22_PET_5 - Pétition pour reconnaître l’aliénation parentale comme une maltraitance familiale.
Séance du Grand Conseil du mardi 28 mai 2024, point 17 de l'ordre du jour
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Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourNous remercions M. Florian Ducommun, secrétaire suppléant de la commission, pour les notes de séance. Dans la pétition, l'aliénation mentale est décrite comme un mécanisme de triangulation sévère d'un enfant qui, sous l'emprise de l'un de ses parents, notamment lorsqu'un couple se sépare, rejette violemment son autre parent sans raison légitime. Les enfants atteints d'un handicap mental peuvent également être victimes d'aliénation parentale, même au-delà de la majorité, leur capacité de discernement étant insuffisante pour comprendre ce qui leur arrive et faire la part des choses. Afin que l'aliénation parentale soit reconnue comme une maltraitance familiale, la pétition demande aux autorités judiciaires et législatives suisses des moyens d'investigation ciblés pour une détection précoce de l'aliénation, des mesures d'accompagnement adaptées dans le but de maintenir et de consolider les liens familiaux – parents, grands-parents, fratrie – tout comme des mesures préventives afin de protéger les personnes en situation de handicap mental contre toute forme d'abus, dont l'aliénation, ainsi que des fonds supplémentaires alloués au service de la protection de l'enfance et des adultes.
Lors de son audition, la pétitionnaire principale a témoigné de son vécu. Mère de trois enfants, elle s'est séparée. En 2017, son fils cadet qui souffrait d’un handicap mental a atteint la majorité. Elle a donc procédé à une demande de curatelle extérieure. Elle relate avoir été assez choquée par l'attitude des instances judiciaires, notamment la Justice de paix et les services de protection de l'adulte ainsi que les avocats. Selon elle, son ex-mari a dactylographié une lettre de la part de son fils indiquant qu'il ne voulait plus aller chez sa mère. Pour elle, il ne fait aucun doute que son fils a été instrumentalisé. La juge n'a pas réagi, a ignoré la mise en garde de la pédiatre et a refusé d'ordonner une expertise psychiatrique, assurant que la situation n'avait aucun lien avec l'aliénation mentale. Le service de protection de l'adulte n'a pas non plus été mis à disposition dans les temps. Les avocats, eux, savent très bien manier les lois afin d'avantager leurs clients au détriment de la partie adverse. Selon la pétitionnaire, ils manquent parfois d'éthique et ne savent pas mesurer les possibles conséquences de leurs allégations, sans fondement, sur l'ensemble de la famille. Pour elle, une personne avec déficience mentale est une proie facile, et ce, même au-delà de la majorité.
La pétitionnaire principale a réaffirmé son but premier consistant à faire reconnaître le terme controversé d'aliénation parentale, car cette pathologie n'est pas inscrite au registre des maladies psychiatriques. Elle explique que la lenteur des procédures a freiné la prise en charge de la situation. Dans son exemple, lorsqu'elle a demandé une thérapie familiale, il lui a été répondu que c'était trop tard, car son fils était majeur, sans tenir compte du fait qu'il avait des besoins particuliers. Ainsi, elle poursuit le but suivant : que les instances judiciaires prennent conscience de l'existence de lacunes juridiques dans ces domaines.
Lors de l'audition du représentant de l'Etat, la Direction de la santé communautaire a introduit le positionnement de la Direction générale de la santé (DGES). Cette dernière mandate la consultation des Boréales – qui appartient au département de psychiatrie du CHUV – pour une mission spécialisée dans la prise en charge des victimes et des auteurs et autrices de violences intrafamiliales. Les Boréales ont également pour tâche de s'occuper d'enfants victimes d'aliénation parentale. Quant à la médecin adjointe à la consultation des Boréales au CHUV, lors d’une brève présentation, elle a défini ce qu’était l'aliénation et indiqué d'entrée qu’il s’agit d’un concept très controversé, essentiellement car il s'agit d'un diagnostic relationnel et non d'un diagnostic psychiatrique au sens strict du terme.
