22_LEG_114 - EMPL du GC modifiant la Loi du 8 mai 2007 sur le Grand Conseil (LGC) et Rapport de la commission thématique des institutions et des droits politiques sur la Motion Muriel Thalmann et consorts au nom du groupe thématique Intergroupe F - Modification de la Loi sur le Grand Conseil afin de protéger les député-e-s contre le harcèlement sexuel (20_MOT_135) (1er débat).

Séance du Grand Conseil du mercredi 21 décembre 2022, point 15 de l'ordre du jour

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M. Alexandre Démétriadès (SOC) — Rapporteur-trice

La motion Muriel Thalmann, au nom du groupe thématique Intergroupe F, a été déposée le 3 mai 2020 et demandait de modifier la Loi sur le Grand Conseil (LGC). Elle demandait que le Bureau du Grand Conseil prenne toute mesure utile à la prévention du harcèlement envers des députés et députées, notamment en prévoyant une procédure indépendante de traitement des plaintes. Le 18 janvier 2022, le Grand Conseil a accepté de prendre cette motion en considération partiellement ; elle demandait quatre choses :

  • De préciser que l’on parle spécifiquement de harcèlement sexuel ;
  • De ne pas limiter la base légale à la prévention, mais aussi de travailler sur la sensibilisation et la lutte contre le harcèlement sexuel ;
  • De prendre en compte les interactions entre les députés, mais aussi avec le personnel du Secrétariat général du Grand Conseil et l’administration cantonale ;
  • De prévoir une procédure formelle d’établissement des faits et la désignation d’une instance spécialisée indépendante.

Compte tenu de cette prise en considération par le plénum, il a incombé à la commission de proposer une mise en œuvre pour cette motion. Cet exposé des motifs et projet de loi a tenu compte des demandes de la commission qui avait traité cette motion. De manière générale, l’idée d’impliquer le Bureau dans la procédure d’établissement des faits ou dans le traitement de la plainte a été écartée ; il aura juste la charge d’établir une procédure de traitement des plaintes indépendante, avec un cahier des charges qui sera défini pour l’entité mandatée. Au cas où cette procédure devait être activée, un rapport sera établi et, éventuellement, un cas de harcèlement sera constaté. Dès lors, le Bureau pourra prendre des mesures pour protéger la personne qui aurait été concernée et qui aurait été victime de harcèlement sexuel. La commission n’a pas souhaité prévoir un régime de sanctions, étant donné que nous n’en avons pas, à l’heure actuelle, pour l’ensemble du Grand Conseil et qu’ouvrir un débat sur la question précise des sanctions, c’est ouvrir une question qui dépasse largement la question précise du harcèlement sexuel. C’est pour cela qu’il n’y a pas de dispositif de sanctions dans notre projet. L’idée est de constater d’éventuels cas ; ensuite, la personne pourrait agir en parallèle pour préserver ses droits ou pour défendre sa cause.

Nous proposons un nouvel alinéa 3bis, à l’article 23, sur les attributions du Bureau du Grand Conseil :

« [Le Bureau] prend toute mesure utile à la prévention, la sensibilisation et la lutte contre le
harcèlement sexuel dès lors que sont impliquées des personnes en leur qualité de député,
notamment en prévoyant une procédure indépendante du traitement des plaintes. »

Comme d’habitude, quand la Commission thématique des institutions et des droits politiques fait un exposé des motifs et projet de loi, elle consulte le Conseil d’Etat et le Bureau du Grand Conseil. Le Conseil d’Etat recommandait une série de choses qu’il s’agissait de préciser dans la loi ou par voie réglementaire. La commission, soutenue par le Bureau du Grand Conseil, préfère que ce soit le cahier des charges de l’entité indépendante qui précise ces éléments. Nous n’avons donc pas retenu la proposition du Conseil d’Etat, même si les demandes s’appliqueront de fait par le biais des cahiers des charges. C’est précisément expliqué en page 3 de l’exposé des motifs et projet de loi, et le Bureau en tiendra compte. L’unanimité de la commission vous recommande d’accepter la mise en œuvre de la motion Thalmann et consorts, prise en considération partielle par le plénum à une très large majorité.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

La discussion sur l’entrée en matière est ouverte.

