtigrabe rede zchönne"

 

Le multilinguisme de la Suisse constitue l’une de nos fiertés les plus marquées : tant par nos quatre langues nationales que par toutes les diverses autres langues qui sont parlées par les habitantes et habitants de nos régions, la diversité linguistique est caractéristique de la culture helvétique. Une culture qui nous rend d’autant plus fiers qu’elle s’inscrit sur un territoire géographique relativement limité, de sorte qu’il est simple de passer du français à l’allemand, puis de l’italien au romanche, en quelques arrêts de train. Le Canton de Vaud lui-même borde pas moins de trois cantons bilingues, dont l’un borde lui-même le Tessin.

 

Malgré cette proximité, l’apprentissage des autres langues nationales ne suit pas toujours le cours d’un long fleuve tranquille. Au contraire, nombreuses et nombreux sont les étudiantes et étudiants qui ont passé des nuits blanches à apprendre notamment du Wortschatz à n’en plus pouvoir, afin d’espérer assurer un semblant de maîtrise en allemand. Un exercice qui, une fois confronté à la réalité de la Suisse alémanique, apparaît parfois en décalage de la réalité. Car alors que l’allemand constitue naturellement l’une de nos quatre langues nationales, et est utilisé dans un contexte officiel, la vie de tous les jours s’exprime plutôt en suisse allemand. Ou plutôt en suisses allemands, tant la diversité régionale modèle cette langue qui nous est le plus souvent inconnue. Car nos voisins maîtrisent la diglossie de façon particulièrement marquée et privilégient, dans des contextes décontractés ou familiers, le suisse allemand. Une pratique qui s’étend également au monde professionnel, où les réels contacts avec ses collègues se font également dans cette langue. Ainsi, sur le marché du travail, le suisse allemand représente la langue la plus fréquemment parlée en Suisse (63% des personnes actives occupées), suivi de l’allemand standard (34%), du français (28%), puis de l’anglais (21%) et de l’italien (8%)[1].

 

Ces dernières années, notamment suite à plusieurs objets ayant été déposés et discutés par-devant notre Grand conseil[2], le Canton de Vaud a passablement développé son offre de séjours linguistiques. C’est ainsi notamment que des responsabilités de référents-es au sein des établissements pour des échanges ont été créés et qu’une déclaration commune avec le canton de Zürich pour encourager les échanges a été signée[3]. Ces démarches, essentielles en vue d’encourager au mieux les échanges entre les régions de Suisse, ne permettent toutefois que très partiellement d’acquérir les notions de base en suisse allemand. Pire : en étant uniquement habitués à l’allemand standard, les étudiantes et étudiants au bénéfice de ces échanges peuvent se retrouver confrontés à des difficultés lors de leur séjour.

 

Plusieurs initiatives ont été développées ces dernières années dans plusieurs cantons voisins pour favoriser un apprentissage du suisse allemand, tant parmi les plus jeunes qu’à l’école obligatoire et post-obligatoire. Chaque fois avec l’objectif d’assurer au-moins un minimum de connaissances et favoriser au mieux son apprentissage futur. A ce jour en revanche, le Canton de Vaud semble rester en retrait de ces développement et continue d’axer son approche sur l’allemand – évidemment nécessaire, mais non suffisant en Suisse.

 

Dans l’ensemble, il est impératif aujourd’hui qu’une réelle stratégie liée à l’apprentissage du suisse allemand soit adoptée. Une stratégie qui devrait examiner la meilleure façon et le meilleur moment de proposer des cours de suisse allemand à l’école, obligatoires ou facultatifs. Afin, au final, que les étudiant-e-s vaudois-e-s puissent disposer des notions requises pour maîtriser non seulement la langue de Goethe, mais aussi et surtout celle de Dürrenmatt.

 

A la lumière de ce qui précède, les signataires demandent au Conseil d’Etat d’élaborer une stratégie liée à l’apprentissage du suisse allemand dans les écoles et centres de formation vaudois.

 

***

 

[1] Statistiques OFS sur les langues au travail ; https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/population/langues-religions/langues.html.

[2] Voir par exemple la Réponse du Conseil d’Etat à l’interpellation Catherine Labouchère et consorts –
Mobilité des élèves pour les échanges linguistiques, que faire pour l’améliorer ? (19_INT_285) ainsi que la Réponse du Conseil d’Etat à l’interpellation Florence Bettschart-Narbel et consorts – Mobilité linguistique : pourquoi le canton de Vaud est-il à la traîne ? (19_INT_291), toutes deux de novembre 2019.

[3] 17_POS_87 : Rapport de la Commission chargée d’examiner le Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur le Postulat Hugues Gander et consorts concernant les échanges linguistiques en 12ème année LEO – une pierre, deux coups ?, p. 1.

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Hadrien BuclinEP
Rebecca JolyVER
Nathalie VezVER
Yolanda Müller ChablozVER
Julien EggenbergerSOC
Felix StürnerVER
Alice GenoudVER
Vincent BonvinVER
Isabelle FreymondIND
Sabine Glauser KrugVER
Nathalie JaccardVER
Céline BauxUDC
Jean-Bernard ChevalleyUDC
Graziella SchallerV'L
Jerome De BenedictisV'L
Alberto MocchiVER
Pierre FonjallazVER
Cendrine CachemailleSOC
Yannick MauryVER
Aude BillardSOC
Valérie InduniSOC
Aurélien DemaurexV'L
Muriel ThalmannSOC
Laurent BalsigerSOC
Martine GerberVER
Patricia Spack IsenrichSOC
Blaise VionnetV'L
Andreas WüthrichV'L
Théophile SchenkerVER
Kilian DugganVER
Anna PerretVER

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Sylvie Pittet Blanchette (SOC) — Rapporteur-trice

La commission s’est réunie le 31 mars 2023 en présence de M. Frédéric Borloz, chef du Département de l'enseignement et de la formation professionnelle, qui était accompagné de Mme Nathalie Jaunin, de Mme Suzanne Peters et de M. François Modoux. M. Jérôme Marcel, secrétaire de la commission, a établi les notes de séance ; nous le remercions pour son excellent travail.