Plusieurs réponses ont été apportées aux questions formulées dans la pétition, notamment celle concernant les « moyens d'investigation ciblés pour une détection précoce de l'aliénation ». A ce sujet, la médecin adjointe indique que passablement de choses sont mises en place. La commission s’est arrêtée sur la question 3, pour laquelle l’adjointe au médecin cantonal a expliqué que les enfants atteints d'un handicap mental – ou autre – ne constituent pas une catégorie supplémentaire d'enfants, mais sont considérés comme les autres enfants.
Ensuite, la médecin adjointe des Boréales est revenue sur la proposition d'allouer des fonds supplémentaires. Elle explique qu'actuellement les coûts liés aux violences conjugales et aux conflits de séparation sont énormes. Cette situation est notamment due à un manque de formation qui cause une mauvaise orientation de nombreux cas. Ceux-ci sont ainsi dirigés vers des structures multiples qui interviennent avant que les diagnostics opportuns soient posés. Elle admet que le fait d'allouer temporairement des fonds devrait permettre d'améliorer l'accès à la formation.
Pour conclure, elle explique qu'une meilleure formation du personnel judiciaire, médical et social permettrait à de nombreux enfants de bénéficier de la protection et d'accès aux deux parents dans de bonnes conditions. Un diagnostic posé de manière professionnelle favoriserait ainsi également la protection des parents.
Un projet entrepris en terre vaudoise se nomme quant à lui « Consensus parental ». La Direction générale de l’enfance et de la jeunesse (DGEJ) cherche donc à intervenir le plus tôt possible au niveau de la prévention par des séances de sensibilisation, par une responsabilisation des parents lors de la procédure judiciaire et par la mise à disposition d'outils comme la médiation favorisant le dialogue.
Dans ses délibérations, plusieurs commissaires ont relevé qu'ils avaient au départ un a priori assez négatif sur cette pétition, mais qu'au vu du témoignage émouvant de cette maman et des discussions avec les représentants des différents départements, ils estiment que cette pétition ne peut qu’encourager et renforcer le travail déjà entrepris par l'Etat. Ils sont rejoints par les autres commissaires qui estiment qu'il est nécessaire d'allouer des moyens supplémentaires et d'améliorer la formation afin de pouvoir réagir pertinemment à ce problème de société qui connaît manifestement une croissance préoccupante. En outre, il est nécessaire de favoriser une meilleure collaboration entre les services et de développer une communication plus efficace envers la population.
Enfin, il convient de s'accorder sur l'appellation de ce syndrome, le terme « aliénation parentale » étant tout de même quelque peu péjoratif pour certains commissaires, quand d'autres suggèrent plutôt la prudence devant ce terme, en lien avec la défense des droits de la femme et la prévention de la violence conjugale. De plus, une commissaire rappelle qu'elle a déposé en 2018 une motion transformée en postulat dont le texte visait à faciliter la médiation dans le cadre de conflits liés à un divorce. Une telle mesure doit également permettre d'éviter certains cas d'aliénation parentale. Or, ce texte n'a toujours pas reçu de réponse du Conseil d'Etat. En conclusion, la commission unanime recommande la prise en considération de cette pétition.
La discussion est ouverte.
J’aimerais ajouter quelques mots sur cette pétition relative à la reconnaissance de l'aliénation parentale comme une maltraitance familiale. Il s’agit d’un phénomène complexe et intolérable qui concerne de nombreuses familles dans le monde. En effet, elle apparaît lorsqu'un des parents – intentionnellement ou non – cherche à créer une distance entre son enfant et l'autre parent, le mettant dans une situation où il doit choisir entre ses deux parents. Nous avons entendu une pétitionnaire dans une extrême détresse depuis qu'elle s'est sentie ignorée par certaines pratiques judiciaires. En effet, ce sujet sensible désigne la manipulation psychologique qu’exerce l’un des deux parents sur l'enfant pour l'éloigner de l'autre parent. Le cas qui nous est rapporté est complexe. Chacun a pu prendre connaissance des notes de séance qui le décrivent parfaitement.