Mme Muriel Thalmann (SOC) —

Je prends la parole au nom de l’intergroupe F et remercie le Conseil d’Etat, le Bureau de l’égalité entre les femmes et les hommes (BEFH), le Bureau du Grand Conseil, les membres de la commission et le Secrétariat général pour leur contribution à la rédaction de cet exposé des motifs et projet de loi.

Le projet présenté répond aux demandes de l’intergroupe F. Il permet d’ancrer dans la LGC un article qui permet de prévenir, sensibiliser et lutter contre un cas de harcèlement sexuel qui impliquerait une députée ou un député, une demande soutenue en son temps par la grande majorité du Grand Conseil. Il prévoit une procédure indépendante du traitement des plaintes. Ainsi, une personne qui s’estime victime de harcèlement sexuel dans une situation impliquant une ou un membre du Grand Conseil pourra s’adresser à une instance neutre ; c’est cette instance neutre qui traitera le dépôt de plainte ou le signalement selon les standards de la profession. Il ne prévoit pas de sanctions envers les élus ou élues qui seraient reconnus coupables de harcèlement sexuel. L’absence de sanctions n’exclut cependant pas que les faits puissent être établis, ou a contrario ne pas être qualifiés de harcèlements par l’organe indépendant.

Vu ce qui précède, je vous invite, au nom de l’Intergroupe F :

  • à adopter le projet de loi ci-après modifiant la LGC ;

à accepter le rapport de la Commission thématique des institutions et des droits politiques sur la Motion Muriel Thalmann et consorts au nom du groupe thématique Intergroupe F – Modification de la Loi sur le Grand Conseil afin de protéger les député-e-s contre le harcèlement sexuel (20_MOT_135).

Mme Carine Carvalho (SOC) —

Je déclare mes intérêts : je suis membre de l’Intergroupe F et j’ai participé, avec des collègues de tous les groupes politiques, à la rédaction de la motion à l’origine de cet exposé des motifs et projet de loi. Je me réjouis que le Parlement intègre enfin dans sa loi et dans son organisation les dispositions nécessaires pour la prévention et la lutte contre le harcèlement sexuel en acceptant la proposition émanant de l’Intergroupe F. Il en est de notre devoir d’exemplarité. Je remercie la commission pour son travail qui a permis de clarifier plusieurs choses, notamment par rapport au rôle d’édicter une directive, aux sanctions, ainsi que le Bureau pour la prise en compte de cet objet avec sérieux. Je vous invite bien entendu à suivre les conclusions du rapport.

J’aimerais faire trois remarques : prévenir de tels actes demande de pouvoir les reconnaître et de connaître les moyens d’actions. Pour cela, la formation est essentielle. Je fais le vœu qu’une telle formation, ouverte à toutes et tous dans ce Parlement, mais aussi au personnel du Secrétariat général, soit organisée très prochainement, notamment avec une intervention du BEFH. Ensuite, il est essentiel que tous les membres de notre Parlement connaissent la directive qui sera édictée et j’aimerais inviter le Bureau à l’envoyer par courriel. Il me semble que le rapport de la commission mentionne seulement qu’elle sera accessible à toute personne souhaitant en prendre connaissance, ce qui me semble insuffisant. Une démarche active est nécessaire, à l’instar de ce qu’on demande aux employeurs. Enfin, j’invite les groupes politiques, et notamment les chefs de groupe, à encourager nos collègues à suivre ces formations et à prendre connaissance de la directive, car la prévention du harcèlement sexuel est très souvent plus efficace quand nous agissons toutes et tous, quand nous pouvons compter sur le soutien et la compréhension de nos collègues femmes et hommes. Le harcèlement sexuel mine nos relations, il brise des carrières, il porte atteinte à la dignité humaine et surtout à la dignité des femmes. Pour bien fonctionner, pour être à la hauteur de nos missions, notre Parlement doit s’assurer qu’il n’est pas toléré.

