22_POS_48 - Postulat Jean Tschopp et consorts - Maîtrisons notre consommation d’énergie. Pour des compteurs individuels de chauffage et d’eau chaude.
Séance du Grand Conseil du mardi 22 août 2023, point 17 de l'ordre du jour
Texte déposé
Les économie d’énergie sont importantes à la fois pour notre environnement et pour faire face aux difficultés rencontrées par les consommateurs et les locataires en particulier. La guerre en Ukraine provoquée par la Fédération de Russie et ses répercussions provoquent un risque de pénurie d’énergie l’hiver prochain. Ces circonstances soulignent la nécessité de renforcer l’auto-approvisionnement de la Suisse et du canton de Vaud en électricité et nos investissement dans les énergies renouvelables en nous libérant des énergies fossiles. Dans un contexte d'inflation de 3.4% et de perte de pouvoir d’achat: hausses du prix de l’électricité (Romande Energie a annoncé des hausses de tarifs de 49% pour 2023), des matières premières, du carburant, des denrées alimentaires de base et d’augmentation des primes d’assurance maladie, il est essentiel de donner les moyens aux habitants et en particulier aux 70% de locataires qui composent le canton de Vaud de mieux maîtriser leur consommation d’énergie. La solidarité impose une sobriété énergétique pour éviter que les ménages et les entreprises subissent des coupures de courant.
Les recommandations du Conseil fédéral aux entreprises et aux ménages se multiplient pour économiser de l’électricité. Les mesures concernant la consommation d’énergie des bâtiments relève en premier lieu de la compétence cantonale (art. 89 al. 4 Cst). S’agissant des bâtiments, la loi fédérale sur l’énergie entrée en vigueur en 2018 donne compétence aux cantons d’édicter des dispositions sur le décompte individuel des frais de chauffage et d’eau chaude pour les nouvelles constructions et les rénovations notables (art. 45 al. 3 let. c LEne). Ces rénovations notables englobent l’assainissement complet de système de chauffage et d’eau chaude ou encore l’assainissement énergétique de bâtiments intégrés dans les réseaux de chauffage à distance pour lesquels le décompte est effectué par bâtiment et l’enveloppe d’un ou plusieurs bâtiments est assainie à plus de 75% (art. 50 al. 2 OEne). La loi cantonale implémente ces obligations pour les nouveaux bâtiments ou les rénovations notables (art. 28 al. 2 let. h LVLEne). Pour les anciens bâtiments ou non rénovés consommant souvent beaucoup d'énergie et chauffés majoritairement au mazout, voire au gaz, aucune obligation de compteur individuel n’existe. Or dans le canton de Vaud, l’essentiel du parc immobilier est vieillissant (3/4 du parc date d’avant les années 1990) et mal assaini. Par ailleurs, certains immeubles, bien que plus récents et chauffés aux énergies renouvelables, ont un décompte basé sur le nombre de m3 par appartement plutôt que sur la température. Les locataires sont totalement captifs quant au système de chauffage en place dans leur immeuble. Le règlement vaudois prévoit que pour ces bâtiments non soumis à l’obligation de décompte individuel des frais de chauffage et d’eau chaude, le propriétaire est tenu de réaliser les installations nécessaires uniquement si la majorité des locataires le demande. Dans ce cas, les coûts d’équipement sont alors répartis entre les locataires (art. 44 al. 2 RLVEne).
Alors que les économies d’énergie sont indispensables et vivement encouragées, cette privation de compteur individuel de toute une partie des locataires, propriétaires par étage et consommateurs d’électricité n’est pas satisfaisante. Cette absence de compteur individuel peut décourager ces derniers de réduire ou de tenter de réduire leur consommation d’énergie, sachant que le calcul se fera selon la moyenne de consommation de l’ensemble de leur immeuble.
Plusieurs collectivités publiques ont adopté des mesures pour faciliter l’introduction de compteur de chauffages individuels et d’eau chaude. Dans le canton de Genève, ce décompte individuel est obligatoire pour tous les bâtiments de 5 preneurs et plus construits après 1993 (sauf s’ils respectent un standard de haute performance énergétique) et même sur les constructions antérieures dépassant un certain indice de dépense de chaleur (125 kWh/m2 sur 2 ans). Autre exemple, en septembre 2022, la commune de Neuchâtel a adopté une subvention de 50% des bailleurs ou propriétaires pour l’installation de compteurs individuels dans les anciens bâtiments, avec un plafond à CHF 20 000 par installation.
Plusieurs acteurs comme l’Association suisse de défense des locataires (ASLOCA) ou la Fédération romande des consommateurs (FRC) demandent l’introduction de compteurs individuels de frais de chauffages et d’eau chaude sur tous les bâtiments basé sur la consommation réelle d’énergie.