Le postulant explique que son intervention vise à comprendre et à faire le point sur les possibilités d’introduire le suisse-allemand dans le cadre de l’école obligatoire ou postobligatoire. C’est une expérience personnelle qui l’a amené à déposer ce postulat : au gymnase, il a effectué un échange linguistique à Saint-Gall, au cours duquel il a eu sa première expérience avec le suisse-allemand. Cet échange s’est avéré très difficile sur le plan linguistique vu la différence entre l’allemand enseigné et le suisse-allemand. Puis, il a effectué deux ans à l’Université à Berne, ayant au préalable pris des cours de suisse-allemand.

S’agissant de l’importance économique, il rappelle que la première langue parlée dans le monde du travail en Suisse est le suisse-allemand, avec 63 % contre 34 % pour le Hochdeutsch. Les Suisses allemands qui apprennent le français à l’école accèdent à d’autres marchés du travail, ce qui est plus difficile lorsque les Romands veulent aller travailler à Zurich ou à Berne. C’est une situation dommageable, selon le postulant.

Enfin, s’agissant de la cohésion nationale, comme de l’autre côté de la Sarine l’essentiel de la culture se fait en suisse-allemand, cela génère une frontière culturelle au sein du pays. Il est très dommage que nous n’ayons pas accès à cette culture du pays, un domaine où l’école devrait, à son sens, intervenir. Dans son postulat, il propose donc l’idée d’une introduction générale du suisse-allemand à l’école obligatoire, puis d’avoir la possibilité de suivre des cours à option au postobligatoire, ce qui serait notamment intéressant pour les élèves qui pensent faire un échange linguistique en Suisse alémanique. S’il a déposé un postulat et non une motion, c’est parce qu’il s’agit d’une thématique à construire. Il y a des expériences dans d’autres cantons, notamment dans les cantons bilingues de Berne et Fribourg, ainsi qu’une expérience limitée à Genève. Un rapport permettra de se doter d’une vue d’ensemble selon le postulant.

Le chef du département explique que son département s’est penché avec bienveillance sur cette proposition afin de trouver une voie pour aller dans le sens de ce postulat. Toutefois, le département n’a pas trouvé de solution, car le suisse-allemand est une langue qui s’apparente à un dialecte et connaît des différences d’un canton à l’autre. Par ailleurs, tout ce qui est officiel se fait en allemand. Selon lui, entre une manière de parler et de discuter et la compréhension des textes officiels, l’école vaudoise doit choisir la langue officielle nationale. A cela se rajoute la problématique que l’on demande déjà beaucoup de choses à l’école et que l’on veut sans cesse y ajouter des enseignements et de nouvelles matières. Selon lui, le gymnase en quatre ans permettra peut-être de reprendre une question de ce type, mais pour le moment, il ne voit pas de possibilité. Il ajoute que l’on a également essayé de renforcer les échanges scolaires – domaine dans lequel on pourrait faire encore plus – et que l’on est en train de multiplier les accords avec les cantons suisses alémaniques. Selon le chef du département, il y a un devoir d’enseigner aux enfants le fait que le suisse-allemand existe, mais son apprentissage relève d’une démarche personnelle. La directrice générale adjointe a ajouté que, dans le cadre de la préparation des échanges linguistiques en 5e année, on fournit déjà des séquences didactiques en suisse-allemand durant les cours d’allemand pour que les enseignants disposent d’outils permettant de préparer ces échanges, tant au niveau de l’oreille que de la structure de cette langue. Les jeunes élèves apprennent donc l’allemand ­– grammaire et vocabulaire – mais sont aussi sensibilisés au dialecte. Enfin, selon elle, la piste des cours facultatifs pourrait faire l’objet d’investigations.

La question d’étudier des cours facultatifs se pose en termes de faisabilité, de coûts et de disponibilité des enseignants. La directrice adjointe de la Direction générale de l’enseignement postobligatoire (DGEP) explique qu’en secondaire II, on constate que la grille horaire est déjà très chargée. Dans les établissements où des cours facultatifs ont été proposés, ils ont perduré pendant une année ou deux, puis ont disparu faute de demande. Par ailleurs, au secondaire II, sur l’ensemble des échanges linguistiques en allemand, seuls 10 % des élèves se rendent en Suisse alémanique, le 90 % préférant l’Allemagne dans le but d’apprendre le Hochdeutsch. Le chef du département conclut avec la conviction qu’il faut renforcer au maximum l’apprentissage de l’allemand. Celui qui maîtrise bien les bases de l’allemand peut plus facilement « switcher » vers le suisse-allemand, plutôt que de mal maîtriser les deux. Il suggère d’en rester à ce qui se fait dans son département.

Dans la discussion générale, le responsable des relations intercantonales explique que la Conférence intercantonale de l’instruction publique de la Suisse romande et du Tessin (CIIP) n’a pas de politique en relation avec le suisse-allemand, langue qui n’a pas de place explicite dans le Plan d’études romand (PER). Au niveau romand, il n’y a pas de stratégie qui vise l’apprentissage du suisse-allemand. Un commissaire relève que parler le suisse-allemand est un véritable avantage économique, notamment pour trouver du travail. Il note également que les Suisses alémaniques parlent en général mieux le français que les Romands ne parlent l’allemand. Promouvoir l’apprentissage du suisse-allemand serait dès lors un avantage économique pour les relations intercantonales et la cohésion du pays. Il estime que l’on pourrait améliorer la situation et disposer d’une telle offre dans le cursus vaudois pour les élèves motivés ou intéressés. Certains commissaires sont favorables à une possibilité facultative pour apprendre le suisse-allemand. Un commissaire est d’avis contraire : il ne remet pas en question l’importance du suisse-allemand au niveau suisse, mais en appelle à la responsabilité personnelle. Selon lui, l’école ne doit pas être un support pour le suisse-allemand, mais pour l’apprentissage des langues officielles. Par rapport au marché du travail, aux implications dans les associations ou autres, c’est une plus-value indispensable. La Suisse romande est souvent minorisée par cette barrière linguistique. Ce commissaire ajoute que s’il est plutôt défavorable à l’idée d’imposer l’apprentissage du suisse-allemand, inciter les jeunes à apprendre les bases du suisse-allemand est à son avis indispensable. Concernant les responsabilités personnelles, l’école a un rôle central à jouer : l’allemand n’est pas la langue maternelle des Suisses allemands ; le risque étant le passage à l’anglais, il ne souhaite pas que cette langue devienne la langue commune.