Mme Elodie Lopez (EP) —

Le groupe Ensemble à Gauche et POP est très favorable à la création de la base légale qui nous est soumise aujourd’hui. Il remercie la motionnaire et l’Intergroupe F pour le dépôt du projet. Je suis membre de la commission et je la remercie pour son efficacité et pour le travail constructif qui a été mené autour de ce projet.

Si, aujourd’hui, le Grand Conseil accepte cet objet, il confirmerait sa volonté de prendre en considération la motion de l’Intergroupe F. Il inscrirait dans la loi que le harcèlement sexuel n’est pas quelque chose de tolérable. Ce serait aussi reconnaître et mettre en œuvre tout ce qui est en notre pouvoir afin de garantir un cadre de travail agréable dans lequel on se sent en sécurité et pris au sérieux. On le sait, le harcèlement sexuel est quelque chose qui existe partout ; en tant que collectivité, on a mis du temps à réaliser l’ampleur du phénomène, qui était gigantesque. C’est pour cette raison qu’il est essentiel que nous adressions ce problème au sein de notre Parlement.

Avec cette loi, ce qui est intéressant, c’est que le Grand Conseil doterait son Bureau d’une procédure claire, car en l’état il n’y a rien qui permettrait de se saisir correctement d’un cas, rien qui permettrait de savoir quoi faire si des cas devaient se révéler. La loi permet aussi au Bureau du Grand Conseil de s’outiller d’un organe compétent pour se saisir d’éventuelles plaintes. C’est aussi se doter de compétences pour définir et cerner des cas, quand on sait que la définition du harcèlement sexuel provoque parfois des interrogations quand on en parle. Aujourd’hui, maintenir le statu quo serait prendre le risque de se retrouver confrontés à des situations réelles sans être en mesure de les traiter, ce qui n’est évidemment pas souhaitable, car les problèmes non résolus peuvent provoquer des avalanches. Ce serait étrange pour le Grand Conseil qu’il ne suive pas ce qui existe aujourd’hui au sein de son administration ; ce serait également étrange qu’il ne se saisisse pas de l’opportunité de prendre soin des conditions dans lesquelles ses membres travaillent, qu’il ne se saisisse pas de l’opportunité de garantir l’intégrité de ses élus. Le groupe Ensemble à Gauche et POP souhaite néanmoins relever que le projet de loi ne contient pas de sanctions éventuelles ; ce sont des choses qui existent ailleurs, notamment en France. C’est un point que nous regrettons, mais nous estimons que c’est un premier pas important.

Pour conclure, il est important que le Grand Conseil prenne ses responsabilités face à un phénomène qui porte atteinte à l’intégrité, en particulier des femmes. Pour ces raisons, le groupe Ensemble à Gauche et POP vous invite à entrer en matière sur le projet de loi et à le soutenir.