Au vu de ce qui précède, les membres du Grand Conseil soussignés demandent au Conseil d’Etat en concertation avec la Commission paritaire en matière de droit du bail (COPAR) d'étudier les possibilités de faciliter et d’accélérer la mise en place de compteurs individuels des frais de chauffage et d’eau chaude pour tous les bâtiments.
Conclusion
Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures
Liste exhaustive des cosignataires
Signataire | Parti |
---|---|
Cédric Roten | SOC |
Claire Attinger Doepper | SOC |
Sandra Pasquier | SOC |
Patricia Spack Isenrich | SOC |
Céline Misiego | EP |
Valérie Induni | SOC |
Monique Ryf | SOC |
Laurent Balsiger | SOC |
Yannick Maury | VER |
Sylvie Pittet Blanchette | SOC |
Sébastien Cala | SOC |
Rebecca Joly | VER |
Thanh-My Tran-Nhu | SOC |
Felix Stürner | VER |
Géraldine Dubuis | VER |
Oscar Cherbuin | V'L |
Graziella Schaller | V'L |
Cendrine Cachemaille | SOC |
Théophile Schenker | VER |
Vincent Jaques | SOC |
Carine Carvalho | SOC |
Isabelle Freymond | IND |
Claude Nicole Grin | VER |
Cloé Pointet | V'L |
Alberto Cherubini | SOC |
Yves Paccaud | SOC |
Elodie Lopez | EP |
Laurent Miéville | V'L |
Muriel Thalmann | SOC |
Alberto Mocchi | VER |
Oriane Sarrasin | SOC |
Yolanda Müller Chabloz | VER |
Romain Pilloud | SOC |
Julien Eggenberger | SOC |
Joëlle Minacci | EP |
Jacques-André Haury | V'L |
David Vogel | V'L |
Valérie Zonca | VER |
Blaise Vionnet | V'L |
Pierre Wahlen | VER |
Marc Vuilleumier | EP |
Sonya Butera | SOC |
Alexandre Démétriadès | SOC |
Circé Fuchs | V'L |
Documents
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourDans un contexte d'économie d'énergie, de risque de pénurie et de hausse importante des prix, le postulat révèle le peu d'outils à disposition des locataires et des propriétaires pour suivre leur consommation de chauffage. Depuis une vingtaine d'années, les bâtiments neufs doivent être équipés de compteurs individuels de chauffage. Toujours est-il qu'une grande partie des bâtiments ne le sont pas encore. De manière générale, les membres de la commission sont unanimes sur le fait qu'il est important de mettre en œuvre des solutions pour réduire la consommation d'énergie utilisée pour le chauffage. En effet, le chauffage représente une part importante de la consommation d'énergie fossile et doit à ce titre être maîtrisé. Au cours de la discussion, deux critiques ont été émises sur les compteurs individuels. D'une part, leur fiabilité, qui peut être remise en question, et d'autre part, une certaine injustice de traitement générée par des décomptes de chauffage issus de ces compteurs. En effet, un appartement orienté sud ou se trouvant entre deux appartements nécessitera évidemment moins de chauffage qu'un appartement orienté nord ou sous les toits. Les compteurs individuels sont relevés une seule fois par année et ne permettent certainement pas une gestion proactive de la consommation de chaleur. Un développement de télérelevés et d'outils de suivi en temps réel doit être développé et mis en place pour favoriser une gestion efficiente de l'énergie de chauffage. Ainsi, une majorité de la commission considère que ce postulat permettra de dresser un état des lieux des outils et des solutions disponibles, ainsi que de présenter un constat de l'étude menée dans le canton de Genève au sujet de la fiabilité et de l'efficacité des compteurs de chauffage individuels. Enfin, la commission se déclare favorable à la prise en considération de ce postulat par 9 voix contre 4 et 2 abstentions.
La discussion est ouverte.
Je remercie le rapporteur de commission pour ce résumé de nos débats et de nos échanges. Le canton admet une très grande majorité de locataires. En effet, 70 % des Vaudoises et des Vaudois le sont. En outre, la très nette majorité des bâtiments est encore chauffée au mazout ou au gaz. De toute évidence, le contexte montre que les montants et les coûts de l'énergie ont fortement augmenté, et les locataires se retrouvent en bout de chaîne. Et, pour une large partie, leur maîtrise est limitée à leur propre consommation. Via le communiqué publié hier, la Loi sur l'énergie a été mise en consultation. Il n’en demeure pas moins que, dans la situation actuelle, les trois quarts des bâtiments sont peu ou mal assainis au sein du parc privé qui compte encore beaucoup de passoires énergétiques. Il est difficile de simplement dire aux locataires qu'il faudra attendre encore 10 ou 15 ans avant de pouvoir bénéficier de technologies qui, comme vous le dites monsieur Suter, permettent d'avoir une meilleure maîtrise de la consommation individuelle. Si nous soutenons un nécessaire message de sobriété énergétique, il faut aussi permettre aux locataires – souvent captifs de leur situation – de mieux maîtriser leur consommation, car ils ne sont pas responsables du fait de vivre dans un bâtiment ancien, et sans compteurs individuels qui permettent un autocontrôle.