Il faut souligner que l'Etat prend des dispositions pour faire face à ce phénomène de dénigrement qui augmente inexorablement chaque année. Une infrastructure nommée les Boréales, appartenant au département psychiatrique du CHUV, a été créée il y a 13 ans. Elle comptait alors 6 thérapeutes. Aujourd'hui, ils sont plus de 30. La CAN Team, structure valdo-valaisanne, s'occupe également de ces situations. Il y a 6 ans, il s’agissait annuellement d’une dizaine de cas, alors qu'aujourd'hui, en partenariat avec le CHUV, ce sont plus de 800 cas traités par année. Et le phénomène tend à s'amplifier. L'accent est mis sur la formation des représentants de l'Ordre judiciaire vaudois et du personnel soignant, afin de soigner ces campagnes de dénigrement régulier, de restriction de l'accès à l'enfant, ou l'invention de fausses accusations.
La commission unanime a estimé que les structures existantes du canton devaient être renforcées par des moyens supplémentaires, afin de pallier l'augmentation inadmissible des demandes de consultation, qui nécessitent souvent près de 9 mois d'attente. Je vous recommande de suivre la position de la commission.
J'aurais souhaité que tous les membres de la commission s'expriment avant moi, parce que j'aimerais apporter une nuance à ce débat, face à une position de la commission qui semble unanime. Je ne suis pas une spécialiste du syndrome d'aliénation parentale. Je reconnais que le divorce peut entraîner des situations complexes et tendues ; personne ne possède le mode d'emploi pour « bien » divorcer. Par conséquent, ces situations génèrent forcément des tensions, sans même évoquer un cas de handicap.
Le syndrome d'aliénation parentale est une notion scientifiquement controversée. Par conséquent, j'aurais souhaité rendre la commission attentive au fait que ce n'est pas tant la question du syndrome d'aliénation parentale qui est problématique ou qui doit être résolue, car le problème rencontré réside dans la parole de l'enfant, l'audition des enfants en cas de conflit, en cas d'accusation – aussi dans le cas d’abus sexuels – dans une situation de handicap. Il y a des personnes qui sont extrêmement bien formées ; il existe beaucoup de documentation. Récemment, l’émission Vacarme abordait la thématique de la manière d’auditionner un enfant qui est en proie à de l'émotion, à un conflit familial, mais qui peut aussi être victime d’abus de toutes sortes. La parole de l'enfant doit être mieux prise en compte ; voilà l'enjeu pour le canton.
J'aimerais ajouter qu’il s’agit aussi de la parole des parents, et ce, sans vouloir sous-entendre que les femmes ou les hommes auraient davantage raison ou tort ; il faut sortir de ce clivage permanent. En revanche, il s’agit aussi de donner la parole aux parents auditionnés. Aujourd'hui, toute la chaîne existante – qui peut amener au placement d'un enfant, à des mesures d’éloignement – nécessite des ressources, peut-être même que le système soit repensé.
Comme maintes fois annoncé par le conseiller d'Etat, des budgets supplémentaires ont été alloués : 15 millions pour les éducatrices et les éducateurs spécialisés. Il est aussi question de 80 millions pour la politique de la jeunesse, et – si je me souviens bien – de 3 millions pour la DGEJ. Or, ici réside le nœud du problème, car il s’agit aussi de tenir compte des autorités qui ont la charge de prendre des décisions, par exemple la Justice de paix ou le Service des curatelles et des tutelles professionnelles (SCTP), etc. – j’espère ne pas dire des choses trop inexactes, si c’est le cas, je remercie par avance les spécialistes de m'en excuser. J’aimerais insister sur le fait que toute la chaîne amène à prendre une décision de justice qui se concrétise ensuite par des mesures administratives. Par conséquent, il faut identifier les lacunes de cette chaîne et les compétences des gens qui accompagnent les familles pour éviter les faux-pas autant que faire se peut. En effet, il retourne souvent de drames familiaux.
Par conséquent, si cette pétition doit avoir un effet, cela devrait être celui de renforcer l'attention du Grand Conseil à ce que ces situations soient éclaircies, mieux accompagnées, que la chaîne soit améliorée, rendue plus cohérente et juste.