En conclusion, le chef du département estime que l’on parle ici d’une vision d’un monde idéal. De son expérience au Conseil national, on peut avoir des relations informelles en allemand, dans un pays où on se respecte mutuellement, il suffit de le demander. Il n’a pour sa part aucune gêne à continuer une discussion en anglais, car il n’aurait jamais appris le suisse-allemand avec quelques cours facultatifs comme il a appris l’anglais. Dans le cadre d’un rapport, il ajoute que l’on ne pourra pas aller beaucoup plus loin que les éléments déjà donnés en séance. En conclusion, la commission recommande de prendre en considération ce postulat et de le renvoyer au Conseil d’Etat par 10 voix contre 1 et 4 abstentions.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. David Raedler (VER) —

M. le Président l’a dit, nous venons de clore la première Semaine nationale de l’échange, qui s’est déroulée du 13 au 17 novembre, à l’occasion du 175e anniversaire de la Constitution fédérale. Cette Semaine nationale avait pour objectif explicite de faciliter et d’encourager les échanges et la collaboration entre les classes du primaire et du secondaire des différentes régions linguistiques de Suisse et de renforcer la compréhension mutuelle, la cohésion nationale et notre diversité culturelle et linguistique. Un contexte dans lequel notre conseiller d’Etat, M. Borloz, a lui-même explicitement relevé, je le cite : « Permettre à un jeune motivé d’apprendre une langue nationale en immersion est un cadeau et une chance, c’est une démarche pragmatique et prometteuse. » Tout cela est très beau, mais en théorie seulement. En effet, cette immersion, cette cohésion nationale et cette diversité culturelle se trouvent actuellement confrontées à un obstacle concret, le fait que nous ne maîtrisons pas le suisse-allemand. Sans même vouloir le maîtriser, sans même vouloir le déclamer, sans même vouloir l’ânonner, nous ne le comprenons tout simplement pas. Nous n’avons aucune maîtrise du suisse-allemand et cela pose naturellement un problème. En effet, il est essentiel d’au moins comprendre le suisse-allemand en tant que tel. Je ne vous l’apprendrai pas, la langue d’usage en Suisse alémanique, c’est le suisse-allemand. La langue sociale, la langue de travail, la langue d’échange, c’est le suisse-allemand. Contrairement à ce qui a été dit en commission, c’est bien une langue. Ce n’est pas un vieux patois, ce n’est pas une originalité alémanique réservée à certaines fêtes de yodel. Le suisse-allemand est une langue, évidemment avec des variations régionales, mais c’est une langue. De plus, il est faux de relever qu’il n’y a aucune manière d’apprendre le suisse-allemand – je l’ai fait moi-même – il y a des méthodes. Viktor, la célèbre méthode qui nous permet d’apprendre l’allemand, nous permet aussi d’apprendre le suisse-allemand. Il y a une méthode destinée à pouvoir, au moins, le comprendre.

C’est précisément ce qui rend ce sujet particulièrement intéressant d’un point de vue linguistique. Il faut en être conscient, la Suisse allemande est l’une des rares régions occidentales où vous avez deux niveaux de langue : l’allemand est la langue « officielle » utilisée le plus souvent à l’écrit et le suisse-allemand est la langue d’usage, la langue utilisée dans tous les cercles sociaux. La langue de plus en plus utilisée dans le domaine du travail est aussi le suisse-allemand. Ce dernier point est important. Vous l’aurez lu dans le postulat : aujourd’hui, 63 % des échanges professionnels se font en suisse-allemand. Aujourd’hui, en Suisse, la langue principale de travail est le suisse-allemand et non l’allemand. L’allemand standard ne représente que 34 %, juste derrière l’anglais avec 21 %, mais ce dernier chiffre augmente de plus en plus. Aujourd’hui, en Suisse romande et dans le canton de Vaud, les étudiantes et les étudiants, les travailleuses et les travailleurs se privent donc concrètement d’opportunités économiques ou d’opportunités politiques. On a beau mettre en avant les échanges linguistiques, on a beau mettre en avant la cohésion nationale, la découverte des contrées mystérieuses d’Argovie ou d’Uri, en pratique, lorsqu’un élève arrive dans ces endroits, il fait toujours le même constat : il ne parle pas la langue la plus communément utilisée. Il se trouve donc isolé, parce dans les cercles sociaux, on va parler le suisse-allemand, ou potentiellement parler français, ce qui ne sera pas d’utilité concrète pour lui. Je le dis d’expérience, c’est une situation à laquelle j’ai personnellement été confronté.