L'idée proposée par ce postulat réside dans le fait d'agir de manière concertée. Avec le concours de la Commission paritaire en matière de droit du bail, le postulat demande d'étudier les possibilités de facilité et d'accélérer la mise en place de compteurs individuels des frais de chauffage et d'eau chaude pour tous les bâtiments. Je considère qu’un enjeu existe vraiment à ce niveau-là pour permettre aux locataires – majoritaires et consommateurs – de mieux maîtriser leur propre consommation. Enfin, je rappelle que je travaille à la Fédération romande des consommateurs en tant que responsable du service juridique. Il s’agit non seulement d’une demande qui émane de cette organisation, mais aussi de l'ASLOCA. En conclusion, comme la majorité de la commission, je vous recommande de renvoyer ce texte au Conseil d'Etat.
Quel locataire n'a pas rêvé de pouvoir régler la température de son appartement ? Les aspects financiers, écologiques et malheureusement la guerre en Ukraine nous ont rendus encore plus sensibles aux questions énergétiques. En particulier dans les immeubles anciens, on sait bien que certains locataires chauffent pour les autres. En effet, ceux qui habitent au rez-de-chaussée doivent pousser le chauffage, ceux qui sont au milieu les éteignent, et ceux du haut ouvrent les fenêtres, car il fait trop chaud ; les frais sont solidairement partagés entre tous. Toutefois, il faudrait pouvoir décider par appartement pour assumer son choix par un décompte individualisé, tout en se rappelant que dans tous les cas, l'effort individuel servira à tous. En commission, le Conseil d'Etat a confirmé – tout comme, me semble-t-il, dans le projet de loi sur l'énergie – qu'il soutiendra l'installation obligatoire dans les nouveaux immeubles. Quant aux immeubles anciens, il pourrait apporter un soutien sous forme de subvention. Je remercie donc les postulants de donner une impulsion pour accélérer ce processus. Et je vous invite, moi aussi, tout comme la majorité de la commission à accepter de renvoyer ce postulat au Conseil d'Etat.
La réflexion sur les compteurs individuels par appartement est une vieille histoire ; on s’est souvent demandé s’il s’agissait d’une fausse bonne idée, ce que plusieurs expériences ont démontré. En effet, habiter au-dessus de la cave, sous le toit, plein nord ou plein sud amène évidemment des consommations différentes ; la situation de certains appartements fait bénéficier les autres de leur chauffage. De plus, il se trouve que ces relevés de compteur sont extrêmement chers, tout comme la procédure de relevé accomplie par des sociétés particulières. Vous me rétorquerez que ce sont les locataires qui payent. Selon moi, il est parfaitement inutile d’en « remettre une couche », de surcroît quand ces compteurs sont – semble-t-il – peu fiables et surtout extrêmement difficile à pondérer. Ainsi, leur introduction est onéreuse à la pose et au relevé. Bien entendu, cela ne signifie pas qu’il ne faut rien entreprendre. Pour consentir à effort collectif, la possibilité d'avoir des vannes thermostatiques paraît judicieuse, car elles permettent à chacun de corriger le chauffage, puisque cela ne sert à rien d'avoir tellement chaud qu’on doive ouvrir les fenêtres. Les vannes thermostatiques sont peu chères, faciles à mettre en place et permettent une maîtrise collective de la dépense énergétique. Enfin, j'ai entendu M. Tschopp sur la nécessité d’amélioration des « passoires » énergétiques – ce sur quoi je le rejoins – mais cela n'a rien à voir avec les compteurs. Les bâtiments ont pris de l'âge – comme tout un chacun. Peut-être le nouveau programme du Conseil d'Etat offrira-t-il des solutions et des pistes. Elles devront être discutées et étudiées. Toujours est-il que, fort d’une trentaine d'années d'expérience dans le monde de la construction dans un bureau d'architecture dont j'étais copropriétaire, je considère qu’il s’agit d’une fausse bonne idée. Par conséquent, je vous invite à ne pas suivre cette proposition.
