24_REP_96 - Réponse du Conseil d'Etat au Grand Conseil à l'interpellation Elodie Lopez et consorts au nom du groupe EP - Consommation de substances illicites dans l’espace public, mesures socio-sanitaires cantonales et soutien aux communes: point de situation ? (24_INT_53).
Séance du Grand Conseil du mardi 26 novembre 2024, point 13 de l'ordre du jour
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Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourMon interpellation déposée en mars dernier s’inquiétait des problèmes liés aux substances illicites et demandait un point de situation cantonal en abordant plusieurs aspects de ce dossier. Je remercie le Conseil d’Etat pour ses réponses que je vais passer en revue.
S’agissant de ma première question, nous saluons que le Conseil d’Etat reconnaisse que la dégradation de la santé mentale de la population est un facteur aggravant des problèmes liés à la consommation de stupéfiants. Nous saluons également l’initiative du mois de la santé mentale, qui s’est terminé récemment, et encourageons le canton à renforcer et à étoffer les mesures dans ce domaine. Ce sujet doit être abordé avant tout sous l’angle de la santé publique. Cela nécessite le déploiement de moyens appropriés, car il ne s’agit pas seulement d’un problème de sécurité publique. Je tiens à insister sur ce point, car les réponses reçues en octobre et la situation budgétaire actuelle suscitent une inquiétude : celle que des moyens significatifs soient alloués au quatrième pilier, celui de la répression, sans qu’un effort proportionnel soit consenti pour les trois premiers piliers. Or, il est bien établi que seule une approche globale, articulée autour des quatre piliers, permet de résoudre durablement ces problématiques. Par exemple, des mesures en faveur de la santé mentale contribuent à améliorer la situation.
Cette remarque fait donc le lien avec ma deuxième question, qui interrogeait le Conseil d'Etat au sujet de l’utilisation du fonds pour la prévention et la lutte contre les addictions. Je remercie le Conseil d'Etat pour sa réponse. Il est évident que ce fonds est bien utilisé pour financer différents projets de lutte contre les addictions portés par des tiers. Cependant, après avoir consulté la réponse et effectué quelques recherches, il m’est difficile d’évaluer si les projets financés sont en augmentation ou non. J'ai également rencontré des difficultés à comprendre précisément comment ce fonds est alimenté et si ses ressources sont suffisantes pour répondre aux besoins. Madame la conseillère d'Etat, en octobre, nous avions évoqué l’augmentation du soutien aux structures à bas seuil dans le canton, à la suite de l’observation d’une hausse des besoins. Ma question est donc la suivante : ce renforcement des moyens est-il prévu dans le cadre de ce fonds, ou bien s’agit-il d’un financement provenant d’un autre fonds ou mécanisme ? Si vous pouviez nous fournir des éclaircissements à la fois sur le fonds de prévention et sur les mesures de renforcement des structures à bas seuil, ce serait très utile.
Concernant les mesures socio-sanitaires urgentes déployées sur le canton, la réponse du Conseil d'Etat souligne un point important : les mesures urgentes prises jusqu'à présent sont très lausanno-centrées, alors même que d'autres régions sont confrontées à des problématiques similaires depuis un certain temps déjà. Je souhaite donc appeler ici Mme la conseillère d'Etat à régionaliser et à décentraliser les mesures cantonales liées à ce dossier. C’est mon premier message sur ce point. Le deuxième message est lié à la dimension d’urgence. Comme pour d'autres problématiques sociales, vous l’aviez relevé lors des discussions sur l’hébergement d’urgence, nous souhaiterions éviter de déployer des mesures en urgence et privilégier plutôt des mesures d’anticipation. Ce que nous avons pu observer ces derniers mois, c’est que des communes comme Payerne ont pris des mesures pour anticiper un éventuel déplacement des problèmes liés aux stupéfiants, à la suite des annonces faites par d'autres villes comme Yverdon. Mais pour pouvoir anticiper, il est nécessaire d’avoir une certaine avance et de bien connaître la situation sur le terrain, en maintenant un contact étroit avec les acteurs concernés dans toutes les régions du canton. Il semble que cet aspect ait quelque peu manqué, d’où l’importance cruciale de renforcer la coordination entre les acteurs, tant à l’échelle régionale que cantonale. C’est pourquoi j’aimerais appeler à déployer des mesures d’anticipation pour éviter de se retrouver dans une situation d’urgence. Lors de la réponse à cette interpellation en juillet, vous mentionniez que les mesures étaient encore d'actualité et que leur maintien serait évalué en fonction de l’évolution de la situation. Ma question est donc la suivante : ces mesures ont-elles été maintenues, et est-il prévu d’étendre ces actions aux autres régions concernées ?