Finalement, quelles sont les alternatives ? La première alternative est de parler anglais. Cela a été évoqué en commission, notamment par M. le conseiller d’Etat : « On peut parler anglais, c’est plus simple. » Comment peut-on tenir des tels propos lorsqu’on défend les valeurs helvétiques, quand on défend la cohésion nationale et le multilinguisme ? C’est une approche erronée et mensongère, tout simplement. L’autre possibilité consiste à demander aux Suisses allemands de parler le français : c’est plus simple, ils parlent tous mieux le français que nous l’allemand ou le suisse-allemand. De nouveau, cela consiste à se reposer sur les autres et à ne pas prendre nos responsabilités. Enfin, dernière possibilité : imposer l’allemand dans les cercles sociaux, dans les cercles culturels et dans le domaine professionnel. Malheureusement, c’est complètement irréaliste – et je vous le dis aussi d’expérience. En Suisse alémanique, dans les réunions professionnelles, on va parler l’allemand, mais tout le reste du temps, on va parler le suisse-allemand.

En commission, M. le conseiller d’Etat nous a dit que nous ne pouvions pas tout confier à l’école, que cette dernière en faisait déjà beaucoup. Est-ce réellement une excuse pour ne rien faire ? Est-ce réellement une excuse pour ne pas donner suite à un postulat dont l’unique but est d’établir un rapport sur la possibilité de mettre cela en pratique ? Finalement, dire que l’on ne peut pas tout confier à l’école permet de cacher sous le tapis des réalités concrètes, avec pour effet de priver nos étudiants de l’accès concret au marché du travail en Suisse alémanique, d’empêcher les liens sociaux entre les régions et d’empêcher la cohésion nationale concrète dans notre pays. On le sait malheureusement trop, à l’école, l’allemand est le cauchemar de l’essentiel des élèves. C’est malheureusement le plus souvent un problème, jusqu’à ce que l’on se rende compte de l’importance culturelle autour de l’Allemagne. Pourquoi parler de l’Allemagne et pas de la Suisse alémanique ? Parce que c’est précisément là que réside le problème : dans nos cours d’allemand, on étudie la culture alémanique et pas la culture suisse alémanique. Qui ici connaît la culture actuelle en Suisse alémanique ? Qui connaît le dernier humoriste en vogue ? Qui a ri à la dernière blague suisse alémanique ? Réellement, cela ne suffit pas : on ne peut se limiter, quand on rencontre une personne en Suisse alémanique, à parler de la météo, du yodel ou de n’importe quel autre petit élément dont on aurait connaissance. On ne peut pas se dire que pour renforcer la cohésion nationale, on va organiser une semaine par année pour favoriser les échanges linguistiques. Finalement, la réalité ne correspond pas à la théorie.

En conclusion, on ne peut pas continuer à dire qu’il faut apprendre l’allemand et ignorer totalement l’existence du suisse-allemand. Ce sont deux éléments qui vont de pair. Naturellement, l’allemand doit être appris, doit être maîtrisé et doit avoir la primeur, mais le suisse-allemand doit venir le compléter. Ce n’est qu’ainsi que nous parviendrons à faire des échanges réalistes. Ce n’est qu’ainsi que nous éviterons que l’anglais remplace le multilinguisme suisse et ce n’est qu’ainsi que nous arriverons à assurer une véritable cohésion nationale. Promouvoir une cohésion nationale sans promouvoir cela, c’est se mentir. En conclusion, (le député prononce cette dernière phrase en suisse-allemand, N.d.l.r.) mes chers collègues, faites donc le bon choix pour enfin faire vivre cette cohésion nationale tant souhaitée.

M. Nicolas Suter (PLR) —

Beaucoup de choses ont déjà été dites. Le postulant a refait son laïus. Comme l’a relevé le conseiller d’Etat et comme cela figure dans le rapport, il y a un problème avec la grille horaire qui est déjà pleine. Même quand il y a une bonne volonté de vouloir apprendre le suisse-allemand, il est compliqué de trouver des enseignants qui peuvent donner ces cours. Lorsque des cours optionnels sont disponibles, la demande n’est pas grande, et elle s’estompe avec le temps. Il n’en reste pas moins que les élèves vaudois font de 5 à 8 ans – voire plus – d’allemand durant leur scolarité, à raison de 3 à 4 heures par semaine, avec le résultat que nous connaissons. Peu de personnes sont capables de communiquer – je ne parle même pas de travailler – en allemand et en suisse-allemand. Il est vrai que travailler en Suisse nécessite souvent de parler allemand et suisse-allemand ; c’est primordial. Dans ce sens, le PLR salue la volonté du département de prendre cette problématique au sérieux et d’assurer, dans le cadre de l’enseignement de l’allemand, une sensibilisation au suisse-allemand. Nous saluons également les actions prises pour favoriser les échanges linguistiques. Vous l’aurez compris, dans sa majorité, le groupe PLR va refuser la prise en compte de ce postulat et il se réjouit que le département prenne la chose au sérieux.

Mme Aude Billard (SOC) —

Savoir le suisse-allemand, c’est fondamental. Il s’agit effectivement de cohésion nationale. La cohésion nationale, ce n’est pas juste aimer manger de la fondue, aller faire du ski ensemble ; c’est pouvoir se comprendre dans l’ensemble du pays, c’est pouvoir prendre le train, aller à Zurich, être dans le métro et comprendre ce que les gens disent, pouvoir leur répondre, pouvoir effectivement rire à leur gag, pouvoir partager la même chose, se sentir à l’aise de soumettre un CV, de faire une interview, de dialoguer, d’avoir des amis qui sont juste à quelques kilomètres de chez nous. Effectivement, nous ne parlons pas très bien ni l’allemand ni le suisse-allemand. Ich kann nur sagen « genau ». Nous devons absolument améliorer notre apprentissage de cette langue nationale. C’est aussi une question de respect envers les deux tiers des habitants de la Suisse, une question d’intérêt aussi pour tout ce qui se trouve outre Sarine.