Vous excuserez ce message du cœur. En effet, je me suis retrouvée récemment en contact avec des cas concrets qui sont très délicats à aborder, dont on connaît la difficulté de traitement, de comprendre aussi comment chacun analyse une situation de son point de vue, et donc en opposition à d'autres ; c’est toujours complexe.
Or, le syndrome d'aliénation parentale ne semble pas être le problème. On peut se rappeler qu'il a aussi servi à mettre en accusation certaines femmes qui ont souhaité dire les problèmes qu'elles vivaient en lien avec des abus. Pour conclure, je rappelle qu’il existe encore, à l’heure actuelle, des situations où de jeunes enfants abusés sont encore hébergés dans leur famille, c’est-à-dire encore en souffrance : le manque de familles d'accueil est avéré. Enfin, il existe aussi des cas dans lesquels le syndrome d'aliénation parentale se retourne contre celui qui en est victime. Vous m’aurez comprise, rien n'est facile.
Après les propos de Mme Evéquoz que j’ai attentivement écoutés, je m'exprime comme membre de la Commission thématique des pétitions. En effet, nous étions tous un peu dubitatifs quant à la question de l’aliénation parentale, de la manière dont elle était perçue et documentée. Enfin, renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat lui permettra d'allouer des moyens supplémentaires pour que soit vérifiée la nocivité des situations interpersonnelles et relationnelles. Peut-être servira-t-elle à améliorer, ou en tous les cas à consolider, la collaboration entre les services. Je vous remercie de soutenir le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat.
Mes préopinantes ont déjà évoqué de nombreux aspects. Il s’agit effectivement d’une problématique importante. En commission, les discussions partagées avec les professionnels et les départements nous ont montré qu’il restait fondamentalement du travail à accomplir pour que ces problématiques soient prises au sérieux, pour offrir des conditions saines et dignes dans le processus d'épanouissement des enfants, même dans des conditions où la séparation des parents est problématique.
Aujourd’hui, je souhaite insister sur certains points portés à notre attention. En effet, le terme d'aliénation parentale peut parfois être instrumentalisé et poser des problèmes dans des situations de violence conjugale. Tout en soutenant le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat pour les raisons déjà évoquées, je tenais à attirer l'attention de ce dernier sur ce point.
Dans mon entourage proche, j’ai été confronté à deux situations similaires dont l’une a été prise en charge par la consultation des Boréales tandis que l'autre pas. J'ai pu constater toute la différence que cela faisait. Pourquoi ? Les professionnels des Boréales travaillent de manière systémique, entendent toutes les parties pour ensuite poser des diagnostics judicieux qui permettent d’activer les mesures nécessaires auprès des autres services ou instances. Quand ce n'est pas le cas, les personnes se font balloter d'un coin à l'autre par des personnes qui ne sont pas forcément formées. Le manque de formation fait d’ailleurs l’objet d’un point du rapport relatif à un élément relevé par la médecin adjointe à la consultation des Boréales qui indique que les fonds supplémentaires permettraient d'améliorer l'accès à la formation et de mettre sur pied des dispositifs de détection précoce et d'orienter ces personnes vers les bonnes solutions.
J'aimerais féliciter le Conseil d'Etat et le CHUV d'avoir mis en place la consultation des Boréales qui – en tout cas, de ce que j'ai pu expérimenter ou observer dans mon entourage – fonctionne extrêmement bien. Ainsi, et parce que les situations sont si complexes, si compliquées à cerner, il est d’autant plus nécessaire d’avoir des professionnels qui travaillent de manière systémique pour soutenir et informer, pour que les gens soient correctement orientés vers ces structures professionnelles. Ainsi, cette pétition fait pleinement sens, et je ne peux que vous encourager à la soutenir pour développer cette consultation des Boréales.
