REP_671167 - Réponse du Conseil d'Etat au Grand Conseil à l'interpellation Stéphane Montangero et consorts - Renoncement genevois au E-vote : et après ? (19_INT_286).
Séance du Grand Conseil du mardi 4 mai 2021, point 24 de l'ordre du jour
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Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourD’abord, je remercie le Conseil d'Etat pour sa réponse parvenue peu de temps après les trois mois légaux. En effet, le dépôt avait eu lieu le 20 janvier 2019 et la réponse du Conseil d’Etat est datée du 9 mai 2019 ; ainsi, si nous ne traitons cette réponse que maintenant, cela ne peut lui être imputé. On dira que c’est la faute à pas de chance ou, nous le verrons tout à l’heure, à pas mal de chance.
Venons-en aux faits : les questions liées aux droits démocratiques et à leur exercice ont toujours été très sensibles. Celles liées aux nouvelles technologies le sont tout autant, pour preuve le net refus par le peuple suisse du projet de privatisation des identités électroniques, en mars dernier, par 64,3 % et dans notre canton par plus de 70 %. Concernant la réponse du Conseil d’Etat, je peux faire mien quasi chaque mot de cette réponse qui, avec le temps écoulé, prend une saveur particulière. Je me bornerai donc à relever quelques morceaux choisis comme ceux tirés du préambule : « Dans sa stratégie numérique adoptée en novembre 2018, le Conseil d’Etat estime que les collectivités publiques doivent se doter d’une approche spécifique, coordonnée et transversale sur le traitement des données, en réglant notamment les questions d’accès, d’usage et de stockage de celles-ci. Cette étape devrait être préalable à l’introduction du vote électronique comme canal usuel de vote, ainsi qu’à toute forme de numérisation de notre démocratie, tant les données concernées sont sensibles et leur protection indispensable à la garantie de notre Etat de droit. » Quant à la première réponse, « Dans sa prise de position, le Conseil d’Etat a estimé que les mesures proposées par le Conseil fédéral dans son projet ne suffisaient de loin pas à garantir la transparence et la sécurité du vote. » Et, dans sa deuxième réponse, « Dans sa réponse à la consultation fédérale, le Conseil d’Etat a estimé que si le vote électronique devait se démocratiser davantage, un tel système devrait être exclusivement en mains publiques suisses. Il considère que la latitude offerte par le projet de loi aux cantons de mandater des fournisseurs de système n’est pas acceptable en ce qui concerne l’exercice des droits démocratiques. Le Conseil d’Etat ne peut en effet soutenir un projet laissant aux cantons la possibilité d’abandonner cette compétence régalienne à des entreprises tierces. »
Enfin, dans la troisième réponse, « Si le Conseil d’Etat entend honorer ses engagements envers les Suisses de l’étranger, il doit s’assurer en premier lieu que les conditions de sécurité permettant l’utilisation du vote électronique soient pleinement remplies. » Il n’empêche que le vote électronique aurait des avantages pour les Suisses et les Suissesses de l’étranger, mais pas seulement. Cela serait aussi le cas pour les personnes malvoyantes ou non voyantes ; sans doute ce sujet sera-t-il remis sur le métier. Toutefois, il faut veiller à ce que cela ne se fasse pas n’importe comment. En conclusion, nous pourrions dire que le refus de la loi sur les services d’identification électronique a préservé la Suisse d’une nouvelle privatisation malvenue, et que ce résultat donne par ailleurs un signal clair : la privatisation des tâches régaliennes sous couvert de développement technologique ne trouvera pas de majorité en votation populaire – et c’est fort heureux.
La discussion est ouverte.
J’aimerais insister sur le fait que le vote électronique ouvre des discussions tout à fait légitimes : est-ce que les votes sont sécurisés ? Est-ce ce que quelqu’un ne pourrait pas détourner des votes, comme on l’a vu dans certains pays à côté de chez nous où des influences ont été exercées sur le processus démocratique ? En revanche, cela reste une technologie qu’il ne faut pas sous-estimer, qu’il s’agit d’étudier, d’explorer. Nous l’avons vu, cela peut amener des solutions pour un certain nombre de personnes, notamment – et cela est reconnu dans la réponse à cette interpellation – pour les Suissesses et les Suisses de l’étranger. Par conséquent, c’est un élément à garder dans le radar. En outre, cette technologie doit demeurer exclusivement en mains publiques et démocratiques, car nous l’avons vu, de plus en plus de propositions visent à l’externalisation, avec tous les problèmes qui y sont associés et qui ne sont pas des moindres — une technologie effrayante aux yeux de certaines personnes et c’est aisément compréhensible.
Nous avons été élus par un système démocratique, avec des bulletins de vote en papier, et nous voulons nous assurer que ces votes s’opèrent correctement, dans une nécessaire transparence. Je ne crois pas qu’il faille se débarrasser de ce projet de facto et, par conséquent, j’invite le Conseil d’Etat à aller de l’avant dans ses réflexions avec la Confédération et les autres cantons, à ne pas lâcher prise trop facilement sur ces questions de vote électronique. En effet, trop atermoyer serait faire fausse route. Toutefois, il est important de conserver toutes les limites possibles. Il faut peut-être aussi regarder ce qui se pratique à l’étranger, puisque certains pays s’y emploient déjà avec des résultats tout à fait louables. A l’EPFL, c’est par exemple le cas pour tous les votes depuis de nombreuses années, avec des résultats et une sécurisation tout à fait corrects. Je remercie le Conseil d’Etat pour la sagesse de ses réponses à cette interpellation.