Dans sa grande majorité, le parti socialiste va soutenir le renvoi de ce postulat au Conseil d’Etat. Bien entendu, nous laissons les méthodes qui devraient être employées pour enseigner le suisse-allemand à l’appréciation du Conseil d’Etat. Il est vrai que nous n’apprenons pas bien l’allemand. Est-ce une question de méthode ? Est-ce un besoin de plus d’immersion ? Cela a été évoqué en commission, il y a probablement une nécessité de repenser la manière dont nous acquérons les langues de manière générale, que ce soit l’allemand, l’anglais ou d’autres. C’est l’occasion de pouvoir s’y pencher, c’est l’occasion peut-être pour le Conseil d’Etat d’y réfléchir et de voir d’autres ouvertures. Le parti socialiste est partagé sur les méthodes à utiliser – des cours à options, des cours obligatoires et l’introduction du suisse-allemand – mais il s’accorde sur le fait qu’il s’agit d’une nécessité, par respect, par intérêt pour l’autre et bien entendu par cohésion nationale.

M. Nicolas Bolay (UDC) —

J’annonce mes intérêts : je faisais partie de la commission qui a traité de cet objet. Je suis opposé à ce postulat, parce qu’il sera impossible de choisir quels dialectes devront être enseignés. L’école doit enseigner une langue qui pourra servir au plus grand nombre de personnes. Si une personne a besoin de mieux comprendre un dialecte – pour diverses raisons, privées ou professionnelles – j’en appelle à sa responsabilité personnelle, en prenant des cours privés ou en effectuant des stages linguistiques en Suisse allemande et non pas comme actuellement en Allemagne. Ces stages sont d’ailleurs des expériences très enrichissantes. Comme nous avons pu l’entendre, beaucoup de choses sont déjà faites par le département. Lorsqu’ils se rencontrent, les Suisses allemands venant de différentes régions parlent souvent en bon allemand, qui par ailleurs leur est également enseigné à l’école. En conclusion, j’aimerais simplement dire que l’allemand est une langue nationale, mais que le suisse-allemand reste un dialecte.

M. Jacques-André Haury (V'L) —

Je faisais partie de la commission qui a traité de cet objet et je soutiens ce postulat. J’aimerais d’abord dédramatiser les dires de Mme Aude Billard à propos des compétences des Vaudois en allemand. Il est un peu excessif de dire que nous ne comprenons rien. Moi-même, j’ai fait pas mal de service militaire, forcément avec des Suisses allemands. J’ai fait partie du Conseil de la défense, j’ai présidé la société suisse d’ORL et je me suis fort bien débrouillé avec mes compatriotes alémaniques sur la base de l’enseignement de l’allemand que j’ai reçu dans le canton de Vaud. J’ai un fils qui travaille à plein temps pour les CFF à Berne, il parle donc le suisse-allemand, en tout cas, il le comprend. J’ai un autre fils qui est parti à Berlin avant de s’installer à Zurich. Il se débrouille très bien avec l’allemand qui a été enseigné dans le canton de Vaud et je crois que le dénaturer est malvenu. Néanmoins, il est vrai que l’on pourrait faire un peu mieux en matière de compréhension du suisse-allemand. J’aimerais poser trois conditions au Conseil d’Etat, pour autant que l’on puisse poser des conditions dans le cadre d’un postulat.

La première, c’est que le but n’est pas de parler le suisse-allemand – M. Bolay a raison, on ne saurait pas lequel choisir – mais au moins de le comprendre à peu près. Cela fait une grosse différence et je suis sûr que beaucoup d’entre nous, avec l’allemand qu’ils ont appris à l’école, parviennent à comprendre un peu le suisse-allemand. Si nous devons faire quelque chose, c’est entraîner la compréhension, mais perdre son temps à vouloir enseigner le suisse-allemand est évidemment une mauvaise idée.

La deuxième condition, c’est que cet enseignement doit être facultatif. On nous a dit que des expériences avaient été menées, mais qu’elles n’avaient pas suscité beaucoup d’intérêt. Ce n’est pas une raison pour ne pas continuer. Cet enseignement de la compréhension ne doit pas se faire au détriment de l’enseignement de l’allemand qui doit être de très grande qualité, mais peut-être en complément, de manière facultative. Peut-être que l’on pourrait donner une certification qui figurerait sur le portfolio de l’élève.

Et la troisième condition, c’est que nous devons absolument recourir aux moyens informatiques. Il ne s’agit pas d’utiliser des enseignants pour effectuer ce travail. Nous venons de voter des crédits considérables pour la numérisation de l’enseignement et s’il y a bien un domaine dans lequel l’informatique peut être utilisée, c’est celui de l’enseignement des langues. Je suis sûr qu’il existe déjà des moyens informatiques pour améliorer la compréhension du suisse-allemand.  Nous pourrions y recourir sans surcharger l’école avec un nouveau programme, parce que nous sommes parfaitement d’accord sur le fait que les programmes sont déjà très chargés et que nous ne pouvons pas constamment y rajouter de nouveaux éléments. En conclusion, je vous recommande d’accepter ce postulat. Il ne s’agit pas d’une motion, mais d’un postulat.

M. Felix Stürner (VER) —

Je dois déclarer deux réalités qui ne sont pas vraiment des intérêts : d’une part, je suis Suisse allemand et, d’autre part, j’enseigne dans un gymnase l’histoire en allemand. A ce titre, je voulais signaler que certains de mes collègues qui enseignent l’allemand sont aussi Suisses allemands et ils pourraient switcher sans aucune difficulté sur du suisse-allemand, ne serait-ce que pour une sensibilisation.

En ce qui concerne les dialectes, personnellement, je parle Bâlois, mais je peux tout à fait parler un autre dialecte qui se comprend très bien et qui ouvre la sensibilité à la compréhension au suisse-allemand. Je soutiens évidemment la sensibilisation à ces éléments. Il suffit d’aller regarder un peu dans la richesse du personnel enseignant vaudois, on y trouvera suffisamment de Suisses allemands et de Suisses allemandes pour pouvoir au moins sensibiliser un peu les élèves, sans ajouter des heures au programme, sans refaire un cours de base de A à Z, mais simplement en donnant la volonté aux élèves de comprendre un petit peu le suisse-allemand.