Je m'exprime aussi en tant que membre de la Commission thématique des pétitions. Comme indiqué dans le rapport de cette dernière, le rejet sans raison légitime de l'un des parents constitue un réel enjeu pour la cohésion familiale, mais surtout pour le bien-être et le développement des enfants concernés. Au-delà de la question relative au terme de syndrome d'aliénation parentale, il s’avère surtout primordial de s’accorder sur une terminologie commune à tous les acteurs concernés afin de répondre à l'enjeu principal, c'est-à-dire le bien-être des enfants concernés par cette problématique. Rappelons également qu'un postulat visant à faciliter la médiation dans le cadre de conflits liés au divorce est toujours en attente de réponse depuis 2018 et pose des questions similaires à ce qui est demandé par la présente pétition. Au vu de ces différents éléments, j'encourage vivement le Grand Conseil à suivre l'avis unanime de la Commission thématique des pétitions et à renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.
Sans faire partie de la Commission thématique des pétitions, mais en tant que professionnelle du travail social, j'ai aussi eu l'occasion d'accompagner des familles qui se retrouvaient prises dans ce genre de conflits et également dans des discussions avec la Justice de paix ou les Boréales. Je soutiendrai par conséquent cette pétition qui tend à allouer des moyens supplémentaires. En revanche, j’aimerais souligner que, souvent, la plupart des mesures proposées aux parents sont indissociables de leur bonne volonté. Et, quand un conflit est déjà cristallisé, il n’est plus possible de réunir les parents, quel que soit l'endroit, quelle que soit l'institution. Ainsi, il paraît incontournable que le Conseil d'Etat investigue aussi cet aspect, car nous ne parviendrons pas simplement à défaire les nœuds familiaux quand l’un des parents ne veut tout simplement pas participer.
Sans avoir forcément prévu de prendre la parole sur ce sujet, je me permets d'exprimer des questionnements sur le terme de syndrome d'aliénation parentale, bien que j’adhère totalement au renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. En effet, former les professionnels est crucial, en particulier pour la chaîne pénale, notamment la Justice de paix, qui implique des professionnels peut-être plus périphériques dans la prise en charge des familles, mais qui ont la charge de décisions extrêmement importantes dans les cas de violence intrafamiliale et de conflits entre les parents – par exemple, une décision débouchant sur le placement d’un enfant ou la mise en place d’un système de garde entre les parents. Je déclare mes intérêts : j'ai travaillé comme éducatrice pour la protection de l'enfance. J'ai ainsi accompagné des familles, des enfants qui étaient pris dans des situations de violence familiale massive. Je suis d’ailleurs aussi en train de terminer un CAS en thérapie systémique, qui est l'approche utilisée aux Boréales ; raison pour laquelle je questionne ce syndrome.
J'aimerais demander au Conseil d'Etat ce qu’il fera de ce terme si la pétition lui est renvoyée. S’il est important qu'elle lui soit renvoyée, il est aussi important de l’entendre sur cet aspect. Honnêtement, ce terme me laisse assez dubitative. En effet, je considère qu'il y a un risque à poser un diagnostic psychiatrique sur des conflits violents entre des parents, sur la violence massive d'un parent sur l'ensemble de la famille, qu’il est délicat de glisser sur le terrain de la psychiatrie et de la maladie. Je ne suis pas sûre qu'il faille se diriger dans cette direction.
Je vous remercie pour ce débat fort intéressant. Le concept de syndrome d'aliénation parentale est une notion fortement controversée, y recourir est d'ailleurs rejeté par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). La DGEJ n'utilise pas ce concept ; il est plutôt question de conflit de loyauté, d'emprise ou d'instrumentalisation de l'enfant. Finalement, peu importe l'étiquette choisie, l’essentiel consiste à agir, car ces situations sont très souvent bouleversantes, extrêmement conflictuelles, et découlent de phénomènes d'emprise et d'instrumentalisation. Face à ces dernières, les différents services de l'Etat doivent agir avec bienveillance et s’accompagner de professionnels compétents, coordonnés au sein d’une chaîne de décisions impliquant différents acteurs. Il est également important que la circulation des informations entre les différents professionnels soit efficace, tout comme d’accéder à des ressources suffisantes. Le but des différents intervenants consiste à agir le plus tôt possible face à ces situations de séparation et de conflits parentaux pour éviter qu'elles ne dégénèrent et qu'elles n’affectent les enfants.
