22_REP_40 - Réponse du Conseil d'Etat au Grand Conseil à l'interpellation Vassilis Venizelos - Réforme BEPS de l’OCDE : la fin des exonérations fiscales ? (22_INT_22).
Séance du Grand Conseil le mercredi 15 juin 2022, point 6 de l'ordre du jour
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Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour(remplaçant M. Vassilis Venizelos, absent) Au nom de notre estimé collègue Vassilis Venizelos, je m’exprime sur la réponse du Conseil d’Etat à son interpellation portant sur la réforme BEPS (Base erosion and profit shifting) de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et sur la fin des exonérations fiscales. Il s’agit d’un sujet important pour notre canton, à double titre. Premièrement, il faut reconnaître que, dans notre canton, les éléments fiscaux font, parmi de nombreux autres, partie des éléments attrayants pour les entreprises et multinationales, et qui les amènent à venir s’installer dans le canton. Je parle d’un élément parmi d’autres, car on sait que les éléments fiscaux ne sont de loin pas les seuls éléments d’attractivité de notre canton, que ce soit les Hautes écoles, la stabilité ou nos magnifiques paysages, qui font que des entreprises s’y installent.
Deuxièmement, comme vous le savez, l’OCDE a décidé d’instaurer un seuil d’imposition mondial à 15 %, pour les entreprises, qui entrera en vigueur en 2023. Cela aura évidemment des effets sur la Suisse et sur notre canton, dans la mesure où une partie des entreprises qui sont aujourd’hui au bénéfice d’exonérations fiscales temporaires ou définitives, dans le canton, bénéficient d’un taux d’imposition inférieur à 15 %. Cela amènera à augmenter leur taux d’imposition, ce qui – selon certaines personnes – risquerait de les inciter à quitter le canton.
Les questions posées par Vassilis Venizelos portaient sur les incidences de ces questions sur les entreprises basées dans notre canton. Dans l’ensemble, nous pouvons prendre acte des réponses du Conseil d’Etat, tout en soulignant tout de même un certain flou dans les réponses données. En effet, alors que les questions portaient précisément sur les incidences sur le canton et sur les entreprises qui y sont installées, et notamment quant à savoir si les clauses de claw-back s’appliqueraient si les entreprises partaient – car naturellement, dans la mesure où les entreprises n’auraient plus les bénéfices des exonérations fiscales, et pourraient être tentées de partir, il conviendra de reprendre ce qui leur a été octroyé ces dernières années au titre d’exonération fiscale – les réponses du Conseil d’Etat sont relativement vagues. En effet, elles indiquent qu’on n’arrive pas à estimer, aujourd’hui, le nombre d’entreprises qui seraient impactées par le seuil d’imposition à 15 % décidé avec le système des Règles globales de lutte contre l’érosion de la base d’imposition (règles GLoBE) voté par l’OCDE.
A ce titre, on peut naturellement comprendre qu’il n’est pas simple d’estimer dans l’immédiat et dans le détail les effets concrets d’une telle mesure, qui seront multidisciplinaires et nombreux. Cela étant, à moins d’une année d’entrée en vigueur du nouveau système, on peut tout de même s’étonner que les réponses du Conseil d’Etat soient si brèves. Elles indiquent notamment : "Il est difficile en l’état d’avoir une vue suffisamment précise par groupes d’entreprises multinationales (EMN) pour discuter des incidences des règles GLoBE pour le canton de Vaud. » Dans la mesure où les incidences seront claires, en matière budgétaire, elles auraient pu et auraient dû être identifiées déjà maintenant par le Conseil d’Etat, d’autant plus que la décision concernant ces règles et leur entrée en vigueur est intervenue en octobre 2021, laissant déjà au Conseil d’Etat plus de six mois pour estimer ces conséquences.
En conclusion, nous prenons acte de ces réponses, tout en espérant que le Conseil d’Etat a mis en œuvre les mesures visant, d’une part, à estimer les conséquences de la modification et, d’autre part, à tenter de faire comprendre aux entreprises qui seraient tentées de quitter le territoire cantonal qu’en cas de départ, les clauses de claw-back seront très strictement appliquées, comme cela l’a été très récemment avec une entreprise dont nous avons déjà évoqué le nom dans ce Parlement.
La discussion est ouverte.