M. François Cardinaux (PLR) —

J’aimerais revenir un peu en arrière. J’ai eu la chance de travailler pendant dix ans pour des sociétés alémaniques, à des postes de direction, entre autres à Bâle. Lorsque j’y suis arrivé, mes collègues m’ont tout de suite accepté en me disant que je pouvais parler en français. J’ai refusé, je voulais faire l’effort de ne pas parler le français. Ils ont alors accepté eux aussi de faire un effort et de parler allemand, car la langue réelle, dans les affaires professionnelles, c’est l’allemand. Après, c’est une affaire d’amitié, de connaissance et de bon sens. Après deux ou trois ans sur place, on peut aller voir les Schnitzelbängg, sans problème : on ne va pas tout comprendre, mais on aura l’immersion qu’il faut.

Par ailleurs, je pense que c’est une fausse bonne idée de vouloir absolument faire cela dans le cadre de l’école. Je pense qu’il faut laisser à l’école le rôle d’essayer déjà d’améliorer l’allemand. Cela a été relevé par plusieurs d’entre nous, le Romand a des difficultés à accepter la langue de Goethe, parce qu’elle est plus difficile à assimiler. L’anglais se base sur très peu de mots, c’est une langue qui est facile à apprendre. L’allemand, si on veut le pratiquer, est très difficile. Ensuite, le suisse-allemand vient « automatiquement » à l’oreille, une fois qu’on a des relations suivies. Je pense qu’il faut laisser l’école où elle est et (le député prononce cette dernière phrase en suisse-allemand, N.d.l.r.) laisser l’apprentissage du suisse-allemand se faire naturellement.

 

Mme Muriel Thalmann (SOC) —

J’aimerais vous inviter à soutenir ce postulat, car nous Romandes et Romands ne sommes pas bons en allemand ou en suisse-allemand. J’ai travaillé dans l’administration fédérale et j’ai vu bien des collègues romands me poser des questions en sortant d’une séance, car ils n’avaient pas tout compris. J’ai vu des associations romandes ou cantonales qui ne savaient pas qui envoyer à Berne ou à Zurich pour siéger dans l’association faîtière, car leurs membres ne maîtrisent pas assez l’allemand pour pouvoir y siéger. Si la Romandie veut être entendue, si elle veut être comprise, si elle veut pouvoir défendre les positions des Romandes et des Romands, il faut maîtriser l’allemand et – encore mieux – le suisse-allemand. Je vous invite donc à soutenir ce postulat.

M. Fabrice Moscheni (UDC) —

Je voudrais intervenir sur cet aspect extrêmement important. On dit souvent que l’enfer est pavé de bonnes intentions et je crois que nous sommes devant un exemple typique de ce genre de démarche. Je voudrais vous parler de mon expérience personnelle, puisque le postulant nous parle de son expérience personnelle. Avec mon entreprise, je travaille avec la Suisse allemande et accessoirement aussi avec l’Allemagne et je voudrais amener quelques faits importants. Primo, aucun Suisse allemand n’attend d’un Romand qu’il parle suisse-allemand – s’il parle allemand, c’est déjà très bien. Les Suisses allemands sont très heureux lorsqu’on fait l’effort de parler allemand, même avec un petit accent, cela les charme.

Aujourd’hui, le problème n’est pas d’apprendre le suisse-allemand, mais de maîtriser l’allemand. Lorsque j’entends le postulant nous dire qu’il est déjà difficile d’apprendre l’allemand, il faut en tirer les conséquences. Il faut investir dans l’enseignement de l’allemand et non pas dans l’enseignement du suisse-allemand. Il faut être un peu cohérent avec ce que l’on dit. Aujourd’hui, le gros problème, ce n’est pas de savoir le suisse-allemand, c’est de savoir l’allemand. Quand vous engagez quelqu’un qui ne peut pas prononcer trois mots en allemand, c’est un problème pour l’envoyer en Suisse allemande. S’il parle le suisse-allemand, tant mieux, mais c’est déjà bien qu’il puisse parler l’allemand, c’est absolument nécessaire. Aujourd’hui, le problème n’est pas le suisse-allemand, le problème c’est l’allemand. S’il y a des problèmes avec l’enseignement de l’allemand, il faut les résoudre sans passer par la case du suisse-allemand. Soyons concrets, soyons pragmatiques. L’allemand est la langue nationale. Si quelqu’un veut apprendre le suisse-allemand, il le fera dans une logique de démarche personnelle, de responsabilité personnelle, comme beaucoup l’ont fait, comme l’a fait le postulant et je salue son effort. Je crois qu’il faut aussi laisser une marge d’appréciation à chaque individu pour savoir dans quel domaine il veut perfectionner les bases que l’école lui a inculquées. Pourquoi le suisse-allemand ? Il pourrait aussi apprendre l’italien, c’est aussi une langue nationale.

En résumé, apprenons les bases nécessaires et renforçons ces dernières avant d’aller vers d’autres langues ou d’autres manières de s’exprimer qui peuvent s’envisager dans une logique de démarche personnelle. Dès lors, je vous invite à refuser ce postulant.

M. Alberto Mocchi (VER) —

Monsieur Moscheni, la différence, c’est qu’à l’école, on peut apprendre l’italien. Au secondaire, comme au gymnase, il y a des cours d’italien. Il n’y a effectivement pas de cours de dialecte de la Vallemaggia pour le moment, mais on peut apprendre l’italien et c’est très bien ainsi, parce que c’est une langue nationale. On a entendu beaucoup de considérations linguistiques. Est-ce qu’on utilise le suisse-allemand dans la vie professionnelle, dans la vie économique, etc. ? J’aimerais vraiment revenir sur ce qu’ont dit MM. Haury et Raedler. M. Haury nous a dit – et je suis tout à fait d’accord avec lui – que le but n’est pas d’être parfaitement bilingue en suisse-allemand, mais de pouvoir comprendre un tout petit peu ce dialecte, de réussir à décrypter les conversations qui se font de manière informelle en suisse-allemand et, en cela, c’est quelque chose d’extrêmement utile.