J'indique mes intérêts en tant que membre de la Commission paritaire en droit du bail au sein de laquelle je représente la partie locataire. Je relève avec intérêt la proposition du postulant afin d'activer la réalisation des compteurs individuels de chauffage avec les parties au droit du bail, telles qu'elles sont représentées au sein de la commission paritaire ; une bonne chose. Comme répété, les locataires ont tout intérêt à pouvoir mieux contrôler leur consommation de chauffage et d'eau chaude, y compris dans les immeubles anciens, une nécessité que le postulat relance tout à fait à propos. C’est une proposition particulièrement d'actualité, car la Loi vaudoise sur l'énergie est en consultation depuis hier. Je vous invite donc à soutenir le rapport de la commission.
Etant membre de la commission qui a discuté de ce postulat, je fais partie des commissaires qui ont refusé ce texte. Pour le consommateur, l'objectif principal de ce texte porte fondamentalement sur la maîtrise complète de sa consommation d'énergie. D'une part, le texte cherche à favoriser la maîtrise des coûts – la facture des consommateurs – et de l’autre, à encourager la sobriété énergétique des ménages. Or, déposé à la suite de l'augmentation des prix de l'énergie, le postulat tient plus du marqueur politique que d’une réelle intention de faire diminuer la consommation d'énergie. En effet, si le système actuel de calcul lié aux mètres carrés et aux volumes est perfectible, il présente toutefois l'avantage de gommer certaines inégalités à l'intérieur d'un immeuble, soit l'exposition sud ou nord, les actifs versus les retraités qui passent plus de temps à la maison ou le besoin d'une température un peu plus élevée pour les personnes âgées, l'appartement en sandwich qui profite du chauffage de ses voisins, etc. En résumé, on peut presque s'étonner qu'un député socialiste souhaite l'abandon d'un système actuel plutôt solidaire.
Par ailleurs, l'installation de ces compteurs individuels dans tous les bâtiments a un coût, sans même mentionner la fiabilité. Le rapport indique qu'équiper des appartements avec des technologies de contrôle à distance se situe entre 500 et 2000 francs par appartement. Toutefois, il ne s'agit ici que du coût d'installation. Or, le coût opérationnel qui est, lui, annuel et récurrent et de l'ordre de 10 % du coût d'investissement doit également être pris en compte. En outre, quid de la fréquence de remplacement de l'installation ? Quid de leur fiabilité qui diminue dans le temps et qui est propre à des contestations, des litiges – du travail pour l’ASLOCA soit dit en passant – et donc des coûts supplémentaires ?
De plus, je rappelle que, même avec un compteur individuel, une part fixe estimée de 24 à 30 % existe. Le postulant indique encore que le postulat n'a pas vocation de régler le droit du bail ; et pourtant, c'est bien le cas. Je rappelle qu'en principe, les rénovations qui apportent à l'immeuble une plus-value justifient une augmentation de loyer, soit notamment la création d'un compteur d'eau chaude et/ou individuel de chauffage ; cela figure dans la jurisprudence du Tribunal cantonal de la Cour de droit administratif et public vaudois. En outre, en pratique, qui dit plus-value, dit nouvelle prétention dans le contrat de bail, et par conséquent un besoin de le notifier. Or, une telle notification ne peut être faite qu'aux échéances du bail. Cela pourrait poser des problèmes pratiques, notamment dans des immeubles mixtes où les échéances entre baux commerciaux et habitations ne sont pas les mêmes.
Pour conclure, le ratio coût-opportunité visant à des économies financières et d'énergie est tout à fait minime. Toutefois, des éléments fort simples et très peu onéreux aux effets de levier plus efficaces existent, notamment l’installation d’un éclairage automatique dans les communs d'un immeuble ou encore la suppression du chauffage dans les couloirs et les sas d'entrée dans les communs des dits immeubles. Je vous invite donc à refuser ce postulat.
Je pense que les critiques émises à l'endroit des compteurs individuels de chauffage sont assez justifiées. Dans 24heures, il y a une année ou deux, j'avais écrit un papier intitulé « Ras-le-bol des locaux surchauffés » dans lequel je faisais apparaître que l’excès de chauffage dans les immeubles était souvent imputable à la mollesse des gérances doublée de celle des responsables du chauffage – disons les concierges. Lorsqu'un locataire se plaint de ne pas avoir assez chaud, on augmente le chauffage, mais on ne va pas vérifier s'il souhaite 27 au lieu de 24 degrés et, aux autres, on ne demande pas s’ils supportent cette surchauffe.