Depuis 10 ans ou davantage, les Suisses de l’étranger, dans leur réunion du Conseil des Suisses de l’étranger – momentanément suspendu à cause de la pandémie – réclament ce vote électronique. Votre serviteur a déposé, en son temps, des motions, voire des initiatives législatives, dans la décennie précédente, entre 2000 et 2008, pour que cela s’accélère. Il faut reconnaître que si les vaccins contre le coronavirus avaient été produits à la vitesse à laquelle on ne produit pas la possibilité pour les Suisses de l’étranger de voter par voie électronique, alors nous serions soumis au régime de la pandémie pendant encore très longtemps.
Finalement, il m’est un peu égal de savoir qui met cela sur pied, instrument étatique, semi-étatique ou privé ; je demande seulement que cela se fasse vraiment et qu’opère une volonté politique absolue. Je reconnais que la conseillère d’Etat Béatrice Métraux était la première que je rencontrais qui nourrissait le sincère désir que cela avance… puis cela a capoté, on sait pourquoi.
Je crois vraiment que si nous voulions relever ce défi, nous pourrions. Si nous arrivons maintenant à nous transmettre des dossiers depuis le CHUV jusqu’à mon adresse sécurisée, nous devrions quand même pouvoir voter de la même façon. Et s’il existe un risque d’une petite triche, c’est évidemment fort désagréable et peut-être pas forcément sans conséquence. Mais allons-nous cesser de vouloir le risque zéro ? N’oublions pas que les Suisses de l’étranger représentent 800’000 personnes – peu ou prou 200’000 d’inscrits, cela ne veut pas dire pour autant qu’ils votent et exercent leurs droits politiques. Cependant, qui oserait, dans notre pays, refuser à 200’000 personnes l’exercice de ses droits politiques ? Lorsqu’on se trouve au fin fond du Chili, le vote électronique est souvent la seule façon de s’exprimer.
En effet, la digitalisation de la démocratie est une thématique très sensible et les questions que soulève le vote électronique, tant en matière de sécurité que de protection des données, en sont un flagrant exemple, comme nous l’avons vu à l’aune de la dernière votation populaire. Je rejoins M. Vuillemin : le vote électronique comporte un aspect très intéressant, notamment pour les Suisses de l’étranger. Toutefois, les exigences en matière de sécurité et de protection des données sont extrêmement fortes par rapport à ce type de mise en œuvre.
Depuis deux ans, le contexte a considérablement évolué et l’avenir du vote électronique est incertain sur la scène fédérale, malgré les inputs donnés. La réponse qui vous avait été donnée mérite aujourd’hui d’être actualisée. Si, dans un premier temps, le canton de Genève a abandonné le développement de sa plate-forme, la problématique s’est encore amplifiée avec les tests publics d’intrusion réalisés par le système mis à disposition par La Poste, qui a révélé plusieurs failles importantes de sécurité et conduit à l’abandon de la phase d’essai du vote électronique au niveau national. En parallèle, au mois de juin 2019, le Conseil fédéral a annoncé qu’il renonçait, pour l’heure, au projet de révision de la Loi fédérale sur les droits politiques (LDP). Cette révision visait à promouvoir le vote électronique en canal usuel de vote.
En outre, de nombreux élus politiques de tous bords s’érigent contre la volonté de digitaliser la démocratie. Une initiative fédérale demandant un moratoire de cinq ans sur le vote électronique a été lancée par un comité composé de personnalités politiques opposées au projet du Conseil fédéral. Début 2021 a vu la restructuration de la phase d’essai en matière de vote électronique, afin que les cantons puissent à nouveau mener des essais limités, en utilisant des systèmes dotés de la vérifiabilité complète. Le Conseil fédéral estime que la restructuration permettra de poursuivre le développement des systèmes, d’aménager plus efficacement les contrôles et la surveillance, de renforcer à la fois la transparence, la confiance et la collaboration avec les milieux scientifiques.
Lors de sa séance du 28 avril 2021, le Conseil fédéral a décidé d’ouvrir une procédure de consultation consacrée à la restructuration de la phase d’essai du vote électronique avec un projet portant sur une révision partielle de l’ordonnance sur les droits politiques, et la révision de l’ordonnance sur le vote électronique. Fondamentalement, le gouvernement souhaite la création d’une nouvelle base stable en vue de la future phase d’essai qui devrait nous amener jusqu’au 31 décembre 2023, avec des soutiens de projets aux cantons pour l’adoption du vote électronique.
Il est à observer que ces projets sont en pleine phase de restructuration. Fort de ces éléments, le Conseil d’Etat considère encore, aujourd’hui, que les conditions nécessaires à l’introduction plus large du vote électronique ne sont pas remplies. M. Montangero a rappelé la stratégie du Conseil d’Etat, définie en 2018, qui reste aujourd’hui d’actualité. Les étapes annoncées à l’époque restent un préalable à l’introduction du vote électronique comme canal usuel de vote, ainsi qu’à toute forme de numérisation de notre démocratie dont les données concernées sont sensibles et leur protection indispensable à la garantie de notre Etat de droit.
Retour à l'ordre du jourLa discussion est close.
Ce point de l’ordre du jour est traité.