M. Raedler soulignait l’aspect culturel qui est extrêmement important. Dans notre pays, des personnes s’expriment majoritairement en suisse-allemand et pas en bon allemand. A la télévision suisse-alémanique, à part les nouvelles, le suisse-allemand est très régulièrement utilisé. Si l’on veut renforcer et créer cette cohésion nationale dont on parle très régulièrement – plutôt d’un côté de cet hémicycle que de l’autre d’ailleurs – il faut connaître les bases du suisse-allemand. Cela ne veut pas dire surcharger le programme scolaire, mais seulement donner des outils supplémentaires à nos élèves – et ce n’est pas un mal. Si l’on devait commencer à recenser les choses apprises à l’école et qui n’ont pas une utilité manifeste dans la vie de tous les jours, la liste serait extrêmement longue. Dans le cas qui nous occupe aujourd’hui, on propose d’ajouter quelque chose qui a un sens, qui a une utilité. A mon avis, c’est plutôt une bonne chose. D’ailleurs, cela ne devrait pas être une question partisane, mais simplement une question de bon sens.

Mme Géraldine Dubuis (VER) —

Je me permets de relever un autre angle qui, je crois, n’a pas été abordé pour l’instant, c’est celui de l’égalité des chances. Offrir une sensibilisation au suisse-allemand, c’est aussi permettre à des personnes qui n’ont pas les moyens financiers de prendre des cours particuliers pour apprendre cette langue de mieux comprendre ces dialectes, mais aussi tout l’aspect culturel que mon préopinant a relevé. Dès lors, il me semble important d’étudier cette réflexion et je vous invite vraiment à soutenir ce postulat.

M. Andreas Wüthrich (V'L) —

Je n’ai pas besoin de déclarer mes intérêts, mon accent trahit assez mes origines suisses alémaniques. Indépendamment de l’issue qui est réservée à ce postulat, j’aimerais dire que j’apprécie beaucoup le respect de M. Raedler et de tout le Parlement pour cette langue. Si on fait rayonner l’amour pour l’autre et pas la haine, je pense que le premier pas est fait pour la cohésion nationale et c’est beaucoup plus important que de l’enseigner à l’école.

Mme Anna Perret (VER) —

Je voulais rebondir sur les propos de Mme Aude Billard. Effectivement, je pense qu’il y a quelque chose à faire au niveau de l’amélioration des méthodes d’enseignement de l’allemand. Mon fils est en 8e année, il suit des cours d’allemand qu’il trouve peu stimulants et ennuyeux, contrairement aux cours d’anglais qui bénéficient d’une autre méthode.

J’aimerais aussi rebondir sur les propos de M. Stürner. Je pense qu’il serait intéressant d’introduire des notions de suisse-allemand dans le cours d’allemand. Cela pourrait justement être un élément nouveau et stimulant dans les cours d’allemand. Introduire le suisse-allemand dans les cours d’allemand serait une situation de win-win, parce que cela rendrait éventuellement les cours d’allemand plus intéressants et cela donnerait des bases de suisse-allemand à nos élèves.

M. Frédéric Borloz (C-DEF) — Conseiller-ère d’Etat

Dans notre beau canton de Vaud, nous avons toujours eu une relation un peu particulière avec la Suisse allemande. Cela est sans doute dû à notre histoire, à notre Révolution. Je suis originaire des Ormonts et mes ancêtres n’ont pas vu partir les Bernois avec beaucoup de plaisir. Ils auraient bien aimé qu’ils restent aux Ormonts, parce qu’ils s’étaient bien acclimatés à cette présence bernoise et les choses se passaient assez bien. Je constate aujourd’hui qu’on relance un peu un débat linguistique qui ne se termine pas sur les relations particulières entre la Suisse romande et la Suisse allemande. Finalement, le plus Suisse allemand des Suisses allemands de la salle nous disait il y a un instant que c’est par l’amour de l’autre que l’on va aider la cohésion nationale, bien avant le fait d’enseigner une langue ou de ne pas l’enseigner. Je partage totalement son avis. Avec mes enfants, nous avons parcouru la Suisse allemande, nous avons vu tous les cantons, certains plusieurs fois, pour découvrir la culture suisse. A vrai dire, il n’y a pas une culture suisse, il y a des cultures suisses – des cultures cantonales. Je ne parle pas le suisse allemand, je ne le comprends pas, mais nous avons passé des moments merveilleux, des moments d’échanges, des moments où nous avons appris à nous connaître les uns les autres, des moments où nous étions immergés dans cette autre culture. Je pense qu’il ne faut pas tout mélanger. Je crois que la culture peut s’apprendre – ou en tout cas, se découvrir – sans forcément savoir le suisse-allemand.

Maintenant, beaucoup de choses ont été demandées, notamment des cours facultatifs ou d’insérer quelques notions de suisse-allemand dans les cours d’allemand traditionnel. Ce sont des choses qui se font déjà. A l’école obligatoire, pour les élèves d’une dizaine d’années, les professeurs d’allemand ont à leur disposition du matériel pour faire une initiation au suisse-allemand, pour que les élèves sachent que, de l’autre côté de la Sarine, il y a des gens qui parlent une autre langue et que celle-ci peut être différente d’un canton à l’autre. Il ne faut pas parler du suisse-allemand, mais des suisses-allemands. Les élèves vaudois qui quittent l’école auront été initiés au suisse-allemand et cela me semble extrêmement important.