Le groupe Ensemble à Gauche et POP espère que, dans le canton de Vaud, la mise en œuvre de cette réforme sera faite avec diligence, car nous l’appelons fortement de nos vœux. Je rappelle que nous avons assisté, ces 30 dernières années, à une véritable dégringolade des taux d’imposition sur le bénéfice des entreprises, dans tous les pays développés et de l’OCDE, avec des conséquences funestes sur le creusement des inégalités de revenus et le transfert de la charge fiscale depuis les entreprises les plus grandes et les plus riches vers les salariés. Ainsi, le projet d’harmonisation à 15 % met un arrêt à la course à la baisse sur les taux d’imposition, course à laquelle le canton de Vaud a malheureusement participé, alors que nous avons combattu cette fuite en avant vers des taux de plus en plus faibles.
J’interviens donc pour exprimer mon souhait qu’il n’y ait aucun retard dans cette mise en œuvre. En effet, j’éprouve tout de même certaines préoccupations, car il est notamment apparu dans la presse que la Suisse, avec d’autres petits pays à faible taux d’imposition comme la Hollande et quelques autres, a pris la tête d’un groupe de pays hostiles à la réforme, qui ont plutôt tendance à traîner les pieds afin de freiner ou de modérer son application. Je dénonce donc le jeu mené par les autorités suisses et d’autres petits pays. J’espère au contraire que l’on pourra aller rapidement vers une mise en application du taux de 15 % qui me semble être le minimum du minimum, pour limiter la concurrence fiscale internationale.
J’aimerais apporter quelques éclaircissements. Avant 2026, monsieur Raedler, il n’y aura pas de connaissance du dossier. Pourquoi cette date ? C’est que maintenant, il ne s’agit plus de 2023, mais de 2024, ainsi que je l’ai déjà dit à plusieurs reprises. Ainsi, les comptes seront déposés en 2025 au plus tôt et ce n’est donc qu’en 2026 ou 2027 que l’on taxera. Il n’y aura donc pas de changement avant 2025, 2026 ou 2027. Dans ces conditions, il était difficile d’apporter des informations que nous n’avons pas, mais à l’heure actuelle, le dossier est toujours à jour. Nous aurons quatre comptabilités pour de grandes sociétés : une comptabilité dite commerciale, une comptabilité fiscale ordinaire, une comptabilité boursière – puisque toutes ces entreprises sont généralement cotées en bourse – et une comptabilité GLoBE. Si vous prenez une société qui compte une quarantaine de filiales, chaque filiale devra prouver qu’elle est au taux de 15 %. Cela veut dire qu’en 2026 ou 2027, on commencera à y voir clair sur les revenus supplémentaires.
Ensuite, ce n’est pas parce que l’on change le taux pour le fixer à 15 % que ce taux sera accepté au niveau de GLoBE. En effet, ce dernier est un taux particulier, avec une assiette particulière, et tout cela n’est pas encore arrêté à l’échelle planétaire. Si je comprends bien les deux interventions qui ont été faites, vous allez donc soutenir en vote populaire – et je vous y encourage – la modification de l’article constitutionnel 129a ; il sera modifié et soumis au peuple en juin 2023, en principe. Je suis content que vos déclarations s’inscrivent dans cette logique et je vous remercie beaucoup de soutenir cette modification. Ensuite de cela seulement, dès 2023, viendront les ordonnances, puisque le projet n’a plus d’effet rétroactif. Au départ, on l’envisageait – si la réforme trouvait ses quartiers – dès 2023, ou maintenant 2024, au plus tôt. Mais cela peut encore évoluer à l’échelle planétaire. Les Américains jouent un jeu un peu particulier dans ce domaine, sur le pilier 1, ce qui génère implicitement des incidences sur le pilier 2. Ensuite, ne mélangeons pas les exonérations fiscales temporaires et le projet GLoBE, qui n’ont strictement rien à voir. Les exonérations sont suivies pour elles-mêmes, alors que la problématique du taux minimal planétaire est un dossier totalement distinct et qui n’a rien à voir. L’un ne compense pas l’autre, puisque ce sont des pratiques totalement différentes.
Je vous remercie pour vos propos et ai pris note que vous acceptiez la réponse du Conseil d’Etat. Nous allons continuer à faire de la sensibilisation, puisque nous en avons convenu ainsi au niveau du Conseil d’Etat. Il y a quelques jours encore, au début du mois de juin dernier, une rencontre entre les cantons de Genève et de Vaud, s’est tenue sur le site de l’EPFL, pour sensibiliser, expliquer les enjeux et dire aux entreprises qu’elles seront accompagnées et qu’une information leur sera apportée pour qu’elles puissent appréhender la nouvelle comptabilité GLoBE, soit une nouvelle comptabilité planétaire qui n’a rien à voir avec les pratiques ordinaires à l’échelle de la Suisse ou de l’Europe.
Retour à l'ordre du jourLa discussion est close.
Ce point de l’ordre du jour est traité.