Les critiques apportées sur le plan technique doivent être entendues. Comme il s’agit d’un postulat, le Conseil d'Etat saura faire la part des choses. Il a été le plus souvent question dans ce débat des compteurs de chauffage. Or, il est beaucoup plus simple d’évoquer les compteurs d'eau chaude, aspect pour lequel le postulat mérite d'être soutenu. En effet, les compteurs d'eau chaude sont relativement faciles à installer et peuvent maintenant être relevés à distance, de façon informatique. Ainsi, il me semble que les coûts évoqués par M. Carrard sont liés à des technologies plus anciennes. Par conséquent, je vous invite à soutenir ce postulat, au moins pour la partie eau chaude. Enfin, pour le reste, le Conseil d'Etat et ses services, et le cas échéant le Grand Conseil, dans leur sagesse, choisiront la voie législative opportune.
J’aimerais apporter quelques éléments complémentaires, parce que je fais aussi partie des commissaires qui ont refusé ce postulat en commission. Au niveau de la consommation de l'énergie dans les bâtiments, nous devons hiérarchiser nos intentions. Selon moi, les compteurs d'énergie devraient figurer au bas de la liste. Quant aux compteurs d’eau chaude, la question est un peu différente, car ils sont beaucoup plus simples à installer, tout comme les vannes thermostatiques qui sont efficaces et peu coûteuses et permettent à chacun de maîtriser la température dans son logement.
Nous nous confrontons maintenant aussi à un petit problème avec les nouveaux bâtiments dont la circulation liée à une pompe à chaleur s’opère au niveau du sol et a un effet refroidissant. En effet, bientôt, on va refroidir les sols autant qu'on les chauffe ; et l'énergie dépensée pour le refroidissement n’est pas calculée. En outre, les compteurs ne sont pas adaptés à décompter à la fois le froid et le chaud. En d’autres termes, il s’agit d’un processus technique lent et compliqué. Or, la première démarche simple et efficace à entreprendre, et ce, même avant les vannes thermostatiques, consiste à réguler, à maîtriser le départ de chaleur d'une chaudière, par exemple de deux degrés, ce qui n'existe quasiment pas dans les anciens immeubles. Il s’agit d’une opération qui génère de réelles économies, bien plus importantes que celles liées au comptage. Ce sont des travaux très simples. En effet, il suffit d’entrer dans la chaudière et de poser un appareil sur les tuyaux. La régulation se fait et vous ne dérangez personne. Au contraire, poser des compteurs d'énergie amène souvent à démolir des parties de logement pour l’installation, parfois couper des tuyaux de chauffage, réinstaller des compteurs ; ce n'est de loin pas aussi simple que ça. Et, les compteurs simplement posés sur les tuyaux ne fonctionnent pas très bien, voire très mal.
Enfin, ce postulat n'arrive pas au bon moment, car il s’agit de respecter une hiérarchie des mesures à prendre, commencer par le début. Par conséquent, je vous demande de refuser ce postulat.
J'aimerais simplement citer quelques chiffres pour replacer le problème dans un cadre adéquat de comparaison. Selon l'Office fédéral de l'énergie (OFEN), en 2020, le chauffage représentait 65 % de la consommation d'énergie d'un ménage et celle d’eau chaude 15 %, contre à peine 2 % pour l'éclairage. Ainsi, cher collègue Bovay, les économies réalisées par un changement d’ampoules ou relativement au chauffage et à l'eau chaude ne participent pas tout à fait de la même échelle ; il est vrai que la possibilité de poser des vannes thermostatiques existe. Je me réjouis que nous en discutions pour prendre des décisions. En outre, par rapport au comptage individuel, il peut exister des exceptions. Toutefois, compte tenu de l’ampleur citée – 80 % de la consommation d'un ménage – cela vaut la peine de s'y intéresser, de surcroît quand on connaît les coûts de l'énergie et ce qu’ils représentent au sein d’un ménage. J’estime que nous devons fournir à ces derniers les outils nécessaires pour maîtriser leur consommation et les coûts qui y sont liés. A l’évidence, cela contribue aussi à une certaine prise de conscience. Enfin, j’accorde toute confiance à la sagesse du Conseil d'Etat pour proposer une solution adaptée. Compte tenu de l'importance de ce projet, il faut le soutenir.
Une fausse bonne idée ? Trop cher ? Injuste et peu solidaire ? Je répondrai en disant que lorsqu’on parle d’environnement, les critiques pratiques me paraissent surtout une excuse pour attendre, ne pas faire grand-chose. Pour ce qui est du calcul au mètre carré et du principe de solidarité, la facture reçue par le locataire est la conséquence financière de l'inconséquence des voisins. Je ne saisis pas très bien en quoi il est « de droite » de vouloir payer pour les autres. En outre, dans l'immense majorité des cas, les calculs peuvent être effectués de manière numérique individuelle et automatisée à des coûts qui ne s’avèrent pas si élevés – c'était peut-être le cas il y a 15 ans, mais cela a évolué. Et, d'après une entreprise qui a effectué les calculs avec des compteurs individualisés – et dont je tiens le nom à disposition de ceux qui voudraient le connaître – la moyenne des chauffages baisse de 20 %. Ainsi, cela s’avère rentable tant pour le locataire, pour l'environnement que pour l'entreprise qui pose les compteurs. Ainsi, je ne vois pas très bien quel est le problème. Enfin, pour des gens qui passent leur temps à dire qu'ils promeuvent la responsabilité individuelle, je trouve étonnant de vouloir déresponsabiliser les gens face à leur propre chauffage.