Il est vrai que les cours facultatifs proposés à l’époque n’ont pas rencontré beaucoup de succès. Il n’y avait pas assez d’élèves intéressés pour maintenir cette expérience. Aujourd’hui, il n’y a pas de demande – à part au Grand Conseil vaudois – il n’y a pas de pression de la part des parents, du corps enseignant ou des élèves eux-mêmes pour réclamer des notions de suisse-allemand. Raison pour laquelle nous allons continuer à déployer énormément d’efforts pour organiser des échanges linguistiques. M. Raedler a eu des propos assez durs sur ces échanges, en disant tout à l’heure que ce n’était que de la théorie. C’est assez peu respectueux pour les personnes qui éprouvent du plaisir à venir chez nous et celles – nos enfants – qui ont du plaisir à aller en Suisse allemande. Ce n’est pas que de la théorie, cela permet de découvrir l’autre, de s’immerger dans un autre milieu culturel et de se faire comprendre avec l’allemand appris à l’école, mais aussi d’avoir une initiation pratique au suisse-allemand. Ce n’est vraiment pas inutile, ce n’est pas du tout de la théorie. Nous avons maintenant renforcé nos relations avec le canton de Zurich. Nous avons d’excellentes relations avec le canton de Zoug depuis plus de 20 ans. Nous avons récemment décidé d’ouvrir un nouveau champ de collaboration avec Appenzell et deux autres cantons sont intéressés à collaborer avec le canton de Vaud. Nous avons de la chance. Le canton de Vaud est un grand canton, beaucoup plus grand qu’Appenzell. Nous sommes donc obligés de multiplier les accords avec les petits cantons, sinon le canton d’Appenzell sera vite colonisé par les élèves romands.

Il s’agit aussi d’apprendre comment on vit en Suisse allemande. Imaginez un seul instant que quelqu’un sorte de l’école sans savoir que de l’autre côté de la Sarine on parle le suisse-allemand… c’est farfelu comme position et cela ne conduit absolument à rien. Encore un mot sur les cours facultatifs : ces cours ne sont plus organisés dans les régions comme auparavant, parce qu’il n’y avait pas assez d’élèves intéressés, mais il existe toujours des cours facultatifs dans le canton de Vaud. Chaque semaine, sur le site de l’Université, figurent des cours facultatifs de suisse-allemand ouverts à tous les élèves vaudois. Tout le monde peut prendre quelques cours et aller plus loin s’il le souhaite, en fonction de sa capacité et du temps qu’il a à disposition après l’école. De nombreux élèves suivent des cours de mathématiques à l’EPFL – les cours Euler – parce qu’ils ont des compétences particulières. Cela fonctionne extrêmement bien : on fête cette année le 15e anniversaire des cours Euler. En parallèle, ils peuvent aussi suivre des cours de suisse-allemand qui continuent à être prodigués.

J’ai essayé d’expliquer tout cela en commission ; j’ai dit que c’était un combat que je trouve totalement inutile et qui laisserait penser, en cas de refus, que nous n’aimons pas les Suisses allemands. Je pense que cela n’a pas de sens. Au contraire, nous sommes tous conscients de ce que nous sommes en train de faire. Nous sommes conscients que personne n’a l'apanage du bon sens. Tout le monde essaie de bien faire, l’école vaudoise aussi, mais ajouter une langue supplémentaire ne me parait pas possible. Par ailleurs, les plans prévoient aussi l’italien. Cela a été relevé tout à l’heure : il s’agit aussi d’une langue nationale. Nous devons nous consacrer là-dessus. C’est bien joli de parler d’aller travailler en Suisse allemande, mais le contrat que vous allez signer sera en allemand. Si vous allez faire des affaires pour une entreprise ou chercher des clients, les contrats d’achat ou de vente que vous allez signer seront aussi en allemand. Notre mission de base est de doter les jeunes Vaudoises et les jeunes Vaudois d’un bagage de culture générale suffisamment large pour qu’ils sachent ce qui se passe en Suisse allemande, qu’on y utilise une autre langue, leur donner la possibilité de l’apprendre et peut-être leur donner quelques rudiments. Néanmoins, fondamentalement, nous devons tout de même nous consacrer à l’enseignement de l’allemand, la langue nationale, même si l’un n’exclut pas l’autre.

Depuis que je suis entré en fonction, vous avez déjà proposé différentes matières à intégrer dans l’école vaudoise. On a tendance à vouloir sans arrêt ajouter de nouvelles branches, mais, à un moment donné, il faut se consacrer aux fondamentaux. Si l’on diminue le nombre de cours de français et que le niveau de français diminue, vous viendrez demander au gouvernement de renforcer les cours de français. Il faudra alors le faire en supprimant une autre branche. En Romandie, je pense que nous avons trouvé un bon équilibre au niveau des informations données, de la culture générale, du renseignement sur l’existence du suisse-allemand et du renforcement de la langue de base : l’allemand. Cela a été dit par quelqu’un tout à l’heure, si on maîtrise bien l’allemand, on aura plus de facilité à comprendre rapidement le suisse-allemand et à pouvoir l’utiliser.

En conclusion, je pense que nous ne faisons pas tout faux. Je vous mettrai volontiers tout cela par écrit dans une réponse à ce postulat, mais il n’y aura pas beaucoup d’éléments supplémentaires. J’ai l’impression que nous devons nous consacrer aux grands défis de l’école vaudoise, aux grandes problématiques auxquelles nos enfants sont confrontés, parce que l’école change, elle évolue. Ce n’est pas forcément simple et cela doit mobiliser notre énergie comme celle des personnes qui travaillent pour l’école vaudoise dans ce canton.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil prend le postulat en considération par 66 voix contre 63 et 7 abstentions.

M. François Cardinaux (PLR) —

Je demande un vote nominal.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

Cette demande est appuyée par au moins 20 membres.

Celles et ceux qui acceptent le postulat votent oui ; celles et ceux qui le refusent votent non. Les abstentions sont possibles.

Au vote nominal, le Grand Conseil prend le postulat en considération par 71 voix contre 67 et 2 abstentions.

* Introduire vote nominal

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