24_INI_9 - Initiative Oleg Gafner et consorts - Pour une procédure d'indemnisation des victimes plus rapide, plus efficace et moins couteuse. (Développement et demande de renvoi à commission avec au moins 20 signatures).

Séance du Grand Conseil du mardi 1er octobre 2024, point 6 de l'ordre du jour

Texte déposé

Il y a plus de 30 ans, la Loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions (LAVI) entrait en vigueur. Cette loi fixe un principe simple : quiconque subit, en raison d’une infraction, une atteinte à son intégrité physique, psychique ou sexuelle a droit à l’aide aux victimes, laquelle comprend un droit à l’indemnisation et la réparation morale par le Canton (art. 19 ss LAVI). L’indemnisation prévue par la LAVI est toutefois subsidiaire à la réparation par l’auteur de l’infraction ou un tiers (assurances, SUVA, etc.). Dans le Canton de Vaud, le service compétent est aujourd’hui la Direction des affaires juridiques de la Direction générale des affaires institutionnelles et des communes (DGAIC).

 

Ce système, nécessaire pour la protection des victimes d’infraction, intègre toutefois un inconvénient de taille. En effet, lorsque la victime participe à une procédure pénale et se porte partie plaignante au civil, le tribunal pénal appelé à connaître du cas doit également trancher ses prétentions civiles et, cas échéant, condamner le prévenu à les lui verser. Une décision qui s’étend également au tort moral. Or, il est très fréquent que les auteurs ne s’acquittent pas des montants ainsi alloués. Dans un tel cas, les victimes sont tenues d’ouvrir une nouvelle procédure, cette fois auprès de la DGAIC, qui instruit alors l’affaire une nouvelle fois et rend une nouvelle décision en application de la LAVI.

 

Ce processus implique une perte de temps et d’efficience à la fois pour la victime et l’Etat. En effet, alors que le tribunal pénal s’est déjà prononcé sur les prétentions civiles et le tort moral sur la base de toutes les pièces du dossier, le Canton procède à nouveau à son propre examen. Lequel entraîne souvent, au terme d’une longue procédure, l’allocation de prétentions réduites sans justification spécifique[1]

 

Il en découle que cette situation est insatisfaisante à tout le moins à trois égards : 

 

  • Premièrement, ce procédé rallonge considérablement les efforts que la victime doit déployer pour obtenir une réparation financière. Cela représente un frein à l’accès à cette prestation et in fine à la justice. Cette démarche, exigeant d’exposer à une seconde autorité le déroulement précis des faits et leur impact, impacte par ailleurs aussi très négativement la victime. 
  • Deuxièmement, il n’est pas admissible ni compréhensible que l’autorité exécutive vienne souvent réduire le montant alloué judiciairement comme reconnaissance d’une souffrance, alors qu’il avait été déterminé par un tribunal suite à un véritable périple judiciaire.
  • Troisièmement enfin, cette double procédure représente un coût administratif important pour l’État. Or, le principe d’économie de procédure veut que l’autorité premièrement saisie et qui dispose de l’ensemble des pièces nécessaires à la fixation de l’indemnité puisse de façon autonome et unique déterminer le montant de l’indemnisation et du tort moral dus à la victime. 

Au vu de ce qui précède, la présente initiative propose d’amender la Loi vaudoise d’application de la LAVI (LVLAVI) de sorte que le tribunal pénal puisse, sur demande de la victime, fixer les montants dus en application de la LAVI lorsqu’une victime s’est décidée à se porter partie plaignante à une procédure pénale. 

 

Proposition de modification de la LVLAVI (BLV 312.41) :

 

Chapitre III Indemnisation et réparation morale 

 

P-Art. 14 Autorités compétentes

 

1 Le Service juridique et législatif est l'autorité cantonale compétente au sens de l'article 24 de la LAVI, à défaut d’une autorité pénale saisie de la cause.

 

2 Sur requête de la victime, l’autorité pénale qui statue sur les prétentions civiles de la victime statue également sur l’indemnité et la réparation morale prévues par les articles 19 et suivants LAVI.
 