A l'issue de ces débats, il serait intéressant de savoir de quel côté se situent les opposants à cette mesure. J'ai en tout cas le sentiment qu'ils n'étaient pas tous locataires. Il me paraît utile de rappeler à cette tribune que la très grande majorité des habitants de ce canton n’ont pas la capacité d'être propriétaires. Pour cette majorité – étant moi-même locataire – chercher un logement implique de réfléchir à son emplacement, notamment à l’école que fréquentent les enfants, et ce, dans un marché de pénurie qui rend un loyer abordable difficile à trouver. Par conséquent, la première question qui se pose ne sera peut-être pas celle du système énergétique ou de chauffage du bâtiment. En outre, la situation actuelle montre une très grande majorité des bâtiments du canton – souvent passablement vieillissants – encore chauffés au mazout ou au gaz. Il s’agit du parc privé au sein duquel les locataires sont souvent dans l'incapacité de maîtriser et/ou d'avoir un réel effet sur leur propre consommation. Par conséquent, l’injonction est totalement contradictoire. Or, nul n’ignore que l'hiver prochain peut s’avérer compliqué par risque de pénurie. Ainsi, il est demandé aux locataires d’« appliquer la sobriété énergétique et d’économiser de l'énergie », mais lorsque des propositions concrètes leur permettant de maîtriser leur consommation sont amenées – et M. Balsiger a bien rappelé que l'essentiel de la consommation énergétique est relatif au chauffage, puis à l'eau chaude –, alors, on dit : « non, non, non, mais surtout pas, c'est impensable ».
J'ai lu attentivement le projet du Conseil d'Etat et le communiqué y relatif avec une planification jusqu'en 2040. Certainement faudra-t-il aller bien au-delà pour assainir l'ensemble du parc immobilier et les bâtiments qui consomment le plus d'énergie. Or, aujourd'hui, certains nous disent qu'il faudra attendre encore 15 ans, voire 17 ans, avant de mettre les locataires en situation de maîtriser leur consommation d'énergie. Or, beaucoup de locataires aimeraient faire des efforts, mais sont confrontés à la réalité, au fait que cela est très difficile en l'absence de compteur.
Le postulat ne demande en aucun cas de placer des compteurs partout, mais plutôt d'agir de manière concertée entre les représentants des locataires et des propriétaires, pour identifier les endroits appropriés. Et, nous devons demeurer conséquents. En effet, de part et d’autre de l’hémicycle, des messages d’économie d'énergie sont émis, des appels à se chauffer un petit peu moins. Ainsi, il faut aussi se poser la question des moyens concrets mis à la disposition de la population pour diminuer sa consommation d'énergie. Nous avons toutes et tous des progrès à faire dans ce domaine-là. A aucun moment, cette mesure n’est présentée comme seule et unique. Néanmoins, il est important pour les consommateurs d’obtenir un retour sur les efforts consentis et les effets très concrets produits non seulement sur leur facture énergétique, leur réduction de consommation mais aussi sur leur pouvoir d'achat. De cette manière, on incite les gens à continuer à faire des efforts, à aller de l'avant. Pour toutes ces raisons, à l’instar de la majorité de la commission, je vous invite à renvoyer ce postulat au Conseil d'Etat.
Je m’exprime en mon nom et non pas en tant que rapporteur et m'inscris en faux contre cette mise en opposition entre locataire et propriétaire. J'annonce mes intérêts : je suis propriétaire et bénéficie, de fait, d’une vue complète sur ma consommation de chaleur. En revanche, il faut signaler que les instruments actuels servant à suivre une facture de chauffage ne me semblent pas idéaux. Depuis que je peux suivre ma consommation électrique via mon téléphone, non seulement je la consulte tous les jours, voire trois fois par jour, mais en plus, je peux vraiment avoir un impact. Il me semble donc qu'il y a un intérêt à améliorer cela, raison pour laquelle j'ai soutenu le postulat en commission ; et je vais continuer.