Une question portait sur les mesures destinées aux proches et aux familles des personnes toxico-dépendantes, qui sont souvent durement impactées et réellement démunies. Nous remercions également le Conseil d'Etat pour ses réponses à ce sujet. Il apparaît que des prestations et des mesures existent déjà, mais nous soulignons que leur impact reste souvent indirect, bien qu'elles puissent avoir un effet positif sur la personne souffrant d'addiction. Nous pensons cependant que ces mesures et prestations mériteraient d’être renforcées.
Ma cinquième question portait sur un retour concernant la Journée de travail cantonale réunissant les acteurs concernés, mettant en évidence l'importance d'une coordination entre les acteurs et régions. Un postulat a d’ailleurs été déposé récemment et ce sujet sera donc abordé plus en détail. Je souhaiterais souligner deux messages à ce sujet. Tout d’abord, j'espère sincèrement que le canton maintiendra son investissement et son rôle de coordinateur et de facilitateur entre les différents acteurs concernés, tout en jouant également le rôle de lien entre les différentes régions affectées. La réponse à l'interpellation a bien mis en lumière l’importance de la coordination entre les acteurs du réseau. Toutefois, j’aimerais insister sur le fait qu'il est essentiel d’inclure les autorités territoriales dans cette coordination. Ces autorités, en particulier les municipalités, possèdent des compétences qu’il est important de reconnaître, même si elles sont parfois limitées. Elles jouent un rôle essentiel aux côtés des structures à bas seuil, des polices régionales. Elles peuvent mettre en place des politiques et sociales. Elles sont également en première ligne vis-à-vis de la population et portent une grande partie du fardeau. Elles doivent donc être pleinement intégrées dans ces efforts de coordination et être outillées pour assumer leurs responsabilités. Nous savons que les problèmes liés aux stupéfiants sont souvent transférés d'une commune à l'autre. Par exemple, la commune d’Aigle y a été confronté dans le passé. Ces phénomènes sont constants dans le temps, parfois avec des pics à certains moments. C’est pourquoi il serait pertinent d’envisager des outils de gouvernance et des espaces de partage d’expérience entre les différentes autorités territoriales.
Pour conclure, je tiens à souligner un point que je trouve particulièrement positif. Vous avez mentionné l'importance de promouvoir la responsabilisation des usagers, notamment à travers des petits emplois et le travail des équipes de rue, lors de la Journée de travail avec les acteurs. Les mesures urgentes prises à Lausanne semblent avoir suivi cette approche, et il me paraît crucial de continuer à maintenir et à étoffer ces initiatives qui mobilisent les personnes concernées. Nous parlons ici d'intégration des consommateurs. Cependant, une question se pose : qu’en est-il des vendeurs, dont une partie se trouve à dealer par manque d'autres choix, et qui pourraient peut-être faire autre chose si on leur offrait la possibilité ou l'incitation à changer de voie ? Serait-il envisageable d’orienter ces personnes vers d'autres activités ?
La discussion est ouverte.
Je vais tenter de répondre à certains des éléments soulevés par Mme la députée Lopez, bien que je n'aie pas nécessairement toutes les réponses aux questions complémentaires qu'elle a posées.