La préoccupation centrale de la DGEJ réside en l'intérêt supérieur de l'enfant, en sa parole. Celle-ci doit être au cœur de l'ensemble des processus. La DGEJ agit à deux niveaux : garantir la protection de l'enfant, mais aussi accompagner les parents. Ainsi, différentes mesures ont été prises ces derniers temps, notamment en collaboration avec le Département de la santé et de l'action sociale, avec le Programme d'encouragement précoce de soutien à la parentalité qui permet de garantir à chaque enfant des conditions d'un développement harmonieux, et ce, dès le moment de la grossesse, dès l'entrée à l'école. D’autres mesures renforcent évidemment la formation des professionnels et des différents acteurs qui agissent au contact des enfants pour faciliter et améliorer la capacité de détection de ces différentes situations, de ces scènes, de ces situations d'instrumentalisation, mais aussi d'abus auxquels nous pourrions être confrontés. En cas de séparation, il faut faire en sorte que des alternatives soient privilégiées, plutôt que de se retrouver dans des conflits parentaux desquels personne ne sort grandi.
Pour cette raison, nous menons un projet pilote, comme évoqué par la rapporteuse de commission. Il s’agit d’un projet pilote dans l'est vaudois qui porte sur le consensus parental. Son objectif vise à terme à déployer ce dispositif dans d'autres régions pour arriver, dans quelques années, si les bilans sont positifs, à un principe de consensus parental qui serait appliqué à l'ensemble des régions concernées. Les retours sur le déploiement de ce dispositif sont relativement positifs, même pour les plus sceptiques – certains avocats s’étaient montrés très critiques quant à cette démarche. Aujourd’hui, nous avons bon espoir de pouvoir déployer ce projet pilote qui permet d'apaiser des situations de conflit, d'éviter qu’ils se cristallisent et n’affectent les enfants ; nous allons probablement déployer ce dispositif ailleurs.
Pour la question des ressources, comme indiqué à plusieurs reprises, la protection de l'enfance constitue une priorité politique. A cet égard, le Conseil d'Etat a eu récemment l'occasion de communiquer une révision de la politique socio-éducative avec des moyens financiers supplémentaires, une enveloppe de 80 millions qui sera déployée ces 4 prochaines années. Elle sera évidemment glissée dans les budgets qui vous seront soumis à l'avenir, et vous aurez le dernier mot. L'objectif consiste à stabiliser la situation dans les différents foyers, puisque nous avons dû fermer des places pour cause de pénurie de personnel. Nous consacrons 15 millions à revaloriser les salaires du parapublic social ; une deuxième étape de discussion va s'engager ces prochaines semaines. L'objectif de cette révision de la politique socio-éducative consiste à stabiliser la situation dans les foyers et à améliorer le développement de la prise en charge ambulatoire via l'accueil socio-éducatif de jour, notamment. Prochainement, des postes supplémentaires pourront être déployés par les différentes institutions. Enfin, les délais d'attente pour le droit de visite ont été évoqués. L'objectif des 80 millions consiste à réduire le délai d'attente pour permettre un droit de visite aux parents, afin qu’ils restent en contact avec leurs enfants ; une mesure qui nous paraît essentielle.
L'ensemble du dispositif et des moyens mis en place visent à intervenir au moment opportun, c’est-à-dire d'avoir la bonne réponse au bon moment avec les bons moyens à disposition. Nous avons évidemment tout à gagner à éviter que les situations se dégradent et débouchent sur des situations dramatiques et bouleversantes pour tout le monde, notamment dans les conflits parentaux. Le Conseil d'Etat est déterminé à continuer à faire en sorte que la protection de l'enfance soit au cœur des différentes décisions politiques ces prochaines années. Si cette pétition est acceptée, nous aurions l'occasion de rappeler la façon dont ces moyens vont permettre de répondre à cette problématique spécifique, indépendamment de la controverse et du potentiel débat sur l'utilisation du terme d'aliénation parentale.
Retour à l'ordre du jourLa discussion est close.
Le Grand Conseil prend la pétition en considération par 94 voix et 27 abstentions.