Je rappelle qu’il s’agit d’un postulat. La potentielle réponse à ce dernier évaluera le coût financier, l'impact et la fiabilité des compteurs et, surtout, les alternatives. En effet, comme mon collègue Romanens, je considère que de nombreuses autres choses peuvent être entreprises dans un bâtiment. Et, le jour où nous pourrons suivre notre consommation énergétique en continu, nous aurons, alors, vraiment un impact sur cette dernière. Enfin, j'espère que la réponse du Conseil d'Etat – si on lui envoie ce postulat – ira dans ce sens.
Le groupe Ensemble à Gauche et POP soutiendra le renvoi de cet objet au Conseil d'Etat, une position déjà soutenue en commission, parce que nous estimons qu’un accès, une vision et une mainmise sur la consommation de son ménage sont essentiels, surtout dans un contexte d’incitation aux économies de consommation d’énergie. A Genève, des living labs – laboratoires vivants – ont mené des études avec des scientifiques qui accompagnaient des citoyens et des citoyennes qui souhaitaient changer leurs habitudes de consommation pour les diminuer, notamment en matière de chauffage ; une expérience qui s'est déroulée sur plusieurs mois. En voici les conclusions : ils se sont rendu compte que les contraintes techniques des systèmes de chauffage sont déterminantes dans l'organisation des pratiques et des habitudes. Certaines personnes apprécient de pouvoir ajuster la température en fonction des différents moments de la journée ou de la semaine, alors que d'autres préfèrent un système automatisé. Dans tous les cas, et là, ils appuient sur cette conclusion : les gens veulent contrôler eux-mêmes leur système de chauffage et la température intérieure. Certains participants se trouvaient dans l'impossibilité de régler ou d’accéder à ces informations, ce qui générait de la frustration. Ces chercheurs concluent que les systèmes qui limitent l'intervention et l'accès à ces informations par les individus ne sont pas une approche à prioriser. Aujourd'hui, il est proposé de faciliter cet accès à l'information dans les ménages. Il s’agit par conséquent d’une piste digne d’être soutenue et suivie, un moyen de concrètement réduire les dépenses énergétiques et de donner des moyens aux gens de devenir plus acteurs sur ces questions. En conclusion, il me paraîtrait contre-productif de classer cet objet.
Je déclare mes intérêts : je suis locataire. Je voudrais simplement répondre à M. Vogel sur le principe de responsabilité ou d’irresponsabilité. Les exemples donnés tendent à comparer une personne âgée, qui par manque de mobilité ne peut pas sortir, et un couple jeune, dynamique, qui travaille – à 80 % ou 100 % – qui peut se permettre d'être souvent à l'extérieur, de s’absenter les week-ends. En effet, il ne s’agit pas d’une question d'irresponsabilité quand une personne âgée, frileuse du fait de son âge, consomme un peu plus de chauffage que des gens qui peuvent être plus mobiles et moins à la maison. Enfin, je suis évidemment favorable à la responsabilité individuelle, à ce que les gens fassent attention à leur consommation. Et comme relevé tant par M. Romanens que par M. Suter, de multiples choses peuvent être mises en place avant la solution du compteur de chauffage individuel.
Je ne résiste pas à vous raconter une petite anecdote : lorsque j'étais au Conseil communal de Lausanne, il y a quelques années, j'avais fait la même proposition en y ajoutant les compteurs d'eau froide. Je considérais qu’il était normal que chacun soit responsable de sa consommation d'eau froide, de l'utilisation de l'eau chaude et du chauffage. Finalement, la gauche s'était opposée à cette proposition sous prétexte de solidarité sociale ; assez étonnant ! Ils estimaient que ceux qui avaient les moyens de se payer un appartement avec un loyer élevé devaient supporter les frais de consommation d'eau et de chauffage des personnes qui étaient de condition plus modeste. Alors, je suis assez content que M. Tschopp – j’ignore s'il siégeait alors au Conseil communal – revienne avec une proposition qui avait été refusée par le parti socialiste il y a 5 ou 6 ans.
J'aimerais vous faire part d'un problème que j'ai rencontré. En 2005, j'ai construit un immeuble locatif comptant six appartements. Dans mon choix, j'avais intégré des compteurs de chaleur et d'eau chaude dans tous les appartements. Or, j’ai rencontré des problèmes avec les locataires. En effet, les locataires du milieu se plaignaient, et ceux du haut et du bas pensaient qu'ils payaient beaucoup plus par rapport aux locataires du milieu ! Bref, toujours est-il qu'après avoir investi pas mal d'argent pour équiper ces six appartements, j'ai dû me résigner à faire des loyers, charges comprises, pour éviter toute problématique par la suite. Ce n’est donc pas forcément quelque chose d'absolument propice pour louer des appartements.