Concernant le fonds Addiction, vous m'avez demandé comment ce fonds était alimenté. Il est financé par les séquestres effectués chaque année, c'est-à-dire par les saisies réalisées par la police. En 2023, le fonds a reçu 760'000 francs, et cette année, il a reçu 650'000 francs. Actuellement, nous disposons de 1,7 million de francs dans le cadre de ce fonds. Pour répondre à votre question, il faut noter que ce montant disponible ne permet pas toujours de satisfaire toutes les demandes adressées à ce fonds. Toutefois, les projets sont évidemment évalués avant d’être financés. De plus, il est important de préciser que ce fonds ne finance pas systématiquement l'intégralité des demandes, car celles-ci proviennent souvent des communes, qui doivent elles-mêmes participer à la mise en place de politiques, notamment dans les domaines du bas seuil ou de l'accompagnement des personnes en situation de toxicodépendance, en utilisant leur propre budget.
Il me semble, bien que je ne sois pas tout à fait certaine d'avoir bien saisi votre question, que vous me demandiez si les dernières annonces concernant la situation dégradée de l'espace public ces derniers mois, notamment en raison de la présence de crack et de l'augmentation du nombre de consommateurs et consommatrices, étaient financées par le fonds Addiction. Vous faites probablement référence aux renforts annoncés à Yverdon et à Vevey, c'est bien cela ? La réponse est non, ce financement ne provient pas du fonds Addiction. Ces mesures ont été financées par le budget ordinaire de mon département, avec des réallocations internes, afin d'augmenter l'aide apportée à la fondation Addiction, action communautaire et travail social (AACTS) à Vevey, ainsi qu'à Zone Bleue à Yverdon, si je ne me trompe pas.
Concernant la nécessité d'anticiper au maximum les mesures et la coordination, il est vrai qu'après le dépôt de votre interpellation, la situation s'est considérablement dégradée, ce qui a nécessité une concertation renforcée. Plusieurs communes, dont la vôtre, ont exprimé le besoin de recevoir un soutien plus important de la part du canton. Cette réunion a eu lieu il y a une ou deux semaines, et dans le cadre de la délégation du Conseil d'Etat qui suit cette problématique, nous avons eu l'occasion de rencontrer les municipalités de Lausanne, Vevey et Yverdon. Dans ce cadre, une série d'éléments ont été relayés de part et d'autre, et sur cette base, nous avons décidé de renforcer de manière significative la plateforme mise en place, qui est sous l'égide de mon collègue, M. Venizelos – bien que le Département de la santé et de l’action sociale (DSAS) soit représenté, mes propos sont peut-être imprécis. La coordination sera désormais beaucoup plus appuyée. Nous avons invité les autres communes – jusqu'à présent seule Lausanne participait – à rejoindre cette plateforme afin que la circulation des informations et les remontées du terrain se fassent de manière plus adéquate. Je tiens à préciser que, comme cela a été évoqué lors de nos rencontres avec les communes, le canton a bien des compétences, notamment dans le domaine sanitaire et la prise en charge sanitaire des personnes toxicodépendantes, pour lesquelles nous avons évidemment des responsabilités. Cependant, pour tout ce qui touche à l'accompagnement social, notamment par des prestations de bas seuil ou autres, ce sont les communes qui sont au front et qui doivent mettre en place leur propre politique. Bien que ce soient principalement les grandes villes qui soient concernées, il est vrai que le problème de la toxicodépendance se déplace souvent dans des zones urbaines, là où se trouvent les consommateurs, les vendeurs et où le trafic se développe. Ce phénomène est également lié aux axes de trafic, comme les gares ou les routes, qui facilitent la mise en place de ces réseaux.
Dans ce cadre, nous avons bien clarifié les compétences attendues de chaque acteur, en particulier des villes, qui doivent assumer pleinement leurs responsabilités, sans rechigner, notamment dans les domaines de l'accompagnement social et de la gestion de la situation. De notre côté, nous avons pris en charge nos responsabilités, en apportant un soutien notamment dans les domaines de la répression, mais aussi en soutenant les autres piliers nécessaires pour répondre à cette situation extrêmement compliquée, en particulier avec l'arrivée du crack sur le territoire vaudois. Voilà, je pense avoir répondu à toutes vos questions, mais n'hésitez pas à me solliciter en bilatéral si nécessaire.
Retour à l'ordre du jourLa discussion est close.
Ce point de l’ordre du jour est traité.