Mme Josephine Byrne Garelli (PLR) —

Je prends la parole en tant qu’ancienne membre de l’Intergroupe F, au début de la dernière législature. Lors d’une séance, le 11 juin 2019, Mme Maribel Rodriguez a fait une présentation : « Pourquoi parler du sexisme au Grand Conseil ? » Il s’avère qu’une étude concernant le harcèlement sexuel a été effectuée auprès de tous les parlementaires européens et publiée en 2018. Elle témoigne que 40,5 % des sondés ont subi des actes de harcèlement sexuel dans le cadre de leur travail parlementaire et que 50 % ont subi des remarques de nature sexuelle dans le cadre de leur fonction. Cette présentation fait la différence entre le phénomène global dans la société, où une femme parlementaire peut subir ce genre d’attaque à l’extérieur de son travail parlementaire, mais il apporte la preuve que c’est une problématique qui existe ou peut exister. Pour l’Intergroupe F, il semblait qu’il fallait s’adresser à cette problématique, car elle a un impact. Elle impacte les victimes, qui peuvent aussi être des hommes ; on en parle peut-être moins, mais c’est une réalité. Les victimes rapportent qu’elles perdent du plaisir à travailler, qu’elles ressentent une méfiance envers leurs collègues de travail, que leur concentration baisse et qu’elles sentent moins performantes. Elles sont dans l’impossibilité d’utiliser leurs aptitudes et de profiter des chances professionnelles qui leur sont présentées. Elles ont un sentiment de honte et de culpabilité ; les effets sur leur santé physique et psychique sont réels. Il y a aussi le risque de perdre sa place de travail, du fait d’une ambiance toxique où l’agresseur peut être soutenu. Il y a également un impact sur la vie privée des personnes. C’est pour cela que cette motion a vu le jour. Pour le reste, M. Démétriadès a bien expliqué la consultation auprès du Conseil d’Etat, la consultation auprès du Bureau du Grand Conseil, qui a abouti à la modification d’un article et à la mise en place d’un cahier des charges. Le groupe PLR, à l’unanimité, vous invite à entrer en matière et à soutenir le projet de loi.

Mme Alice Genoud (VER) —

Je me retrouve dans ce qui a été dit par mes préopinantes. Le phénomène du harcèlement n’est pas à minimiser. Nous avons pu voir, ces dernières années, une certaine libération de la parole des femmes sur cette question. C’est quelque chose dont on doit se réjouir, mais c’est aussi quelque chose qui nous met face à nos responsabilités. Je suis très heureuse de pouvoir discuter aujourd’hui de ce changement qui permettra d’avoir des procédures et une communication claires, qui explique quoi faire et où aller quand on est victime de ce genre de comportement. C’est une sécurité, quand on arrive dans un nouvel endroit. C’était encore un peu flou, ce qui était problématique.

J’étais membre de la première commission qui a traité le postulat Thalmann et j’ai également fait partie de l’Intergroupe F. C’est une thématique à aborder sur le long terme. Nous faisons ici un premier pas ; j’espère une évolution de la question et des changements potentiels si nous ne sommes pas satisfaits de cette évolution. Nous sommes dans une phase évolutive ; c’est bénéfique, mais on pourra probablement en faire davantage, différemment. J’espère que ce ne sera pas la fin des réponses à ce sujet, j’espère qu’avec cette procédure on se retrouvera dans un cadre sécurisé. Il est important de réfléchir à ces problèmes et de proposer des solutions efficaces, avec peut-être des bémols comme l’a dit Mme Lopez, mais qui pourraient être résolus dans un second temps.

M. Alexandre Démétriadès (SOC) — Rapporteur-trice

Je reviens sur les propos de Mme Carine Carvalho, qui évoquait l’importance que la directive soit communiquée proactivement par le Bureau. Cela va dans le sens de ce qui a été évoqué en commission. Je vous rassure : le Bureau s’est engagé à aller dans ce sens. Ce qui figure dans le rapport n’est pas représentatif de ce qui a été dit en commission, sur ce point. Je remercie sincèrement l’Intergroupe F d’avoir proposé cette motion et d’avoir très intelligemment défendu ce texte en commission. Vous faites avancer notre Parlement !

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

L’entrée en matière est admise par 111 voix et 4 abstentions.

Le projet de loi est adopté en premier débat à l’unanimité.

M. Alexandre Démétriadès (SOC) — Rapporteur-trice

Je demande le deuxième débat immédiat, étant donné l’unanimité sur ce projet.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

Le deuxième débat immédiat est admis à la majorité des trois quarts (105 voix et 5 abstentions).

Le projet de loi est adopté en deuxième débat et définitivement à l’unanimité.

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