Je vous remercie pour ce très intéressant débat. Dans le canton, un bâtiment sur quatre consomme près de deux tiers de l'énergie. Prioritairement, nous devons assainir notre parc de bâtiments. C'est tout le sens des mesures déployées depuis de nombreuses années par le gouvernement à travers son Programme Bâtiments, tout comme celui des objectifs fixés par l'avant-projet de loi, mis en consultation, qui cible précisément le quart de bâtiments qui représente une consommation relativement importante. Comme M. Carrard l'a rappelé, certaines mesures sont plus efficaces que d'autres pour lutter contre la consommation excessive, le gaspillage énergétique dans un bâtiment : les vannes thermostatiques, les mesures d'équilibrage hydraulique du réseau de radiateurs ou une bonne régulation du chauffage. Cela fait partie des mesures qui doivent être choisies en priorité en cas de rénovation. A l’évidence, les gérances et les concierges ont aussi un rôle important à jouer dans ce dispositif. Nous devons aussi être cohérents au niveau des messages politiques que nous donnons, puisque nous appelons à lutter contre le gaspillage énergétique qui constitue l’un des piliers de la révision de la Loi sur l'énergie.
Il faut assainir les bâtiments et renforcer l'efficacité énergétique, produire beaucoup plus pour réduire notre dépendance à l'importation d'énergie qui équivaut à plus de 80 % de l'énergie consommée sur le territoire vaudois. Nous devons produire plus, notamment à travers le solaire, mais aussi lutter contre le gaspillage énergétique. Ce principe de sobriété énergétique a été évoqué tout à l'heure. D'ailleurs, cet hiver, durant le risque de pénurie énergétique, le Conseil d'Etat a renforcé encore les mesures visant à informer les locataires et les propriétaires sur les possibilités d'économiser de l'énergie. Cette mesure a rencontré un succès important, puisque près de 8000 ménages ont fait appel à ces services. A ce propos, des chiffres intéressants relatifs aux économies d'énergie liées aux recommandations formulées existent. Ainsi, nous devons déployer l'ensemble des mesures possibles et imaginables pour lutter contre le gaspillage énergétique. Souvenez-vous, le Conseil d'Etat s'est aligné sur les recommandations de la Conférence des chefs de départements en charge de l'énergie en appelant la population à baisser son chauffage à 20 degrés. Cela n'a pas généré de mouvements de foule ni d’épidémie insoutenable de grippe sur le territoire cantonal. Nous avons plutôt pu observer que ces mesures étaient relativement bien acceptées par la population et dans les bâtiments de l'Etat – une économie de l'ordre de 30 % du gaz consommé dans ces derniers qui ont aussi fourni des indicateurs précis. Bien entendu, la météo a eu un impact important. Toutefois, nous demeurons convaincus que les recommandations formulées auprès des collaborateurs de l'Etat pour économiser de l'énergie, pour baisser le chauffage, ont été suivies. Typiquement, l'eau chaude a été coupée dans plusieurs bâtiments, notamment dans ceux de votre serviteur.
Nous nous devons de déployer toute une série de mesures pour atteindre ces objectifs. Le compteur individuel n'est pas la seule mesure qui nous permettra de résoudre cette équation, de répondre à la nécessité de lutter contre le gaspillage énergétique. Toutefois, le compteur individuel – comme rappelé par le président de la commission, M. Suter – admet une vertu pédagogique importante, mérite d'être valorisé, facilité. C'est tout le sens du projet de loi déposé hier et mis en consultation. Pour l’heure, il n’existe pas de volonté dans le projet de loi proposé par le Conseil d'Etat d'imposer et d'obliger les différents propriétaires à proposer cette formule, mais plutôt de faciliter le compteur individuel.
Enfin, vous l'aurez compris, le Conseil d'Etat peut vivre avec ce postulat – il ne s’agit pas d’une motion – qui ne contient pas d'injonction. Ainsi, nous avons la possibilité de faciliter un mode de mesure de la consommation énergétique qui permettra de renforcer les messages visant à lutter contre le gaspillage énergétique et à appeler la population à économiser cette ressource rare. Par conséquent, le Conseil d'Etat accueille volontiers ce postulat qui s'inscrit dans le projet de Loi sur l'énergie actuellement en consultation.
La discussion est close.
Le Grand Conseil prend le postulat en considération par 73 voix contre 58 et 5 abstentions.
Je demande le vote nominal.
Retour à l'ordre du jourCette demande est appuyée par au moins 20 membres.
Celles et ceux qui soutiennent la prise en considération du postulat votent oui ; celles et ceux qui s’y opposent votent non. Les abstentions sont possibles.
Au vote nominal, le Grand Conseil prend le postulat en considération par 74 voix contre 58 et 4 abstentions.
*insérer vote nominal