--

Note de bas de page :

[1] Récemment, une victime de viol a vu son indemnité passer de CHF 40'000 à CHF 18'000 (cf. https://www.24heures.ch/lausanne-ses-indemnites-de-victime-dun-viol-sont-divisees-par-deux-par-letat-289934337330)

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Cédric EchenardSOC
Sylvie PodioVER
David RaedlerVER
Nathalie JaccardVER
Cendrine CachemailleSOC
Laure JatonSOC
Pierre-Alain FavrodUDC
Didier LohriVER
Muriel ThalmannSOC
Julien EggenbergerSOC
Thanh-My Tran-NhuSOC
Isabelle FreymondIND
Vincent BonvinVER
Yannick MauryVER
Cloé PointetV'L
Claude Nicole GrinVER
Valérie ZoncaVER
Joëlle MinacciEP
Sébastien PedroliSOC
Pierre FonjallazVER
Yolanda Müller ChablozVER
Théophile SchenkerVER
Nathalie VezVER
Sabine Glauser KrugVER
Céline MisiegoEP
Martine GerberVER
Nicola Di GiulioUDC
Alberto MocchiVER
Patricia Spack IsenrichSOC
Géraldine DubuisVER
Elodie LopezEP

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Oleg Gafner (VER) —

La Loi sur l’aide aux victimes (LAVI) a maintenant 30 ans. Sur cette période, un élément de cette loi a fait l’unanimité : la procédure d’indemnisation des victimes doit être simple et rapide. Aujourd’hui, une victime est indemnisée à la suite d’une procédure judiciaire, c’est-à-dire tout à la fin de la chaîne pénale. Pour résumer, il y a au préalable une plainte ou une dénonciation, qui ensuite ne doit pas faire l’objet d’une non-entrée en matière, et enfin, il faut que le tribunal investi de la cause condamne l’auteur. Ce n’est qu’à ce dernier stade que les juges statuent sur les prétentions pécuniaires de la victime. Le système en place veut que si les auteurs de l’infraction ne sont pas en mesure de s’acquitter du dommage, l’Etat entre alors en jeu et indemnise la victime. Bien que le droit fédéral laisse aux cantons le libre choix en la matière, le droit vaudois impose à la victime de passer par une nouvelle procédure pour les mêmes parties, le même dommage et les mêmes éléments de preuve, dans un domaine où les règles sont pourtant harmonisées par un guide de l’Office fédéral de la justice ! 

L’Etat de Vaud impose donc aux victimes de recommencer à zéro ! Cette situation est hautement insatisfaisante. Pour mieux la comprendre, voici un exemple récent. Le 19 septembre dernier, le journal 24heures relatait le cas d’une victime de viol. L’infraction subie en 2020 a été reconnue par un tribunal en 2022. L’autorité judiciaire a retenu un tort moral de 40’000 francs, tout en sachant que les auteurs en cause étaient sans le sou : ce qui devait arriver arriva et la victime n’obtint pas le montant arrêté par le tribunal. La victime s’adresse alors à l’Etat de Vaud, qui quant à lui arrête la réparation morale à 14’000 francs. Pour la même affaire, la même victime, les mêmes auteurs et les mêmes faits, on ajoute deux années de procédures supplémentaires pour finalement réduire l’indemnité de la victime par deux. La procédure pénale est déjà longue – c’est d’ailleurs un des éléments qui, aujourd’hui, décourage une partie des victimes d’infraction de s’adresser aux autorités judiciaires – et le fait qu’elle soit encore rallongée inutilement en raison de notre droit cantonal est choquant. 

La présente initiative propose donc de permettre au juge saisi de la cause d’être également compétent pour fixer le montant de l’indemnité LAVI, sans nouvelle procédure. Pour reprendre mon exemple, le juge prendra donc deux décisions. Une première décision concernera le tort moral et la deuxième retiendra le montant subsidiairement à la charge de l’Etat si d’aventure l’auteur de l’infraction venait à ne pas régler le montant du dommage. Si l’indemnité LAVI devait s’avérer d’un montant différent de celui du tort moral, le juge pourra alors expliquer le bien-fondé du calcul plutôt que laisser la victime dans l’expectative, des années durant – ou pire encore : espérer que la victime ne s’adresse pas à l’Etat, découragée par la démarche à entreprendre. Je me réjouis d’avance de débattre de cet objet plus amplement en commission.

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

L’initiative, cosignée par au moins 20 membres, est renvoyée à l’examen d’une commission.

Retour à l'ordre du jour

Partager la page

Partager sur :